Insaniyat N° 74|2016| Femmes dans les pays arabes: changements sociaux et politiques | p. 23-47| Texte intégral
Public Policies And Women's Rights After The “Arab Spring” The purpose of this contribution is to provide an overview of public policies on women in Arab countries since the year 2011. Our interest is focused on the socio-political contexts of the “Arab Spring” to prove that despite a strong participation of women in the protest movements, the latter do not take advantage, for as much, of such measures which aim at securing them justice. We sustain the idea that public politics remain helpless because of the cultural background on one side, and the absence of political will on the other. Keywords: public policies - Arab Spring - equality - women's rights - Arab world. |
Belkacem BENZENINE, Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, 31 000, Oran, Algérie.
Introduction
« Qui obtient quoi, quand et comment ? » Ces trois questions de Laswell permettent de revenir à une définition classique des politiques publiques. Les disciplines de science politique et de sociologie politique n’ont cessé, ces dernières années, de fournir des exemples nombreux et des études de cas afin d’apporter des réflexions fondées notamment sur le rôle de l’État et les différents acteurs et institutions dans l’élaboration des politiques publiques. Bien souvent les analyses se consacrent à la question du changement, aux contraintes sociales, juridiques et institutionnelles, aux obstacles économiques, au coût de la réalisation des politiques à mener, et aux mouvements de protestation et de revendications des femmes, etc[1].
Cette étude tente de mettre la lumière sur la question des droits des femmes dans les pays arabes après les mouvements de protestation qui ont commencé à la fin de l’année 2010. Ce qui est appelé « printemps arabe » a été, à plusieurs égards, un facteur majeur permettant d’observer les changements et la position des différents acteurs. Face aux diverses formes de mobilisation, de protestation et de revendications, les politiques publiques oscillent depuis le déclenchement des « révolutions arabes » jusqu’à aujourd’hui entre prudence et bienveillance. L’égalité et la liberté sont parmi les principaux slogans proclamés dans le cadre de ces actions ; les droits des femmes prennent place dans le débat public et gouvernemental.
La forte participation des femmes dans les mouvements de protestation dans les pays arabes notamment en Tunisie, en Égypte et au Yémen, a rendu leurs revendications plus légitimes et plus démocratiques parce qu’elles ont pris part dans ces mouvements de protestation aux côté des hommes. Il s’agit donc d’une « légitimation » de leur combat non seulement au nom des principes de l’égalité et de la citoyenneté, mais aussi au nom d’une participation plus active et inaccoutumée dans les soubresauts vécus. Il n’est nullement question, en l’espèce, pour autant d’un « mouvement social sexué »[2], voulant mettre l’accent sur les rapports sociaux de sexe comme étant un facteur imprégnant en permanence dans l’ensemble des mouvements sociaux. Force est de constater que la mobilisation des femmes arabes a contribué à engager les gouvernements à prendre en charge leurs préoccupations relatives à l’égalité des droits et aux questions qui y sont liées. Les traités internationaux d’un côté et les revendications des mouvements féminins et féministes de l’autre, ont contribué à faire émerger les politiques publiques destinées à promouvoir les droits des femmes. Dès lors, comment les politiques publiques sont-elles élaborées en matière d’égalité des sexes dans les pays arabes après 2010 ? En quoi les « révoltes arabes » ont-elles influencé les pouvoirs publics pour la mise en œuvre des programmes et actions en faveur des droits des femmes ? Comment les politiques publiques peuvent-elles contribuer à réduire les inégalités entre les sexes ? Dans le contexte post « printemps arabe » ou post-révolutionnaire, à quel point les politiques publiques sont-elles nécessaires pour promouvoir les droits des femmes ?
C’est à ces questions que nous essayons de répondre en examinant des actions menées dans quelques pays arabes. Dans ce travail, nous nous appuierons sur les études au sujet des politiques publiques réalisées par des mouvements féministes et des associations de défenses des droits des femmes gouvernementales et non gouvernementales[3].
Les rapports sociaux de sexes comme instruments des politiques publiques
Dans les pays arabes qui traversent des moments mouvementés après 2011, le statut des femmes semble être plus que jamais mis en avant. Les réformes promises par les gouvernements ont bien souvent mis en exergue la condition des femmes comme étant une préoccupation majeure indissociable du changement politique attendu. Il s’agit, dans le discours des différents acteurs, d’une légitimation de leurs revendications et d’une reconnaissance de leur place dans le nouveau processus postrévolutionnaire.
De nombreux travaux, consacrés au rôle des femmes dans les « révolutions » arabes, s’intéressent aux enjeux liés à la structure du pouvoir, aux transformations sociales et à l’influence de la religion. La question des femmes est au centre de ces enjeux[4] parce qu’elle est l’expression même du changement.
Les analystes, politologues et sociologues, qui traitent de la question de genre comme approche analytique des politiques publiques, utilisent les notions de « régime de genre » ou « ordre de genre » pour mieux saisir le rôle des pouvoirs publics, et de l’État d’une manière générale, dans la promotion des droits des femmes. Le concept régime de genre « permet d’entreprendre un repérage systématique des conditions sociales et institutionnelles de production des rapports de genre - conçus comme rapports de pouvoir - et de s’intéresser aux discours des fondements des pratiques sexuées »[5]. De nombreux travaux soulignent l’importance du rôle de l’État dans les politiques de genre. Pour R. Connell[6], par exemple, c’est l’État et ses institutions qui constituent le genre et que ce « régime de genre » est propre à chaque État. Ainsi, la société joue aussi un rôle important dans cet « ordre de genre ». De son côté, Sylvia Walby[7] part d’une réflexion qui met en avant l’interdépendance de plusieurs domaines comme l’emploi, le travail non rémunéré, la violence, la sexualité, etc. Partant de l’analyse de Walby et prenant comme exemple les cas de la Suisse et de l’Allemagne, Olivier Giraud et Barbara Lucas proposent quatre dimensions des régimes de genre pour mieux comprendre les rapports sociaux de sexe dans leur dimension institutionnelle (entendu ici dans le sens de l’intégration des institutions par l’État pour garantir l’égalité des sexes). Nous pouvons les résumer comme suit : 1) le rôle de l’État dans la structuration et la régulation des rapports de genre ; 2) la relation entre l’État et la société ; 3) la distribution sexuée des rôles sociaux ; 4) les capacités évolutives du régime, notamment aux acteurs porteurs des dynamiques de changement dans l’ordre du genre[8].
