Depuis deux décennies, les pays du Maghreb sont entrés dans la seconde phase de la transition démographique. Les taux de croissance de la population ont considérablement baissé suite à la diminution des taux de fécondité. Les projections démographiques des institutions internationales et des instituts nationaux de statistiques montrent des changements notables de la structure de la population pour le quart de siècle prochain. La baisse de la fécondité induit, notamment, une baisse du nombre des naissances avec comme premier résultat la diminution de la pression quantitative à l’entrée du système scolaire.
D’autre part à l’échelle des familles, le processus de nucléarisation en cours et le faible nombre d’enfants par couple conduit à accroître l’investissement par enfant. De même l’existence d’une fratrie nombreuse des adultes qui entrent sur le marché matrimonial et le marché du travail rend moins lourd pour les individus la prise en charge des générations précédentes qui sont en dehors de la vie active.
Cette situation particulière de l’histoire démographique des populations est appelée « fenêtre démographique » (période pendant laquelle il y a moins d’enfants et un faible nombre de personnes âgées à charge). Pour les pays du Maghreb, elle se profile pour les prochaines décennies ; sera-t-elle mise à judicieusement à profit par la mise en œuvre d’une politique de développement qui rentabiliserait cette « rente démographique » ? À qui profiterait prioritairement cette manne ? Les pays de la zone Nord de la Méditerranée en seront-ils les grands bénéficières ?
Quelques données démographiques : Moins d’enfants et une durée de vie plus longue
Dans les trois pays du Maghreb la croissance démographique, après avoir connu une brusque accélération dans les années 1960 et 1970, a enregistrée un ralentissement important qui se poursuit pour le Maroc et la Tunisie (Fig.1) ; alors que pour l’Algérie se dessine une légère relance de cette croissance depuis l’année 2001 (fig. 2).
Le taux de croissance dans la région a été divisé par deux dans les trente dernières années ; il est aujourd’hui de 15‰ en Algérie et de 11‰ au Maroc et en Tunisie. La baisse de la natalité et de la fécondité sont à l’origine de ce net recul de la croissance démographique. Plus de 7 enfants par femme au milieu des années 1970, l’ISF est aujourd’hui inférieur à 3 enfants par femme. La diminution du nombre moyen de naissances par femme annonce la fin de la transition démographique dans la région (Fig.3).
En même temps la baisse de la mortalité aux différents âges a entraîné l’élévation de l’espérance de vie ; calculée à la naissance, elle a connu une progression fulgurante, à un rythme de 6 mois par an dans le dernier demi siècle (Fig. 4). Une descendance restreinte et une vie plus longue pour les générations qui ont connu les plus gros effectifs de population et les fratries les plus nombreuses, telle est la situation démographique qui se dessine dans les pays du Maghreb.
Pour l’Algérie et le Maroc, il est trop tôt pour parler de vieillissement de la population ; les personnes âgées de 65 ans et plus, ne représentent que 5% de la population totale, il faudra attendre les années 2030 pour que ce taux atteigne les 10%. En Tunisie, le processus est plus précoce d’une dizaine d’années.
L’indice de vieillissement de la population se mesure généralement en rapportant la population des 65 ans et plus à la population en âge d’activité (15-64 ans). Cet indice est resté relativement stable depuis le début des années 1960 entre 7 et 8% pour les trois pays (Fig. 6). Les projections des Nations unies, dans leur variante moyenne, ne prédisent une augmentation de cet indice qu’au-delà des années 2030. Pour les prochaines décennies ces projections prévoient une population en âge d’activité (15-64 ans) qui comprends les deux tiers de la population totale.
