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L’alternance codique négociée : muse créatrice d’Oran

Insaniyat N° 37 | 2007| Vécus, représentations et culturalité | p.57-74 | Texte intégral

Coded negotiatory alternance : the creative Oran muse

 Abstract: A market for audio cassettes as a mediatic backing is highly developed in Oran. This corpus according to some conservative university researchers in the Arabic language, is not fit to be a research subject. Harroudi, actor, performer and author places his texts in two systems of principles and cultural laws: French and Arabic spoken in a “milieu exolingue”. A syntagmatic semantic approach (Ducrot) allows us to illustrate the mechanisms which the creator brings into play to make his “sayings” a parody feature of his “spoken word”. A process of “intercoded variation” (adapting a linguistic item “borrowed” from the cohesive restraint of the native language) brings two ironical constructions into operation: the satirical “travesty parody” and “pastiche”, the latter being in two  sub categories : repetition and reiteration. An external tongue would thus appear as an affirmation which doesn’t exclude other types of statements institutionalized by the educational system of two state languages but questions a globalisation of “knowledge” and “know how” to the detriment of local or regional “cultural well being”.

Keywords: intercode variation - “exolingue milieu” - syntagmatic semantics - cultural representation - satirical parody - pastiche satire.


Sidi Mohamed LAKHDAR-BARKA : Enseignant à l’Université d’Oran.


 

 « La parole littéraire est le mouvement par lequel l’écart pathologique se commue en pouvoir inventif»
Spitzer. (Etudes de style)

 

L’enseignement de la littérature dans les universités algériennes, et en particulier dans les départements des langues étrangères, aujourd’hui, tend à partir de l’a priori, reconnu et difficilement admis, que ce terme recouvre un corpus publié, donc écrit et institutionnalisé sous forme de genres, bien déterminés par une tradition littéraire écrite « empruntée ». Que ce soit en arabe, langue officielle, en français langue seconde, en langues étrangères, ou même en langue berbère, langue du patrimoine national, dont le statut est toujours en débat, le fait littéraire est d’abord le produit d’un support graphique.

Nous ne nous attarderons pas dans le constat d’une réalité langagière factuelle, celle de l’exclusion des parlers locaux oraux, dialectes (ou patois) selon les points de vues, du champ potentiel d’une production verbale dont la littérarité, c’est-à-dire la capacité tropologique de générer du sens esthétique et/ou ludique serait reconnue par la société et les institutions qui élémentent ses activités créatrices. Ce déni de qualité, au nom d’une tradition du signe graphique, prive ce patrimoine du statut d’objet de recherche pouvant prétendre à des études méthodiques et systématiques.

Quand les universitaires/chercheurs (appellation administrative) se sont investis dans ces pratiques langagières, ils n’ont souvent retenu que les manifestations singulièrement linguistiques, ou parfois sociolinguistiques en milieu « bilingue » ou diglossique, avec une attention particulière aux phénomènes d’alternance codique, dans toutes ses nuances, en les isolant totalement de leur contexte culturel, quasiment comme un objet de dissection, dont on observerait les molécules qui le constituent au microscope, dans des conditions in-vitro de laboratoires.

Ainsi leur caractère exolingue, c’est-à-dire des formes de communication par des moyens autres que ceux de la langue maternelle, qui résultent de contacts linguistiques certes, mais qui mettent en jeu une conscience et des représentations que les participants ont de leur société (Maingueneau 2002 :250) et qu’ils développent pour structurer les micro-espaces de leur quotidienneté, sont de fait occultés, parce que sans traditions graphiques.

Ces espaces de socialisation, essentiellement, lieux de rencontres et de convivialité publiques ou semi publiques (salles d’attente, et de fêtes)[1], les administrations, les marchés, la rue, les restaurants, vont petit à petit mener la communauté à codifier et conventionner un corpus de pratiques langagières, qui sera toujours étiqueté en tant que variété basse de la langue officielle, et par conséquent non éligible au statut d’objet digne d’un investissement intellectuel à prétention scientifique, par carence de grille de lecture, du fait de son ablation du milieu culturel qui l’a engendré.

Ainsi par manque de corpus institutionnalisé par l’écrit ou difficulté à transcrire et élémenter un patrimoine langagier réel, afin de lui conférer une qualité de corpus officiellement reconnu, les universitaires algériens[2] qui s’intéressent aux phénomènes de langue et de communication dans leur société, vont graduellement s’enfermer dans un ghetto de savoirs théoriques, qui va fonctionner par lui-même et pour lui-même. Empruntant la plus grande partie de leurs illustrations aux études et enquêtes faites dans des contextes que les ouvrages spécialisés (importés de l’étranger ou achetés lors de séjours scientifiques) vont exposer ; la linguistique aussi bien que la littérature vont fonctionner comme des disciplines autonomes et se suffisant à elles-mêmes, pour rendre compte de la nature d’un objet qu’elles abordent partiellement, soit en tant qu’item linguistique, soit en tant que trope ou figure de sens connotée, euphémisme pour une définition générique du fait littéraire.

De fait, et en littérature particulièrement, l’enseignant universitaire s’est petit à petit « autarcisé » dans une langue savante, comprendre « écrite », et ceci est manifestement observable dans les filières arabisées.