Dans le cas des pays arabes, il est important de mettre en exergue les changements sociaux liés à des processus historiques et politiques complexes, spécifiques à chacun d’entre eux, afin de comprendre l’enjeu que constitue la question d’égalité des sexes. La condition des femmes est le reflet de l’ordre normatif fondé et justifié par des interprétations religieuses. C’est pourquoi en matière d’intervention des pouvoirs publics, l’action semble limitée, restreinte et réduite aux normes sociales et culturelles dominantes. Ainsi, « l’approche genre » ne paraît qu’un outil d’ordre « institutionnel », « managérial », qui répond aux exigences, recommandations et appuis des programmes onusiens et parfois des pressions des associations non gouvernementales.
De nombreux travaux[9] tentent de lier l’approche « genre » aux transformations politiques que traversent les pays arabes depuis 2011. C’est même « un point de départ » pour appréhender les dynamiques des mouvements féministes à l’aune des contextes socio-économiques et socio-politiques dont le genre constitue un facteur conduisant à la « résistance ». Ces travaux mettent l’accent sur la situation des femmes dans les processus politiques menés dans les pays arabes et la place des femmes dans la vie politique, économique et sociale. Les études comparatives témoignent d’une grande convergence dans les situations vécues. L’idée principale discutée relève de la conception de la citoyenneté dans des situations postrévolutionnaires ou post « printemps arabe » et la place des femmes dans le « nouveau » paysage politique. Toutefois, si la citoyenneté se trouve au cœur des débats dans de telles situations, d’une manière pleine et entière, elle doit bénéficier de la « protection de l’État »[10] pour lutter contre toute sorte de discrimination. C’est dans ce sens que nous orientons notre réflexion sur le rôle des politiques publiques.
Les politiques publiques comme garantes de l’égalité des sexes
Les politiques publiques sont liées à la volonté de l’État de décider des choix à suivre, des actions à accomplir et des mesures à prendre pour faire face à une question précise en vue d’améliorer, changer, réguler des situations données. Toute politique publique « se présente comme un programme d’action gouvernementale dans un secteur de société ou dans un espace géographique »[11]. Aussi, toute action consiste à intervenir dans un domaine donné. Pour Thoenig, les interventions de l’État prennent trois formes principales : 1) elles « véhiculent des contenus, se traduisent par des prestations et génèrent des effets ; 2) elles mobilisent des activités et des processus de travail ; 3) elles se déploient à travers des relations avec d’autres acteurs sociaux collectifs ou individuels »[12]. C’est autour de ces trois domaines d’intervention que nous essayons d’élaborer une approche analytique des politiques publiques.
Il convient, avant tout, de souligner le contexte historique et politique du printemps arabe qui a fait éclore les aspirations des femmes pour la consécration de l’égalité et la justice. Les premiers actes consistent, tout d’abord, à reconnaître l’égalité des droits entre les hommes et les femmes (quels que soient leurs statuts et leurs confessions). Dans des situations de crises, les politiques publiques suivies consistent à tenir compte de la nécessité du changement[13]. Les premières déclarations émanant des institutions mises en place pour la gestion de la période de transition se voulaient être attentives à l’égard des femmes. En insistant sur le principe d’égalité des sexes, même d’une manière abstraite, les instances de transition mettent l’accent sur le rôle des femmes dans la vie publique. Si les discours se voulaient rassurants, les législateurs tardent à mettre en place les lois nécessaires pour consacrer le principe d’égalité. Vraisemblablement, la conjoncture complexe, due notamment à la situation de violence et d’instabilité, a fait que les élites dirigeantes agissent selon l’ordre des priorités. Les femmes qui se sont partout imposées pour revendiquer leurs droits ont montré une ténacité sans précédent pour la prise en charge de leurs préoccupations. Les agressions dont plusieurs femmes ont fait l’objet durant les manifestations pour la « chute des régimes » ont déclenché une vague de protestation majeure[14]. Les faits de harcèlement sexuel et d’intimidation, voire de torture, révélés par la presse et les médias sociaux, ont encouragé la mobilisation des femmes pour réclamer aux pouvoirs publics de prendre les mesures nécessaires leur assurant leurs droits politiques et civiques, et leur dignité. Pourtant, « la mise en agenda » des actions publiques pour prendre en charge les inquiétudes des femmes n’a pas été une préoccupation immédiate des autorités publiques. Toutefois, plusieurs pays arabes (voir tableau ci-dessous) ont adopté des stratégies faisant du genre un élément clé dans la mise en œuvre des politiques publiques dont le but principal est de réduire les inégalités des sexes. Comme le remarque un rapport de l’OCDE, « l’une des priorités économiques et sociales les plus importantes pour les pays MENA consiste à promouvoir l’égalité hommes-femmes et à développer des lois, des politiques publiques et des institutions plus équitables qui soient représentatives de l’ensemble de la société »[15].
À cet effet, et sous l’impulsion des conventions internationales, celle de Pékin[16] notamment, qui appelle les États membres des Nations Unies à adopter des stratégies et des plans d’action adéquats pour lutter contre l’oppression, les inégalités, les violences, l’injustices et toutes les disparités (sociales, politiques et économiques) dont les femmes sont victimes), plusieurs pays arabes ont procédé à l’élaboration des programmes répondant distinctement et grosso modo aux revendications de cette convention.
Le tableau suivant souligne les stratégies qui ont vu le jour après 2011. Le printemps arabe est-il une inspiration en la matière ?
Tableau 1 : principales actions publiques menées en faveur des femmes par les gouvernements arabes[17]
En effet, les différentes stratégies adoptées après 2011 sont en continuité avec les plans d’action mis en œuvre conformément à la convention de Pékin dont le but est de réaliser le progrès des femmes dans les champs social, économique et politique. D’autres pays comme la Mauritanie et l’Algérie ont mis en place des stratégies avant le déclenchement des « révoltes arabes » [18].
