Métis entre langues et racines

Insaniyat N° 32-33 | 2006 | Métissages maghrébins | p.15-24 | Texte intégral


Language, crossbreeding and roots

Abstract : To a certain extent, where crossbreeding questions origins (of an individual or community) and the ethnic problem, one can put forward without too much risk of error that this is also or especially ( ?) a problem of « roots » Obviously  we need to define what we mean by that . In fact, the difficulty appears as soon as we retrace the history of a vocable problem, generally an unutterable name    (otherwise recorded as a perjurativism or ostracism) to say a preotiform reality.
In other respects, if the biological dimension is thus undoubtably determinant in perceiving crossbreeding, this dimension in no way excludes a certain number, no less important dimensions : cultural, social, even political. It is precisely these different fields that we try to explore approximatively from Antiquity till modern times through some transhistorical crossbreed figures.

Keywords : etymology - identity - language - crossbreeding - roots.


Mourad YELLES : INALCO – Université de Paris VIII.


Dans la mesure où le métissage pose la question des origines (d'un individu ou d'une communauté) et la problématique de la race, on peut avancer, sans trop de risques d'erreurs, que c'est aussi (surtout ?) un problème de racines. Reste évidemment à définir ce que l'on entend par là. De fait, la difficulté surgit dès qu'il faut retracer l'histoire d'un vocable problématique, d'un nom généralement indicible (autrement que sur le registre de la péjoration ou de l'ostracisme) pour dire une réalité préotéiforme. Dans une belle étude consacrée au Mestizo as crucible, Christine de Lailhacar nous rapporte son désarroi méthodologique lorsque, au seuil de sa recherche, elle découvre qu'elle ne dispose pas même d'un terme fiable pour désigner l'objet de son travail :

(…) When I started out on my Odyssey exploring the creations of persons of mixed blood and cultures, my Muse refused to tell me the name of the collective entity. No compass, no sextant, no title either for the subjetc of my work, nor for the grammatical subjects of those poetic voices that had attracted me with the demonic power of sirens. I had to transgress national-linguistic borders to borrow from Spanish the word   « mestizo » (from Latin mixtus), because the English language does not offer a neutral term – no more than do the German or Russian[1].

De fait, on peut commencer par rappeler que le « métis » n'existe sous ce nom que dans les cultures latines ou latino-américaines. C'est bien chez elles qu'on le trouve sous cette forme lexicale : mestizo en espagnol, mestiço en portugais, meticcio en italien, mischling en allemand. L'aire culturelle anglo-saxonne, quant à elle, connaît halfcaste ou, péjorativement, halfbreed pour les humains et crossbreed pour les animaux. Quant au processus proprement dit (métissage), il est nommé kreuzen par les Allemands et race crossing, hybridization ou, plus rarement miscegenation, par les anglo-saxons. Pour ce qui est de l'aire slave, le russe connaît un nechistaya krov (« de sang impur ») dont les connotations morales sont particulièrement évidentes[2].

Pour ce qui est du monde sémitique, le « métis » est présent là encore dès l'origine comme l'attestent les différents thèmes lexicaux associés à l'idée de mélange. Nous avons ainsi la forme MSĞ ou MŠĞ/K qui donnera l'arabe mazağa (et ses dérivés mazīğ ou 'imtizāğ, «  mélange ») ainsi que l'hébreux māsak, formes dont on peut retrouver la trace au début du 2ème millénaire en Mésopotamie, jusque dans l'appellation de ces « mesquins » (muškênu) évoqués par Julia Kristeva lorsqu'elle évoque la situation des étrangers dans l'empire d'Hammurabi[3].

Nous rencontrons également la forme KHLṬ qui apparaît massivement dans l'arabe khalaṭa et ses dérivés[4]. Enfin, les formes WLD, « enfanter, engendrer » et KHLṢ, « être de couleurs mélangées », se retrouvent dans l'arabe médiéval muwallad et khilaṣī, termes par lesquels on nomme les enfants de père ou de mère non arabes.

