Insaniyat N° 13 | 2001 | Recherches urbaines | p.105-122 | Texte intégral
Artisanal know-how and local dynamics in old Maghreb towns.The example of Sfax Abstract: The slackening of growth recorded in the « Third World » in the 70’s, raises the question of development. One of the main characteristics of socio-economical activities is that they are deeply rooted in the history of those territories where they develop and find a source of vitality and efficacity in local socio-cultural values. Concerning the Maghreb zone, Sfax the economic capital of southern Tunisia, forms an interesting case study to analyse. |
Améziane FERGUENE : Institut de Recherche Économique, sur la Production et le Développement, Université Pierre Mendès France, Grenoble – France.
Le ralentissement de la croissance intervenu au milieu des années soixante dix et qui perdure depuis, combiné aux nombreux échecs du modèle standard d’industrialisation enregistrés dans le «Tiers-Monde », pose sous un jour nouveau la question du développement. Conséquence de cette double évolution négative -croissance faible et irrégulière au Nord, dysfonctionnements du projet industriel au Sud- un regain d’intérêt se manifeste à l’égard de pratiques économiques et sociales tenues auparavant pour quantité négligeable mais désormais considérées par bon nombre d’auteurs comme voies de développement possibles et prometteuses.
Une des caractéristiques majeurs de ces activités socio-économiques ainsi redécouvertes est qu’elles sont profondément enracinées dans l’histoire des territoires où elles se déroulent, ce qui signifie notamment qu’elles trouvent une des sources de leurs vitalité et efficacité dans les valeurs socio-culturelles locales. Pour cette raison, elles relèvent de ce que l’on appelle «dynamiques de développement territorial ou local».
S’agissant de la zone maghrébine, qui nous intéresse directement ici, on peut dire que ces dynamismes économiques locaux s’observent en particulier dans les vieux centres urbains, lieux où se concentrent des traditions commerciales et artisanales fortes et anciennes, ainsi que des savoir-faire ancestraux relativement bien préservés et transmis de génération en génération. Fès au Maroc, Ghardaïa et Tlemcen en Algérie, Kairouan et surtout Sfax en Tunisie en sont de très bons exemples.
Comment se présentent ces dynamiques économiques locales et sur quels types d’activités se fondent-elles ? Quelle place occupent dans ces processus les métiers artisanaux plus ou moins anciens et les savoir-faire correspondants ? Enfin, comment ces savoir-faire qui sont des héritages de l’histoire, s’intègrent-ils dans les systèmes productifs d’aujourd’hui et comment s’y adaptent-ils ? Telles sont les questions que nous souhaitons aborder dans cette communication.
Pour y répondre, nous avons choisi de traiter l’exemple de la médina de Sfax. Cet exemple est particulièrement intéressant à étudier car si Sfax est aujourd’hui la capitale économique du Sud de la Tunisie, et si elle est considérée à juste titre comme le second pôle de développement du pays après Tunis, cette importance, elle ne la doit pas seulement aux grandes activités qui se déploient dans sa partie moderne, mais aussi à la constellation de petites activités qui foisonnent dans sa partie ancienne, c’est-à-dire la médina.
Notre travail est structuré en deux parties.
- Dans un premier temps, nous proposerons une analyse du système économique -ou plus précisément socio-économique- de la médina, avec comme préoccupation centrale de mettre en évidence les factures de dynamisme de ce système. Dans ce cadre, on s’intéressera notamment à la place et au rôle que tient la main-d’œuvre, avec ses savoir-faire hérités de la tradition artisanale, dans la dynamique de la socio-économie locale.
- Dans un deuxième temps, nous nous interrogerons sur l’évolution des métiers et savoir-faire artisanaux et sur leur capacité à s’adapter à l’univers économique d’aujourd’hui. En d’autres termes, la question soulevée ici est celle de l’ouverture du système productif de la médina au monde moderne et aux innovations -technologiques, organisationnelles…- qu’il apporte. Dans ce cadre, on montrera que loin d’être fermés sur eux-mêmes, les acteurs économiques de la médina de Sfax sont largement ouverts sur l’extérieur, cette ouverture se traduisant par une actualisation-réactualisation perpétuelle des savoir-faire dont ils sont détenteurs.
Mais pour que les choses soient claires, il est nécessaire de partir d’une présentation succincte de l’économie de Sfax dans son ensemble afin, d’une part, de restituer la dynamique socio-économique de la médina dans le contexte global qui est le sien et, d’autre part, de préciser la forme que prend sa contribution à cet ensemble.