La création de l’Organisation de la Femme Arabe en 2008 a eu aussi des effets non négligeables pour la promotion des droits des femmes et l’adoption des législations correspondantes aux conventions internationales. Cette organisation définit les politiques publiques comme étant l’ensemble des décisions, des plans, des programmes, qui sont les siens dont les buts consistent à faire avancer les droits des femmes et renforcer leurs capacités. Ces politiques publiques s’appuient sur des programmes communs et d’autres spécifiques à chaque pays arabe ainsi que sur des stratégies établies selon les priorités. Elles interviennent dans six grands domaines : 1) l’éducation et l’enseignement ; 2) la santé et l’environnement ; 3) l’information, 4) le social ; 5) l’économie ; 6) le politique.
D’autres pays, comme la Mauritanie, ont adopté également des programmes spécifiques fondés sur le genre comme outil d’analyse pour mieux s’adapter au changement et à la démarche nécessaire pour la réalisation des « objectifs stratégiques ». « L’institutionnalisation du genre dans les politiques publiques » est un plan d’action gouvernemental mis en place en 2015. Il repose sur deux types de mesures : 1) l’intégration systématique de la dimension genre dans les politiques, les lois, les programmes, les budgets, les structures et les cultures institutionnelles ; 2) la mise en œuvre des mesures spécifiques et actions positives destinées aux femmes (ou aux hommes) en tant qu’exercice de rattrapage pour corriger des distorsions qui engendrent ces écarts[19]. Il tient compte des changements sociopolitiques que connaît la Mauritanie ces dernières années[20]. C’est pourquoi ce plan « audacieux », eu égard aux caractéristiques sociales et culturelles de ce pays, est l’un des plus importants en matière d’égalité des sexes adopté après le printemps arabe. À titre d’exemple, il est question de « la prise en charge par le gouvernement de certaines problématiques qui étaient considérées comme relevant du tabou comme les mutilations génitales féminines et les violences basées sur le genre»[21]. Cette mesure volontaire est assumée malgré la résistance des milieux conservateurs et religieux[22].
Dans le cas du Bahreïn, par exemple, le gouvernement a adopté « le modèle national pour l’intégration des besoins des femmes » après les mouvements de protestations politiques et la forte mobilisation des femmes. Ce programme était en continuité avec les différents plans menés auparavant. L’action publique devant répondre aux « besoins des femmes », concerne tous les domaines : politique, budget, société civile, secteur privé, et s’adresse au pouvoir législatif et exécutif. Malgré ce projet « ambitieux » pour les femmes, la situation a révélé un écart entre l’autonomisation des femmes qui a pris son chemin et leur émancipation qui demeure conditionnée par plus d’ouverture de la part du gouvernement. Comme le montre Magdalena Karolak, à partir d’une approche foucaldienne basée sur le concept de « gouvernementalité »[23], le manque d’intérêt pour la question de l’émancipation des femmes peut conduire à une société passive caractérisée par une dépendance excessive envers les agences gouvernementales[24]. Cette remarque est valable pour la plupart des pays arabes qui relèguent l’égalité des sexes au second plan.
Des politiques publiques pour une meilleure représentation des femmes
Puisque l’organisation des élections est un enjeu pour toute élite au pouvoir, la question de la représentation politique des femmes se présente comme étant capitale. Les appréhensions exprimées par les femmes relèvent, tout d’abord, du fait qu’elles soient peu représentées dans les instances mises en place pour décider des politiques à suivre. C’est le cas, par exemple, de la commission égyptienne chargée d’élaborer la nouvelle constitution qui ne comptait que 06 femmes seulement contre 96 hommes. À l’inverse, l’expérience de la Tunisie montre que la question des droits des femmes fut dès le début des mouvements de protestation au centre des revendications dans les places publiques (dès décembre 2010). Les femmes tunisiennes, choisies selon différents critères (partis politiques, syndicats, société civile, personnalités nationales, régions), étaient fortement représentées dans les différentes instances[25]. Quant à la réforme constitutionnelle au Maroc, elle a mis en avant la responsabilité de l’État et des actions publiques dans la concrétisation du principe de l’égalité d’accès des citoyennes et des citoyens à un ensemble de droits[26].
En Lybie, où le poids du traditionalisme et l’influence du tribalisme sont considérables, la représentation des femmes a été relativement prise en compte par les institutions de transition. Persuadées de l’importance de prendre part aux élections, les femmes y participent pour la première fois d’une manière très dynamique. Elles étaient 525 à se présenter à l’élection du Congrès Général National, la première assemblée législative pluraliste. Même si les résultats restent loin des attentes des femmes, puisque seules 33 parmi elles ont été élues (soit 15.5%), et seulement deux ont siégé au gouvernement (installé suite à cette élection). Ceci montre l’importance politique d’intégrer les femmes dans le processus du changement et de consolidation de la démocratie. Le choix de la présence des femmes, même s’il ne revêt qu’un aspect symbolique dans la gestion de la période de transition, constitue une reconnaissance des gouvernements pour leur rôle dans les mouvements de protestation revendiquant la réforme et le changement.
En Égypte, des femmes ont intégré le dialogue entre les forces de l’opposition et le gouvernement dès le début des grandes manifestations revendiquant la chute du régime. De même, au Yémen, le dialogue national qui a commencé en mars 2013, a été marqué par la présence d’un tiers des femmes parmi ses membres (565). La participation féminine en période de crise s’explique aussi par le fait que « la politique publique est intéressée par l’utilisation de nouvelles ressources humaines et fait appel à de nouveaux acteurs du processus politique »[27]. Toutefois, ces politiques n’étaient pas l’expression de transformation des relations du pouvoir, et ne constituaient pas une garantie pour une participation féminine solide dans la prise de décision. Il s’agit d’adopter des politiques publiques adéquates avec des « situations critiques » (crises) durant lesquelles il est question d’ouverture entre les différents acteurs (hommes et femmes, partis politiques, partenaires sociaux, société civile, etc.)[28].