Cette attitude peut-être inconsciente, et dans certains cas innocente, a eu le double effet de l’isoler de la richesse du patrimoine oral, qui se pérennise par des voies que l’université ne prend pas en charge. Cette distance par rapport à l’événement authentique va lui conférer une réputation de « théoricien savant » auquel les faits de la quotidienneté environnementale échappent, obnubilé qu’il est par les savoirs virtuels à prétention scientifiques, mais sans ‘savoir-être’ pour les ancrer dans sa réalité culturelle.

Il faut admettre comme règle générale, que toute manifestation langagière est avant tout une tentative de codage culturel, c’est-à-dire un ensemble de significations qui s’ajoutent au sens proprement linguistique. Pour sa compréhension, l’observation nous engage à développer des grilles de lecture à même de traduire les phénomènes de relativité culturelle, ou de « variété culturelle » naissant de l’interaction de deux ou plus de deux langues dans une communauté donnée, impliquant en parallèle l’interaction de deux (ou plus de deux) systèmes de principes et lois culturelles « dimonia » (Saville-Troiké 2003: 46)[3] qui accompagne la mise en scène de l’échange.

On peut donc se retrouver dans la situation où un locuteur utilise deux langues A et B, alors que tous les aspects non verbaux de la communication renvoient à A ou à B alternativement ou en contre temps, ou à A et B en complémentarité duelle.

Une communauté exolingue peut intégrer deux langues avec les substrats culturels qu’elles véhiculent, et la communication verbale bilingue ou diglossique entrera donc en complémentarité avec des signes non verbaux (gestuelle, prise de parole et stratégies interactionnelles mise en jeu entre le locuteur et l’interlocuteur) ce qu’étudie la proxémique, pour assurer l’échange de messages en situation de discours.

Ainsi concrétisé sous la forme d’un tableau, on peut imaginer les cas de figures suivants :

Nous nous intéresserons à ce profil de locuteurs dans cette étude.

Il apparaît que chaque année, à l’occasion du mois de ramadan, une série de feuilletons et surtout de comédies légères s’exprimant en arabe parlé dans une version fortement diglossique, telle que observée dans la rue, ont droit de cité dans ce qui est considéré en Algérie comme média lourd, la télévision[4]. Du fait que c’est la seule chaîne et étatique de surcroît, elle canonise par l’officialité les discours qui s’y expriment, et confirme de plus en plus l’existence des variétés linguistiques qui caractérisent la géographie linguistique du pays, et qui a souvent été occultée.

Cette exception semble devenir une règle annuellement tolérée, moment unique privilégié où l’Algérien se voit représenté par un moyen de communication officiel, qu’il comprend, peut-on dire à cent pour cent ?[5]

Cet événement est lié au moment de la rupture du jeûne et semble accompagner le rituel du repas marqué par le regroupement familial autour d’une table bien garnie, dans une atmosphère de convivialité et de partage où le profane rencontre le spirituel, et qui reste singulier dans la vie d’une communauté par sa fonction éminemment socialisante.

Nous nous sommes penché sur un phénomène, qui au-delà de son expression exolingue, manifestait une conscience des représentations culturelles confirmées par la vente massive de cassettes audio de comédies et monologues dont l’humour et la satire sont si virulents qu’ils sédimentent certaines de ces expressions, tropes de tous types dans le parlé populaire de la ville d’Oran. Reprises et réappropriées par l’ensemble des participants de la communauté langagière de cette ville, elles tendent à consacrer leurs auteurs, à les identifier en tant que porte-parole d’une mal-vie qui ne trouve pas d’autre forme d’exutoire pour son « dire » au sens où l’entend Ducrot ‘ce qui, dans le sens d’un énoncé, dans le « dit », concerne l’apparition de cet énoncé, son « dire »’ (1997, avant-propos).

En effet, ces cassettes se vendent bien[6] et le parlé populaire, communautaire les consacre dans tous les espaces publics, lieux de contact et de socialisation, où la reconnaissance de l’autre passe par « la complicité fondamentale qui lie entre eux les participants à l’acte de communication » (Ducrot 1997: 20).

Nous avons choisi un « texte » plus exactement une unité de cohérence discursive pour illustrer notre propos, en étant conscient que c’est là une des manifestations des praxis langagières de l’espace urbain oranais, et que toute prétention à une relative exhaustivité ou quantification de cette production serait vaine, car ce corpus, dans sa réalité actuelle, échappe aux lois d’une approche systématisée, parce que naissant et certainement déterminé par l’évolution sans précédent de piraterie, qui caractérise le monde de l’audiovisuel.[7]

Cette bribe de corpus, entité de « dire », un sketch va nous fournir les éléments d’analyse qui nous permettront d’établir la nature des rapports qu’une pratique langagière entretient avec une réalité culturelle.

Nous avons retenu un auteur ‘Harroudi’ dont le pseudonyme, déjà révèle la spécificité du personnage, puisque ce nom propre en arabe parlé est dérivé de ‘harrouda’ qui désigne de façon péjorative un individu rustre, frustre, totalement ignorant des formes élaborées du comportement en société, aussi bien verbales que dans les manières, et qui va faire de son « dire » le trait caricatural de son « dit ».

Nous avons retenu ce sketch comme support illustratif et non comme une valeur d’échantillon, car il nous semble  le plus représentatif de par le nombre d’occurrences de ces mixtes de langue (22), mais surtout, parce qu’il exprime une satire de l’une des contradictions les plus douloureuses de cette société, celle du statut de la femme en Algérie.

