L'Architecture Aujourd'hui, n0 313, octobre 1997.
Bilbao, le musée de Guggenheim de Frank Gehry et Brasilia 1957-1997 : visite de Jean Rotin, retour de René Burri, constituent les deux dossiers de ce numéro.
Sous les rubriques histoire, visite et projet, le premier dossier retrace la genèse du musée que François Chaslin qualifie de «...complexe. accidentée parfois burlesque souvent obscène... ». L'article intitulé Bilbao en toute franchise s'appuie sur l'œuvre de l'anthropologue basque Joseba Zulaika, Crónica de una seducción pour montrer la « ... soumission du marché de l'art aux critères des places financières». L'idée consiste à développer l'exportation de l'art pour lui donner une dimension internationale de franchise à l'instar du fast food de McDonald. Bilbao s'offre opportunément à cette expérience qui justifie un montage de circonstances digne du know how et le business pour couvrir le choix de l'architecte Frank Gehry et puiser dans le budget du fonds public. Le résultat en est pour F. Chaslin cette « gigantesque interpénétration de cavernes et de voûtes ogivales, ventre énorme, fractal aux espaces chaotiques». Entre ce qui est donné à voir et ce qui est tu, Jean-Paul Robert nous propose une analyse sur la base d'une visite des lieux en se demandant a quoi tiennent «la complexité et la subtilité de l'édifice».
David Leclerc pour sa part nous conduit dans la genèse du projet et montre comment ses «grandes lignes ... ont peu évolué d'un terme à l'autre de son histoire ».
Le deuxième dossier de la revue signé Yannis Tsiomis et Jean Rolin, donne les représentations de Brasilia aux bornes de 40 années d'intervalle. Celles des circonstances de sa naissance en tant que nova capitale exprimant dans l'espace « la volonté d'affirmer l'indépendance, l'identité... ». Puis celles des images d'une actualité déphasée des déclarations premières qui ambitionnaient de créer une ville sans « ... discriminations sociales et économiques».
L'Architecture Aujourd'hui, n° 316, avril 1998.
Dans les 2 dossiers de ce numéro sur la maison, l'un est consacré à l'architecte franco-américain Paul Nelson (1895-1979), l'autre a l'architecte japonais Toyo Ito.
Dans son article la maison qui n'existe pas, Jean-Paul Robert introduit la maison suspendue de Paul Nelson.
Le récit d'un parcours, enquête, lecture et analyse étayent les données de cette étude dont l'objet fut présenté en 1937 dans un livret de l'Architecture vivante. Au cours du ".... bouillonnement intellectuel qui agite les années 30 », P. Nelson recherche une méthode personnelle de conception. Le défi du peintre Jean Hélion pour créer la maison de la forme de la vie, provoque l'idée d'une réflexion fondée sur les principes de «contradictions». Jamais construite la maison de P. Nelson qui constitue un travail d'anticipation et d'exploration, reste pour l'instant « vie légende».
Sur la villa G, Toyo Ito dans son article: Mort d'une maison, cherche a nous expliquer le concept de «force virtuelle» dans l'espace d'habitation. Ce projet retrace les récits et témoignages d'une expérience mettant en rapport l'architecte et da cliente qui est en même temps sa sœur. Ce fut pour lui «l'occasion d'une belle méditation sur le sens de l'habitat, sur la place de l'architecture et le rôle de l'architecte, et par delà sur la mémoire et le temps». La villa G présente la particularité de n'avoir existé que 20 ans. Elle fut démolie à la demande de ta famille propriétaire.
L'Architecture Aujourd'hui, n° 317, juin 1998.
Quels paysages ? which landscapes?
Le thème de paysage ouvre le champ d'expression à trois dossiers regroupant portait, entretien, essai, photographies et parcours de projets d'architectes de divers horizons.
Armelle Lavalou présente Matti Sanaksenaho, architecte finlandais d'origine lapone. C'est en effet dans le paysage désertique de la Laponie qu'il trouve «… ses paysages personnels». Jugés «inclassables» ses travaux traduisent une position qui « ... évolue loin des modes et des théories».