Sur le plan symbolique, il est important de souligner quelques « transformations » dans des pays comme l’Arabie Saoudite qui a connu, pour la première fois, l’élection des femmes dans les assemblées municipales de décembre 2015oú pas moins de 900 femmes parmi 6440 candidats se sont présentées pour siéger aux conseils municipaux. Même si seules neuf femmes ont pu atteindre cet objectif, la présence des femmes dans les structures du pouvoir constitue un indicateur non négligeable dans la mesure où il s’agit, d’un côté, d’une première mesure ; et de l’autre, une société sous l’emprise du wahhabisme. Aussi, leur nomination dans l’Assemblée Consultative (Majlis Shoura) avec un taux de représentation de 20%, soit 30 femmes, demeure un événement dans l’histoire des femmes dans ce pays. L’intervention de l’État a été axée aussi sur la protection des femmes : une loi contre la violence à l’égard des femmes a été adoptée en mai 2013, une autre loi proposée par trois femmes et un homme a été aussi adoptée en mars 2016 donnant aux femmes et aux enfants plus de droits en matière de protection sociale[29]. Il convient de souligner que de telles décisions, bien que nouvelles, n’ont pas transformé les rapports de genre ni amorcé une rupture radicale avec le modèle de société ou avec les régimes politiques.
Femmes et compromis dans l’action publique
En effet, élaborer des politiques publiques en période de transition et de mutations politiques et sociales majeures, est une action très complexe. Les divergences entre les entrepreneurs politiques, les acteurs sociaux, outre ceux émanant du champ religieux et les contraintes liées au contexte social, politique et économique, ont fait que, d’un côté, les choix sont limités par ordre de priorité (la sécurité est tout d’abord une affaire cruciale), de l’autre, les décisions prises nécessitent sinon un compromis, du moins un dialogue entre les différentes parties. Car, comme l’écrit Gilles Massardier, « les autorités publiques ne possèdent plus le monopole de fabrication des politiques publiques mais doivent, au contraire, "faire avec" une multiplicité d'acteurs qui projettent leurs "finalités vécues" dans le processus de fabrication des politiques publiques »[30].
Cette situation ne concerne pas seulement les pays du « Printemps arabe ». De nombreux travaux sur les femmes pendant les périodes de transition, comme c’est le cas en Amérique Latine et en Europe de l’Est, soulignent leur exclusion du champ politique et du processus de démocratisation. D’autres travaux soulignent aussi le rôle négatif des idéologies et les soubassements traditionnels et conservateurs des nouveaux régimes sur les droits politiques des femmes[31].
Il s’agit, en effet, d’une situation paradoxale puisqu’il est question, d’une part, d’une intégration des femmes dans le processus politique à partir d’une politique gouvernementale d’ouverture, et de l’autre, de leur marginalisation des centres de décisions.
Le « compromis », consistant à intégrer les femmes dans les politiques publiques, est lié aux enjeux du pouvoir, aux stratégies des acteurs politiques et aux mécanismes mis en place pour la gestion de la période de crise et de transition politique. Les élections, organisées autour du compromis[32], constituent une occasion permettant aux citoyens d’exprimer leurs opinions. Celles qui ont eu lieu en Égypte, en Tunisie et en Lybie remportées par les partis islamistes dans les deux premiers pays, après leurs révolutions, ont créé un sentiment d’inquiétude quant à la place des femmes dans le nouveau champ politique et la vie publique d’une manière générale.
À la recherche des mesures de rattrapage ?
Les politiques publiques et l’intervention de l’État, en faveur des femmes, sont restées timides dans le cas des pays arabes. Ces politiques mises en œuvre s’inscrivent plutôt dans « une logique de rattrapage » où il est question de protéger les droits des femmes et de réduire les inégalités entre les sexes[33]. La condition des femmes a généré une forte mobilisation de leur part, suscitée par la discrimination et des violences majeures qu’elles subissent et qui interpellent les autorités compétentes en vue de prendre les mesures nécessaires. En Lybie, par exemple, un décret promettant des indemnisations aux victimes de violence sexuelle a été adopté, ce qui est une avancée dans le pays. Le décret « prévoit d’attribuer à ces femmes une pension mensuelle, des soins médicaux, des offres d’études en Libye ou à l’étranger, une priorité pour des emplois publics, l’obtention de prêts immobiliers, ainsi qu’une assistance dans les poursuites judiciaires contre leurs agresseurs ». Cette décision consacre ainsi le rôle des pouvoirs publics à rendre justice aux femmes victimes des violences subies durant la « révolution libyenne » et les protéger dans l’avenir en leur assurant les moyens nécessaires de survie[34].
L’emprise des traditions, des normes juridiques et sociales dans les pays arabes entravent l’accès des femmes dans la vie politique. Plusieurs arguments sont mis en avant pour justifier la réticence, voire le refus des gouvernements à donner plus de place aux femmes dans la vie politique et de promouvoir leurs droits politiques et civiques. Les débats parlementaires sur l’égalité des sexes montrent à quel point le recours à la religion et aux traditions sont mis en avant pour justifier le refus d’accorder aux femmes les mêmes droits que les hommes et leur donner les mêmes opportunités dans l’accès aux fonctions supérieures de l’État. Le cas du Conseil de l’État égyptien qui refuse aux femmes d’être parmi ses membres malgré le principe constitutionnel (article 11) confirmant la non distinction entre les sexes dans tous les domaines, montre à quel point les rapports de sexe demeurent fondés sur la domination imposée et justifiée par la tradition prenant forme de type de légitimation des discriminations. Le refus du Conseil de l’État est justifié aussi par le fait qu’il n’est pas contraint de recruter des femmes et que son avis est basé sur le pouvoir discrétionnaire.
Pour les femmes qui protestent contre de telles discriminations, il s’agit d’une contradiction totale avec les politiques publiques menées par le gouvernement visant à renforcer le principe d’égalité entre les sexes. Comme l’écrit une femme voulant candidater au concours du Conseil de l’État :
« Est-il possible de désigner ceux qui sont moins compétents et moins aptes à être recrutés dans le Conseil de l’État parce qu’ils sont des hommes et pas des femmes… Je ne dis pas que je suis la plus compétente pour occuper ce poste, mais je revendique tout simplement de me donner une chance égale pour me présenter comme c’est le cas avec les autres diplômés [hommes] aux concours de recrutement au Conseil de l’État au lieu de m’empêcher d’emblée…»[35].
