Les déportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie. Naissance d’une micro-société (de 1864 à nos jours)

Insaniyat N° 32-33 | 2006 | Métissages maghrébins | p.53-68 | Texte intégral


Deportees from the Maghreb to New Caledonia. Birth of a micro society (from 1864 until now)

Abstract : Chronologically, the first conveys of prisoners from the Maghreb to New Caledonia were carried out from 1867 on. The great implication of Algerian convicts- mainly of peasant origin- in land development seems to have been related to favourable ecological conditions for date palms found in this zone. The first convicts had in effect imported date kernels, in which they saw symbols of their traditional oases culture. They planted these kernels respecting their traditions. Thus introducing the culture of date palm following traditional Maghreb methods and irrigation in a land of exile. The date palm thus becomes the most visible symbol of a successful transplantation over several decades of an Arab- Berber civilization in New Caledonia.

Keywords : New Caledonia - culture - Maghreb - date palm - transplantation.


Mélica OUENNOUGHI : Institut Maghreb-Europe, Université Paris VIII.


Pour comprendre l’histoire des Algériens de Nouvelle-Calédonie, le lecteur devra tenir compte de l’histoire culturelle, politique et religieuse de l’Algérie, et en particulier de la grande vague de déportations de la fin du XIXe siècle. Concernant cette époque laissée dans l’oubli, il n’y avait rien de précis pour que le lecteur moderne puisse se faire une idée des faits historiques alors même que nous retrouvons un certain nombre de ritualisations sociales d’origine arabo-berbère reproduites dans la région de Bourail. Le voyageur de passage dans cette région ne verra probablement pas l’organisation coutumière qui fut instaurée dans ces vallées. Celle-ci n’étant pas visible directement, il a fallu démontrer, durant les années passées sur ce territoire, le sens de cette organisation, son contenu social à travers l’implantation du palmier dattier, ses rites, son lieu saint, les principes de solidarité qui fondent la base même d’une djemââ ancienne. La répression morale (assimilation ou conversion) et la répression physique (torture et barbarie) n’ont pas réussi à asseoir la méthode coloniale d’assimilation. La mission ancestrale des «Dar-el-Hadj» (terme péjoratif employé à l’époque coloniale pour désigner les chefs insurgés) va consister à réorganiser une composante solidaire et nombreuse de Calédoniens descendants d’Algériens sur la base d’un regroupement culturel et religieux autour du saint patron Sidi Moulay.

1. La peine infligée : phénomène colonial

En 1870, Adolphe Isaac Crémieux, avocat d’origine israélite, inscrit au barreau de Nîmes, Garde des Sceaux dans le gouvernement du 4 septembre, prend la décision d’accorder aux Juifs d’Algérie la qualité de citoyens français. Cette politique tourne le dos délibérément au «Royaume Arabe» de Napoléon III. Quand on connaît les relations commerciales millénaires qu’entretenaient les communautés respectives, on comprend comment par l’acquisition de la citoyenneté française des uns (Juifs indigènes) au détriment des autres (Musulmans indigènes), la révolte des grandes tribus algériennes était inévitable. Un an avant, la guerre a été déclarée à la Prusse par Napoléon III et la Défense nationale semble n’être nullement décidée à la lutte contre les Prussiens. Devant l’atteinte au statut familial collectif, un pôle de spahis se constitue sur la base d’une solidarité subjective : ils refusent de reconnaître les nouveaux dirigeants du gouvernement de la Défense nationale. Au mois de décembre 1870, à Alger, le régiment de spahis refuse d’embarquer pour la France. En avril 1871, le Cheikh Mokrani prend la tête de la rébellion mais le 11 novembre 1871, le général Lacroix obtient sa reddition.

L’Empire de Napoléon III fut remplacé par la République le 4 septembre 1870. Un gouvernement de la Défense nationale est constitué. De faux tribunaux d’exception dits «Conseils de guerre» sont installés dans les trois départements (Alger, Constantine, Oran), pour juger les délits commis pendant la période insurrectionnelle. L’instruction des insurgés donna lieu à diverses interprétations. Comme on ne pouvait pas agir de la même façon vis-à-vis des collectivités, on réunit le même acte d’accusation pour 213 individus parmi lesquels les «grands chefs». Pour produire sur le jury une impression défavorable (aux accusés), il fallait que le parquet général présente les insurgés comme des malfaiteurs ordinaires, chefs d’assassins, incendiaires, pillards et voleurs. Un nouveau journal (le Mobacher) exploita une certaine vision totalement négative du nationalisme arabe naissant et de la religion musulmane. La propagande fut dirigée contre les insurgés qu’on qualifiait de bandits, d’assassins ou de rebelles.

L’exemple de la condamnation de Boumezreg qui remplaça son frère El Mokrani (après la mort de ce dernier au combat) à la tête de l’insurrection de 1871, mérite d’être cité, car le procès de ce chef berbère avait provoqué beaucoup de remous. En effet, le faux jugement fit réagir les juristes français de la métropole ; certains montrèrent même leur ferme désaccord en révélant que sa condamnation avait été prise avant sa comparution devant la Cour d’assises. Il sera pourtant jugé coupable et condamné à la déportation avec les autres insurgés. Ceux-ci sont dirigés sur la France et internés dans les ports côtiers (fort de Toulon, îles Porquerolles, île Saint Marguerite, fort de Saint-Martin-de-Ré, fort de Brest, en Corse à Calvi et à Corte).