I. Sfax et sa médina : une «ville-atelier » active au sein d’une métropole économique prospère
Deuxième ville de Tunisie -après Tunis- Sfax se trouve dans le golfe de Gabès sur la côte méditerranéenne. A l’heure actuelle, sa population est approximativement de sept cent milles (700.000) habitant, et son port l’un des plus importants du pays. Sur le plan historique, il s’agit d’une ancienne ville romaine qui a connu un essor remarquable après la conquête musulmane, en particulier au IXème siècle sous la dynastie aghlabide (800-909 de l’ère chrétienne). De nos jours, Sfax est considérée à juste titre comme la métropole économique du Sud de la Tunisie.
A l’origine de cette prospérité, on peut repérer trois caractéristiques particulièrement favorables :
- La première tient à la situation géographique privilégiée de la ville : abstraction faite de la façade côtière orientale, Sfax est entourée d’une région agricole riche, avec comme principales cultures, les céréales, les arbres fruitiers et les oliviers. Cette situation a évidemment des retombées positives en termes économiques et industriels dans la mesure où elle favorise le développement d’une production agro-alimentaire.
- La deuxième caractéristique favorable est liée à l’importance du port de Sfax : ce port connaît depuis toujours un trafic intense grâce notamment à l’exportation de l’alfa, de l’huile d’olive et surtout des phosphates de la région de Gafsa.
- La troisième caractéristique, dont le rôle n’est certainement pas le moins important, consiste dans l’existence à Sfax d’un tissu productif efficace, constitué pour une large part de petites et moyennes entreprises. Sans doute, ceux qui connaissent Sfax savent-ils que la grande industrie y est présente (avec, notamment, une grande usine de superphosphates) et que la pêche occupe une place importante dans l’économie locale et régionale. Toutefois, à côté de ces aspects, il est indéniable que la vitalité économique de Sfax est due aussi au fait qu’elle abrite une multitude d’entreprises performantes qui relèvent soit de la petite industrie (conserveries, huileries, savonneries… ), soit carrément de l’artisanat plus ou moins traditionnel (dans les domaines de la bijouterie, de la forge, du travail du cuir… ).
C’est dans le cadre de cette dernière caractéristique - l’existence d’un système de petites entreprises dynamiques - que s’inscrit la contribution de la médina au développement et au rayonnement économiques de Sfax.
Au premier abord, la médina de Sfax apparaît, aux yeux du visiteur non averti, davantage comme un énorme «souk » (c’est-à-dire un grand centre commercial traditionnel) que comme un espace de production. Pourtant, parmi la multitude d’entreprises qui s’y concentrent (3.500 environ sur une superficie totale de 25 hectares), on rencontre aussi bien des unités de production de divers biens et services que des unités qui se livrent à une activité purement marchande.
Seulement, il fait savoir que dans la tradition des pays arabo-musulmans, le commerce est socialement une activité plus prestigieuse et plus valorisante pour les individus qui l’exercent : plus valorisante, notamment en comparaison avec l’activité productive. Cette hiérarchie sociale traditionnelle se retrouve nettement au niveau de la manière dont les diverses activités sont réparties dans l’espace de la médina de Sfax. Alors que les différents « souks » où s’échangent les marchandises sont localisés au centre de la vieille ville, les activités de production sont, pour ainsi dire, reléguées dans les zones périphériques de celle-ci[1]. C’est précisément cette distribution particulière des activités dans l’espace qui donne, au premier abord, de la médina limage d’un énorme marché traditionnel.
Au-delà de cette première impression -qui n’est au demeurant pas complètement fausse mais plutôt partielle voire très partielle- on peut sans doute dire, très légitimement, que la médina de Sfax -un peu comme celle de Fès au Maroc (Gueraoui, D., Fejjal, A., 1988 et 1991)- est une ville-atelier. Une ville-atelier où sont regroupés, sur un espace réduit, de nombreux corps de métiers qui produisent, à laide d’un outillage simple, parfois même rudimentaire, et d’une main-d’œuvre abondante (et ingénieuse bien que faiblement rémunérée), des produits de consommation courante -vêtement, chaussures…- mais aussi un certain nombre d’articles de luxe tels que des bijoux.
Quelles sortes d’activités ces différents corps de métiers exercent-ils et quels types de produits fabriquent-ils ? Les activités déployées au sein de la médina, tout en étant distribuées dans l’espace selon une logique de regroupement sectoriel, sont relativement variées. On y trouve à la fois des activités anciennes, relevant de l’artisanat traditionnel comme le tissage, la teinturerie, la dinanderie, la bijouterie… et des activités d’apparence plus moderne telles que la réparation, la confection et le travail du cuir tournant principalement autour de la production de chaussures. Qu’elles appartiennent à la première ou à la seconde catégorie, toutes ces activités entretiennent entre elles des relations diverses, denses et soutenues. C’est pourquoi, elles forment un ensemble productif intégré et cohérent dans lequel on peut identifier un véritable système productif local (S.P.L.).