D'une manière générale, les champs sémantiques qui se déploient et se combinent parfois à partir de ces différentes racines s'organisent autour de trois axes[5] : les activités domestiques ou techniques, les processus psychiques ou corporels, les pratiques sociales ou sexuelles. Nous avons donc d'abord la référence au mélange de vin et d'eau ('imtizāğ), de beurre et de graisse ou de viande, de lait doux et aigre, de dattes de différentes espèces, de foin et de paille (khilṭ), d'herbes vertes et jaunes (khûlṣ). Dans le même domaine, le maghrébin connaît un mzāğ pour nommer le « cercle de crible ou de tamis »[6]. On parle aussi du mélange des quatre "humeurs" ‑ bile, atrabile, flegme, sang ‑ qui constituent le tempérament d'une personne (mizāğ, 'ikhlaṭ), de la couleur "poivre et sel" d'une chevelure où se mêlent les cheveux noirs et blancs (khalīṣ). En outre, il est question du commerce des hommes entre eux ‑ conversation, relation d'affaires ‑ et avec les femmes ‑ liaison sexuelle, cohabitation ‑ (khalṭ). Enfin, on signalera un dernier registre, plus marqué sémantiquement et qui peut renvoyer à la notion de confusion et de désordre, d'aliénation mentale, voire même de possession diabolique (khalṭ), à une situation de fraude et à un état de stupidité ou de bêtise (khilṭ).

Avant de finir, il nous faut rapidement revenir sur les dérivées khilṭ et khilāṣī et muwallad qui signifient explicitement « de race mélangée ». Pour ce qui concerne la première forme, à partir du légendaire Lisân al-Arab d'Ibn Manzour, Lane propose cette définition : « a man of mixed race or a bastard (…) A man of mixed race or of faulty race »[7]. Pour ce qui est de la seconde forme, de Biberstein Kazimirski définit le khilāṣī comme un être humain ou animal : « 1. Né d'un père noir et d'une mère blanche, dont le teint offre le mélange de deux sangs. 2. Coq dont le plumage offre le mélange des gallinacées de perse et de l'Inde »[8].

Nous terminerons par la forme muwallad, précédemment mentionnée, et que L'Encyclopédie de l'Islam définit comme un

Terme appartenant au vocabulaire des éleveurs et désignant le produit d'un croisement (tawlīd) entre deux races animales différentes, donc un hybridé, un sang-mêlé. Il n'est nullement surprenant qu'il ait été étendu aux humains à partir du moment où s'est manifesté le sentiment que la pureté de la race arabe s'était altérée par suite des conquêtes, de l'afflux d'éléments allogènes et des mariages mixtes. Dans un sens plus restreint, muwallad désigne un métis, un mulâtre ou encore, comme dit Dozy (Suppl., s. v.) « Celui qui, sans être d'origine arabe, est né parmi les Arabes et a reçu une éducation arabe »[9].

Ainsi qu'on peut le constater à la lecture de ces différentes informations, il apparaît, en première approximation, que les domaines d'application du métissage oriental sont aussi variés que le sont les figures du métis relevant de cette vaste aire culturelle. Mélange de caractères physiques mais aussi de pratiques sociales et d'habitudes communautaires séculaires, il semble pourtant placé sous le signe de l'ambivalence : humanité et animalité, maturité et déchéance, ruse et déraison, fascination et répulsion[10].

Qu'en est-il à présent de cette figure vue du côté de l'Occident ? Si l'on en croit le Nouveau dictionnaire étymologique et historique, la première apparition (livresque) du *mestis se situe à l'époque des Capétiens, vers la fin du 12ème siècle[11]. Pris comme adjectif, il a alors déjà son sens actuel de « mélangé ». Bien entendu, son orthographe connaîtra quelques fluctuations, tels ces metif, mestif (-ive) en usage entre les 17ème et 18ème siècles. Nous reviendrons plus loin sur les différentes ramifications étymologiques du mot à l'échelle européenne. Pour l'instant, il convient de remonter le cours du temps et de rappeler que les spécialistes s'accordent sur une racine indo-européenne commune à l'origine de notre vocable : *milk-, *mig- ou *meik'-, *meig'. Elle provient du sanskrit miçráh ou mišras et signifie mêlé[12]. Historiquement, il paraît donc acquis que la représentation mentale initiale associée par les peuples d'origine indo-européenne à notre moderne métissage renvoie à une opération physique (et à son résultat) impliquant une combinaison de plusieurs éléments ou composants.