2. La déportation des Maghrébins en Nouvelle-Calédonie

Nombre de documents relatifs à la déportation en général ont été endommagés que ce soit en Métropole (durant la Seconde Guerre mondiale) ou en Nouvelle-Calédonie (inondations). Pour identifier les déportés politiques originaires du Maghreb, il nous a semblé nécessaire de faire un travail comparatif, à partir des différentes archives, entre les registres de la déportation et les registres des lieux de détention. Par ailleurs, les jugements des Conseils de guerre et des cours des assises étant parfois longs, les déportés durent attendre plusieurs mois avant leur embarquement dans les convois destinés à la Nouvelle-Calédonie. C’est la raison pour laquelle, ces prisonniers furent internés dans les dépôts ou lieux de détention avant leurs départs définitifs. Fort heureusement, c’est précisément dans les fonds d’archives des lieux d’internements que nous avons pu répertorier l’origine et la naissance de chacun des condamnés Maghrébins ainsi que leurs dates d’embarquements, convoi maritime par convoi maritime, vers la Nouvelle-Calédonie[1].

Chronologiquement, les premiers convois de transportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie s’effectuent à partir de 1867. Nous y avons comptabilisé un total de 178 condamnés sous le régime des droits communs. Ces premiers déportés font partie de l’insurrection des Ouled Sidi Cheikh de 1864. Nous identifions ensuite les déportés politiques à la suite de l’insurrection de Kabylie en 1871 et d’El Amri (Biskra) en 1876 : 120 embarqués dans les convois entre les périodes 1874 et 1878. Condamnés aux travaux forcés ou à la réclusion, on applique à ces insurgés politiques la loi du 23 Mars 1872 relative aux insurgés de la Commune de Paris de 1871. D’autres convois comprendront de nouveaux déportés politiques à la suite de l’insurrection du Sud oranais de 1881-1882 (Bouamama de nouveau, fractions Gharaba et Cherraga). Ils forment un total de 13 embarqués dans les convois qui suivront entre 1881 et 1882. Seront déportés ensuite 12 Tunisiens entre 1890 et 1892, à la suite de l’insurrection du Sud tunisien (Djerid/Taberka) en 1881, dont certains nés ou demeurant en Algérie pendant le développement insurrectionnel de 1871. C’est d’ailleurs dans ce contexte qu’il faut noter que le Sud algérien a joué un rôle croissant à partir du Djerid tunisien. Jugés sous le régime des droits communs par le Conseil de guerre de Tunis et la Cour d’assises de Tunis, les motifs principaux de leur condamnation seront le rejet du pouvoir français en Tunisie et l’insubordination. D’autres convois suivront la déportation des Tunisiens. Les archives nous signalent en effet un certain nombre de prisonniers algériens destinés au bagne calédonien. Ces derniers seront enregistrés sous leurs numéros d’écrou comme relégués. Ils feront partie des derniers convois effectués entre 1887 et 1895[2].

L’organisation à bord des navires nous permet de nous intéresser à l’alimentation fournie aux condamnés. On observe par exemple que les Maghrébins n’ont pas pu s’adapter à une nourriture totalement européenne, celle-ci n’ayant pas encore introduit à l’époque les produits issus de l’arboriculture méditerranéenne. Ce comportement alimentaire faisait l’objet d’inquiétude de la part de l’administration pénitentiaire qui, du reste, s’efforçait de les satisfaire du mieux qu’elle pouvait.

«(…) Que pouvait-on faire cependant ? Leur alimentation a été pour tout le monde un grand sujet de souci : leurs goûts étaient si bizarres ! Comme musulmans, ils haïssaient l’alcool et le vin ; c’était bien, mais le bœuf et les légumes secs ne leur convenaient pas non plus ; en plein océan, ils demandaient des fruits et de la salade».[3]

Pourtant, malgré les difficultés de ces traversées, les Maghrébins, contrairement à leurs compatriotes "Communards", n’ont pas fourni beaucoup de malades. Par exemple, sur 62 embarqués à bord du Calvados le 2 septembre 1874, on enregistre seulement 4 décès dans la communauté maghrébine. Les connaissances médicales étaient insuffisantes, notamment sur l’origine de certaines maladies encore peu connues à cette époque. A titre d’illustration, on ne savait pas comment traiter le scorbut qu’on attribuait, dans ce cas de figure, à l’atmosphère maritime :

«Le scorbut et la fièvre typhoïde sont certainement les maladies qui, après la semaine sanglante, ont fait le plus de victimes parmi les insurgés de la Commune ; elles ont produit leurs effets pernicieux non seulement pendant les internements dans les ports, mais aussi au cours des transports vers la Nouvelle-Calédonie»[4].

De même, il convient de souligner l’attachement des Maghrébins à leur religion, attachement dont les archives nous tiennent informés. Ainsi, ces dernières notent que «(…) à partir du 13 octobre, les Arabes sont entrés dans la période de carême du mois de Ramadan, ils ne boivent ni ne mangent du lever au coucher du soleil et refusent tout médicament pendant cette partie de la journée »[5].