L’indice de dépendance qui rapporte la population en âge d’inactivité (0-17 ans + 65 ans & +) à la population en âge d’activité (18-64 ans) a quant à lui connu une hausse dans les années 1970. Puis, à partir de la décennie 1980, il a entamé une période de baisse qui se prolonge jusqu’en 2010. L’indice se stabilise jusqu’en 2050, il y a pratiquement 2 personnes en âge d’activité pour une personne en âge d’inactivité (Fig. 6). Cet indice ne prend pas en compte la composition de la population active qui exclut une grande partie de la population féminine en âge d’activité. Les taux seraient, dans ce cas beaucoup plus élevés en début de période ; le taux d’activité des femmes s’élevant par la suite, la différence serait atténuée.
La fenêtre démographique
La thèse véhiculée par la conception de la « fenêtre démographique » suppose que les individus nés pendant la première étape de la transition démographique, membres d’une fratrie nombreuse auront une descendance relativement peu nombreuse ; ils bénéficieront de ce fait d’une situation démographique favorable au développement de l’épargne et de l’investissement (prise en charge partagée des ascendants, et moins d’enfants à charge). Elle pourrait se vérifier pour de nombreux pays ; mais l’est-elle pour des pays dont la baisse de la fécondité s’effectue brutalement. Les pays du Maghreb sont dans ce cas. Les ascendants vivront (heureusement) plus longtemps de cinq ans en moyenne entre 2000 et 2020. Les charges sont réparties au sein de la fratrie mais se déroulent sur un laps de temps plus long dans des pays où le système de retraite ne concerne qu’une partie de la population et où les pensions sont modiques pour la plus grande partie des retraités.
Pour apprécier les effets de cette fenêtre démographique, il faut prendre en compte le gonflement de la demande additionnelle d’emploi qui aggrave la concurrence à l’entrée du marché du travail ; il faut prendre aussi en compte le processus de nucléarisation de la famille qui est à un stade avancé dans ces pays et qui ne manquera pas d’accroître les besoins en capitaux nécessaires à l’installation des nouveaux couples.
Les générations qui arrivent sur le marché du travail et sur le marché matrimonial auront les effectifs les plus importants de l’histoire démographique de ces pays. Si on observe l’évolution des effectifs des différentes cohortes composées d’individus nés avant 2005, la génération (1975-79) a des effectifs moindres que les générations suivantes dont les individus sont nés au moment où s’amorce la baisse de la fécondité ; il faut attendre les générations dont les individus qui les composent sont nés après 1995 pour que les effectifs deviennent moins importants (Fig. 7 & 8). Les générations nées au cours des années 1980 et au début des années 1990 auront des effectifs beaucoup plus importants que leurs prédécesseurs et que les générations suivantes. Ils seront par conséquent plus nombreux à se présenter sur le marché du travail.
Quelle serait leur situation sur le marché du travail (épargne et investissement) et sur le marché matrimonial ? Sur le marché du travail la concurrence sera rude pour tous les individus qui atteindront l’âge de 20 ans dans la période 2000-2025, période où les générations ayant de gros effectifs de population arrivent à l’âge de travailler et de se marier. La demande d’emploi additionnelle sera très importante entre 500 000 et 800 000 par an, avec un taux d’activité des femmes variant de 10% en début de période à 50% en fin de période. Cette demande additionnelle s’ajoute naturellement au stock de demandeurs d’emplois déjà existant (2000000 en 2005).
Ce n’est pas par hasard si au cours de ces dernières années le taux de chômage des 20-30 ans se situe entre 60 et 70% du groupe d’âge. Pour tirer un bénéfice de la conjoncture démographique produite par la fin de la transition démographique, il faudrait quand même disposer d’un revenu à même de répondre aux dépenses courantes et dégager une épargne pour l’investissement ; ce qui est loin de dépendre des seules variables démographiques. La demande additionnelle ne diminuera d’une manière importante que lorsque les générations dotées de grands effectifs de population arriveront à l’âge de la retraite, c’est à dire aux horizons 2035-2040 (Fig. 9). L’avantage c’est que les systèmes de retraite ne seront excessivement sollicités que dans une trentaine d’année, ce qui permet de mettre en place des systèmes de retraite appropriés. L’inconvénient c’est que probablement cette situation gonflera le nombre des candidats à l’émigration.