En effet, il met en équation ironique, largement consommable de par le sociolecte « compétence d’un sous-ensemble (Kerbrat-Orecchioni 2004: 9) qu’il met en œuvre, ici, deux femmes, une voyante et sa cliente, participantes d’une même communauté langagière, dans ce cas précis, paradoxalement représentée par des auteurs interprètes hommes.

Nous avons exploité deux cassettes dont (le corpus de ces deux produits étant relativement volumineux pour les circonstances de cet exposé) nous avons extrait un sketch[8]:

Cassette 1: édition « universal », duplication « EL baraka, paroles Tabek Mohamed, titre des sketch : l’icrivin, Karsan, El Meskine, El Hadda

Cassette 2: édition « Love Music », production Fethi, titre des sketchs: Habsse, Chahia Taïba, Hadana.

Ces sketchs alternent avec des chansons dans la même veine, pratiquant une dérision où l’intonation et les mimiques prosodiques marquent le sens par rapport à l’énoncé, le «dit».

Les titres ainsi que toutes les informations sur la jaquette, ce que l’on pourrait considérer comme le para texte, ou plus précisément le péri texte « les genres qui entourent le texte dans l’espace du même volume » (Genette1987: 7) sont en lettres latines, transcription phonique de la prononciation en arabe parlé. Le péri-texte se lit presque comme il s’écoute, et cette similarité met ce type de création à la portée de larges pans de la société, d’où consommation de masse.[9]

Un sketch ‘Habsse’ a particulièrement retenu notre attention, parce qu’il présente un double avantage du point de vue de la mise en discours de l’ironie par les procédés d’alternance codique culturelle, ce qui le rend plus représentatif quant à notre propos, si l’on a conscience du caractère foncièrement contextuel de l’ironie du fait de ses « composantes interactionnelles et para-verbales…qui indiquent une attitude énonciative plus qu’elles ne catégorisent le référent » (Charaudeau, et Maingueneau 2002: 310) .

D’abord ce texte met en équation une voyante et sa cliente participant d’un même sociolecte. Dans ce cas la situation ironique est en mention, c’est-à-dire qu’elle fonctionne en référence autonymique, sous la forme d’un dialogue  joué par deux locuteurs hommes, énonciateurs du propos et donc le mentionnent sans le prendre en charge car celui de « personnages disqualifiés énonçant quelque chose d’ostensiblement déplacé par rapport au contexte (Idem.: 330).

Ensuite à un deuxième degré, ces locuteurs/énonciateurs mettent en œuvre l’ironie comme paradoxe, car l’énonciation faite par une femme malheureuse, s’inscrit en contraste antagonique par rapport à l’énoncé, celui d’une femme qui souffre de ne pas souffrir comme ses sœurs. Elle n’a pas de désirs ou souhaits non exaucés. Elle possède voitures, villas et autres signes de l’aisance matérielle, puisqu’elle a voyagé partout dans le monde en compagnie d’un mari qui la gâte, mais est malheureuse de ne pas être opprimée ni battue, et, est jalouse des autres femmes qui connaissent ce sort. Au moment même où elle est réalisée, l’énonciation invalide l’énoncé, et inscrit le sens dans le paradoxe établissant ce télescopage entre le «dire» et «le dit».

En partant du schéma que nous propose O.Ducrot (1977: 60) dans le cadre d’une approche sémantico-syntagmatique, on retrouve la combinaison suivante :

Composant linguistique (CL) = énoncé(e) = signification

Composant rhétorique (CR) = énonciation(E) = sens

CR inclut les inflexions phonologiques, modifications morpho-syntaxiques par détermination et/ou modalité, déclinaisons grammaticales et autres altérations qui caractérisent l’énonciation. On obtient la formule suivante :

Enoncé(e) + glissement codique = énonciation (E)

Les schémas les plus usitées dans cette technique de glissement intercodique, que l’on préfèrera à alternance[10], consacre l’effet humoristique « esprit de dénonciation amusée »[11]et mettent en rapport une palette de modifications linguistiques avec des fonctions discursives régulières et bien déterminées, qui les rendent culturellement encodables et décodables.

Le glissement intercodique dans cette situation est négocié dans le cadre de la langue matrice (l’arabe parlé) à l’effet de produire du sens dans une intention délibérée et selon des principes de constructions linguistiques systématisées.[12]Nous allons en illustrer deux types que l’on reconnaît comme des catégories de l’ironie : le ‘travestissement parodique’ et le ‘pastiche satirique’.

Le travestissement parodique

On retrouve donc un signifiant Sa venant du français, enchâssé dans une variété basse de l’arabe, langue matrice, et qui opère comme suit :

L’énoncé (e) a une valeur signifiée dénotative, conventionnée et fixée par toutes les institutions qui normalisent, standardisent et élémentent cette langue Sé1.= congé.

L’énonciation (E) dont la valeur sémique est codifiée par le milieu endogène (variété basse de l’arabe) intègre une unité lexicale pour produire une valeur ajoutée discursive Sé2 = pagaille.

Dans le syntagme « les diables sont en congé » la proposition « les diables » est déterminée par le prédicat «congé». Ainsi, par inflexion phonologique, un énoncé à dénotation administrative et civile est plaqué sur une énonciation connotant l’occulte, le profane télescope le sacré.

Cette opération détermine le fonctionnement d’un procédé ironique relevant de la parodie et faisant appel au procédé de travestissement, qui met en situation de substitution paradigmatique une valeur dénotative linguistiquement signifiée par une valeur sémique obtenue discursivement.