Sur un autre registre, les photographies de Josef Koudelka dressent un réquisitoire muet sur~la région européenne nommée le Triangle noir. Située au sud du Leipzig, cette partie de la Saxe a connu en l'espace de 60 ans « ... le plus vaste désastre écologique d'Europe».
Différentes équipes d'architectes et paysagistes présentent ici des pistes de réflexion pour « ... dessiner les voies d'un avenir et d'une thérapie possibles». De façon indépendantes, elles se résument à : « ... transformer le site en un laboratoire pour des expériences urbanistiques».
« ... la mise en eau des anciennes mines... pour créer un paysage lacustre...».
« .. .poursuivre l'exploitation minière ... mais cicatriser les frontières trop franches des terrassements miniers».
«Des interventions ponctuelles ... pour jeter les bases de nouveaux réseaux et d'une sorte de reconversion par contamination».
Ne pas proposer de projet concret car il ne changera pas les dimensions culturelles, historiques et politiques du problème. «Le modèle proposé se fonde sur l'idée de nouveaux modes de travail autorisant de nouveaux modes de vie...».
L'essai du philosophe Gilles A. Tîbergliien, Quels paysages ?, fait une série de questionnements liés à l'intervention sur un paysage ravagé. Encore faudrait-il se poser le problème de notre perception du paysage. Intervenir c'est prendre des risques avec l'Histoire. L'auteur nous renvoie à ce sujet à la pensée de Nietzsche qui opposait à la pratique antiquaire et monumentale de l'histoire celle productive et tournée vers l'avenir.
Dans son dossier Sous les pavés, l'herbe, l'architecte Philippe Rahm présente un manifeste appuyant son observation sur des oeuvres et projets récents. Il situe ses commentaires dans le domaine de l'architecture écologique ce qui lui permet «... d'esquisser une attitude et d 'accrocher quelques thèmes qui la caractérisent».
Urbanisme, Il 0303, novembre - décembre 1998.
Dossier : Mémoire et projet
Philosophes, architectes et historiens participent à ce groupe de réflexion de la revue Urbanisme pour débattre des notions de projet urbain et projet architectural en relation avec la mémoire. L'éditorial signé François Barré & Thierry Paquot ouvre le dossier en se questionnant sur le nouveau rapport entre la mémoire humaine et la mémoire virtuelle introduite par l'informatique.
Dans ce contexte, la lecture que nous propose Paul Ricoeur sous l'intitulé Architecture et narrativité ouvre le débat sur le thème de la mémoire à partir de sa définition la plus générale. Il pose le rapport avec l'architecture en la glorifiant « ... de rendre présent non pas ce qui n'est plus mais ce qui a été à travers ce qui n'est plus». Il annonce ainsi toute la difficulté du sujet suggéré par la question «la mémoire des pierres parle-t-elle aussi bien que celle des textes?
Frédéric Worms se questionne sur La différence des mémoires et invite à délier le son et le sens des mots en procédant par un survol historique depuis la fin du XIXème siècle. Ses remarques sur la mémoire, notion énigmatique et ambiguë" ouvrent une réflexion sur l'importance du monument et la structure du souvenir Chiristian Devillers dans Temps et nature du projet urbain fait le rapport entre le projet urbain et le projet architectural en situant la nature de leur différence et du dialogue qui s'instaure entre eux.
Une génétique urbaine de B. Huet aborde la question de l'approche des problèmes urbains en faisant ressortir l'importance de leur diversité. Il réitère la notion de relation dialectique entre les éléments qui constituent la ville à lire "…comme une archive absolument essentielle pour notre culture». Dans ce mouvement d'aller-retour, l'acte culturel de la pratique professionnelle et le devoir de mémoire se doivent de repérer des traces, de les révéler et de les utiliser selon une démarche transformatrice.
François Loyer à travers L'ambiguïté culturelle des espaces protégés ... analyse les mécanismes relationnels sociologiques, politiques et culturels à l'oeuvre entre l'ancien et le nouveau, et pose les termes d'une convention réconciliatrice». Dans le débat de la modernité et son rapport au passé, il s'agit de ne pas rompre l'identité d'une civilisation. Le coeur du problème pour l'auteur est à situer au niveau de la production de l'architecture ordinaire dans laquelle s'impliquent l'art, la culture et la société. L'idée consiste à considérer le rythme. le matériau et l'échelle comme les éléments structurants d'une architecture. Elle renvoie à des questions de principes de densité, de typologie parcellaire après avoir clarifié le code entre visible et non visible, convention et liberté.
