Politique britannique vis-à-vis de l’entrée des immigrants

Insaniyat N°14-15|2001|Numéro spécial: Premières Recherches|p.221-226|Texte intégral


Fewzia BEDJAOUI


L'immigration contemporaine vers les pays développés est un phénomène qui est devenu un problème de démographie et depuis la seconde guerre mondiale, ce mouvement migratoire se concentra fortement vers les Etats Unis d’Amérique et l'Europe. La Grande Bretagne attira les plus importants flots d'immigrants provenant des pays du Commonwealth et demeura un point focal pour ces citoyens.

L'Inde et le Pakistan, autrefois l'Inde Britannique, furent des Colonies de l'Empire Britannique et depuis leur indépendance, les indiens et les pakistanais continuèrent d'émigrer vers la Grande Bretagne. La disponibilité d'emplois fût le principal stimulant et la Grande Bretagne exploita cette source de main-d’œuvre à bon marché pour combler particulièrement les niveaux inférieurs du marché du travail. Mais, le nombre d'immigrants du Commonwealth s'accrût rapidement de 1950 à 1960 alors que vers 1950 la demande de travail dans les industries principales du pays diminua [1].

Le flux massif d'immigrés du Commonwealth, notamment de l'Inde et du Pakistan a créé des problèmes socio-économiques et politiques[2].  Afin d'atténuer les situations conflictuelles socio­économiques, les gouvernements britanniques suivants essayèrent de limiter l'entrée et réglementer le flux des immigrés d'une part, et d'autre part de faciliter leur intégration en introduisant des mesures anti-discriminatives dans les domaines de l'emploi, l'habitation et l'éducation de 1960 jusqu'à la fin des années 80.

En dépit des mesures restrictives prises, le nombre des immigrés provenant du Commonwealth s'accrût et cette étude n'est qu'une tentative de découvrir jusqu'à quel point les gouvernements britanniques ont limité et réglementé le flux d'immigrés venant des pays du Commonwealth,y compris indiens et pakistanais et ont institué des changements afin de permettre aux immigrés résidents de s'adapter aux institutions existantes.

La structure du travail de recherche est organisée en tenant compte de ces deux objectifs c'est-à-dire, contrôle et réinsertion sociale des immigrés. Le premier chapitre se concentre sur les différentes vagues d'immigration qui eurent lieu avant les années 60 en Angleterre et les questions liées au travail, habitation, système familial et éducation afin d'offrir une meilleure compréhension du processus d'intégration dans les principales institutions, En fait, les immigrants devaient s'adapter aux institutions existantes aussi bien qu'ils le pouvaient.

Le deuxième chapitre examine la période allant de 1960 à la fin des années 80 durant laquelle les gouvernements britanniques successifs ont déployé leur responsabilité, particulièrement en promulguant et appliquant des lois sur l'immigration et la nationalité, afin de limiter l'entrée et réglementer le flux des immigrants du Commonwealth et des étrangers en général. Une section importante est réservée aux mesures coercitives englobant les conditions supplémentaires spécifiques à l'entrée, la résidence, le travail et l'acquisition de la citoyenneté britannique.

L'une des principales caractéristiques de ces lois est qu'elles insistent sur le moyen de subsistance, logement et l'acquisition d'emploi comme étant une condition requise à l'entrée. Mais contre l'entrée illégale, la puissance drastique de déportation est aussi mentionnée dans les lois de l'immigration puisque ce mécanisme est probablement un moyen convenable de se débarrasser des indésirables et de réduire le taux d'immigrants ayant accès au bien-être national, y compris accès au logement et travail, éducation, soins médicaux, sécurité sociale, allocations familiales et pensions. Un problème crucial surgit quand les immigrés deviennent un fardeau pour l'état c'est-à-dire dès qu'ils sont redondants dans le pays.

Cependant, un aspect particulier est ignoré par la majorité des lois, notamment le droit d'appel. Le droit d'appel, éphémère, à une Commission d'Appel de l'immigration datant de 1905 a été annulé jusqu'à la promulgation de la loi de 1969 portant sur les abus d'autorité tels que l'oppression et l'injustice, et élargie par les lois suivantes de 1971 et 1988 ; mais ce droit ne touche en aucun cas toute décision de nature politique.

D'un point de vue purement numérique, il est important de mentionner que les lois ont restreint l'entrée de 59.806 en 1963 à 28.000 en 1988 [3].