Un énoncé (e) d’un registre rationnel et institutionnalisé par une langue le français (variété haute, dont une des qualités c’est d’avoir une grammaire et une littérature, ainsi qu’un statut linguistique international) est mis en situation de contraintes discursives, l’énonciation (E) imposée par la langue matrice (variété basse) du milieu endogène, d’où la formule :

 

       CL registre rationnel     proposition noble

E= ------------------------- = ----------------------   = travestissement

       CR registre occulte        prédicat burlesque   

Ce montage par glissement intercodique implique une altération dégradante pour le terme intégré et renvoie à un référent dévalorisant. Cet effet référentiel est connoté par une extension linguistique arbitraire, non institutionnalisée par la langue d’origine.

Dans une société connue pour son immobilisme social chronique, réifié par tous les blocages bureaucratiques, le lexème « congi » par effet synectique (focalisation sur un point de l’ensemble) devient un alibi justifiant toutes les vacances, qu’elles soient de gestion, de justice ou d’organisation sociale, résultantes d’un déficit démocratique réel mais exprimable que par le travestissement parodique.

Alors que dans la langue d’origine, ce mot a une étymologie liée à une histoire de luttes de classes et conflits idéologiques qui ont, au prix de lourds sacrifices humains, abouti à cette institution, symbole de respect des droits des travailleurs et signe de progrès social, dans le milieu endogène, il est investi d’une charge sémique synonyme d’absentéisme, de laissez-aller, et d’irresponsabilité civile.

Le pastiche satirique

Le deuxième type de construction parodique correspond à une autre technique de glissement intercodique, ainsi on remarquera plusieurs occurrences de ce procédé comme suit :

Glissement intercodique répétitif= même mot=effet parodique par captation.

Glissement intercodique réitératif = 2 synonymes = effet parodique par subversion.

Cette construction parodique procède par les ‘charges’ qui sont le fruit de l’imposture d’un discours sur un autre, soit par ‘captation’ soit par ‘subversion’, d’où les schémas linguistiques suivants :

a)

Sa1 de L1 + Sa2 de L2  =  répétition

Sé1  de L1 + Sé2 de L2 =  équivalence lexicale

Le second lexème est en référence autonymique puisqu’il n’ajoute pas de signification, car déjà signifiée par le premier.

b)

Sa1 de L2 + Sa2 de L2 +Sa3 de L2 = réitération

Sé1 de L2 +Sé2 de L2 + Sé3 de L2=co-occurrence synonymique.

Soit :

- Répétition= co-occurrence intercodique de signifiants = redondance sémique.

- Réitération = co-occurrence de signifiés = synonymie                     

                                                                      sémique.

A. La répétition

Kheyrou                                    ‘siliction’

Reyhou                                      ‘mets toi à l’aise’

Sa1 de L1             +                   Sa2 de L2

Sé1 : signification +     Sé2 : référence autonymique

La femme « malheureuse » va consulter une voyante, et est accueillie par une assistante, comme dans un cabinet médical. «Sélection» et «mets-toi à l’aise» sont en mention, ils n’ajoutent pas de signification par leur fonction lexical, mais portent un sens par leur fonction signifiante, en tant que signifiant de L2. Ces signifiants exolingues répètent la signification déjà exprimée par les lexèmes en arabe qui précèdent. La valeur ajoutée vient de la contiguïté syntaxique des deux signifiants sous contrainte cohésive, car ils subissent les inflexions phonologiques (sans modification de détermination ou de modalisation). Bien au contraire, ils sont prononcés avec emphase, et doivent être compris en tant que tel, si bien que l’addition des deux signifiants (arabe+français) produira une nouvelle unité sémique induite par la co-occurrence syntaxique des deux lexèmes.

En effet, il y a fusion sémantique par collocation. L’étymologie véhiculée par ‘siliction’, c’est-à-dire un concours dûment organisé et évalué, admettant un esprit de compétition administrativement établi et impliquant un processus important de rigueur et de compétence, est transposée dans un contexte, chez la voyante, qui la dépouille de la rigueur et du savoir-faire rationnel inhérent au même mot dans L2, en français.

L’encodage culturel procède ainsi par ‘captation’, c’est-à-dire « réinvestir l’autorité attachée au texte ou au genre » (Maingueneau 2003 : 102) en fusionnant les registres étymologiques des deux lexèmes par transposition associative intercodique.

L’emphase phonique de la variété haute de L2 et la formulation colloquiale de la variété basse de L1 donnent à l’énonciation un effet d’amplification qui produit le sens : celui de l’exagération par référence à une procédure rationnelle, supputant une démarche méthodique, dans le cas de ‘siliction’ et d’emphase par rapport aux formes sophistiquées de la courtoisie et certainement de la galanterie, dans ‘mets toi à l’aise’.

Le choix d’une voyante, acte dérisoire s’il en était un par excellence, et certainement arbitraire et hasardeux, est consacré par les connotations d’évaluation sérieuse et mesurée. La surcharge sémantique des registres de l’incertain, du spéculatif, de l’hypothétique et de l’occulte sur celui de la pensée structurée et scientifique télescope des significations linguistiquement établies pour en substituer des sens métaphoriquement établis.