Une unique beauté? de Pierre Pinon apporte ses observations critiques sur l'intervention architecturale dans un milieu ancien. A partir de prospection historique, Il s'interroge et développe la notion de valeur patrimoniale. Il montre en s'appuyant sur une série d'exemples, l'ancienneté de la question et les leçons à en tirer pour l'époque actuelle. Il conclut par une incitation à la réflexion qui pourrait s'appliquer aux notions de zonage en urbanisme, de « vérité des matériaux » en architecture, de i 'inscription des édifices dans le tissu urbain...
Alexandre Melissinos, Entre crée et conservé : une amitié critique situe l'enjeu plus au niveau de l'urbanisme que de l'architecture. L'idée de l'auteur est que la conception de la conservation urbaine comme la gestion de la transformation permettent de continuer l'histoire. Son questionnement porte sur la relation entre projet et contexte qui nécessite pour être assumée, une connaissance de la ville. Il constate et déplore la faiblesse de la culture urbaine et du débat qui se réduit au «j'aime - j'aime pas ». Il met l'enjeu de la culture au centre du débat car « ... la réelle protection consiste à regarder les lieux, à les comprendre et à débattre du projet en connaissance de cause ».
Dans un entretien provoqué par Joseph Belmont, Jean-Marc Blanchecotte, Michel Brodovitch, Anne-Marie Cousin et Jean-Marie Vincent, Jean Nouvel donne son point de vue sur la conservation et la création architecturale, et sur l'évolution de cette « concrétion » physique et historique qu'est la ville. Il s'exprime en terme de plaisir, complémentarité et enchâssement dans le processus d' intervention architecturale en milieu urbain. Plusieurs questions passionnantes sont abordées au cours de cet entretien notamment sur la compétence autant des maître de l'oeuvre que de l'ouvrage sur la nécessité d'organisation spécifique à instaurer dans ce type d'opération pour échapper àla démarche «hyperréglementée » et imposée par une administration de la censure. J. Nouvel note d'ailleurs le rôle négatif de la rigidité des règles dont l'impact est de réduire 1'analvse et le diagnostic. Organiser la communication avec les habitants, faire un travail de pédagogie est ce qui ressort en définitive de cet enchissant entretien basé sur l'expérience.
Dans ce même ordre d'idée Bernard Reichen propose une méthode pour un urbanisme inédit. Il s'agit de mettre en place des " . . modalités d'interventions publiques qui pourraient mobiliser les habitants et des bases pour une politique claire et partagée". Il introduit la notion de seuil et pose le problème de la continuité en ternie d'équilibre à rechercher entre la ville stabilisée et la ville en formation. Le concept de continuité est à relier selon cette problématique, à la triade «mobilité: nature Histoire». Au chapitre de la réflexion, l'auteur inscrit la question essentielle de l'obsolescence. Le même problème de compétence est ici posé en même temps que de méthode d'intervention qui nécessite de nouveaux statuts au niveau du langage et de la production cartographique.
Pour une arcliéologie de demain de Yannis Tsomis, clôt le dossier en relevant deux dichotomies : - l'une sur le divorce entre ville et architecture déjà annoncé par B. Huet.
L'antre entre ville et cité.
Que faire de la ville ? est la question centrale que se pose l'auteur à partir de l'intervention dans le délicat contexte du site archéologique de l'Agora d'Athènes. « De quelle tradition parle-t-on alors? Quelle histoire choisir? Pour la mémoire de qui?» reflètent autant dire, mot pour mot l'exactitude des problèmes qui se posent au contexte de l'Algérie en construction. Encore une fois la demande de compétence, de savoir et savoir-faire s'insère dans le discours «autant dans la pratique que dans l'enseignement de l'urbanisme et de 1'architecture». Le dessin et le dessein se doivent de traiter des «situations» et non plus dés « contextes».
Auteur
Ammara Bekkouche