Si la première tâche consistait à limiter le nombre d'immigrants de par la promulgation des lois au niveau des différents gouvernements conservateur et travailliste, connues sous le nom de Lois des Immigrants du Commonwealth de 1962, 1971 et 1988, la seconde responsabilité fut de se concentrer particulièrement sur la question de l'intégration du nombre croissant des immigrés résidents et de leurs familles respectives. La question de leur intégration fut perçue par la classe politique britannique avec beaucoup de sérieux, ce qui contribua à promulguer les lois sur les relations raciales de 1965, 1968 et 1976 car leur exclusion sociale en Grande Bretagne pourrait donner naissance à la violence et au désordre dus au conflit racial et à la dégradation urbaine d'une part et d'autre part, au besoin d'habitation, emploi et éducation décents. L'objectif de la politique gouvernementale dès 1900 fut d'atténuer, prévenir ou d'empêcher ces pressions de devenir une source de situations conflictuelles dans cette société devenue multi-ethnique. Ceci fut entrepris grâce à l'introduction de nouvelles mesures officielles touchant de près ces questions socio-économiques.

Bien que différentes mesures contribuèrent à « résoudre » ces problèmes socio-­économiques, ce travail de recherche se limite à la question éducative particulièrement l'éducation.

Puisque l'éducation au niveau primaire a fonction d'agent de socialisation, développement et influence de l'attitude des enfants vers une intégration satisfaisante à la société anglaise[4] et puisque notre intérêt se limite aux institutions anglaises éducatives, particulièrement les écoles primaires étatiques en raison de la concentration des immigrés en l'Angleterre[5] et le rôle socialisateur de l'éducation primaire, le troisième chapitre se propose d'examiner l'impact de la présence des immigrés et de leurs demandes dans la politique éducative, y compris langue, personnel enseignant et curriculum de 1960 à 1980.

La réponse initiale des éducateurs aux changements démographiques, c'est-à-dire un accroissement de 4 millions d'enfants dans les écoles primaires étatiques en Angleterre et au Pays de Galles en 1961 et dont 46.000 d'origine immigrée, fut d'encourager, les enfants d'immigrants à s'adapter au système éducatif existant [6].

Cependant, le nombre d'écoles existant avant 1960 en Angleterre ne put satisfaire la demande de la population écolière. Le gouvernent répondit au développement d'écoles primaires en rénovant les vieilles bâtisses et en construisant de nouvelles écoles dans les zones appelées « à priorité éducative » en fournissant non seulement une aide financière mais aussi un contrôle sur les fonds, spécialement sous la section 11  de la loi locale gouvernementale de 1966[7].

La politique linguistique officielle des années 60 fut d'imposer l'apprentissage de l'Anglais standard comme matière obligatoire à tous les enfants, à tous les niveaux qu'ils soient britanniques ou immigrés.

La politique des langues étrangères consistait en la prédominance du français sur les autres langues européennes dans les écoles étatiques secondaires, et plus particulièrement avec l'introduction des écoles «compréhensives» dans le système éducatif national[8].

Quant à la politique officielle vis à vis des communautés ethniques, deux catégories de langues ethniques sont à considérer : celle qui englobe les langues indigènes en Grande Bretagne et ont donc une base régionale établie telle que la langue galloise, et celle qui comprend la langue apportée par les immigrés telle que le hindi ou l'urdu.

L'introduction des langues indigènes dans le système éducatif étatique y compris le gallois (irlandais ou écossais) est due en partie à la pression de certains groupes engagés à la protection et la restauration de la langue d'héritage, notamment le gaélique, depuis les années 50 [9]. Quant à l'introduction des langues maternelles des immigrés, elle est particulièrement le reflet d'un changement de la politique gouvernementale visant à répondre aux besoins des enfants d'immigrés linguistiques, académiques et sociaux. Elle est aussi le résultat de pressions de la Communauté Economique Européenne [10]et d'immigrés [11] et de recherches Eminentes assumant que les bases solides de l'acquisition de la langue anglaise et de la réussite académique ne pouvaient être obtenues qu'à partir d'un enseignement intensif de la langue maternelle des minorités ethniques [12] .

Le critère de sélection des langues étrangères prenait en considération la concentration des enfants d'immigrés dans ces écoles, le choix de la langue standard associé à l'instruction officielle dans le pays d'origine et aux pratiques religieuses.

Et partir de la fin des années 70, les langues des minorités ethniques furent utilisées principalement comme moyen d'instruction afin d'assurer une continuité dans le développement linguistique et cognitif des enfants d'immigrés au niveau primaire [13].

Au niveau secondaire, les langues des minorités ethniques ont acquis, le statut de langues étrangères dans le curriculum scolaire aux côtés du français et de l'allemand [14] .

De plus, l'approche multi-culturelle du gouvernement fut de procéder à des modifications de certaines matières : histoire, géographie, littérature, musique, art et instruction religieuse dans le but d'accentuer la valeur des cultures et religions des écoliers d'origine immigrée [15] .

