Ouvrage issu d’une thèse de doctorat en architecture et longuement préfacé par Alain Rénier pour appuyer non seulement son originalité mais sa double novation : l’une est de faire éditer un travail de recherche qui sort des sentiers battus par les médias plus préoccupés par les stars et le culte de la forme ; l’autre conforte l’idée de faire thèse de questions d’architecture considérée jusque là comme discipline d’action. Ce travail se situe donc au cœur d’une nouvelle attitude intellectuelle qui consiste à montrer l’autonomisation de l’architecture vis-à-vis des sciences dites connexes pour produire au sein de son propre domaine d’intervention.
Prenant comme objectif l’acte de comprendre la démarche de conception et de projet en architecture, l’observation est nourrie du moment historique de mai 68 remettant en question la poigne du système des patrons d’ateliers et la production de cadre bâti. «Le recours fait à ces moments-là par Olivier Tric à Le Corbusier n’a pas été signe d’allégeance de sa part aux théories de celui-ci, mais plutôt une machine de guerre pour ébranler les certitudes académiques de l’enseignement dispensé en atelier, réduit à l’apprentissage du projet ».
Pour comprendre les processus de conception et de réalisation du projet, l’auteur construit sa démarche épistémologique en deux temps : celui qui montre la disposition et l’ordre des référents que sont l’usage, l’enveloppe et la structure, celui qui montre les relations d’acteurs dans les procédures qui les structurent. La contrainte du coût n’est pas toujours présente comme nous le montre le cas de la Bibliothèque de France de Dominique Perrault. Mais quand il détermine les a priori du projet, il peut remettre en question sa faisabilité, comme il peut être source d’idée novatrice à l’exemple du cas des projets de logements sociaux analysés. Pour l’exemple, Nemausus de Jean Nouvel montre comment la volonté d’un architecte de faire des logements plus grands avec le même budget, s’articule à un contexte où maîtrise d’œuvre et maîtrise d’ouvrage trouvent ensemble les compromis nécessaires à la concrétisation de l’idée. La part de l’usager dans la conception apparaît sous des tonalités diverses, mais reste représentée par le maître d’ouvrage qui dans les relations d’acteurs peut être amené à revoir ses décisions face au pouvoir d’un règlement jalousement imposé par les experts de différentes structures de la construction. Tel est le scénario rapporté par la restitution des procédures de conception de l’hôtel «La Pérouse» où négociations et compromis confortent l’illustration du modèle systémique de la démarche du projet. Il se compose de l’ensemble complexe du système d’acteurs et du système d’action de conception que l’auteur représente schématiquement sous forme d’hélices en évolution. Il traduit ainsi, la complexité des situations de récursion et d’attente qui spécifient ce type de circonstance faisant apparaître le caractère téléologique de la démarche du projet.