En outre, la mise en œuvre des politiques adéquates demeure lente. Les droits des femmes deviennent donc une priorité dans l’action publique principalement grâce à la forte mobilisation des mouvements féminins et féministes. Toutefois, les recommandations élaborées par les différentes parties concernées, depuis le début de la révolution, et qui consistent à reconnaître le principe de l’égalité entre les sexes et le respect des droits des femmes, demeurent souvent sans grand effet[36]. « Pour que l’égalité des sexes fasse partie des objectifs assignés au processus de paix et aux activités de reconstruction et soit ainsi institutionnalisée au niveau national, les politiques nationales ainsi que la conception, la conduite et la surveillance ou l’évaluation des activités de reconstruction doivent donner toute leur place aux femmes et démarginaliser les questions de genre » [37]. Aussi, l’on peut observer une présence relativement renforcée des ONGs et des organisations onusiennes dans les pays arabes après 2011 (comme l’Égypte, le Yémen, la Lybie), visant à faire de l’égalité des sexes une priorité dans tous les secteurs. Cette présence se justifie par les difficultés rencontrées par les mouvements civiques à défendre la cause des femmes et à proposer aux gouvernements des actions qui soient en conséquence avec les transformations en cours[38].
Il importe, en premier lieu, de souligner que les droits des femmes ne sont pas liés à une conjoncture politique particulière, ni à un contexte social défavorable, mais plutôt aux réserves émises par presque tous les pays arabes contre le comité d’élimination de la violence à l’égard des femmes (CEDAW)[39]. Jugé « incompatible » avec la Loi islamique et les normes culturelles des sociétés arabes, le principe d’égalité entre les sexes a été l’objet de longs débats dans les parlements et dans la société civile. Les questions sont nombreuses, elles sont relatives, entre autres, à la référence à l’état matrimonial, l’accord de la nationalité aux enfants, la liberté de circulation des femmes, le choix du domicile, le mariage, l’acquisition de la propriété, etc.
C’est pourquoi la réparation des inégalités demeure influencée par les normes sociales et les valeurs culturelles dominantes. Les politiques de rattrapage sont limitées à des considérations relatives aux obligations et aux engagements des pays à l’échelle internationale, mais les actions ayant trait à l’automatisation des femmes, à la réduction des inégalités et à la lutte contre les stéréotypes dont les femmes font l’objet demeurent limitées.
Les politiques publiques comme vecteur de l’égalité des sexes
Il n’est pas sans intérêt de rappeler l’apport des différents indicateurs de genre pour mesurer l’impact des politiques publiques sur les programmes de lutte contre les inégalités entre les sexes. Ces indicateurs sont fondés sur les différentes politiques et lois mises en place[40]. Toutefois, comme le montrent les données établies selon le rapport du Programme des Nations Unis pour le Développement, l’indice d’Inégalités de Genre (IIG)[41] pour les pays arabes, qui est de 0.535, n’est pas l’expression des situations de crises vécues après les « révolutions arabes ». L’on peut remarquer, par exemple, que pour le cas de trois pays arabes : la Libye, le Bahreïn et la Tunisie, le rapport du PNUD les classe parmi les pays qui ont un taux élevé en matière de développement humain. Autrement dit, les inégalités de genres ne concernent pas directement les événements politiques liés aux révolutions arabes.
Il convient, toutefois, de souligner, en référence aux différents rapports, que les inégalités de genre ne cessent de croître. Dans les différents domaines, les femmes sont victimes de discriminations. Pour autant, comme le souligne le rapport du PNUD, notamment pour la catégorie des jeunes, la question des égalités des sexes n’est pas prioritaire pour les gouvernements arabes. Le rapport souligne que les inégalités constituent un élément primordial dans l’ordre patriarcal dominant (au niveau des sphères publique et privée). Les inégalités sont ancrées dans la politique, l’emploi, l’éducation, la famille, le monde du travail, même si des sanctions sont prévues contre les discriminations des sexes[42]. Autrement dit, le patriarcat transversal à toutes les institutions (sociales, politiques, économiques). D’un autre côté, l’indice mondial d’écart entre les sexes établi par le Forum économique mondial montre, quant à lui, que les pays arabes sont mal classés. Il est de 60%. Malgré quelques efforts enregistrés en matière de l’intégration économique des femmes, les politiques publiques mises en place sont insuffisantes pour leur donner la place qui leur revient dans les domaines politiques, économiques et sociaux.
La consécration du principe d’égalité entre les sexes dans les constitutions élaborées après le « printemps arabe », comme c’est le cas pour la Tunisie et le Maroc, est une étape importante dans la consolidation des programmes gouvernementaux spécifiques visant à renforcer la place des femmes dans les institutions et dans la sphère publique d’une manière générale. Dans le cadre d’un partenariat avec les organisations onusiennes, plusieurs programmes ont été lancés. Pour l’Algérie, « Le Programme Commun pour l'égalité entre les genres et l'autonomisation des femmes en Algérie (Al Insaf) » (2009 - 2013) est mis en place en partenariat avec le gouvernement algérien et la société civile. Il a pour objectif d’accompagner les départements ministériels pour concrétiser les actions visant à l’autonomisation des femmes, en outre des mesures ont été prises pour leur assurer une plus grande visibilité sur la scène politique.
Quant au Maroc, un programme semblable a été mis en place en 2013 en vue de renforcer l’égalité des sexes. Il s’inscrit dans le cadre des réformes institutionnelles et juridiques[43]. Le Plan Gouvernemental pour l’Égalité, appelé aussi ICRAM (Initiative Concertée pour le Renforcement des Acquis des Marocaines) est axé autour de la question de l’égalité dans les domaines de l’emploi, la santé, l’éducation et la sphère politique.
Ce plan se veut en continuité avec les mesures institutionnelles prévues dans la constitution de 2011. L’article 24 stipule que :
« Les pouvoirs publics élaborent et mettent en œuvre des politiques destinées aux personnes et aux catégories à besoins spécifiques. À cet effet, ils veillent notamment à : traiter et prévenir la vulnérabilité de certaines catégories de femmes et de mères, des enfants et des personnes âgées, réhabiliter et intégrer dans la vie sociale et civile les handicapés physiques, sensorimoteurs et mentaux et faciliter leur jouissance des droits et libertés reconnus à tous ».