On peut ainsi parler de glissement intercodique métaphorique où des marqueurs sociolinguistiques exolingues peuvent produire un effet de dérision par prétérition, c’est-à-dire par allusion. En effet, la formulation courtoise est exprimée, implicitement, par un personnage de bonne manière et éduqué, appartenant nécessairement à une classe sociale déterminée par la variété haute (parler en bon français est un marqueur social d’instruction poussée) accable la signification portée par le lexème en arabe (variété basse) et dissocie l’acte de politesse de son contexte endogène.

Cette mise en relief discursive, encore une fois, est construite à partir de l’intrusion de l’item exolingue porteur du sème à retenir, celui de la dérision des attitudes commerçantes et intéressées déterminées par des intentions sordidement lucratives.

Le marché de l’angoisse et de l’occulte stimulé par l’adversité et la misère sociale, jettent des victimes psychologiquement affaiblies en pâture à toutes sortes de spéculateurs, qui font du rêve un business.

B. La réitération

Sa1 de L2      +     Sa2 de L2     +        Sa3 de L2

Sé1 de L2      +     Sé2 de L2     +        Sé3 de L2

  1. a) voyage + merican       +        leskimou
  2. b) dovize + oro              +       doular
  3. c) villet    +     libre            +        okipé
  4. d) efam    +     dimenage    +        koifère

référent :

  1. a) dépaysement
  2. b) monnaie convertible
  3. c) résidences nombreuses
  4. d) services domestiques

On notera un procédé d’accumulation de significations synonymiques, qui une fois additionnées martèlent des sèmes connexes qui réitèrent l’isotopie de richesse insolente, liée au vecteur linguistique L2.

En effet, dans a) c’est le dépaysement par le voyage avec des destinations qui se caractérisent par l’éloignement et l’étrange, les pays des mythes de puissance et du froid. Dans b) les monnaies convertibles mentionnées représentent un pouvoir d’achat environ dix fois supérieurs à celui de l’Algérien moyen, mettant en exergue son pouvoir d’achat virtuel, dérisoire compte tenu de l’inconvertibilité du dinar. Dans c) le principe d’une aisance insolente dans le logement, au point où l’espace habitable ‘libre’ pose problème à ses occupants et renvoie à la crise endémique du logement en Algérie. Dans d) la référence au personnel de service réservé à une personne complète l’isotopie d’une richesse débridée, voir même provocante, qui confirme la distance entre la citoyenneté virtuelle et la réalité quotidienne.

Dans ce type de construction, la technique de réitération synonymique consacre l’imitation poussée à son extrême paroxystique et procède ainsi par ‘subversion’, c’est-à-dire en « disqualifiant l’autorité » ou la valeur véhiculée par les lexèmes de L2.

Il est un fait avéré, les institutions étrangères, souvent représentées par des signes de pouvoir économiques - voyages, argent, résidences, domestiques – sont réinvesties dans un contexte culturel décalé, marqué par la mal-vie, le confinement géographique (visas), la misère, la promiscuité et le chômage.

Ces signes dépouillés de leur potentiel sémantique habituel de rêve, sont totalement désincarnés et finissent par perdre leur référent original, de bonheur et d’ambition que les promesses et illusions de l’exil font souvent naître dans le désespoir.

L’intégration de plusieurs signifiants reproduisant le même référent dans des constructions syntagmatiques du type :

      Syntagme : Sa1    arabe    +    Sa1 français

ou  syntagme : Sa1 français + Sa2 français + Sa3 français

En contiguïté syntaxique intercodique, dans un continuum endogène, permet au locuteur d’amplifier l’imitation soit par la répétition (procédé discursif : la captation) soit par la réitération  (procédé discursif : la subversion).

La stigmatisation par le décalage culturel consciemment et délibérément  obtenu entre le vecteur linguistique et les effets discursifs induit des représentations symboliques nouvelles, qu’aucune des deux langues ne peut ou ne veut signifier toute seule, mais qu’une combinaison des deux fusionnant dans un complexe de glissements intercodiques arrive à mettre en discours, en renvoyant à un référent réel, une société dont les valeurs sont perturbées.

Nous sommes dans le ‘pastiche satirique’ (Maingueneau 2003: 107), formulation stylistique, qui remet en cause le fonctionnement d’institutions sociales qui réduisent l’individu à une illusion de lui-même, une représentation de ce qu’il n’est pas, et dont les discours officiels s’entêtent à garder le monopole de la représentativité.

Une observation élémentaire, nous a amené à constater que ce statut périphérique des manifestations de la culture orale telles que vivantes dans la gouaille de la rue et les anecdotes légères reprises sous forme de comédies, d’histoires ou de dialogues mis en scène pour une consommation audiovisuelle, longtemps considérées comme des vecteurs infra-culturels, non seulement avaient une valeur culturelle établie, puisque très appréciées du grand public, mais se trouvaient confirmées et reconnues par une des lois les plus objectives de la sanction populaire, celle de l’économie de marché, c’est-à-dire le succès financier à la clef, accompagné de la gloire avec toutes ses composantes lucratives, celle qu’offre cette simple réalité commerciale : s’il y a de la demande, il doit y avoir de l’offre.

Le passage en ‘prime time’ impliquant un audimat maximal, à la télévision algérienne consacre en lui-même cette reconnaissance d’une semi-institutionnalisation du parlé de la quotidienneté, et tend à standardiser des personnages tels que Mustapha, Beyouna, Hazim, Thoulati el Amjad, ainsi que leurs expressions, constituant un idiome se développant petit à petit en genre.