Une lettre du 30 août 1873 poursuit sur la consommation de lait en remplacement du vin :

«Parmi les déportés de St Martin se trouvent 89 Arabes condamnés à la suite des insurrections de l’Algérie. Ces individus devront être séparés des détenus européens et placés dans les locaux les mieux exposés au soleil. Ils seront autorisés à cuire leurs aliments qu’ils préparent eux-mêmes et, pour eux, le vin est remplacé par du lait, la graisse par du beurre. Il leur est délivré des vêtements arabes. Les mêmes accordés à Quélern. Veuillez communiquer au directeur le contenu de la présente dépêche. Ce fonctionnaire, ainsi que vous, informé du départ du navire de St Martin. Recevez (…)».[6]

En revanche, la consultation de la liste des marchandises embarquées ne permet pas d’affirmer l’existence de dattes à bord des navires. Serait-il possible pourtant que les condamnés, fidèles à leurs habitudes alimentaires méditerranéennes, aient emporté avec eux ces produits de première nécessité (et de longue conservation) ? A cette époque, les dattes étaient une nourriture de base pour de nombreux habitants du Maghreb : certaines variétés sèches comme les mech-degla du Ziban ou la degla-beïda de l’Oued Rhir étaient d’excellente conservation et fournissaient aux populations nomades en particulier, mais pas seulement, une ressource alimentaire de base riche en calories et en sels minéraux. Les noyaux eux-mêmes étaient consommés par les animaux[7]. Il ne faudrait donc pas s’étonner si, d’une manière ou d’une autre, les forçats algériens avaient conservé une réserve de ces fruits au cours de leur long voyage de déportation. Il est également possible que le personnel ait fourni ces dattes comme menu principal à bord des vaisseaux. Ne nécessitant ni préparation ni cuisson tout en se divisant facilement, les dattes offraient de réels avantages pratiques.

A titre de comparaison, de nos différentes entrevues avec les pères de famille algériens arrivés dans les années 1954 en France, il ressort que nombre d’entre eux ‑ en particulier, ceux qui avaient un lien profond avec les oasis -, ont régulièrement emporté avec eux (dans leurs poches), des dattes fraîches ou sèches (selon les variétés) lors de leurs déplacements vers et entre les villes de France. De plus, l’alliance de la datte (degla) et du lait caillé (l’ben), comme coutume ancestrale, est toujours de rigueur dans les oasis du Maghreb. Elle reste ainsi un élément de la tradition des échanges réguliers activés entre les deux rives de la Méditerranée. Face à des pratiques qui peuvent raisonnablement être considérées comme des survivances culinaires, on peut dire que, dans le devenir de ces déportés, la tradition ‑ comme science ‑ a joué un rôle décisif. On sait par exemple que, dans la tradition, le palmier dattier assure la survie de l’individu habitué à le cultiver depuis plusieurs siècles. Lorsque celui-ci se déplace de son espace coutumier vers la ville ou à l’étranger, il transporte avec lui les fruits précieux de sa récolte. Ceux-ci sont une référence pour lui, voire même le reflet de son identité. Ainsi, en cas d’établissement définitif sur une terre qui lui est inconnue, les noyaux de dattes feront l’objet d’une ré-implantation et d’une stratégie de sélection et de conservation.

3. Les vallées de Bourail : un essai de colonisation pénale

« Il fallait à l’administration pénitentiaire de nouveaux territoires pour y évacuer ses condamnés et y faire, suivant l’esprit de loi de 1854, un essai de colonisation pénale »[8].

Bourail est née de l’instauration de la transportation vers la Nouvelle-Calédonie. Selon Georges Kling, le gouverneur Guillain désigna le 9 juin 1867 une commission pour explorer les terrains environnant le petit port de Bourail en vue d’un essai de colonisation pénale[9]. Dans l’esprit des fondateurs coloniaux, les vallées de Bourail parurent propices à l’établissement d’un pénitencier agricole autour duquel se grouperaient peu à peu les concessions, c'est-à-dire les lots de terrains cédés par l’Administration pénitentiaire[10]. En effet, celle-ci était désormais détentrice de la presque totalité du territoire de Bourail[11]. Un tel centre agricole ne devait pas être conçu comme un pénitencier mais plutôt comme une réunion de villages destinés en grande partie à loger les éléments pénitentiaires et aussi semblables que possible à des villages de France. C’était là un projet typique de l’esprit du Saint-simonisme[12]. Nous retrouvons dans cette doctrine, non plus le mythe Orient-Occident, mais la tentative d’un peuplement mixte, en l’occurrence, «élément pénal» et « petit colon ». Ce protocole se voit ainsi appliqué aux premiers transportés libérés dans les possessions rurales françaises d’outre-mer.

«En Nouvelle-Calédonie, l’amiral Guillain, qui est resté à un Saint-simonisme de 1830, ne peut résister à l’idée d’appliquer ses doctrines. En 1864, La Sybille y débarque un convoi de transportés. L’amiral choisit dans ce groupe vingt colons, chacun exerçant une profession différente et leur concède 300 hectares dans la région de Yaté, avec l’outillage, les semences et le bétail nécessaires. Les bénéfices de l’association seront divisés en deux parts, l’une répartie également entre les colons, l’autre au prorata des journées de travail».[13]

Pourtant, les résultats de cette première expérience ne furent pas concluants et au bout d’un an elle fut interrompue[14]. Il fallait prospecter un autre lieu. C’est alors que la mission choisit Bourail comme terrain d’élection pour une colonisation pénale. Dans le centre pénitencier agricole de Bourail, la mise en concession implique que le concessionnaire libéré devra racheter la terre qu’il aura travaillée. La condition majeure de sa mise en liberté définitive est la rente annuelle et le capital-rachat de sa concession. Le capital-rachat détermine ainsi sa libération définitive. Cette mesure est primordiale pour l’administration qui doit faire en sorte de sélectionner ses meilleurs sujets astreints à des règles disciplinaires bien précises. Les vallées de Bourail deviennent ainsi une terre d’élection fidèle à l’esprit du Saint-simonisme tel qu’il se développera en Algérie. L’amiral Guillain, considéré à cette époque comme un utopiste, ne peut résister à la tentation d’appliquer ses doctrines sur les premiers « transportés » en 1864. Elle consiste en la création de fermes et de villages modernes. Il faut pour cela disposer de cultivateurs. Par des efforts communs, les transportés seront initiés à « la collectivité du labeur colonial » – et à un certain nombre de règles disciplinaires ‑ à travers différents types de tâches : les constructions, les plantations, l’irrigation, les cultures perfectionnées.