Le premier champ d'application de cette notion concerne là encore les activités liées à l'élevage ou à l'agriculture. Ainsi, pour le latin mixtus, le Dictionnaire étymologique de langue latine précise qu'il « repose sur la forme désidérative à –s- qu'offrent skr. ā-mikşā "caillebotte", mekşáyati "il remue, il agite" »[13]. De même, la forme mixtus, ūs, dérivée de misceō, -ēs, -uī, mixtum (mistum), -ēre, signifie « dans la langue rustique, "mélange de semences", (…) sens technique qu'on retrouve dans les dérivés romans de mixtum, mixtiō, mixtilia "méteil". »[14].

Chez les premières communautés de pasteurs ou de paysans, l'importance des croisements et autres greffages a dû apparaître relativement tôt. Il est connu que la fameuse "révolution du Néolithique" repose sur le passage d'une économie de subsistance (chasse, pêche, cueillette) à une économie de production. Cette dernière implique la mise au point graduelle d'une sélection des espèces animales ou végétales les mieux adaptées au climat, au mode de vie et s'est progressivement imposée comme une nécessité vitale. A ce sujet, Sandor Bökönyi fait observer que, s'appliquant sur une longue période,

« La domestication était une forme de symbiose particulière à travers laquelle hommes et animaux avaient influé réciproquement sur leur évolution respective. L'influence de l'homme s'exerçant avec plus de force, les animaux domestiqués subirent des transformations considérables. (…) Les espèces domestiquées durent faire face à toute une série de contraintes nouvelles qui entraînèrent des changements sans précédents. De fait, il n'est pas un seul organe ou une partie du corps des animaux qui n'ait, semble-t-il, réagi à ces contraintes ». [15]

Ce rappel est important dans la mesure où il évoque une évidence souvent oubliée ou négligée : sans remonter à l'insoluble question des origines, il est certain que l'homme se métisse biologiquement à partir du moment où il entre en interaction avec son milieu et, en particulier avec les plantes et les animaux. De ce point de vue, l'invention de la domestication des espèces est un processus ambivalent qui présente des similitudes évidentes avec le métissage. Comme nous aurons l'occasion de le montrer, ce dernier affecte et modifie lui aussi – de manière différente, certes, et à des degrés divers -, les deux partenaires.

Il est très important de noter qu'à partir de la racine sanskrite (miçráh ou mišras), on peut déterminer deux champs sémantiques distincts, voire opposés dont il semble, pour autant que l'on puisse en suivre les étapes à travers l'évolution des thèmes étymologiques, qu'ils ont progressivement été affectés de valeurs contraires, positive et négative. Dans cette hypothèse, les références (valorisées) au premier d'entre eux privilégient les procédés technologiques et les symboles liés à de nouveaux modes - nécessairement conçus comme supérieurs ‑ de production et d'organisation sociales[16]. A l'image de la caillebotte (ā-mikşā), le mélange implique ici un réordonnancement positif d'éléments du réel et, en un certain sens, une véritable "création". Il est ici question ni plus ni moins que de l'invention d'une réalité tierce, à commencer par celle qui met en cause le processus même de diversification biologique (par la greffe et l'hybridation).

A l'inverse, si nous considérons la racine sanskrite à partir de l'un de ses dérivés, (mekşáyati : « il remue, il agite »), on peut estimer que la valeur du champ sémantique qui se manifeste ici est beaucoup plus ambigu. En effet, la notion de mélange y relève manifestement plus du désordre et de la confusion, à l'image de ce *mixcix que l'on retrouve dès le premier siècle chez l'écrivain romain Pétrone pour désigner un personnage « mêle-tout, brouillon, gâcheur »[17] ou de ce miscellānea qui apparaît chez Juvénal au siècle suivant et qui pourrait nommer un « pot pourri », une « nourriture grossière des gladiateurs »[18]. De même, on pourrait s'aventurer à percevoir le même type de connotations négatives avec ce mixtura – qui donnera notre moderne « mixture » – et, par voie de conséquence, le bas-latin mixticius, « d'une race mélangée »[19].