Dans la cadre de cette réforme constitutionnelle, les politiques publiques destinées aux femmes se concrétisent par un dispositif institutionnel ayant pour objectif à rendre plus efficace le principe d’égalité. Une « autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination » a été prévue dans la réforme constitutionnelle[44].
Pour la Tunisie, qui a été le premier pays touché par les bouleversements du « printemps arabe », la Constitution confirme le principe de l’égalité. L’article 46 stipule que :
« L’État s'engage à protéger les droits acquis de la femme, les soutient et œuvre à les améliorer. L'État garantit l'égalité des chances entre la femme et l'homme pour assumer les différentes responsabilités et dans tous les domaines. L'État œuvre à réaliser la parité entre la femme et l'homme dans les conseils élus. L'État prend les mesures nécessaires afin d'éradiquer la violence contre les femmes ».
Pour l’Égypte, l’article 11 de la constitution de 2014 confirme l’engagement de l’État dans la réalisation de l’égalité entre les sexes ; il est aussi stipulé dans le texte que (l’État) :
« Œuvre à prendre les mesures pour assurer une représentation adéquate de la femme aux assemblées parlementaires, conformément à la loi. Il assure le droit de la femme à occuper les fonctions publiques et les postes de direction de l’État et à être nommée aux corps et aux organismes de juridiction judiciaires sans discrimination ».
Dans le même article, il est question de l’engagement de l’État pour la protection des femmes contre toutes formes de violence et les mesures permettant à ces dernières de concilier les obligations familiales et les exigences du travail. L’État assure également le soin et la protection de la maternité, de l’enfance, des femmes chefs de ménage, des femmes âgées et des femmes les plus démunies.
Aussi, les réformes des constitutions de plusieurs pays comme la Tunisie, l’Égypte, le Maroc et l’Algérie, élaborées après le « printemps arabe » semblent exprimer la volonté des nouveaux gouvernements pour la promotion des droits des femmes au nom de la légitimité de leur participation aux mouvements sociaux. Ces changements constitutionnels confirment « théoriquement » le principe d’égalité, mais n’empêchent pas l’évolution des inégalités, et ne renforcent pas, a fortiori, les actions publiques. Même si certains domaines, comme en politique par exemple, connaissent une progression s’agissant de la présence des femmes dans les assemblées élues, les constitutions ne sont pas capables de réguler tous les problèmes inhérents aux inégalités qui existent. C’est dire que le formalisme juridique a ses limites surtout dans l’absence des institutions de contrôle solides, crédibles et dynamiques ; ce qui empêche de réaliser les transformations attendues en faveur des femmes, et à l’inverse, il ne fait que conduire à une reproduction sociale et politique « justifiée » des inégalités sexuées.
C’est pourquoi le changement en matière des politiques publiques en faveur de la consécration de l’égalité ne peut réussir qu’à partir d’une réforme profonde des lois et des politiques d’investissement social[45]. En effet, lorsqu’il s’agit des questions qui se rapportent au droit de la famille (violence à l’égard des femmes, divorce, héritage), les politiques publiques restent frileuses. Les traditions et les pesanteurs socioculturelles sont souvent mises en avant pour justifier une réticence face au changement revendiqué pour assurer l’égalité des sexes. Loin de mettre en place des plans d’action adéquats, les gouvernements se limitent parfois à des déclarations générales visant à améliorer les conditions de vie des femmes (criminalisation du mariage des mineures, du harcèlement sexuel, etc.) et le renforcement de leur place dans la vie publique et économique.
Comme le montre le travail de P. Muller, les processus de changement des politiques publiques ne peuvent être appréhendés « si l’on ne combine pas une approche par les structures qui permet de mettre en évidence les contraintes, et une approche par les acteurs qui permet de souligner la marge d’autonomie des agents participant au policy-making »[46]. Pour le cas des pays arabes, les contraintes sont liées aux différentes logiques sociales et culturelles dominantes qui influent sur les politiques menées et les décisions à prendre. Plusieurs questions restent, ici et là, objet de revendications et de résistance et ce, à des niveaux différents comme le quota, la parité, l’égalité dans l’héritage, le droit d’accorder la nationalité par les mères à leurs enfants, le droit de conduire des voitures, comme c’est le cas en Arabie saoudite. En d’autres termes, les politiques publiques sont difficiles à construire et à mettre en œuvre, concrètement, quand les considérations d’ordre social et culturel sont mises en avant. Dans certain cas, des avancées en matière des droits des femmes ont été remises en causes, comme la réforme du code électoral égyptien adopté en 2009. L’article accordant un quota de 64 sièges en Égypte réservées aux femmes dans les élections législatives a été annulé après la « révolution de janvier 2011 ». Le nouveau code électoral, bien qu’il exige aux partis politiques de mettre une femme, au moins, sur les listes électorales, leur donne la liberté de placer la candidate n’importe où sur la liste[47].
Les contraintes se situent également dans l’ordre institutionnel qui, en conformité avec l’ordre moral dominant (fondé sur les représentations collectives), ne fait que renforcer l’« ordre du genre » reflétant ainsi la hiérarchie des rapports de sexes, plutôt que de se conformer au principe de l’égalité des genres. Plusieurs exemples témoignent de la forte influence des élites religieuses et politiques quand il est question de promouvoir les droits des femmes et notamment lorsqu’il s’agit d’intégrer le genre dans les politiques publiques. Par exemple, la riposte vigoureuse de l’instance des ulémas yéménites, après l’organisation d’une rencontre régionale sur l’intégration du genre dans le système éducatif de ce pays, montre à quel point l’influence des élites religieuses est forte et pesante[48]. La proposition de quelques députés égyptiens issus du parti salafiste Ennour (après les élections qui ont suivi la chute du régime de Mubarak) de dépénaliser les actes d’excision, manifeste une forme de régression de la part de certaines forces politiques en matière des engagements pris auparavant envers les femmes par des textes juridiques. Cela montre à quel point il est utile de renforcer les efforts d’investissement social avec une « sensibilité certaine au genre »[49], pour que les politiques publiques puissent apporter les résultats escomptés.