Bourail sera donc cette nouvelle terre d’élection qui verra l’application de l’esprit de la loi du 30 mai 1854. Celle-ci visait à imposer un exil perpétuel aux condamnés à plus de huit ans de travaux forcés. Elle leur donnait la possibilité d’acquérir des concessions de terrains, de devenir des colons. En possédant une concession définitive, et pourvu qu’ils aient été éduqués et disciplinés, les condamnés rachetaient ainsi le prix de leur liberté (capital-rachat du lopin de terre attribué) et devenaient des hommes libres. Les fondements de l’entreprise coloniale étaient ainsi reconduits en mobilisant cette fois l’élément pénal.

4. Le processus de reconduction identitaire

Le travail effectué à partir du registre des concessionnaires du centre pénitentiaire de Bourail nous a permis de vérifier les origines sociales des concessionnaires maghrébins. Il apparaît tout de suite que la plus grande partie des insurgés maghrébins déportés provient du milieu rural (cultivateurs). Tenant compte des éléments ethnographiques, notre enquête montre un fort dynamisme rural dans les concessions. Bons connaisseurs des systèmes agraires, les déportés maghrébins bénéficient de l’expérience de la terre « collective ».

Malgré les excès de traitements rigoureux (alimentation réduite, hygiène limitée, punitions sévères, tentatives de conversion religieuse, uniformisation des prénoms), on observe aujourd’hui encore dans les vallées de Boghen et Nessadiou, au passé laborieux, des traces profondes et toujours visibles de reconstruction d’un univers maghrébin à travers les implantations variétales phœnicicoles qui tire leur origine du monde arabo-berbère. Nous disposons d’un certain nombre d’éléments historiques et iconographiques qui nous permettent d’analyser ce phénomène de «reproduction ancestrale ». En dépit de l’ordre dominant, l’Algérien concessionnaire n’abandonne pas sa tradition agraire. Aussi, voudra-t-il reconstruire le lien culturel ancestral sur cette terre d’exil qu’il ressent comme « ennemie ».

- La mission des « Dar-el-Hadj »

La mission naturelle des « Dar-el-Hadj »[15] va consister à organiser une nouvelle communauté solidaire dans le cadre de la colonie. Alors que l’entreprise coloniale devait œuvrer pour la prospérité de la France, ces institutions ont symbolisé le lien socio-culturel dans une région qui a été très tôt composée essentiellement de couples mixtes. L’image même de ces «Vieux-Arabes»[16] qui composent les « Dar-el-Hadj » devient presque mythique. Une description historique nous est faite de ces hommes de la déportation, sur le plateau de la Fougères (cinquième commune, île des Pins) :

«On les voit errant ça et là, résignés et stoïques, sous leur long burnous blanc que serre à la tête la corde en poils de chameau. Leur œil garde une flamme douce, à demi éteinte ; ils s’inclinent au passage d’un chef français, avec l’humilité digne qui leur est propre, et, le soir, se prosternent au soleil couchant, baisent cette terre qui est leur ennemie, mais qui n’en ai pas moins celle de Dieu».[17]

Curieusement, alors qu’en Guyane l’influence algérienne issue de l’expérience du bagne n’a pas véritablement produit de hauts lieux culturels et spirituels, les Maghrébins de Nouvelle-Calédonie ont joué un rôle de trait d’union durable auprès des autres communautés. Les femmes des déportés, bien qu’Européennes pour la plupart ou Mélanésiennes, ont adopté les coutumes algériennes et la tradition arabo-berbère. Celle-ci semble avoir été pleinement admise et approuvée par les jeunes filles mariées aux Algériens. La fidélité à la tradition des pères occupe une place qu’on invente. Les contrats d’union de types assimilationnistes, préconisés par l’autorité coloniale, cèdent la place à des contrats d’association populaire, caractérisés en premier lieu par l’instauration de l’enseignement aux femmes européennes des pratiques traditionnelles telles que la touiza (corvée collective), visant à développer ensuite un sentiment d’appartenance communautaire. Sur le plan des pratiques culinaires, les couscous étaient préparés avec les produits des jardins familiaux : citrouilles, navets, fèves, piments, coriandre et lait de chèvre. Le blé dur servait à fabriquer des galettes sans levain (kesra) ou du pain (khobz). Les familles préparaient aussi des galettes avec des dattes pilées.

Aujourd’hui encore, les Calédoniens, descendants de Maghrébins, ont conservé dans leur mémoire les traditions familiales et en assurent la pérennité. Ils savent comment entretenir les palmiers dattiers et connaissent les outils propres à la phoeniciculture. Les plus anciens ont été témoins, avec leurs pères cultivateurs (et souvent en même temps forgerons et commerçants) des façons de faire directement importées du Sahara algérien. A la forge ils ont reconstitué les mendjels (faucilles à dents), les meshas (houes à manche court) et même les pinces à djebbars pour séparer les rejets du pied-mère[18].