Si le métissage s'applique à tout ce qui participe de deux ordres, deux natures, voire deux généalogies, la métaphore biologique se situe bien dès l'origine au cœur des cultures humaines. Pourtant, à partir de l'animal et de la plante, il faudra sans doute du temps avant qu'elle ne finisse par s'appliquer explicitement aux êtres humains. Ce n'est probablement qu'avec l'apparition des premiers grands empires que se pose pour la première fois en termes socio-culturels et sur une vaste échelle la question du métissage. A cet égard, on peut tout à fait prendre l'exemple de Rome. On sait que son développement politique et économique induit un processus de décomposition / recomposition "ethnique" d'une ampleur de plus en plus importante qui finit par poser de sérieux problèmes à l'administration et aux classes dirigeantes.

Outre les étrangers, les métropoles comme Rome comptent de plus des milliers d'esclaves en provenance de tous les territoires conquis et même au-delà. Cette masse souvent turbulente représente un véritable "melting pot" avant la lettre qui peut du jour au lendemain se transformer en une grave menace comme le montre le célèbre épisode de la révolte de Spartacus. De culture étrangère mais formé à l'école (militaire) de Rome, vivant en marge de la société romaine mais intégré à elle de par la valorisation de son talent et la réputation de ses performances, le gladiateur se présente d'une certaine façon, comme l'une des figures importantes du métis de l'Antiquité, alors que se devinent déjà les signes avant-coureurs de la fin du mythe impérial et de l'avènement de l'ère des Barbares. Dans ces conditions, la référence à cette « miscellanée » culinaire des gladiateurs[20] évoquée plus haut nous paraît impliquer une époque, une société et une condition marquées par un processus de métissage culturel quasi-généralisé mais auquel on attribue une valeur nettement dépréciative, voire négative.

La dimension biologique est donc incontestablement déterminante dans la perception du métissage. Pourtant, elle n'exclut pas d'autres dimensions, culturelles, sociales, voire politiques. Ainsi, et de façon emblématique, la première manifestation historique du métis post-impérial a lieu dans l'Espagne de la conquête arabo-berbère. En effet, au début du 8ème siècle, les Chrétiens désignent par mistos leurs coreligionnaires qui ont choisi de se rallier aux envahisseurs musulmans contre le dernier roi des Wisigoths, Rodrigo ou Roderic, vaincu près de Cadix. Pour l'historienne Carmen Bernand, il faut considérer que l'emploi de cette terminologie réfère plus à un contexte politique et à des choix stratégiques qu'à une véritable stigmatisation "raciale"[21]. La situation des convertis et les luttes intestines entre différentes factions "ethniques" tout au long de l'histoire d'Al-Andalûs pourrait effectivement valider une telle interprétation.

Plus au nord, comme nous venons de le rappeler, c'est au 12ème siècle que le mot métis est attesté pour la première fois sous l'étiquette sémantique que nous lui connaissons aujourd'hui. Il signifie « qui est de race mélangée », renvoyant alors au lexique de la vénerie et s'appliquant d'abord aux espèces canines. Par extension (sans doute péjorative), il arrive de le rencontrer dans d'autres contextes, comme c'est le cas chez Girart de Roussillon qui évoque « ces mestiz Franceis, demi Bourgoings [Bourguignons] »[22] ou encore dans ce fabliau de Jacquemart Gielée où l'on semble déjà s'inquiéter parce que « Li mondes est … mestis »[23]. Ne croirait-on pas percevoir ici les accents familiers des grandes peurs de notre siècle ? Mais cette perception dévalorisante de l'"impureté" biologique n'est pas surprenante dans la mesure où l'imaginaire médiéval est profondément marqué par le phénomène religieux (avec la notion centrale de souillure et de pêché originel) et par la question du rapport avec le monde "païen" et, en particulier, musulman.