Certes, parmi les activités les plus anciennes, certaines paraissent aujourd’hui à bout de souffle : c’est le cas en particulier du travail de la laine, du travail du bois, de la dinanderie, de la production de meubles, etc. Les signes d’épuisement que montrent ces différentes activités s’expliquent notamment par le maintien de méthodes de production dépassées et par la concurrence des produits de l’industrie moderne. Toutefois, par delà ces secteurs menacés à terme dans leur survie, ce système productif considéré dans sa globalité fait preuve d’une vitalité tout à fait remarquable en ces temps de croissance incertaine au Nord et de difficultés de développement croissantes au Sud.
Cette vitalité, soulignée par bon nombre d’observateurs et d’analystes (Boucharara, M., 1989 ; Marouani, A., 1994), est assurément difficile à évaluer statistiquement dans la mesure où une partie des unités de production évoluant dans la médina relève d’une logique informelle. Ses manifestations ne sont pas moins réelles, en particulier en termes de volumes de production et d’emploi. Aussi, est-il parfaitement légitime et fondé d’affirmer que la médina en tant qu’organisation socio-économique originale, reposant sur les métiers et les savoir-faire traditionnels, apporte une contribution non négligeable à la prospérité économique globale de Sfax.
Une question se pose dès lors : sur quoi repose ce dynamisme économique dont la médina de Sfax est le théâtre ? Quels en sont, en d’autres termes, les facteurs explicatifs ? En particulier, sachant que les compétences et les savoir-faire qu’elle détient sont essentiellement de nature artisanale, quel rôle la main-d’œuvre joue-t-elle dans ce dynamisme ?
II. Le S. P. L. (Système productif local) de la médina : un dynamisme réel fondé notamment sur la main-d’œuvre et ses savoir-faire traditionnels
Pour éviter tout malentendu, une précision s’impose ici. Dire d’un système économique qu’il est dynamique n’a de sens que par rapport aux finalités que poursuit ce système. Or, à l’examen, il apparaît que les finalités du système productif de la médina sont loin de recouper celles du système économique dominant. Ici, de façon certes plus implicite qu’explicite, l’efficacité et la performance économiques ne sont pas les seuls critères de réussite. Des critères d’ordre social, voire sociétal, sont également à l’œuvre. Ce qui signifie que l’emploi (en tant que mode d’insertion socio-économique des individus), la pérennité des activités (par ma transmission des savoir-faire et des métiers aux jeunes générations), le maintien de la cohésion sociale, etc, comptent autant sinon davantage que les volumes de production et les résultats financiers.
Sur cette base, il est possible de parler du dynamisme du système économique de la médina, dynamisme que l’on peut apprécier en se situant à trois différents niveaux :
- Au niveau de sa capacité à produire des biens et des services à des conditions telles - en termes de prix et de qualité notamment - qu’ils permettent de répondre à une demande de consommation des couches populaires aux revenus modestes, aussi bien rurales qu’urbaines.
- Au niveau de sa capacité à accueillir - et donc à employer - une main-d’œuvre nombreuse issue de la croissance démographique de la ville de Sfax et de l’exode des campagnes environnantes, main-d’œuvre que le «développement moderne » hors médina se révèle incapable d’intégrer.
- Au niveau de sa capacité à faire face aux difficultés en périodes de crise ou de conjoncture économique défavorable et à s’adapter aux conditions évolutives de son environnement immédiat ou lointain.
C’est, nous semble-t-il, par référence à cette triple capacité dont fait preuve la médina de Sfax que l’on peut parler de dynamisme réel de son système productif et… de pertinence non moins réelle de son organisation sociale.
Cela étant, comment s’explique ce dynamisme ? S’agissant d’une organisation aussi complexe que la médina, il est vain de chercher à en expliquer les performances par un facteur unique. En réalité, ces performances renvoient à toute une série d’éléments qui se conjuguent pour favoriser ce résultat heureux.
Parmi ces éléments, quatre nous paraissent jouer un rôle déterminant. Il s’agit : 1°/ de la nature et de la densité des relations sociales au sein de la communauté locale ; 2°/ de la configuration spatiale particulière de la médina ; 3°/ de l’organisation du processus de production fondé sur la souplesse et la polyvalence ; et 4°/ de l’ingéniosité de la main-d’œuvre et de son aptitude à tirer pleinement parti des savoir-faire traditionnels dont elle est détentrice. Nous allons reprendre chacun de ces éléments en insistant davantage sur le quatrième.