- Mixité des alliances et généalogie conventionnelle

La croissance démographique de la Nouvelle-Calédonie pourrait s’étudier par groupes distincts (Algériens, Européens, Mélanésiens ou Asiatiques). Mais comment se présente la population des vallées sur laquelle a porté notre étude ? En l’occurrence, pour étudier le système de parenté des vallées de Nessadiou et Boghen, il est nécessaire de faire intervenir ici encore l’autorité des «Vieux-Arabes » ‑ plus communément appelés les chioukh. Il s’agit de savoir quels systèmes de parenté (et par conséquent quelles formes de dépendances) sont mises en œuvre par les chioukh à partir du premier mariage légalement reconnu. Pour l’analyse de la première parenté telle qu’il nous a été donné de l’étudier, nous avons retrouvé cinq familles de déportés algériens et identifié leurs noms, leurs lots de concessions rurales, leurs alliances et leurs descendances jusqu’à trois générations. On peut constater l’existence d’une parenté complexe et riche d’alliances qui se croisent et s’entrecroisent entre Algériens propriétaires dans les vallées. Nous observons pour une grande majorité de familles, une ancestralité commune, menée par un groupe d’hommes qui a cherché à s’établir.

On observe donc que les premiers arrivants ont importé leurs valeurs traditionnelles rurales et ont essayé d’établir des liens familiaux forts. Ainsi, si le taux de natalité varie d’une famille à l’autre, on recense parfois jusqu’à dix enfants par famille. De telles structures familiales ont engendré une forte solidarité dans les vallées, solidarité qui persiste jusqu’à nos jours. Le groupe « communautaire » vise à faire perdurer la tradition parentale arabo-berbère basée sur une une relation parentale endogène et une solidarité étroite en cas de conflits exogènes. Ce système a évolué de manière harmonieusement intégrée grâce aux techniques et ritualisations agraires traditionnelles socialement transmises. Ici la « communauté » repose sur l’appropriation collective (indivise) des terres. Prenons un exemple : lorsqu’un homme algérien déporté se mariait avec la fille d’un déporté européen[19], par tradition, le fils aîné héritait du « champ » paternel. Il se devait d’aider ses frères qui étaient dans l’obligation d’emprunter un nouveau champ ‑ ce qui, dans le cadre d’une parenté « agrophœnici-culturelle», rend le système d’affiliation stable en empêchant les rivalités[20].

- Bourail, zone d’introduction culturale phœnicicole

La région de Bourail bénéficie d’un climat semi-aride où le palmier dattier s’est bien développé. Bâties la plupart du temps sur des terrains en pente, les habitations des vallées sont situées entre les champs de culture et la colline. A proximité, se trouve un palmier dattier qui fonde le lieu d’implantation et a parfois une valeur culturelle et religieuse (maraboutique). La structure familiale se compose d’un patriarche entouré de sa tribu. Celle-ci rassemble toute la descendance du patriarche. Par le système des toponymes (Ouled, Ben ou Beni), les collines de Bourail ont toutes une délimitation précise suivant un système qui renvoie à l’appropriation du sol. On a à faire à un arch reconstitué où la cohésion du nouveau groupe, qu’elle soit collective ou familiale, réside dans les alliances entre patriarches. Le palmier dattier se présente toujours comme le centre d’intérêt et de préoccupations. Il est véritablement le symbole de l’identité familiale du groupe agraire et culturel.

Le transfert d’une authentique culture du palmier dattier n’est certes pas le fruit du hasard : il est d’évidence lié à la présence de Maghrébins sur le territoire néo-calédonien au XIXe siècle. Ces cultivateurs ont conservé leur savoir-faire agricole avec un certain succès, d’ailleurs reconnu par l’administration française[21]. Ainsi, dans la « cinquième commune » de l’île des Pins, ils produisaient des citrons, et plus tard, lors de l’installation dans les concessions de quelques hectares concédées par les autorités, ils ont réussi à bâtir de vraies exploitations agricoles, principalement dans la région de Bourail. Ils ont choisi dans ces vallées des sols limono-sableux sur des terrasses naturellement bien drainées, largement lessivées par de fréquents débordements de rivières[22]. Les trois années exceptionnelles de sécheresse de 1883, 1884 et 1885 ont par ailleurs favorisé le développement des cultures associées. Le degré d’implication des concessionnaires dans la mise en valeur des cultures semble avoir été lié aux conditions écologiques locales favorables au palmier. A une certaine époque, du temps des « Vieux-Arabes », la culture fut intensive et permanente[23].

On ne connaît pas exactement les modalités de plantation des premiers palmiers. On ne trouve aucune trace d’une importation officielle de rejets (djebbars, hachen) que l’administration aurait pu mettre à la disposition de ces « colons » malgré eux, qu’étaient les déportés. La mémoire collective conserve en revanche le souvenir de graines (les noyaux des dattes) semées dans les concessions. Ce qui est sûr c’est que ces noyaux ‑ qui donnent statistiquement un nombre égal d’arbres mâles et d’arbres femelles -, peuvent permettre la création d’une authentique palmeraie. Il ne fait pas de doute que les cultivateurs maghrébins ont très vite cherché à multiplier les meilleurs exemplaires d’arbres francs par la plantation des rejets. Cette façon de faire est restée vivante dans la mémoire collective à Bourail.