La croissance de la population, malgré la baisse de la fécondité, sera cependant relativement importante. Dans les vingt prochaines années elle sera de l’ordre de 1,3% par an. La population globale atteindra les 93,5 millions d’habitants en 2025, elle était de 68,5 millions en 2000. Le potentiel migratoire garde un niveau important. Car, les effets de la baisse de la natalité et de la fécondité ne se feront sentir sur la population (âgée de 20 à 40 ans) ayant la plus forte propension à migrer qu’au-delà de 2020, date à laquelle arriveront sur le marché du travail les générations ayant un effectif moins important. Cette population, estimée à près de 22,5 millions en 2000, sera de l’ordre de 29,3 millions en l’an 2020. Ses effectifs diminueront de 1,1 million de personnes entre 2020 et 2025 (tableau 1). Les 20-40 ans représentent naturellement la tranche d’âge des candidats potentiels à la migration, c'est-à-dire des individus susceptibles d’élaborer un projet migratoire (concrétisable ou non).
Tableau n° 1 : Evolution des effectifs des populations âgées de 20 à 40 ans)
Sources : Nations unies révision 2006.
La migration est naturellement en dernier ressort régulée par le marché du travail. Entre 2000 et 2010, la croissance de cette tranche de la population mettra à rude épreuve le marché du travail local. En 2000, l’emploi global, dans les trois pays se situait à près de 15 millions, au rythme de la création d’emploi de la dernière décennie (400 000 emplois par an pour les trois pays) il sera en 2010 de l’ordre de 19 millions, alors que la population âgée de 20-40 ans sera de l’ordre de 28,5 millions. Dans le cas optimiste, où la création d’emploi suivra le rythme de ces 5 dernières années (la croissance annuelle a été supérieure à 5% du PIB) l’emploi créé sera de l’ordre de 8 millions et l’emploi total offert de l’ordre de 23 millions. En considérant que 50% de la population féminine de cette tranche d’âge serait inactive, il y aurait près de 21,5 millions d’actifs âgés de 20 à 40 ans, Les emplois sont naturellement occupés par les personnes âgées de 18 à 65 ans, il faudrait donc ajouter, aux demandeurs d’emplois âgés de 20-40 ans, les demandeurs d’emploi âgés de 18-19 ans et 40-65 ans[1].
Par conséquent plus que par le passé, dans les deux prochaines décennies, le marché du travail des pays du Maghreb connaîtra un surplus de demandeurs d’emploi. L’équilibre sur le marché se fait non seulement en terme d’adéquation entre l’offre et la demande d’emploi, mais aussi de la qualité de ses offres et des opportunités de progression sociale qu’elles génèrent.. L’ensemble de ces éléments et les autres indicateurs économiques, politiques et sociaux conduisent à penser que les flux migratoires, au départ du Maghreb, persisteront dans les prochaines années. Or toutes les études montrent que les profils migratoires ont connu des modifications considérables au cours de la dernière décennie. Dans les flux migratoires les personnes ayant une qualification professionnelle et un niveau d’instruction élevé remplacent progressivement les ruraux et les personnes sans instruction des décennies précédentes. On est en droit de s’interroger si par ce processus ne se dessine pas un autre système de transfert de valeur des pays pauvres vers les pays riches.