II.1- La densité des liens sociaux au sein de la communauté locale
Un des traits caractéristiques de la médina de Sfax, qui la distingue de bien d’autres anciennes villes du Maghreb (Tlemcen par exemple) est d’avoir été relativement épargnée par la destruction des structures sociales ancestrales, causée dans un premier temps par la domination coloniale et, dans un deuxième temps, par le processus de développement industriel mimétique mis en œuvre après la décolonisation. Ce trait, qu’elle partage avec la médina de Fès, lui a permis, d’une part, de sauvegarder ses anciennes traditions de grand centre commercial et artisanal et, d’autre part, de préserver le tissu de relations sociales qui était le sien avant la pénétration coloniale. Or, cette situation se révèle aujourd’hui bénéfique sur le double plan économique et social.
Certes, le maintien du système de relations sociales issues de la tradition n’a pas que des effets positifs. A Sfax comme ailleurs, ce système s’accompagne d’une hiérarchie sociale et professionnelle d’une rigidité excessive et, donc, contraire à l’esprit d’initiative. D’autre part, il est clair que la survivance des liens sociaux traditionnels n’est pas étrangère à l’existence dans la médina non seulement de pratiques informelles mais d’un véritable marché du travail parallèle. En particulier, la vivacité des liens familiaux ancestraux est n des facteurs à l’origine du non respect des lois du travail par les chefs d’entreprises de la médina et du caractère par trop paternaliste des rapports qu’ils entretiennent avec leurs employés (qui sont très souvent des membres de leurs familles).
Si ces aspects négatifs ne sont pas niables, ils ne doivent pas occulter les autres aspects qui en sont, en quelque sorte, la contrepartie favorable. Comme cela a été établi par de nombreux chercheurs, spécialistes du développement territorial (Azevedo B., 1994 ; Becattini G., 1992, Schmitz H., 1990), la socialité traditionnelle, là où elle est préservée, a plusieurs traductions avantageuses à la fois socialement et économiquement : transmission d’une génération à l’autre des savoir-faire anciens, perpétuation des liens de solidarité ancestraux au sein de la communauté locale, etc.
Ceci se vérifie pleinement dans le cas de la médina de Sfax. Dans ce cas, on l’a dit, les conditions du marché local du travail sont telles que les normes de la réglementation du travail ne sont pas souvent reconnues, ni même parfois connues. En revanche, les règles ancestrales d’entraide et de solidarité entre les membres de la communauté sont, elles, connues et appliquées. Le corollaire, sur le plan économique, en est une coopération Particulièrement fructueuse entre les différents ateliers et unités de production : entre gens du même métier, on se prête couramment du matériel, des matières premières et même des produits finis[2], on échange constamment des informations sur la demande, les méthodes de production, les innovations, etc.
Tout cela témoigne d’une forte coopération entre les différents producteurs et, plus largement, entre les différents acteurs socio-économiques de la médina. Cette coopération n’abolit évidemment pas la concurrence, main elle en atténue les effets les plus néfastes (au grand bénéfice de chacun et de l’ensemble de la communauté locale). Par ailleurs, on l’a vu, elle induit (cette coopération) une circulation intense des idées et des savoir-faire au sein de la vieille ville, d’autant plus intense au demeurant que, par sa configuration spatiale, celle-ci constitue un cadre tout à fait favorable.
II.2- La configuration spatiale particulière de la médina
Comme toute vieille ville arabo-musulmane, la médina de Sfax se distingue de la ville moderne par son architecture mais aussi et surtout par l’exiguïté de son espace, exiguïté qui contraint les acteurs de la vie socio-économique locale à une extrême proximité.
Cette proximité ne va certes pas sans inconvénients. Toutefois, même si cela peut paraître surprenant, elle s’avère bel et bien un facteur du dynamisme du système productif local. Comment ? Simplement parce que cette proximité rend possibles voire inévitables, en permanence, les contacts interpersonnels directs entre les différents acteurs économiques locaux : contacts des producteurs avec leurs confrères exerçant la même profession, de ces derniers avec leurs fournisseurs, avec leurs clients… Par ce biais, la proximité spatiale favorise des échanges intenses d’idées et d’informations autour des façons de produire, de vendre, de s’adapter, d’innover, etc, ce qui est évidemment positif pour l’économie locale.
La configuration spatiale de la vieille ville et le climat de coopération qu’elle contribue grandement à entretenir ne sont pas les seuls facteurs de dynamisme. D’autres facteurs jouent dans le même sens, en particulier les caractéristiques du processus de travail et de production.
II.3- L’organisation des processus de travail au sein de la médina
Comme nous l’avons précédemment souligné, les unités de production évoluant dans la vieille ville de Sfax consistent en ateliers artisanaux et en entreprises industrielles de petite dimension dont les moyens techniques et financiers sont, en général, limités voire très limités. Ceci constitue évidemment pour les responsables de ces unités une contrainte d’autant plus forte qu’ils ne bénéficient souvent ni de financements bancaires, ni d’appuis institutionnels pour étendre leurs activités ou les moderniser.