En réalité, même si les contacts avec l'Orient fournissent des occasions d'échange et de métissage plus nombreux qu'on ne l'estime généralement, il n'en demeure pas moins vrai que la question de l' « identité » chrétienne ne manque pas de resurgir de manière régulière et virulente dans un certain nombre de discours ou de pratiques. A cet égard, au-delà du merveilleux et de la rhétorique épique, un texte comme La Chanson de Roland, répandu précisément à l'époque de la grande effervescence des Croisades, atteste du désir double de fonder une identité collective à partir d'une mémoire (de résistance) et de légitimer une frontière (les Pyrénées) en circonscrivant un territoire spécifique.

C'est assurément dans la même perspective que l'on peut expliquer la notoriété fulgurante du métis au 16ème siècle. En effet, la Renaissance est l'époque du début d'une expansion sans précédent de l'Occident grâce à la conquête de nouveaux territoires et la mise en place d'un système "moderne" de domination politique et d'exploitation économique des peuples "barbares". Pourtant, la rencontre avec l'Autre a de plus en plus fréquemment des conséquences inattendues, obligeant les élites européennes à repenser la question de l'identité sous ses différents aspects. Comme c'est d'ordinaire le cas à cette période, la référence intellectuelle reste l'Antiquité. Ainsi, dans son Thémistocle, Jacques Amyot évoque « les enfans mestifz, c'est-à-dire ceux qui n'estoient pas nez de pere et de mere naturelz citoyens d'Athenes »[24] De même, dans son traité De la République, Jean Bodin explique qu'en Grèce, « on appelloit nothos ou mestifs ceux qui n'estoient citoyens que d'un costé »[25] Enfin, dans son écrit De la Sagesse, Pierre Charron signale qu'« il y a des formes d'hommes, en certains endroits, qui ont fort peu de ressemblances avec la nostre, et il y en a de metisses et ambigues entre l'humaine et la brutale. »[26]

Cette dernière citation est datée de 1601, soit une année après la première occurrence du terme métis en castillan (mestizo, 1600). Dans un monde dont les frontières se sont déplacées de manière spectaculaire en quelques décennies, qui s'ouvre de plus en plus à la différence (avec les conséquences idéologiques que l'on peut imaginer), il devient décidément problématique de penser les multiples catégories de l'être. En 1588 déjà, soit près d'un siècle après la chute de Grenade et la "découverte" de l'Amérique, alors que paraissent les trois volumes de ses Essais, Montaigne avoue encore « se tenir chancelant et mestis en une division publique ». Même si cette célèbre formule doit d'abord s'entendre comme une métaphore philosophique, on peut aussi y retrouver les échos des contradictions morales et existentielles suscitées par les conséquences des "Grandes Découvertes". S’agissant de la citation de Pierre Charron, trois années seulement avant la publication de la première partie du Quichotte (1604), ne peut-on pas y voir une allusion étonnante et prémonitoire à cette « forme d’homme » étrange que Cervantes met en scène pour la première fois, à ce « chevalier à la triste figure » qui va hanter l’imaginaire d’une Europe en formation et dont nous retrouvons – symptomatiquement ‑ la trace dans notre propre histoire ?[27]

Bibliographie

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Lailhacar, Christine de, The Mestizo as crucible. Andean Indian and African Poets of Mixed Origin as Possibility of Comparative Poetics, New York, Peter Lang Publishing Inc. "Studies in Modern Poetry 5", 1996

Lane, E. W., An Arabic-english lexicon, Volume 2, London, Williams and Norgate, 1877.

Littré, Emile, Dictionnaire de la langue française (1866), Tome 4, Paris, édition 1994.

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Waciny, Laâredj, La Gardienne des ombres. Don Quichotte à Alger, Paris, éditions MARSA, 1996.