Force est de constater que, six ans après, les politiques publiques mises en place sont axées essentiellement sur le renforcement de la représentation politique à travers des lois instaurant le quota pour femmes dans les assemblées élues. Mais ces politiques négligent la présence des femmes dans les postes de prise de décision. Les institutions sont ainsi utilisées pour justifier des situations sociales données. Des arrangements « sociaux institués »[50] et « politico-institutionnels » sont conçus, selon les pays, en tenant compte des jugements normatifs et de légitimation sociale. Nous l’avons vu avec le cas du Yémen ou de la Libye, par exemple, où l’action publique demeure sujet de compromis entre la position des élites traditionnelles et l’élite politique qui tient le pouvoir[51]. Il s’agit, pour reprendre une formule de Norbert Elias, d’effectuer un « équilibre de tensions » entre les différents acteurs des champs politique d’un côté, et social et culturel de l’autre. Or, il se trouve aussi que ces champs ne sont pas séparés. La composition des gouvernements et des parlements après les « révolutions arabes » montrent une interférence des acteurs politiques et non politiques dans le processus de prise de décision. La position des nouveaux régimes de la période post-révolution montre aussi qu’un aspect de paternalisme politique prenant forme du féminisme d’État se confirme et se traduit par la complication des relations entre le pouvoir et les mouvements féminins et féministes et ce, malgré les garanties du pouvoir pour un engagement sérieux et solide pour la cause des femmes. Par exemple, l’avènement d’une nouvelle ère politique en Égypte après 2014, bien qu’elle soit considérée comme une chance pour les droits des femmes, n’a pas conduit à l’élaboration des politiques efficientes à leur égard. Certaines analyses montrent qu’il est question d’une tentative d’« effacer une histoire riche et diverse de quatre ans de mobilisations liées au genre ». Il s’agit, en effet, d’imposer la « vision » de l’État-patriarcal eu égard aux rapports sociaux et à la condition de la femme. « En construisant l’image des ‘‘femmes égyptiennes’’ comme catégorie unique et en réduisant au silence les voies alternatives et indépendantes, ce nouveau féminisme d’État instrumentalise les femmes et leurs problématiques à des fins politiques, en cette période de vive polarisation politique et identitaire, tout en ne leur donnant que très peu en retour »[52].
Conclusion
Les six ans qui ont suivi le déclenchement des révoltes arabes ne permettent pas d’évaluer toutes les actions publiques menées à l’égard des femmes. Mais force est de constater que l’enjeu aujourd’hui est celui d’une prise de conscience de la part des différents acteurs dans la sphère politique et dans le mouvement associatif (féminin et féministe) du rôle impératif de l’État dans la mise en œuvre des politiques publiques nécessaires. Car, comme le résument à juste titre Jobert et Muller, la politique publique c’est l’État en action, l’État au concret[53].
L’un des principaux défis des politiques publiques en matière des droits des femmes est de renforcer le rôle des différentes institutions ayant en charge cette mission. Les attributions, souvent limitées, des institutions (ministères, départements, conseils, instances nationaux, etc.) chargées de la condition des femmes, font que les résultats ne soient pas à la hauteur des attentes des femmes. À cela s’ajoute la question de l’efficacité et de l’analyse des politiques publiques. Cette question est liée d’un côté à l’évolution des rapports de genre dans la société et, de l’autre, à l’amélioration de la condition des femmes[54]. Cela n’est faisable qu’à partir des politiques publiques efficaces, équitables et adéquates propres à répondre aux questions relatives aux inégalités des sexes. L’efficacité de ces politiques ne se réalise qu’en tenant compte des éléments suivants : la présence des femmes dans les sphères économique et politique, leur utilité dans la participation à la prise de décision, l’égalité dans les salaires, la présence des femmes dans les espaces publics, l’accès égal à l’emploi, etc.
Si la mobilisation des mouvements féminins et féministes semble être aujourd’hui limitée dans son action et dans ses procédés, la défense des droits des femmes est indissociable de l’intervention des pouvoirs publics. C’est pourquoi seules les politiques publiques, élaborées sur le principe d’égalité, sans concession, sont capables de renforcer le rôle des femmes dans la vie sociale, économique et politique et de les intégrer dans le processus de la consolidation des institutions étatiques.
Les travaux académiques portant sur l’égalité des sexes montrent aujourd’hui à quel point le rôle des politiques publiques est primordial puisqu’il reflète de la vision des autorités publiques dans les différents programmes et actions élaborés. Promouvoir l’égalité des sexes dans des situations où il est question de réparer les injustices faites aux femmes dans un processus de réformes globales est une question qui a pris son chemin. C’est, en effet, aux États qu’échoit la responsabilité d’engager et de poursuivre les actions, programmes et réformes nécessaires pour renforcer le principe d’égalité.
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Notes
[1] Voir, par exemple, les travaux de : Lamoureux, D. (1981), « Mouvement social et lutte des femmes », Sociologie et sociétés, 13, 2 ; Dauphin, S. (2006), « L’élaboration des politiques d’égalité ou les incertitudes du féminisme d’État : une comparaison France/Canada », Cahiers du genre, n° 3, p. 95-116 ; Dauphin (S.), (2010), L’État et les droits des femmes. Des institutions au service de l’égalité ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes ; Jenson, J., (1997), “Who Cares ? Gender and Welfare Regims”, Social Politics, 4 (2), p. 182-187 ; Rankin (P.) et Vickers, J. (2001), Les Mouvements de femmes et le féminisme d’État : intégrer la diversité à l’élaboration des politiques gouvernementales, Ottawa, Condition féminine Canada.
[2] Voir sur ce sujet Dunezat, X. (2007), « La fabrication d'un mouvement social sexué : pratiques et discours de lutte », Sociétés & Représentations, Vol. 24, no. 2, p. 269-283 et Bargel, L. (2005), « La Socialisation politique sexuée : apprentissage des pratiques politiques et normes de genre chez les jeunes militant-e-s », Nouvelles questions féministes, 24 (3), p. 36-49.