Les artisans et les petits industriels de la médina s’adaptent à cette situation en adoptant une organisation de la production fondée sur une grande souplesse et un usage polyvalent à la fois des équipements et de la main-d’œuvre.
Par certains de ses aspects, cette organisation de la production n’est assurément pas irréprochable (on pense bien sûr ici aux conditions de travail des ouvriers et des apprentis). Mais si on laisse de côté cet aspect social, force est de reconnaître que la souplesse de l’organisation productive et la polyvalence sur laquelle elle repose, permettent une capacité de réaction élevée aux sollicitations du marché et aux évolutions de la demande.
En outre, l’organisation souple du travail et la polyvalence des équipements et de la main-d’œuvre - qui caractérisent notamment les ateliers artisanaux - engendrent des avantages en termes de coûts de production. Ces avantages sont d’autant moins négligeables que les entreprises de la médina travaillent souvent avec du matériel de récupération et des vieilles machines dont la durée de vie est significativement prolongée grâce à l’ingéniosité des artisans et des ouvriers.
II.4- L’ingéniosité de la main-d’œuvre et le rôle des savoir-faire traditionnels
L’opinion communément répandue est que les bonnes performances des S.P.L. comme celui de la vieille ville de Sfax reposent essentiellement - pour ne pas dire exclusivement - sur la précarité économique et sociale de la main-d’œuvre qui y travaille. Cette opinion, parce que trop partielle et simpliste, est à notre avis erronée. En réalité, comme nous nous efforçons de le montrer ici, ces bonnes performances dans le cas précis de la médina de Sfax sont l’effet heureux de toute une conjonction de facteurs qui sont autant socio-économiques que socio-culturels, spatiaux et organisationnels[3]. Dans cette conjonction de facteurs, la main-d’œuvre tient certes une place importante, mais pas tant, selon nous, par ses conditions de travail et d’existence précaires que par ses qualités propres, son ingéniosité et ses savoir-faire.
Certes, à l’instar de ce que l’on peut observer ailleurs, dans des systèmes économiques locaux situés dans d’autres pays en développement - ou dans le reste de la Tunisie même - les conditions de travail et le rapport salarial sont extrêmement flexibles au sein de la médina de Sfax. Un nombre important d’entreprises s’y caractérisent, en effet, par des relations sociales de type paternaliste et par une non application de la législation tunisienne du travail ; ce qui se traduit pour les ouvriers et les apprentis par des rémunérations faibles, des conditions d’hygiène et de sécurité dans les ateliers très insuffisantes, une absence de protection sociale (si ce n’est celle que procurent les règles de solidarité familiale et communautaire), une inexistence ou quasi-inexistence de congés payés, etc.
Parce que tout ceci n’est pas niable et se vérifie ailleurs qu’à Sfax, on comprend la position de certains analystes des processus de développement local qui se demandent su ce n’est pas là que réside la différence majeur qui sépare les expériences des pays du Nord de celles des pays du Sud. Dans le premier cas, le dynamisme reposerait sur de hauts salaires, de bonnes conditions sociales et de travail, et sur leurs corollaires en termes de technologies avancées et de potentiel d’innovation fort, tandis que dans le second, il reposerait, à l’inverse, sur des salaires bas, des conditions de vie et de production précaires, ces deux éléments se combinant avec un faible niveau technologies et un modeste capacité d’innovation.
Cette interprétation postulant une supériorité des systèmes locaux du Nord sur ceux du Sud sur le plan de l’innovation, dans quelle mesure est-elle fondée ? Il n’est pas évident de répondre à cette question sans un travail de recherche de grande ampleur sur le terrain. Ce qui en revanche nous semble acquis, dans le cas de la médina de Sfax, est que cette innovation moindre - si elle est prouvée - est compensée en grande partie non seulement par la flexibilité du rapport salarial et la souplesse de l’organisation productive, mais aussi (et surtout ?) par les qualités intrinsèques de la main-d’œuvre locale, en particulier sa grande ingéniosité.
Cette grande ingéniosité s’exprime de diverses manières : utilisation très répandue du matériel de récupération (après réparation), reproduction des pièces de rechange difficiles à acquérir sur le marché (pour des raisons de prix ou de disponibilité), prolongation de la durée de vie des machines au-delà de ce que l’on peut imaginer, etc.
Résultat de la contrainte de moyens techniques et financiers à laquelle sont confrontés les ateliers et les petites unités industrielles de la médina, mais aussi et surtout de la vivacité des métiers artisanaux anciens et de la maîtrise des savoir-faire correspondants par les producteurs, cette ingéniosité confère à l’économie locale un avantage en termes de capacité d’adaptation qui contrebalance son désavantage (réel ou supposé) en termes de capacité d’innovation.