On peut ainsi supposer qu’il existe une connexion entre les dattes oasiennes et les dattes néo-calédoniennes, mais on ne saurait l’affirmer avec certitude. C’est pourquoi, dans nos travaux, la problématique de la variété est abordée non pas en terme biologique ou agronomique, mais plutôt anthropologique. A partir d’une typologie de la datte, il s’agit de retracer la connaissance qu’en ont les gens et de retrouver l’interprétation et la symbolique qu’ils lui confèrent[24]. Cette réflexion s’appuie sur les résultats d’enquêtes que nous avons effectuées entre 1999 et 2001 dans les vallées semi-arides de Bourail (Nessadiou, Boghen) et dans les lieux avoisinants (plus arides) de la Province Nord (Pouembout et Voh) auprès d’un échantillon d’environ cinquante cultivateurs.

Dans la région de Pouembout, la tradition orale désigne, par exemple, une variété de dattes en référence à un déporté politique du nom de Mamâar, des Ouled Zekri. Au dire des habitants, ce dernier l’aurait implanté dans sa concession par semis de noyau pour marquer le lien d’appartenance avec son terroir d’origine[25]. Par ailleurs, plusieurs autres variétés de dattes (communes aux gens de Nessadiou, de Boghen et de Voh) font référence au déporté Ben Toumi[26]. Il est donc possible que les noyaux de dattes aient été plantés par les patriarches pour marquer leur clan ou leur appartenance tribale et selon des rituels qui ne nous sont pas encore bien connus[27].

- La propagation de la datte a donné lieu à une ritualisation commune

Le palmier dattier a donné lieu à une ritualisation commune dans un contexte d’alliances mixtes entre groupes ethniques distincts (Algériens et Européens concessionnaires, Mélanésiens et Asiatiques). D’un point de vue démographique, le phénomène de propagation de la datte a contribué à la forte natalité au sein des groupes maghrébins. Dans la même perspective, on peut s’interroger sur l’impact en Nouvelle-Calédonie des politiques natalistes pratiquées en Algérie à partir de 1830 sur une population méprisée par les «Prépotens»[28] et dont l’objectif visait à aboutir, à terme, à l’élimination de l’« indigène ». Ont-elles été appliquées aux déportés algériens compte tenu de leur nouveau statut d’indigènes concessionnaires ?

De fait, l’indigène déporté qui devient un individu concessionnaire peut procréer pour la colonie. Ceci étant, l’objectif de l’administration coloniale était de former des familles foncièrement chrétiennes. Elle pensait que, du fait des mariages mixtes, les générations futures allaient perdre leur identité et la religiosité de leurs pères. Mais cette politique assimilationniste –reposant sur le projet d’une « élite future » ‑ a échoué car le système coutumier des anciens a réussi à reproduire des rites communautaires et à développer une vraie collectivité. En tout état de cause, des pratiques bien vivantes subsistent jusqu’à présent, comme le montre les rites et représentations collectives organisés autour du cimetière maghrébin et dont on constate qu’ils se rapprochent du principe de la zaouïa. Cette structure coutumière tire son origine du culte d’un saint patron et s’organise autour d’un certain nombre de ritualisations d’origine ancienne (ziyâra, zerda, touiza, saddaka, moussem). C’est le cas, dans le contexte néo-calédonien, avec la fondation de Sidi Moulay qui a pris une grande importance sociale et spirituelle[29].

Conclusion

Dans le cimetière de Nessadiou, on trouve un grand nombre de noms patronymiques de tribus algériennes qui renvoient à la présence historique de déportés d’Algérie condamnés dans leur très grande majorité pour des raisons politiques (insurgés). Malgré l’exil, la solidarité initiale a produit des alliances fortes sur la base de regroupements familiaux de type éponyme. Les héritages familiaux, produits de la mise en valeur des terres et du creusement des puits, sont le résultat d’une démarche de résistance dont la descendance se réclame en tant que telle[30].

Séduits par le paysage montagneux et verdoyant, ils ont labouré leurs champs et développé des cultures diversifiées avec des méthodes ancestrales. Ils pratiquèrent la transhumance selon la tradition bédouine, de part et d'autre des vallées, de la Haute-Boghen à la vallée de Nessadiou. Les fromages commercialisés à Bourail, à la fin du XIXe siècle, confirment l’important cheptel caprin. Bien que la Nouvelle-Calédonie ait offert aux déportés du Maghreb un milieu fort différent de celui de leur pays natal, ceux-ci ont réussi à reconstituer un authentique tissu social avec ses attributs (le costume, le culte des saints, les rites funéraires, les ritualisations agraires) et ont maintenu dans leur exil beaucoup de fondements sociaux propres à leur milieu maghrébin d’origine.

Le haut degré d’implication des déportés algériens ‑ d’origine majoritairement paysanne ‑ dans la mise en valeur des terres semble avoir été lié aux conditions écologiques favorables au palmier dattier observé dans cette zone. Les premiers bagnards ont en effet probablement importé des noyaux de dattes, dans lesquels ils voyaient des symboles de leurs valeurs culturelles oasiennes. Ils ont semés ces noyaux dans le respect de leurs traditions. Ainsi fut introduite en terre d’exil la culture du palmier dattier selon les méthodes traditionnelles maghrébines de multiplication des rejets et d’irrigation. Le palmier dattier est ainsi devenu le symbole le plus visible d’une transplantation réussie pendant plusieurs dizaines d’années d’une civilisation arabo-berbère en Nouvelle-Calédonie.

Sources orales

Dans le cadre de la préparation de mon doctorat, j’ai effectué un travail de terrain de cinq années en Nouvelle-Calédonie (subventionné par le Laboratoire d’Anthropologie Historique de l’Université Paris VIII et par la commune de Bourail) au cours duquel j’ai effectué une centaine d’entretiens auprès de Calédoniens, descendants d’Algériens (et de Maghrébins en général) de Nouméa, Pouembout, Voh, Koumak et des îles Loyautés, ainsi qu’auprès des représentants des communautés kanakes auxquelles j’adresse ma reconnaissance.

