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Cycle de propreté : espaces et pratiques Analyse comparative des comportements dans le logement social à Tlemcen (Algérie) et Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime) (150 pages + 40 pages d'annexes)

Première partie : propreté et urbanité en Algérie

La première partie s'appuie sur une enquête par entretien menée auprès des habitants et des gestionnaires à Tlemcen, en Algérie, dans une cité de grands ensembles: Sidi Saïd.

La prise en compte des opérateurs comme le propre et le sale qui régissent les comportements dans l'espace urbain nous paraît essentielle dans la mesure où ils provoquent des conflits, des consensus dans la cohabitation et les relations de voisinage. Ces comportements sont ajustés aux modèles culturels qui définissent largement l'organisation de l'espace. La relation entre l'espace privé et l'espace public en Algérie (Maghreb) ne constitue pas une continuité. La rupture entre l'intérieur et l'extérieur érige l'espace domestique en référence absolue de valorisation de soi alors que l'état de saleté ou propreté de l'espace public n'a pas un effet de miroir pour qualifier le statut de l'espace intérieur et les individus qui y vivent. Le seuil de propreté est déterminé par une échelle de proximité de l'espace domestique.

La propreté de l'espace public à Tlemcen fait figure de parent pauvre. Une ville propre pourrait n'avoir que très peu de sens, ce qui n'est pas le cas du logement ou de la ruelle dans la médina. En Islam, la propreté appartient au rituel quotidien. Elle s'inscrit dans un cycle alternant le pur et l'impur, chaque état (de pureté ou d'impureté) est éphémère: le propre et le sale constituent aussi deux étapes d'un cycle sans cesse renouvelé. Le corps, les espaces sont soumis à ce continuel recommencement et l'eau couranteest le moyen primordial de rendre propre. Pour les algériens, il est difficile de concevoir qu'un bain dans une eau qui ne coule pas concourt à la propreté corporelle, celle des espaces et des objets.

Deuxième partie: propreté, image et altérité

A partir d'un corpus d'entretiens non directifs, à Saint Etienne du Rouvray dans la banlieue de Rouen, auprès des populations françaises et maghrébines, la recherche s'articule autour de quelques axes qui semblent structurer les oppositions de la catégorie propre/sale et organiser les rapports de cohabitation entre populations d'origine différente.

Un rapport à l'espace privé et public différencié

La notion entre l'intérieur et l'extérieur, «relation parfaite» selon Henri Raymond, transparaît nettement dans le discours des français : la propreté et l'ordre de la cité doivent refléter l'état de l'intérieur du logement (voire leur propre état), et par là même une image du statut social. Il semble que les maghrébins eux, opèrent une rupture entre l'espace privé et l'espace public: ce dernier n'existe pas en soi et, de ce fait, ne peut être pensé comme un miroir de l'espace intérieur. En revanche, la propreté de l'espace domestique est érigée en référence absolue de la valorisation des femmes.

La propreté est un cycle conditionné par l'usage et l'image

La notion de cycle de la propreté est vécue différemment selon les espaces et les appartenances culturelles. Ainsi, chez les algériens à Saint-Etienne-du-Rouvray, comme à Tlemcen, l'alternance entre le propre et le sale est largement ritualisé. Elle relie l'individu à travers sa purification corporelle (ablutions) au spirituel, en cela la propreté s'inscrit dans un cycle rituel. Simple étape d'un processus, la saleté passagère ne gêne guère.

Il semble que, si les français admettent ce cycle pour les espaces spécifiques du logement, ils ne l'intègrent pas totalement dans leur conception des espaces extérieurs. L'espace public doit toujours être impeccable et donc utilisé le moins possible. La permanence de la propreté des lieux est un critère d'évaluation des espaces publics. Ainsi, l'image prime sur l'usage.

L'utilisation de l'eau apparaît également différenciée. Considérée comme un moyen primordial pour laver le corps et l'espace chez les maghrébins, elle, n'est qu'un moyen parmi d'autres pour les français. Dans la maison et la ville traditionnelle arabe, il n'existe pas d'espace exclusif de la propreté, mais des lieux divers: bit-el-ma, la cour et son point d'eau, le hammam, la mosquée et ses pièces contiguës d'ablution.

Les médiateurs de la saleté: enfants, animaux

De manière générale, pour les français, l'image de la cité est fortement dégradée, les jeunes et les enfants maghrébins sont tenus responsables de cette dégradation et apparaissent comme les «salisseurs» privilégiés. Les femmes maghrébines, de leur côté, relient cette situation à la sociabilité des enfants rapprochant, ainsi, l'usage des espaces extérieurs d'un modèle de socialisation du pays d'origine. En revanche, elles s'étonnent beaucoup de la cohabitation des français avec des animaux, en particulier les chiens, et soulignent toute la saleté qui en découle.

Ainsi, quelle est la place réservée à la saleté dans les sociétés contemporaines?

notes

[*] Maître de conférence en sociologie et anthropologie de l'espace, Université de Paris X - Nanterre, chercheur à IPRAUS - CNRS.

auteur

Rabia BEKKAR[*]

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