Ainsi ils sont fréquemment cités, imités et leur verbe parfois canonisé par la rue, comme une forme cinglante de perception satirique des travers de la société. Ils disent la rue, et signifient qu’ils ne sont pas dupes.

Ces auteurs interprètes fournissent, quoique l’on pense, un corpus de formulations de vérités, consensuellement reconnues, même si difficilement admises, et montre leur capacité à exprimer en des équations langagières fluides, agréables et souvent poétiques, révélatrices d’une dimension créatrice, une esthétique de la marge discursive.

Cela devient le discours que véhiculent ces comédies apparemment bouffonnes, formes de mise en représentation du vécu, et relativement normalisé sous l’aspect d’un jargon, dans lequel l’Algérien anonyme se reconnaît maintenant, même des deux côtés de la méditerranée, comme ce fut le cas pour la musique ‘raï’[13], en assumant son caractère exolingue, non plus comme une tare, mais plutôt comme un privilège, source d’inspiration. On constate un brassage des genres à l’échelle nationale, sans distinctions de leurs origines régionales, sociales ou même religieuses, et qui tend à diluer les frilosités identitaires, de par le potentiel supra-linguistique de la communauté de sens sur la communauté d’origine.

Les contacts linguistiques vont ainsi générer une conscience de soi ‘algérienne’ et des schémas de représentations culturelles véhiculés par leurs propres créneaux de consommation, ceux de la semi-marginalité de ce marché, officialisant les modèles de ‘dire’ de ses participants consommateurs.

En tant qu’actants de cet événement communicatif ‘speech event’, ils vont le produire, le structurer, le dominer par leur capacité perlocutoire, et signifier par là, le pouvoir qu’ils se donnent d’agir et d’être agi, c’est-à-dire, de ‘dire’ et d’être ‘dit’, expression de leur représentation d’eux-mêmes, en fait de leur autonomie discursive, et peut-être même institutionnelle, que Foucault appelle ‘mentalité’ ou ‘esprit’ « cette communauté de sens, de liens symboliques et de miroir… qui font surgir comme principe d’unité et d’explication la souveraineté d’une conscience collective » (1999: 32).

La voie multiculturelle s’assume, elle dit et dit qu’elle dit, se suffisant à elle-même. Ici la fonction autonymique s’attribue un pouvoir, s’il n’est pas sémantique ni élémenté, il n’en est pas moins communicationnel. Cette voie annonce un fait culturel, signifie un statut ou contre-pouvoir.

La polyphonie intercodique narrative se revendique d’abord comme l’auteur de son dire, mais surtout comme le rejet des revendications identitaires, qui aussi bien en arabe qu’en français passent par le carcan normatif des institutions langagières, en particulier les systèmes éducatifs, condition siné qua non pour être, ou plus précisément ‘savoir-être’.

Le monopole du savoir-être est remis en cause par celui que propose l’école de la rue, peut-être l’école de la réalité, celle de la communauté, non pas virtuelle, mais réelle. L’exolinguité y apparaît comme un acte d’affirmation, qui n’exclut pas les autres énonciations possibles (Foucault, 2001 :32) et qui pourrait en dernière instance, rejeter la modernité comme une alternative fondée sur une mondialisation valorisant exclusivement les ‘savoirs’ et ‘savoir-faire’ aux dépens des savoir-êtres locaux et/ou régionaux.

Cela revient à dire, qu’aujourd’hui, en Algérie, nous ne sommes pas dans une crise de savoir, ni de savoir-faire, et que le mythe des transferts technologiques et des mises à jour scientifiques ne sont pas la panacée, car dans le meilleur des cas, ils ne répondront que partiellement à notre besoin fondamental de savoir-être.

Les deux premiers (savoir et savoir-faire) n’ont de sens que s’ils nous aident et nous acheminent durablement à nous assumer dans la conscience que nous avons de nous-mêmes. Apparemment le système éducatif n’a pas atteint ces objectifs, ces savoirs quand ils ont été acquis, soit ils n’ont pas trouvé de champ d’application dans l’environnement social immédiat, soit ils se sont exilés pour plus de perfectionnement, la quête dans l’acquisition du savoir devenant une fin en soi, et non plus un moyen de participer au bien-être de la communauté.

Les deux premiers ont besoin d’une langue certes, mais le troisième ne peut en aucune manière se réduire à une langue, mais doit plutôt s’ouvrir à tous les rapports qu’entretiennent la ou les langues que nous parlons avec les représentations réelles ou symboliques que notre imaginaire construit.

En effet, affirmer une bi-polarité culturelle, que l’on retrouve dans l’espace discursif, celui qui échappe aux institutions officielles, autorise une distance par rapport au caractère régulateur et normatif des langues élémentées, ou « langues états » dans leur potentiel sous-jacent de « conditionnement des modalités du rêve ».

L’ancrage ethnique ou même linguistique, aujourd’hui, est vécu comme un handicap dans certains cas, car il est de plus en plus évident que l’accès à la citoyenneté du monde global passe par la maîtrise d’au moins deux ‘langues-cultures’. La langue-culture est un espace discursif qui devra répondre, non plus à la question «comment dit-on ?», mais à la question «comment est-on ?»    

Par exemple, une amplification parodique du statut de la femme comblée renvoie par prétérition au statut infra-humain qui lui est fait juridiquement par son confinement d’irresponsable à vie, dans le ‘Code de la famille’.