Un rapport de terrain (1999-2000) a été réalisé au profit de la Commune de Bourail et des Centres de recherches sur le territoire (I.A.C. et I.R.D.). À cela, s’ajoutent des enquêtes complémentaires menées dans les oasis du Maghreb (Djerid, Biskra, Mzab).

Archives

- Archives Communales de Bourail, Dossier 5. Note explicative sur les fondateurs de Bourail rédigée le 19 nov. 1873 remise par le Directeur du Service Pénitencier à M. Le Général de division Reboul, sur sa demande.

- Archives de la Marine de Brest. "Extrait du Cabinet du Ministère de la Marine (Versailles le 8 août 1874)".

- Archives Historique de la Marine, Fort de Vincennes, Dossier BB2 532. "Instruction pour le voyage de Circum navigation de la Loire à M. le capitaine de vaisseau Mottez, commandant de la Loire à Brest, Paris le 7 mai 1874".

- Archives du Ministère de l’Intérieur - IY210. "Lettre du Ministère de l’Intérieur adressée au directeur de l’administration pénitentiaire".

- Archives Historiques de Vincennes, 1H 1023. «Détermination de la quantité d’eau nécessaire pour le fort Saint-Germain et les plantations qui en dépendent» «Projet de règlement pour l’organisation d’un syndicat, chargé d’assurer le service des irrigations dans la ville et l’oasis de Biskra et de régulariser les usages divers adoptés jusqu’à ce jour».

- Archives du Ministère de l’Intérieur, Lettre du 30 Août 1873. Dossier IY210. Lettre du Ministère de l’intérieur adressée au directeur de l’administration pénitentiaire.

- Archives Territoriales de Nouméa, Table alphabétique des concessionnaires de Bourail, série 198 W.

Bibliographie

Emerit, M., Les Saint-Simoniens en Algérie, Editions Les Belles lettres, Paris, 1941.

Julien, Ch.-A., Histoire de l’Afrique du Nord (Tunisie, Algérie, Maroc) (1932). Paris, Payot, 9ème éd, 1986.

Nicomède, G., Un Coin de la colonisation pénale. Bourail en Nouvelle-Calédonie (1883-1885), Société Anonyme de l’imprimerie Ch., Thèze, 1886.

Ouennoughi, M., "Les Calédoniens originaires du Maghreb et la symbolique du palmier dattier en Nouvelle-Calédonie", in Encyclopédie "Le Mémorial Calédonien", Planet Memo, 2000.

Ouennoughi, M., "Le Voyage forcé des déportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie : Histoire anthropologique, culturelle et ethnobotanique", Annales calédoniennes, n° 2, "Les Kanaks et l’histoire", Université de Nouméa, 2005.

Ouennoughi, M., Les Déportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie et la culture du palmier dattier (1864 à nos jours), Paris, L’Harmattan, 2005.

Pérennès, R., Déportés et Forçats de la Commune, De Belleville à Nouméa. Nantes, Ouest Edition.

Rinn, L., Histoire de l’insurrection de 1871 en Algérie, Alger, Adolphe, Jourdan, 1890.

Rivière, H., Souvenirs de la Nouvelle-Calédonie, Nouméa, Edition du Pacifique, (Réédition 1981).

Saussol, A., «Une expérience fourriériste en Nouvelle-Calédonie : le phalanstère de Yaté», Bulletin de la Société d’Etudes Historiques de la Nouvelle-Calédonie, Nouméa, n° 38, 1979.

Villechalane, B., "La Calédonie, c’est ça !", 1998.


Notes

[1] Cf. "Etablissement généalogique des premières listes des mouvements de Maghrébins condamnés au bagne calédonien. 1867- 1895", in M. Ouennoughi, Les Déportés maghrébins en Nouvelle-Calédonie et la culture du palmier dattier (1864 à nos jours), Thèse Université Paris VIII, soutenance 01 Avril 2004, 472 pages.

[2] Il s’agit de ne pas négliger ces autres condamnés, probablement à l’origine d’une longue résistance à l’ordre colonial. L’établissement du classement et des listes généalogiques en cours (avec la collaboration des Archives de Nouméa) donnera un aperçu définitif des mouvements de convois destinés au bagne calédonien.

[3] Archives de la Marine de Brest, Extrait du Cabinet du Ministère de la Marine (Versailles le 8 août 1874).

[4] R., Pérennès, Déportés et Forçats de la Commune, De Belleville à Nouméa. Nantes, Ouest Editions, 1991, p 167. Pourtant, à cette époque, les Anglais semblent avoir hérité de l’arboriculture méditerranéenne comme science depuis plus d’un siècle. Ils utilisèrent en effet très tôt le jus d’agrumes : « Ils [Les Anglais] distribuaient régulièrement à bord du jus de citron conservé et en avaient complètement éliminé le scorbut » (Idem, p. 168).

[5] Service Historique de la Marine - BB2 532. "Instruction pour le voyage de Circum navigation de la Loire à M. le capitaine de vaisseau Mottez, commandant de la Loire à Brest, Paris le 7 mai 1874".

[6] Archives du Ministère de l’intérieur - IY210. Lettre du Ministère de l’intérieur adressée au directeur de l’administration pénitentiaire.

[7] Encore aujourd’hui, les Sahariens considèrent qu’une réserve annuelle de 50 kg par personne est nécessaire.