Les difficultés au niveau du marché du travail ont des conséquences sur les flux migratoires. Au départ des pays du Maghreb ils représentent au début du 21e siècle près de 150 000 personnes par an. Ces flux ont doublé au cours des vingt dernières années (Fig.9). Depuis 1974, ils sont alimentés par le regroupement familial, la migration pour études, la demande d’asile politique et la migration clandestine qui se substitue à la migration pour raison de travail. L’arrêt de l’immigration pour raison de travail décidé en France en 1974, et les réglementations de plus en plus strictes des pays de l’Union européenne en matière d’admission et de séjour pour atteindre l’objectif « d’immigration zéro » ont eu deux répercussions majeures : la première a été la diversification progressive des pays d’arrivée, les migrants se sont dirigés vers un plus grand nombre de pays européens, proches du Maghreb (Espagne et Italie) mais aussi vers la Belgique, les Pays Bas et l’Allemagne ; la seconde répercussion a été le développement de l’immigration clandestine au fur et à mesure que les mesures aux frontières de l’Europe de Schengen visant à limiter l’entrée légale des candidats à l’immigration se renforçaient et gagnaient en efficacité.
Tableau n° 2 : Taux et soldes migratoire
Cette faiblesse relative de la migration à partir de l’Algérie indique que des changements sont intervenus dans les profils migratoires, incontestablement en lien avec les politiques de restriction et de sélection de l’immigration adoptées par les pays européens ; ils sont cependant fondamentalement déterminés par les transformations constatées dans les pays de départ. La première phase migratoire touche à sa fin (population rurale, analphabète et sans qualification se dirigeant vers les emplois de l’industrie et de la construction en priorité) au profit d’une nouvelle vague migratoire qui a commencé à se dessiner au cours des années 1980 : population urbaine scolarisée à différents degrés, proportion de plus en plus grande de femmes prenant l’initiative de la migration et s’orientant vers les emplois tertiaires privilégiant les services aux entreprises et aux particuliers. Alors que pour le Maroc (Hamdouche & all, 2000) la première phase connaît un prolongement et coexiste probablement avec la seconde, notamment à la faveur de la migration vers l’Espagne et l’Italie. Les données statistiques relatives aux immigrants maghrébins enregistrés en France en tant que travailleurs permanents indiquent que pour les douze dernières années (1990-2002) 40 % des Algériens, 46 % des Marocains et 57 % des Tunisiens sont enregistrés comme des cadres, ingénieurs et techniciens. Les données du recensement français de 1999 montrent que les personnes nées en Algérie ont un niveau d’instruction plus élevé dans les générations arrivées dans la dernière décennie (Tableau 3)[2]. Il est évident que si de telles données existaient pour l’Espagne et l’Italie où la présence d’immigrés marocains est importante (plus de 300 000) et plus récente qu’en France, il y aurait, sans aucun doute, des proportions moindres de cadres et d’ingénieurs parmi les migrants.
Tableau n° 3 : Répartition en proportion des personnes nées en Algérie
Sources : INSEE exploitation complémentaire du recensement français de 1999.
L’association des médecins algériens en France[3] déclare plus de 3 000 adhérents ; majoritairement formés en Algérie, ils se sont rendus en France pour effectuer leur spécialité (dans différentes disciplines médicales) et s’y sont finalement installés. Cet exemple illustre une des voies possibles d’émigration ; en effet, les étudiants étrangers originaires des pays en voie de développement sont de moins en moins considérés comme un pont culturel et leur formation ne constitue plus une aide au développement. La forte présence d’étudiants étrangers originaires des pays en développement constitue « pour les pays d’accueil une immigration déguisée[4] » (Latreche, 2001a). Selon l’OMI, depuis 1990, près de 30 000 étudiants algériens sont entrés en France (Tableau 4). Les entrées annuelles qui avaient considérablement diminué au milieu des années 1990, (500 en moyenne), ont repris leur niveau antérieur au cours de ces dernières années (3 à 4000 par an).
Tableau n°4 : Entrée des étudiants maghrébins en France
Sources : annuaire de l’OMI.