Telle est donc, de façon succincte, l’analyse que nous faisons de la socio-économie de la médina de Sfax et de son étonnante vitalité. Il ne faut toutefois pas se méprendre sur le sens de cette analyse. Si ce S.P.L. repose bien, en grande partie, sur l’artisanat traditionnel, avec ce que cela suppose comme enracinement historique des activités et des métiers, il ne s’ensuit pas que les acteurs économiques locaux sont repliés sur eux-mêmes et qu’ils évoluent à l’écart du monde d’aujourd’hui. Non, en réalité, nous avons affaire à une dynamique plus complexe qui tout en s’appuyant sur la socioculturel autochtone, est largement ouverte aux innovations du monde moderne, avec les implications qui en découlent en termes d’évolution des méthodes de production et des savoir-faire. C’est de cette évolution des méthodes de production et des savoir-faire et du passage induit - et progressif - du stade artisanal à celui de la petite industrie que nous allons tenter de rendre compte à présent.
III. Le S.P.L. de la médina : une logique d’enracinement mais aussi d’ouverture et d’évolution technologique
Abstraction faite de la corporation des marchands - qui jouit d’un énorme pouvoir et de beaucoup de prestige - les corps de métiers regroupés au sein de la médina de Sfax, on l’a vu, sont principalement ceux des bijoutiers, des dinandiers, des fabricants de tamis et de divers outils en bois, des forgerons, des tisserands et des travailleurs du cuir. L’activité de ces derniers, centrée sur la production de chaussures, tient une place non seulement importante mais croissante dans l’économie de la médina.
Par delà le dynamisme et la souplesse dont fait preuve le système local dans son ensemble, ces différents corps de métiers montrent une capacité d’adaptation très inégale. Pour des raisons diverses, mais en général liées à leurs difficultés à faire évoluer leurs méthodes de travail et à faire face à la concurrence de l’industrie moderne, certains de ces métiers - ceux des forgerons et des travailleurs de la laine en particulier - connaissent aujourd’hui un phénomène d’essoufflement voire de déclin. Les autres métiers en revanche - la confection, le travail du cuir en vue de la fabrication de chaussures notamment - ont su s’adapter techniquement en s’ouvrant aux procédés modernes de production. De ce fait, ils connaissent aujourd’hui un essor remarquable pour les uns, un développement régulier et progressif pour les autres. Ce sont les activités déployées par ce deuxième groupe de métiers qui confèrent à l’ensemble du S. P.L. de la médina sa grande vitalité.
Parce que difficultés d’évolution que connaît le premier groupe de métiers ne doivent pas occulter la formidable capacité d’adaptation que montre le second, on ne peut accepter l’idée - assez répandue - selon laquelle les acteurs économiques de la médina (et singulièrement les artisans) seraient repliés sur eux-mêmes et refuseraient le changement technologique. En réalité, sous l’impulsion des activités dynamiques et prospères, on assiste depuis une vingtaine d’années à une véritable mutation du système productif de la médina de Sfax qui passe progressivement de son statut d’économie artisanale à celui d’industrie de plein exercice » selon l’expression de Pierre Judet (1989).
Cette mutation, qui est l’œuvre principalement d’hommes jeunes, ambitieux et ouverts sur le monde extérieur (bien que solidement ancrés dans leur milieu socioculturel d’origine), recouvre en fait une dynamique de développement industriel à petite échelle, fondée sur la transformation graduelle de l’artisanat traditionnel.
Ce type de dynamique est souvent appréhendé, dans la littérature spécialisée, à travers la notion «d’industrialisation endogène » pour signifier notamment que la construction industrielle dont il s’agit, repose entièrement sur l’utilisation et la valorisation des ressources et des savoir-faire disponibles localement. Suivant l’analyse générale qu’en propose Claude Courlet (1989b, p. 419), la réussite de ce type d’expérience « repose sur la possibilité de récupérer, en vue d’un développement moderne, toutes les forces et ressources - même les plus modestes - dont l’organisation économique et sociale préexistante dispose déjà. Dans bien des cas, il s’agit d’une industrie qui valorise et fait évoluer un artisanat ou une tradition manufacturière ».
Comme tout phénomène de cette nature, cette industrialisation endogène à base artisanale que connaît la vieille ville de Sfax, est un processus complexe où se rencontrent et se combinent les métiers traditionnels, la micro-industrie du secteur formel, les activités informelles, l’épargne familiale et personnelle, le marché officiel et parallèle,… Elle est l’œuvre de marchands, d’artisans et de gens de métiers entreprenants qui sont fortement enracinés dans la tradition et, simultanément, ouverts sur le monde moderne auquel ils n’hésitent pas à emprunter, chaque fois que cela est possible et nécessaire, les procédés de production, les savoir-faire et les innovations.