[8] G., Nicomède, Un Coin de la colonisation pénale Bourail en Nouvelle-Calédonie (1883-1885), Société Anonyme de l’imprimerie Ch. Thèze, 1886.

[9] La Commission partit le 12 juin 1867 sur la goélette La Fine. Elle était composée de M.M., Dugat, Chef de l’administration pénitentiaire, Boutan, Ingénieur agronome, Caillé, Garde d’artillerie, Vernier, Conducteur de Ponts et Chaussées, et Lacroix, Agent de Colonisation. Deux caporaux et quatre soldats suivaient la Commission. Dix condamnés portaient les bagages. Cf. La Calédonie, c’est ça ! Une enquête de Bernard Villechalane.

[10] Archives communales de Bourail. "Note explicative sur les fondateurs de Bourail rédigée le 19 nov. 1873 remise par le Directeur du Service Pénitencier à M. Le Général de division Reboul, sur sa demande".

[11] N’oublions pas l’origine kanake des terres indigènes sur ce territoire.

[12] Le principe de l’association de l’agriculture, du commerce et de l’industrie avait été initié comme méthode économique des Saint-simoniens en Algérie : « L’agriculture aux indigènes, le commerce, l’industrie, le crédit, les grands travaux aux Européens, telle est la doctrine officielle du Second Empire ». (M. Emerit, Les Saint-simoniens en Algérie, p. 115).

[13] Idem.

[14] Sur cette expérience rurale de Yaté, Cf. A. Saussol, "Une expérience fourrieriste en Nouvelle-Calédonie : le phalanstère de Yaté", Bulletin de la Société d’Etudes Historiques de la Nouvelle-Calédonie, Nouméa, n° 38, pp. 25-34, 1979.

[15] Dans notre travail de recherche, nous avons été amenés à resituer le sens du terme « Dar-el-Hadj » dans le contexte historique du Maghreb médiéval (à l’époque Almoravide) et à montrer comment, dans le contexte néocolonial calédonien, ce terme a subi une déformation péjorative jusqu’à se transformer en « Darrages » (pour dénoncer le comportement des chioukh dans l’organisation coutumière de Bourail).

[16] Le terme composé « Vieux-Arabes » désigne les déportés algériens en Nouvelle-Calédonie. Ils jouissent d’une profonde estime et c’est auprès d’eux, dans le cimetière des « Vieux-Arabes », que les familles se réunissent suivant la coutume algérienne.

[17] H., Rivière, Souvenirs de la Nouvelle-Calédonie. Nouméa, Editions du Pacifique, (Réédition 1981), pp. 75-76. Hadj, chioukh, amins, cadi pour la plupart, ils ont rejoint Bourail à leur libération.

[18] Les outils traditionnels provenant des concessions rurales ont été regroupés dans le Musée de Bourail.

[19] Ce qui fut bien souvent le cas.

[20] Nous n’avons pu vérifier le système de parts (fort complexe) dans le cadre de l’indivision familiale. La filiation ‑ plutôt que la succession ‑ paraît être un procédé plus adéquat pour le système collectif qui fait l’objet de notre recherche. Ce procédé semble se rapprocher de la règle de primogéniture.

[21] Sur le territoire néo-calédonien, la compétence agricole de ces cultivateurs pouvait tout à fait aller de pair avec le statut de cheikh ou d’amin visible. Cette « polyvalence » existait d’ailleurs dans l’espace traditionnel berbère.

[22] Les dattiers aiment les sols meubles et profonds : ils peuvent dans ces conditions résister à des sécheresses prolongées. Au dire de leurs descendants, leurs patriarches avaient également construit des puits de type saharien traditionnel qui permettaient de suppléer par l’irrigation à un manque d’eau éventuel. Les premières et secondes générations se souviennent de l’utilisation de puits à balancier (chadouf) et également de rigoles d’argiles aériennes (seguias). Nous avons-nous-mêmes retrouvé certains puits, témoins de cette diffusion d’une technique ancestrale, d’autres ont probablement été ensevelis ou été détruits par les débordements de rivières, fréquents dans les vallées de Bourail.

[23] Les fruits ont été pendant plusieurs années une alimentation quotidienne des habitants des vallées de Bourail

[24] Dans le cadre de nos recherches de l’histoire des Maghrébins en Nouvelle-Calédonie et de la phoeniciculture introduite sur ce territoire, nous avons établi un partenariat avec l’INRAA et l’INRAT dans l’objectif de mener d’autres investigations sur l’inventaire des variétés de dattes calédoniennes.

[25] Dans la deuxième moitié du XIXe siècle, la tribu Zekri se trouve localisée au niveau de la palmeraie de Sidi Khaled dans les Ziban (Cf. L. Rinn, Histoire de l’insurrection de 1871 en Algérie, 1890). Pourtant, on recense également l’existence du cultivar zekri dans les palmeraies de Tozeur et Kebili (Sud Tunisie).

[26] Notable d’origine ibadite en provenance de la région du M’zab.

[27] Aux dires des descendants, leurs « anciens » auraient planté des noyaux en fonction du cycle lunaire lié à la période du Ramadan.

[28] Selon la formule de Charles-André, Julien, Histoire de l’Afrique du Nord. Tunisie, Algérie, Maroc, Paris, Payot, 1932.

[29] On constate qu’on a conservé en Nouvelle-Calédonie des ritualisations d’origine ancienne qui ont en partie disparu au Maghreb.

[30] On observe qu’une tradition hagiographique populaire associe les anciens déportés à des « Cheikhs el-fellaha».

 

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