Cette remise en cause est le résultat d’une formulation culturellement encodée, qui implique les protagonistes en situation de communication, dans une prise de conscience qui provoque et parfois induit des réactions exutoires, le rire, unique espace encore non quadrillé par la loi, et contribue à défouler les frustrations d’impuissance devant une injustice institutionnalisée.

Si ces cassettes se vendent si bien, c’est qu’elles restent un moyen de faire dire tout haut, ce que tout le monde pense tout  bas, et en particulier les femmes, vu que les sujets parlants    hommes (l’auteur) en prenant  les voies des personnages femmes, s’assument en tant que ‘locuteur’, c’est-à-dire responsable de son propos.

Cela nous paraît paradoxal par rapport à l’homme de la rue, qui finalement, semble beaucoup plus  ‘ouvert’ pour ne pas dire moderne / citoyen que ne le laissent supposer les discours officiels confectionnant le prêt-à-porter culturel. Son espace discursif est beaucoup plus à l’aise en posant la question urgente : comment est-on?

La société se réapproprie le droit à l’opinion en dehors des canaux qui la confinent à une parole irresponsable ou incapable d’exprimer un choix de vie, un projet social.

Cette ‘incapacité à être’ implicitement admise par les institutions censées la prendre en charge et lui donner une conscience d’elle-même, a mené l’université à ignorer cette réalité du ‘dire’.

Les pratiques de communications exolingues, même si elles s’épanouissent  souvent en milieux diglossiques ou multiculturels, micro espaces discursifs, ne se soumettent pas inéluctablement  aux lois d’évolution linguistique et culturelle   qui ont façonné  des états   nations vieux de plusieurs siècles, comme c’est le cas en Europe, et où les pratiques langagières ont largement eu le temps de sédimenter et cristalliser des modèles communicatifs qui ont fossilisé les fonctions de secondarité de ces langues.

Par conséquent la recherche en Algérie peut avancer des théories qui rendent compte de certaines variations linguistiques, mais elle doit absolument discerner les ‘variétés culturelles’ et les soumettre à l’investigation rigoureuse, car   les représentations culturelles ne sont pas coextensives des communautés langagières, puisqu’elles sont le produit de rencontres de cultures « mettant en évidence la relativité culturelle des comportements communicatifs observables (Maingueneau 2002 : 322).

Corollairement, elles nous imposent un outil d’analyse, appareil conceptuel adapté à l’objet observé, et admettent à priori une série de questionnements qui mettront en exergue   la nécessité d’une démarche épistémologique inhérente au corpus. Une recherche qui ne pose pas comme   préalable la mise au point d’une grille de lecture méthodique des phénomènes culturels qu’elle soumet à l’investigation reste en deçà des attentes de la société qui l’induit.[14]

Retourner au vivier de production langagière, praxis et créativité, exige de l’universitaire/chercheur d’être à l’écoute du réel langagier de son milieu endogène, sans attendre que l’Etat ou toute autre institution lui définissent son corpus, même si au nom de stratégies, cela se fait à des fins idéologiques, paramètre qui ne peut être écarté de façon absolue.

Une prise en charge du réel, événements communicatifs qui l’entourent, lui   permettrait de valoriser ce réel en tant que patrimoine immatériel certes, et de le réifier, étape heuristique inévitable (collecter les données, les répertorier, les archiver) pour ensuite développer une herméneutique de ce patrimoine (interpréter, analyser, pérenniser), et aboutir à l’étape didactique, celle de la transmission.

C’est ainsi que le patrimoine s’inscrit dans une tradition qui passe par une rupture épistémologique, celle de l’oral (signe phonique) vers l’écrit (signe graphique) pour sauvegarder ‘la communauté de sens en tant que conscience collective’.

De fait, une telle opération serait un moyen pour l’université algérienne de se réimplanter dans le tissu social, qu’elle a sous-estimé, car préoccupée par des  exigences savantes de transferts de connaissances, et qui lui ont donné l’illusion d’être   une institution organiquement liée  au groupe social duquel elle émane et dont elle a la fonction de leadership intellectuel.

Le cloisonnement taxonomique des langues (arabe, français, anglais) en disciplines de savoir a transformé leur nature de champ d’exploration, c’est-à-dire de sujet de connaissance, excluant ainsi les variétés culturelles dans la périphérie des objectifs de recherche à priorité nationale.

L’université a ainsi intériorisé le caractère idéologiquement prescriptif de ces stratégies dans sa réflexion, et perdu son rôle d’institution en rapport interactif avec son environnement qui lui fournit sa raison d’être. Elle est devenue un appendice idéologique au lieu d’être un instrument dans le chemin vers la vérité.

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Notes

[1] On observe un curieux phénomène dans ces lieux, en particulier lors des célébrations d’événements heureux, où les repères coutumiers qui distinguent la sphère du public et du privé ont tendance à se repositionner par rapport à des cercles concentriques de socialisation qui doivent s’élargir à la famille clanique, le voisinage voire même les amis proches et relations professionnelles. Les comportements et attitudes, notamment dans les milieux mixtes, sont souvent à l’origine de méprises et d’incompréhension provoquant des situations de malaise relationnel.