Selon une enquête effectuée auprès des étudiants algériens inscrits dans les universités françaises, 34 % n’envisagent pas un retour dans leur pays de naissance. Ils envisagent de transformer leur migration temporaire en migration définitive. Plus de la moitié d’entre eux pensent s’installer en France ; les autres préparent une seconde migration vers l’Amérique du nord ou la Scandinavie. La mise en union avec un conjoint de nationalité française et la naissance d’un enfant sont les facteurs déterminants de l’installation en France (Latreche, 2001a). Or les effectifs d’étudiants maghrébins étudiants à l’étranger ont considérablement augmenté au cours de ces dernières années (Fig. 11).
Par conséquent un plus grand investissement dans le capital humain se traduit par la migration d’une partie des compétences formées dans le pays. Une partie des moyens financiers consacrés par les ménages et l’Etat seront orientés vers le secondaire et le supérieur pour élever le capital humain et la compétitivité sur le marché du travail.
Impact sur le système d’enseignement
La baisse de la fécondité amorcée à la fin des années 1970 et le début des années 1980 (Fig. 3) n’a pas manqué de se concrétiser par un recul de la natalité de près de 50 ‰ dans les années 1970 à moins de 20‰ actuellement et par suite du nombre de naissances par année. En Algérie le nombre des naissances avait atteint 850 000 par an dans les années 1980 pour tomber à 600000 au début de l’an 2000. Il enregistre une légère augmentation au cours de ces dernières années. Il en découle une diminution des entrées dans le système scolaire et dans les effectifs de l’enseignement primaire (Fig. 12). Il se prolongera probablement dans le cycle moyen (scolarisation obligatoire dans le primaire et dans le moyen). L’Etat pourra ainsi diminuer ses efforts dans le budget d’équipement pour les orienter vers l’amélioration de la qualité de l’enseignement. Cependant, l’amélioration de la qualité de l’enseignement dans le primaire et le moyen ne peuvent que se traduire par l’augmentation des effectifs dans le secondaire et le supérieur. Les taux de réussite au baccalauréat qui stagnait en Algérie à moins de 30% ont dépassé les 50% au cours de ces dernières années ; les effectifs de l’enseignement supérieur en Algérie sont passés de 466 000 en 2000 à 762 000 en 2005. Ils sont estimés à plus d’un million pour l’année scolaire 2007-2008. La diminution des effectifs dans les premiers cycles ne peut que se traduire par un gonflement des effectifs dans les autres cycles d’enseignement où les coûts par élève sont beaucoup plus élevés. Pas d’amélioration sur le plan budgétaire mais un transfert sur les autres cycles, avec cependant une amélioration indéniable du capital humain. Les familles deux ou trois enfants investiront plus dans l’éducation par enfant pour un même budget consacré à l’éducation des enfants que s’ils en avaient 5 ou 6.
Il est nécessaire d’avoir plus d’argent pour se marier
Sur le plan matrimonial, les frais de premier établissement grèvent profondément les budgets des nouveaux couples. Par le passé les frais de premier établissement étaient considérablement réduits du fait de la cohabitation des générations. Le mariage des jeunes adultes relevait du groupe familial ; il en est et en sera de moins en moins le cas. Ceci pour deux raisons fondamentales : la fin du système patriarcal (Fargues, 2001) et le processus de nucléarisation des ménages en cours dans les trois pays à des niveaux différents mettent les nouvelles générations face à des dépenses que ne connaissaient pas les générations antérieures. (Kateb, 2005).
En Algérie, les recensements montrent une tendance générale à la réduction du nombre de familles par ménage (1,15 en 1998 contre 1,31 famille par ménage en 1966) et du nombre de familles par logement occupé bien que le taux d’occupation des logements reste particulièrement élevé. La proportion de familles couples avec enfants a, quant à elle, augmenté passant d’un peu moins de 60 % en 1954, à plus de 78 % en 1998 de l’ensemble des familles. Cette proportion plus grande de couples avec enfants enregistrée en 1998 est accompagnée d’un élargissement du processus de décohabitation des couples mariés ; 7 couples sur 10 ont un espace domestique non partagé avec des ascendants ou des collatéraux. Ces résultats suggèrent que la famille nucléaire se substitue à la famille élargie ou tout au moins devienne la forme dominante (Tableau 5).