Notes

[1] « Lorsque j'entamais mon Odyssée pour explorer les créations des métis biologiques et culturels, ma Muse refusa de me donner le nom de cette entité collective. Point de compas ni de sextant, point de titre non plus pour le sujet de mon travail, ni pour les sujets grammaticaux de ces voix poétiques qui m'avaient attiré avec la force démoniaque des sirènes. Je dus transgresser les frontières linguistiques- nationales pour emprunter de l'espagnol le mot « mestizo » (du latin mixtus), car la langue anglaise– au même titre que l'allemand ou le russe ‑ n'offre pas de terme neutre. » (Notre traduction). (Christine de Lailhacar, The Mestizo as crucible. Andean Indian and African Poets of Mixed Origin as Possibility of Comparative Poetics, New York, Peter Lang Publishing Inc. "Studies in Modern Poetry 5", 1996, p. 53).

[2] « In Russian, nechistaya krov (impure blood) plays on the literal and extended meaning of chistyi (clean, orderly, in certain combinations almost "holy"). » (Idem, p. 54). (« En russe, nechistaya krov [sang impur] joue sur le sens propre et figuré de chistyi [propre, ordonné, dans certaines combinaisons presque "saint" »).

[3] Julia, Kristeva, Etrangers à nous-mêmes, Paris, Fayard, 1988, p. 78. Ces « étrangers plus ou moins fixés et possédant certains droits, alors que les étrangers de passage en étaient dépourvus » répondent tout à fait à notre définition du métis .

[4] Hamito-semitic etymological dictionary. Materials for a reconstruction, Leiden-New-York-Köln, E. J., Brill, 1995.

[5] Nous adoptons ici la définition de A. J., Greimas lorsqu'il définit la notion d'« axe sémantique » à partir de l'existence d'un « dénominateur commun » entre des « termes-objets ». Pour lui, il s'agit d'un « fond sur lequel se dégage l'articulation de la signification. On voit que l'axe sémantique a pour fonction de subsumer, de totaliser les articulations qui lui sont inhérentes. » (Sémantique structurale. Paris, Librairie Larousse "Langue et langage", 1966, p. 21.

[6] A. L., de Premare (et alii), Langue et culture marocaines. Dictionnaire arabe-français. Tome 11, Paris, L'Harmattan, 1999.

[7] E. W., Lane, An Arabic-english lexicon, Volume 2, London, Williams and Norgate, 1877.

[8] A. de Biberstein Kazimirski, Dictionnaire arabe-français, Tome 1, Le Caire, Imprimerie Boulac, 1875.

[9] P. Chalmeta, Entrée "Muwallad", Encyclopédie de l'Islam, Tome 8, Leiden / New-York, Brill / Maisonneuve-Larose, édition 1993.

[10] Selon Philippe Franchini, au Viet-Nam, « pour le désigner, le mot laï est courant. S'il n'est en rien péjoratif, d'autres termes marquent le mépris qui lui est réservé. "Tête de poulet-cul de canard", par exemple, à l'origine appliqué aux Khméro-viets, puis étendu aux rejetons d'autres unions mixtes. » Par ailleurs, dans la culture chinoise, « la notion de métis ne relève pas exclusivement d'une question de race, au sens de groupement ethnique. Sans doute, le mot se traduit-il par hun xuezi, littéralement "sang-mêlé". Mais le jeu idéographique auquel on peut se livrer avec les caractères qui expriment des notions  et en révèlent les racines idéologiques, fait entrevoir divers autres aspects. Ainsi, le caractère hun accolé à xue qui signifie "sang", a un premier sens de chaos et de confusion. L'acte de mêler est donc propre au désordre. » (Métis. Paris, éditions Jacques Bertoin, 1993, pp. 55, 96-97).

[11] Nouveau dictionnaire étymologique et historique, Paris, Larousse, édition 1986.

[12] Dictionnaire des racines des langues européennes. Grec, latin, ancien français, espagnol, italien, anglais, allemand (1948), Paris, Larousse, 1994. Par ailleurs, le terme grec ancien connaît deux formes : mixis (« mélange ») et krasis  (« mélange dans lequel les constitutifs se tempèrent les uns les autres »).