Pour illustrer concrètement cette dialectique ancrage dans la tradition/ouverture sur la modernité et la construction progressive qu’elle favorise à Sfax d’une petite industrie à partir des métiers et savoir-faire locaux, on reprendra le témoignage particulièrement intéressant de Pierre Judet qui connaît bien Sfax et la Tunisie. « J’ai rencontré en 1983 », raconte P. Judet (1989, p. 409), « un maître-artisan tanneur qui était à la tête d’un atelier désuet où il traitait peaux de chèvre et de mouton suivant des procédés transmis de père en fils. Sentant son activité menacée, il ne s’est pas contenté de transmettre à ses héritiers savoir-faire et recettes. Il a envoyé ses fils en Europe. Ils sont revenus tous les trois : ingénieurs et techniciens du cuir, diplômés de gestion. Les trois n’ont rien renié, rien brusqué ; ils ont entrepris de transformer l’atelier de l’intérieur en substituant des produits chimiques aux produits de traitement traditionnel ; en installant graduellement quelques machines modernes depuis la préparation des peaux brutes jusqu’au glaçage des peaux tannées. Ils ont d’abord conservé les bâtiments anciens afin de réserver les capitaux disponibles à la modernisation des circuits de production et à l’élévation de la qualité des produits. La construction de nouveaux bâtiments mieux adaptés achèvera ultérieurement la mue industrielle. Il apparaîtra alors au grand jour qu’un atelier artisanal sfaxien s’est transformé en unité industrielle de plein exercice, trois industriels et un manager ayant succédé à leur père artisan traditionnel »[4].
L’intérêt de ce témoignage est de montrer que ce développement industriel à échelle locale n’implique aucun bouleversement, aucune rupture brutale. Il s’agit au contraire d’une dynamique progressive, fondée sur la multiplication d’entreprises et d’activités industrielles de petites dimensions à partir de l’adaptation-actualisation des métiers artisanaux anciens et de la valorisation des savoir-faire ancestraux transmis d’une génération à l’autre et enrichis au fil du temps.
Un aspect de ces activités et entreprises qui se développent au sein de la médina mérite d’être souligné : le fait qu’elles ne reposent pas sur des investissements initiaux importants mais sur des capitaux, en général, modestes au départ. Cet aspect s’explique évidemment par la petite dimension des unités industrielles qui se substituent progressivement aux anciens ateliers artisanaux. Mais dans le même temps, il est dicté par la faiblesse des moyens financiers dont disposent les entrepreneurs concernés, lesquels sont d’autant plus contraints qu’ils assument souvent seuls - ou avec leur famille - les risques techniques, commerciaux et financiers liés à leurs projets.
Enfin, dernière caractéristique mais pas la moins intéressante, cette dynamique industrielle locale, conçue comme passage graduel de l’artisanat traditionnel à la petite industrie, n’a rien d’un processus linéaire dont le résultat serait garanti d’avance. Il s’agit au contraire d’une «mutation lente, souvent hasardeuse et difficile, avec de brillants succès, mais aussi de nombreux échecs » (Courlet Cl., 1989 a, p. 404). Comme le montre l’histoire de plusieurs ateliers de la médina de Sfax dont le parcours est loin d’être une «success story », ce passage n’est jamais acquis a priori. A cause de nombreux obstacles dont l’itinéraire est parsemé, il est quelquefois irrémédiablement compromis.
Conclusion
Pour conclure, il nous semble utile de reprendre ce qui a été dit en introduction pour préciser en quoi, par rapport à la question cruciale du rôle de la main-d’œuvre et des savoir-faire traditionnels dans le processus de développement, les dynamismes endogènes du genre de ceux que l’on observe dans la médina de Sfax sont en rupture totale avec le modèle de développement standard.
Dans le modèle standard, on le sait, le développement économique s’appuie essentiellement sur trois éléments étroitement liés : les économies d’échelle découlant de la grande taille des unités de production, l’élévation continue de la productivité grâce à la division sans cesse approfondie du travail et au cloisonnement sévère des producteurs et, enfin, la rationalisation du processus productif par l’application des principes tayloriens de l’organisation du travail. Du point de vue de la main-d’œuvre, les traductions d’un tel système sont connues. En synthétisant, on peut dire qu’elles consistent dans un phénomène de déqualification massive des travailleurs de base, réduits à participer sans motivation à la fabrication de produits rigides ; ce qui évidemment est synonyme d’une totale dévalorisation du rôle de l’homme dans le processus de production.
Dans la médina de Sfax comme dans les expériences semblables de développement industriel à échelle locale, il en va différemment. Ici, conformément à l’analyse présentée ci-dessus, la croissance de la production et, plus globalement, la dynamique économique se fondent surtout sur l’emploi de machines à usages multiples, manipulées par des travailleurs polyvalents qui, comme tels, sont en mesure de tirer pleinement parti de leurs potentialités et, partant, de s’adapter à des réalités en constante mutation.