[2] Il va de soi, que nous parlons de ce qui se fait dans la grande majorité des pratiques pédagogiques observées ici et là. Il y a une multitude d’expériences et d’études très intéressantes qui ont lieu de façon tout à fait pionnière, mentionnées par certaines revues spécialisées, mais elles n’ont pas encore acquis un statut pédagogique systématisé dans le cadre de curricula officiels, mais la réforme (LMD) en cours devrait autoriser l’institutionnalisation de ces initiatives. A ce titre, les publications du CRASC et de certains laboratoires tels que le LAROS (Oran), et le SLADD (Constantine) fournissent un éventail assez varié et pertinent de ces tentatives d’expériences.

[3] « Dimonia is the coexistence and complementary use within the same society of two cultural systems. (The dominant culture – larger society H – and the subordinate one – less prestigious subculture L).

[4] Cette intrusion des variétés linguistiques dites « basses » dans le domaine de la variété linguistique haute même si limitée dans le temps et dans l’espace, illustre une ouverture sur le paysage langagier et les variétés culturelles qu’il implique et qui constituent la réalité du pays. Elle annonce une rupture avec la conception monolithique et réductrice d’une culture nationale homogène cadrée par le triptyque du parti unique: une langue, une religion, une nation.

[5] Cette année par exemple (ramadan du 04/10/05 au 05/11/05 le nombre de ces feuilletons est en augmentation, et on pourra citer pour l’exemple « nas mlah city, babor edzair, saraha raha »

[6] Ce fait est certainement reconnu aujourd’hui dans le cas de la musique raï, et à l’échelle mondiale, en n’oubliant pas qu’il fallut qu’elle s’exile pour se faire admettre en tant que telle et imposer ses textes, non plus en tant qu’expression d’une région de l’ouest du pays, mais en tant que patrimoine national.

[7] Dans le quotidien national El Watan du dimanche 27 novembre 2005 un article sur la page « Oran info » écrit par T.Lakhal rend compte de ce « phénomène nouveau… porteur pour des maisons d’édition c’est le marché made in Oran, certains films ayant beaucoup de succès pendant le mois de ramadan… »

[8] Cette étude a été exposée sous forme d’une communication dans le cadre du séminaire national «’Les curricula en langues étrangères dans une perspective L.M.D.’ en tant que membre d’une équipe de recherche fondée sur un projet « Curricula et évaluation », Faculté des lettres, langues et arts, de l’université d’Oran/Es-sénia, les14 et 15 avril 2004.

[9] C’est cette pratique de la transcription graphique du « dire » qui nous a amené à présenter le corpus étudié « Habsse », plus un éventail de 05 autres exemples, sous la forme d’un tableau à trois colonnes. La première est une transcription en arabe non voyellisée, tel qu’il se distingue de la variété ‘haute’. La deuxième reprend en lettres latines, sous forme phonique la prononciation en arabe parlé, les mots de français tels qu’ils sont intégrés dans le milieu endogène, et la troisième présente ces mots, dans leur forme originale (voir tableaux en annexe).

[10] Le terme ‘alternance’ décrit une transgression du code, beaucoup plus marquée, dans le sens où il implique la substitution d’un item linguistique par un autre, et le passage d’un code à l’autre est net, et se négocie par une rupture non seulement de la cohérence discursive, mais aussi des règles de cohésion linguistique. Dans le cas du glissement, il y a altération et/ ou complémentarité de la cohérence discursive, mais non cohésive, par adaptation de l’item ‘emprunté’ aux règles de cohésion linguistiques de la langue hôte, ou matrice, et donc prolongement des règles cohésives dans l’énonciation, ce que Saville-Troïke appelle ‘intrasentential switching’ « the host (or matrix) language is the one to which the basic grammatical structure is assigned, elements of the guest or embedded language are switched into it following systematic rules and constraints » (2003: 52)Dans la mesure où il y a construction de sens sans alternance cohésive, on peut assimiler cette interférence à un glissement plutôt qu’à une alternance, car le procédé, dans ce cas, se rapproche beaucoup plus de ‘style  shifting’ qui se détermine par les changements des marqueurs sociaux qui régulent le champs discursif, c’est-à-dire les relations illocutoires. Ainsi, tous les items cohésifs qui sont en même temps des marqueurs sociaux de la langue matrice, en étant maintenus donnent à l’énonciation une homogénéité cohésive que perçoit l’interlocuteur comme des signes d’encodage et de décodage culturels, qu’il partage avec le locuteur.

[11] « Remise en cause d’une situation que l’on juge inepte, injuste, maladroite, mais que l’on accepte ou feint d’accepter avec le sourire comme chose naturelle » (H.Morier, 1989 : table de repérage)

[12] Voir l’article pertinent de Y. Cherrad, pour une analyse linguistique systématique de ces épiphénomènes des mixtes de langues’ in Les cahiers du SLADD, janvier 2004, « Des langues et des discours en question » ‘ Paroles d’étudiants’ pp.25 – 45, université de Constantine.

[13] Le Raï initialement confiné à Oran et sa région immédiate en tant que source d’inspiration et de création, est  apprécié et chanté avec plus de succès encore par des chanteurs  venant d’autres parties du pays, comme Réda Taliani (Béjaïa). Le même phénomène de médiatisation d’un genre est observable dans le cas de la chanson Kabyle, et qui aujourd’hui est appréciée en berbère partout dans le pays, quand elle n’est pas chantée traduite en arabe parlé (Khaled, Mami, etc.).

[14] « du point de vue de l’énonciataire, l’isotopie constitue une grille de lecture qui rend homogène la surface du texte, puisqu’elle permet de lever les ambiguïtés. » Greimas cité par Maingueneau, 2002 : 333.

 

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