[13] Dictionnaire étymologique de langue latine, Paris, Klincksieck, 1994.

[14] Idem. Compte tenu de la "technicité" ou de l'ancienneté de ce lexique, il est peut-être bon de rappeler que le méteil est un mélange de seigle et de froment semé et récolté dans un même champ (attesté dès le 13ème s.) et que la caillebotte est une masse de lait caillé.

[15] Sandor, Bökönyi, "La domestication des animaux depuis les débuts de la production de nourriture jusqu'à il y a environ 5000 ans : une vision globale", Histoire de l'humanité. Volume 1, Paris, éditions UNESCO, 2000, p. 949. Parmi ces évolutions morphologiques, on peut citer la diminution de la taille, la modification de la structure et de la forme du squelette ou encore l'amincissement de l'épiderme et sa dépigmentation.

[16] On peut retrouver des traces de ce qui devait apparaître comme des innovations importantes dans le lexique de l'artisanat métallurgique (fer métis pour un alliage de fer, de soufre ou d'arsenic) ou textile (toile métisse formée de coton et de lin). Cf. Roger Toumson, Mythologie du métissage, op. cit., pp. 89-90.

[17] Dictionnaire étymologique de langue latine, op. cit.

[18] Idem et Dictionnaire étymologique du français, Paris, Dictionnaire Le Robert, 1992.

[19] Idem.

[20] Il se pourrait d'ailleurs fort bien que miscellānea soit lui-même un terme métis, « mot de l'argot des gladiateurs » selon le Dictionnaire étymologique de langue latine, op. cit.

[21] Carmen, Bernand, Mestizos, mulatos y ladinos en Hispano-América: un enfoque antropológico y un proceso histórico, cité par Serge, Gruzinski, La Pensée métisse, op. cit., p. 37.

[22] Emile, Littré, Dictionnaire de la langue française (1866), Tome 4, Paris, édition 1994. A la même époque, on trouve « mixture » et « (tissu) mestis ». Par ailleurs, Roger Toumson signale qu'en ancien provençal la forme « mestiz » est utilisée « pour signifier "de basse extraction, de sang mêlé, mauvais, vil". » (Mythologie du métissage, op. cit., p. 87).

[23] Cité par Roger Toumson, ibid., p. 89.

[24] Emile, Littré, ibid. Jacques, Amyot (1513­1593), humaniste français, évêque d'Auxerre (1570). Ses traductions d'Héliodore, de Longus, de Plutarque (Vies parallèles, 1559 ; Œuvres morales, 1572) ont contribué à la formation de la langue classique, Paris, Encyclopédie Hachette Livre, 1998.

Au même moment (1544), on connaît déjà le mullat ou mullatre pris comme synonyme de métis Certains spécialistes estiment que le terme espagnol mulata dérive de l'arabe muwallad qui désigne, à l'époque d'Al-Andalûs, les descendants de Chrétiens autochtones islamisés. C'est d'ailleurs ce que tendrait à confirmer a posteriori la remarque de Furetière à l'entrée mulat, mulatre ou mulate de son Dictionnaire : « Les Espagnols appellent aussi "mulates" les enfants nés de père et de mère de différente religion comme d'un Maure et d'une Espagnole, ou au contraire. » (Cité par Roger Toumson, Mythologie du métissage, op. cit., p. 91).

[25] Idem. Jean, Bodin, (1530­1596), philosophe, magistrat et économiste français. Son traité les Six Livres de la République (1576) fait l'apologie de la monarchie absolue, affirmant, contre Machiavel, l'importance de la justice. (Paris, Encyclopédie Hachette Livre, 1998).

[26]. Idem. Pierre, Charron (1541­1603), moraliste français. De la Sagesse (1601), apologie du scepticisme, est inspiré de Sénèque, de Plutarque et de Montaigne, Paris, Encyclopédie Hachette Livre, 1998.

[27] Nous faisons ici référence au beau roman de Waciny Laâredj, La Gardienne des ombres. Don Quichotte à Alger, Paris, éditions MARSA, 1996.

 

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