En conformité avec la loi éducative de 1988, l'instruction religieuse, comprenait l'étude d'une variété de religions particulièrement le christianisme et celle des minorités afin de promouvoir le sens des valeurs y compris le respect pour l'intégrité des coutumes et pratiques religieuses des différentes communautés ethniques [16] .

Suite aux modifications du curriculum, le personnel enseignant devait être adéquatement formé dans les institutions éducatives professionnelles afin de s'adapter aux réalités sociales et pour des raisons pédagogiques.

En plus de la nécessité de former des enseignants qui seraient mieux informés et plus sensibles aux implications de travail dans une société multi-ethnique[17], le manque de matériel approprié était le problème le plus complexe et qui ne pouvait être résolu qu'avec le temps et l'expérience en utilisant différentes approches d'enseignement.

En ce qui concerne l'examen publique, la diversification linguistique fut une réussite au point où les commissions du « bac » (général certificats of secondary éducation) développèrent des examens en prenant en considération la diversité linguistique et culturelle de la société [18].

L'expérience de l’Angleterre en terme, d'éducation des immigrés nous montre l'importance considérable de la question linguistique. Cette politique semble dépendre grandement de l'entreprise des enseignants, du degré de réussite de ces enseignants quant à répondre aux différents besoins éducatifs et culturels de tous les enfants immigrés et indigènes. C'est probablement de cette manière que les cultures et les communautés ne s'ossifieront pas et ne stagneront pas.

Cependant en dépit des différents efforts du gouvernement britannique de respecter les souhaits des parents immigrés, certains parents de confession musulmane restent insatisfaits et établirent des écoles séparées afin de préserver leur identité et foi islamiques.

Le gouvernement britannique reconnaîtra probablement que des efforts soutenus seront nécessaires pendant de nombreuses années afin d'améliorer la compréhension des immigrés

sur le rôle de l'éducation étatique, en fait , d'assurer de bonnes relations entre tous les membres de la société. Etant donné ce contexte de réductions financières probables d'une part, et de mécontentement des parents immigrés, d'autre part, il est difficile de ne pas être profondément pessimiste au sujet du futur de l'éducation multi-ethnique ainsi pratiquée dans certaines écoles anglaises étatiques puisque certaines communautés immigrées commencèrent à critiquer le système éducatif.

Fewzia BEDJAOUI


Notes

*- Magister  soutenu en 1999 à l'Université de Sidi Bel Abbes, Département des Langues Etrangères, intitulé : Politique Britannique vis-à-vis de l'entrée des immigrants et leur éducation de 1960 à 1990.

[1]- Immigration into Britain. Her Majesty Statistical Office Publications, n° 62/87.- p.1.

[2]- Solomos, John Black : Youth, Racism and the State.- London, Cambridge University Press.- p.34.

[3]- Control of Immigration Statistics : U. K., 1988.Her Majesty Statistical Office Publications, June 1989.

[4]- Cotgrove, Stephen : The Science of Society.- London, George Allen and Unwin Ltd,1970.- p.99.

[5]- Patterson, Sheila : Immigration and Race Relations in Britain 1960-1967.- London, Oxford University Press, 1969.- p. 195.

[6]- Smith, Lester W.O. : Education in Britain.- Oxford University Press,1959.- p.l47.

[7]- Lawson, John. and Silver, Harold : A Social History of Education in England.- London, Menthuen and CO Ltd, 1978.- p.455.

[8]- Toffelson, James.W. : Power and Inequality in Language Education.- Cambridge University Press, 995.- p.p. 40-41.

[9]- Ager, Dennis : Language Education for Inter- cultural Communication.-  Clevedon, Multilingual Matter's Ltd,1983.- p.50.

[10]- EEC Directive 77/486.

[11]- Trudgill, Peter : Language in the British Isles.- London, Cambridge University Press, 1989.- p.435.

[12]- Baker, Colin : Foundations of Bilingual Education and Bilingualism.- Clevedon, Multilingual Matters Ltd,1998.-  p.205.

[13]- Toffelson, James : Op. cité.- p.83.

[14]- Trudgill, Peter : Op. cité.- p.435.

[15]- Mac Leod, Donald : What Children will Need to Know.- Independent, 4 April l990.

[16]- Parsons, Gerald : The Growth of Religious Diversity-Britain from 1945.- London,1994.

[17]- Thomas, John : British Universities and Teacher Education-A Century of Change.- London, the Palmer Press, 1990.- p.l43.

[18]- Thomas, Murray : Politics and Education.- Oxford, Pergamon Press, 1983.- p.2l5.

 

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