La famille élargie abrite dans le foyer paternel l’ensemble des fils mariés, et fait cohabiter plusieurs générations (3 au minimum) (ONS, 2000). Les historiens de la famille (Burguière & al, 1986) ont montré que la famille nucléaire a toujours existé aussi loin que l’on remonte dans le temps. Il n’en reste pas moins que l’augmentation de la proportion de ménages constitués de familles formées du couple et de leurs enfants célibataires ne peut pas être sans incidence sur les structures familiales et leur fonctionnement. Il s’en suit que les frais d’établissement des couples qui se constituent relèvent de moins en moins du groupe familial et serait l’un des facteurs explicatif du relèvement de l’âge moyen au mariage (28 ans pour les femmes et plus de 30 ans pour les hommes). Il est évident que l’épargne résultant de la fenêtre démographique ne pourrait dans ce cas pas être orienté vers l’investissement mais vers l’achat de biens de consommation durable.
Tableau n° 5 : Algérie, ménages constitués de familles nucléaires
Conclusion
La fenêtre démographique qui se présente en concomitance avec la nucléarisation des ménages favorise indéniablement une élévation du capital humain par une amélioration continue du niveau d’instruction des populations.
Cependant, les générations dont les effectifs de population sont les plus importants seront celles qui supporteront le choc de la période de transition. Elles auront certes moins d’enfants et partageront au sein de la fratrie la prise en charge des générations antérieures, mais elles connaîtront une rude concurrence sur le marché du travail et auront plus de mal à construire leur couple.
Bibliographie
Kateb, Kamel, école, population et société en Algérie, Paris, 2005, les éditions L’Harmattan, collection Perspectives méditerranéennes, 240p.
Kateb, Kamel, « Changements démographiques et organisation familiale en Algérie», in Maghreb-Machrek, Paris, n°176, 2003, Documentation française, pp. 95-110.
Kateb, Kamel, « Démographie et démocratisation de l’enseignement en Algérie », in Maghreb-Machrek, Paris, n°171-172, juin, 2001, Documentation française, pp. 80-89.
Fargues, Philippe, « La démographie du mariage arabo-musulman : tradition et changement », Maghreb-Machrek, 1987, 116 : 59-73,
Fargues, Philippe, « La Fin du patriarche » », in Maghreb-Machrek, Paris, Documentation française, n°171-172, juin 2001.
Latrèche, Abdelkader, « Le devenir des diplômés maghrébins en France » Migration et sociétés, Vol 13 n° 74, mars avril 2001, p.87-97, (2001a).
Latrèche, Abdelkader, Les migrations étudiantes de par le monde, Hommes & Migrations, n°1233, p. 13-27, (2001b).
Notes
* Ce texte a fait l’objet d’une intervention à la 5ème Conférence sur la population africaine d’Arusha, Tanzanien, 10 au 14 décembre 2007.
[1] En l’an 2000, le nombre total de chômeurs en Algérie est estimé à 2,6 millions personnes. En 2010, la population active totale est estimé à près de 13,5 millions ; en l’absence de migrations, le nombre de chômeur sera de l’ordre de 4.5 millions.
[2] Les calculs effectués pour la Tunisie et le Maroc donnent les mêmes tendances.
[3] Cette association, MADEF, milite à la fois pour que les services universitaires algériens reconnaissent une équivalence algérienne aux diplômes obtenus en France, mais aussi pour les droits des médecins algériens qui exercent en France dans le secteur public.
[4] […] Désormais, l’accueil des étudiants implique un traitement purement migratoire intégré dans la problématique globale des migrations internationales et de la gestion des flux. [En 1995] sur 148 000 étudiants étrangers de l’université française 43 % sont africains dont 25 % d’Algériens (15 900 environ) et 27 % de Marocains (Latreche A, 2001b) ».