C’est un bien joli petit livre que publie Ibis Press dont on connaît la qualité des ouvrages (une bonne douzaine) que cet éditeur a consacrés au Sahara, et qui vient s’inscrire parmi ses précédentes publications traitant de l’environnement saharien, notamment Fleurs du Sahara, Arbres et arbustes du Sahara, et avec Moissons du désert, de l’utilisation ou de l’adaptation qu’en a faites l’homme : des ouvrages que se doit d’avoir dans sa poche tout visiteur avide de comprendre la spécificité des milieux désertiques.
Avec Milieux et paysages du Sahara, comme A. Morel le précise dès l’introduction, il s’agit d’ « aborder le paysage de manière globale, comme étant l’expression de l’interface homme/nature ». On ne pouvait mieux annoncer ce qui fait la spécificité de chacun des chapitres de l’ouvrage qui s’enchaînent en un vocabulaire parfaitement intelligible au non-spécialiste (l’auteur est un géographe que sa spécialité, la morphologie, habitue à utiliser un vocabulaire parfois hermétique, ce dont il a parfaitement réussi à se démarquer). Félicitons donc l’auteur d’avoir su se mettre au niveau des lecteurs qui, tous, ont découvert (ou vont découvrir) qu’au Sahara le "nu topographique" (l’absence de sol, au sens où nous l’entendons sous climat tempéré ou tropical) incite à s’interroger sur le moindre détail du relief, ce qui explique d’ailleurs que « les perceptions physiques sont toujours fortes au désert ».
L’ouvrage débute par la description d’un itinéraire qui conduit du nord au sud du Sahara, intitulé De Béchar à Agadez, et reprend à quelques compléments près un "transect" faisant la trame d’un précédent ouvrage auquel l’auteur a participé, La caravane, classé dans la bibliographie (où son nom n’est pas cité, simplement compris parmi les auteurs sous le terme d’alii…). Le chapitre suivant, Les roches racontent, est une description du monde minéral et de ses composantes : 25 pages qui introduisent en bonne logique les deux chapitres qui suivent, Un musée de formes, Les paysages du passé. C’est l’occasion de souligner l’originalité des processus (érosion, accumulation) qui façonnent aujourd’hui, ou ont façonné – sous les climats les plus variés - les reliefs sahariens au cours de millénaires, voire de millions d’années, lui donnant une extrême diversité sous l’apparente uniformisation désertique. Une place particulière est accordée aux montagnes, ce qui ne surprend pas quand on sait que c’est dans l’une d’entre elles, l’Aïr (Niger), que l’auteur a effectué une grande partie de ses recherches, et dans la mesure où il s’agit de milieux plus humides, plus cléments, voire plus salubres, ce qui leur vaut d’être des "sanctuaires écologiques" où de surcroît (pour le chercheur) se situent certaines des réponses aux questions que l’on se pose en milieu proprement désertique, c’est-à-dire à leur pied – ainsi en est-il des flores résiduelles que ces milieux montagnards abritent. « Monde idyllique, monde de l’extrême – ce qui est commun à toutes les montagnes du monde – mais qui se double ici de la luminosité des paysages, de l’attrait du soleil et de la sympathie des populations ». L’auteur aurait pu en rester à ce constat, mais il a tenu, avec raison, à consacrer une vingtaine de pages aux bordures sahéliennes et maghrébines du désert : une manière de mieux cerner ce qui fait la spécificité des milieux sahariens et de prendre en considération les processus de désertification actuellement à l’œuvre sur ces périphéries du Sahara, tout en mettant l’accent sur le fait que cette désertification est régionale côté nord, et zonale, donc beaucoup plus alarmante, côté sud, c’est-à-dire sur la frange sahélienne. Les dernières pages, en un chapitre intitulé Paysages insolites abordent les différentes formes d’exploitations minières depuis celle, traditionnelle, du sel, jusqu’aux plus récentes, celle de l’uranium, du pétrole, du fer, plus localement du lignite, qui sont à l’origine de paysages industriels : nous sommes en limite du sujet. Ce qui n’interdit pas à l’auteur de consacrer près d’une trentaine de pages à un ultime chapitre intitulé Le Sahara et l’eau : un chapitre qui se veut une conclusion et qui pourrait être une introduction à un autre ouvrage, celui-ci consacré à la mise en valeur du désert…
C’est dire la densité d’une information qui vient enrichir la collection voulue par l’éditeur. Un éditeur que l’on se doit de remercier d’avoir, avec la publication de 166 photographies et 22 cartes ou croquis, mis tant de soin à la réalisation matérielle de Milieux et Paysages du Sahara. Un ouvrage, je le redis, que tout candidat à la découverte du Sahara se devrait d’avoir dans sa poche.
auteur
Jean BISSON