Il convient évidemment d’éviter le piège du manichéisme et celui d’un idéalisme excessif. Chacun sait qu’en Tunisie, comme dans le reste des pays en développement, les niveaux de qualification de la main-d’œuvre - au sens de compétences industrielles acquises dans le cadre de processus de formation institutionnelle - sont en général faibles. Les travailleurs impliqués dans les systèmes économiques locaux n’échappent pas à cette règle commune. D’autant moins d’ailleurs que, comme on l’a vu dans le cas de la médina de Sfax, bon nombre d’entreprises composant ces systèmes fondent leur dynamisme - au moins dans la période initiale - sur une exploitation intense de cette main-d’œuvre peu qualifiée, ce qui assurément ne favorise ni l’expression de l’ingéniosité, ni la capacité d’adaptation et d’innovation technologique.
Si tout cela est vrai, il ne reste pas moins que les processus d’industrialisation à échelle locale s’écartent radicalement du développement selon le modèle standard en ce qui concerne l’approche des connaissances, compétences et savoir-faire issus de la tradition, notamment des métiers artisanaux anciens. Alors que ces connaissances, compétences et savoir-faire sont rejetés et niés dans le second, ils sont pleinement reconnus et valorisés dans le premiers, même si cela passe par leur actualisation et leur enrichissement là où des machines et des technologies modernes sont introduites.
Ce qu’il convient de retenir, en définitive, est qu’à l’inverse du développement standard qui a longtemps imposé sa logique au Sud comme au Nord, les dynamismes locaux comme ceux de la médina de Sfax n’ont pas pour ressort la déqualification des travailleurs de base. Ils se fondent au contraire sur la présence, dans le territoire concerné, d’une main-d’œuvre importante, justifiant de compétences polyvalentes, les savoir-faire et les connaissances traditionnels étant dans ce cadre pleinement reconnus et intégrés. L’avantage non négligeable que confèrent ces savoir-faire et ces compétences polyvalentes aux producteurs qui les détiennent réside dans l’aptitude à s’adapter à la fois aux contraintes évolutives du marché et aux changements technologiques, particulièrement rapides en cette fin de siècle.
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Notes
[1]- Un autre effet de cette hiérarchie traditionnelle des activités dans les sociétés arabo-musulmanes s’observe au niveau des rapports qui existent entre activités productives d’une part et activités marchandes d’autre part. L’analyse de ces rapports n’entre pas dans le sujet ici. Soulignons simplement que ces rapports sont nettement à l’avantage des secondes : ils consacrent la domination des commerçants sur les producteurs, qui sont, en l’occurrence, des petits industriels et surtout des artisans. Cf. l’étude de Marouani A. (1994).
[2]- Notamment en cas de rupture de stocks chez un confrère qui doit faire face rapidement à une commande importante.
[3]- L’analyse de Marouani Albert (1994, P. 89) est à cet égard très intéressante. « L’espace économique de la médina », explique-t-il, « apparaît plus compétitif que celui de la ville moderne pour deux raisons principales : d’une part, les prix des facteurs sont relativement moins élevés ; d’autre part, le rapport salarial est particulièrement plastique et flexible. Il est aussi générateur d’économies de coûts de transactions et d’économies externes non seulement par un effet d’agglomérations d’hommes, de capitaux et d’activités mais aussi par les combinaisons productives originales qu’il autorise et par le type d’articulation et d’ajustement qu’il promeut avec son environnement proche (la ville moderne) et lointain l’espace régional, national et transnational) ».
[4]- Ce genre de transition des activités artisanales traditionnelles à la petite industrie moderne ne s’observe pas qu’à Sfax, mais également dans d’autres villes du Maghreb, Fès en particulier. Guerraoui D. et Fejjal A. (1988, p.8) rapportent le cas d’un artisan dinandier - désigné par les initiales A. B. - qui a industrialisé l’atelier hérité de son père. « Né d’un père commerçant, A. B. prit très tôt la relève. Cela se passait au moment de la colonisation (1912 - 1956). Mais bien avant cette date, la famille entretenait des rapports de commerce avec l’Europe industrielle. Elle importait le thé de Manchester, qu’elle vendait à fès et dans d’autres régions du Maroc. En 1957, A.B. qui venait de prendre la relève décide de suivre une formation à l’école des métiers à Paris, spécialité orfèvrerie. Cette formation durera trois ans, de 1957 à 1960. Elle s’inscrit dans le cadre d’une stratégie d‘industrialisation du secteur de la dinanderie. Dès son retour à fès, il introduit des moyens mécaniques dans son atelier. Il décida, parallèlement, de mener une politique de formation de son personnel, d’introduire de nouveaux produits et de fabriquer localement quelques machines comme les tours ».