[3] Voir par exemple : Al-Ali, N. (2012). “Gendering the Arab Spring”, Middle East Journal of Culture and Communication, 5(1), 26–31 ; M. Youssef et K. Heideman (eds) (2012), Women after the Arab Awakening, Woodrow Wilson International Centre for Scholars, 8 – 10; Moghadam, V. (2013). Modernizing Women: Gender and Social Change in the Middle East. Boulder, CO: Lynne Rienner Publishers ; Olimat, M.S. (2012), “Arab spring and women in Kuwait”, Journal of International Women’s Studies, 13(5), 180-194.
[4] Voir Sadiqi, F. (ed.) 2016, “Women's Movements in Post-“Arab Spring “North Africa”, Comparative Feminist Studies Series, New York: Palgrave Macmillan/Springer Nature., p. 25 et suiv.
[5] Giraud, O. et Lucas., B. (2009), « Le renouveau des régimes de genre en Allemagne et en Suisse : bonjour "néo maternalisme" ? », Cahiers du Genre, Vol. 46, n° 1, p. 21.
[6] Voir Connell R., (1987), “The state, gender and sexual politics: theory and appraisal”, Theory and Society, Vol. 19, p. 507-544.
Voir aussi Le Feuvre N., « Le ‘genre’ comme outil d’analyse sociologique », in Fougeyrollas-Schwebel, D., Planté C., Riot-Sarcey M. et Zaidman C. (dir.) (2003), Le genre comme catégorie d’analyse : sociologie, histoire, littérature, Paris, l’Harmattan, Coll. « Bibliothèque du féminisme », p. 48.
[7] Walby, S. (2004), « The European Union and Gender Equality: Emergent Varieties of Gender Regime », Social Politics: International Studies in Gender, State and Society, 11 (1), p. 4-29.
[8] Giraud, O., Lucas, B. (2009), op. cit., p. 17-46.
[9] Cf. El Said, M., Meari, L. and Pratt, N. (eds.), (2015), Rethinking Gender in Revolutions and Resistance: Lessons from the Arab World, Zed Books, 2015 ; Khalil, A. (ed.), (2015), Gender,Women and the Arab Spring, Routledge, 2015, Gillot, G. et Martinez, A. (dir.), (2016), Femmes, printemps arabes et revendications citoyennes, IRD Editions ; Olimat, M. (2014), Arab spring and arab women: challenges and opportunities, London, Routledge; Olimat, M. (2014). Handbook of Arab Women and Arab Spring: Challenges and Opportunities, Rutledge; Johansson-Nogués, E. (2013), «Gendering The Arab Spring? Rights And (In) Security Of Tunisian, Egyptian And Libyan Women», Security Dialogue, 44.5/6, p. 393 - 409.
[10] Djerbal, D. et Oussedik, F. (2014). « Le réseau Wassila, un collectif algérien pour les droits des femmes et l'égalité », Nouvelles Questions Féministes, Vol. 33, (2), 136-140.
[11] Meny, Y. et Thoenig, J.-C. (1989), Politiques Publiques, Paris, Presses Universitaires de France.
[12] Thoenig J.-C., 2010, « Politique publique », in Boussaget L., Jacquot S., Ravinet P. (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, Paris, Presse de Sciences Po.
[13] Comme l’écrit Muller, P. « on peut considérer qu’une politique publique se définit toujours par rapport au changement, soit que l’on cherche à freiner une évolution, soit que l’on cherche, au contraire, à promouvoir la transformation du milieu concerné ». Muller, P. (2005), « Esquisse d'une théorie du changement dans l'action publique. Structures, acteurs et cadres cognitifs », Revue française de science politique, Vol. 55, no. 1, 2005, p. 157.
[14] Voir sur ce sujet Benzenine, B. (2015), « Les femmes et le « printemps arabe » : entre émancipation et désillusion », in Saquer-Sabin, F. et Persyn, E., (dir.), Regards sur le Proche-Orient éclaté-complexe-paradoxal, Lille, Éditions du Conseil scientifique de l'Université de Lille 3 ; Margaux, B. (2014), « Les femmes en action dans le monde arabe : le « printemps arabe », et après ? », Les Cahiers de l'Orient, 2013/1 (N° 109), p. 103-122, Gaté, J., (2014), « Droits des femmes et révolutions arabes », La Revue des droits de l’homme, n °6.
[15]OCDE, Agir ave MENA, Paris, Septembre 2016, p. 26.
[16] Voir Déclaration et Programme d’action de Beijing, in : http://www.un.org/womenwatch/daw/beijing/pdf/BDPfA%20F.pdf (consulté le 06 mai 2014).
[17] The Organisation for Economic Cooperation and Development-OECD and Center of Arab Women for Training and Research-CAWTAR, (2014), Women in Public Life Gender, Law and Policy in the Middle East and North Africa, p. 63.
[18] Il s’agit respectivement de la « Stratégie Nationale de Promotion Féminine » (2005-2008) et la « Stratégie nationale pour la promotion et l’intégration de la femme » (2008-2014).
[19] « Stratégie Nationale d’Institutionnalisation du Genre », sur le site : www.masef.gov.mr (consulté le 05 mai 2017).
[20] L’année 2011 a connu un fort mouvement de protestation sociale marqué par plusieurs grèves et manifestations. Bien que limité, en comparaison avec d’autres pays, ce mouvement a réussi à mobiliser des hommes et des femmes autour des revendications sociales et politiques. Voir sur ce sujet : Antil, A. et Lesourd, C. (2012), « Une hirondelle ne fait pas le printemps. Grammaire des mobilisations sociales et politiques et retour de la question negro-mauritanienne », L’Année du Maghreb, VIII, p. 407-429.
[21] « Stratégie Nationale d’Institutionnalisation du Genre », op.cit.
[22] Voir sur ce sujet, Ministère des Affaires Sociales, de l’Enfance et de la Famille, évaluation de la mise en œuvre de la déclaration et du programme d’action de Beijing (1995), juin 2014, in https://www.uneca.org/
[23] M. Foucault entend par gouvernementalité « l’ensemble constitué par les institutions, les procédures, analyses et réflexions, les calculs et les tactiques qui permettent d’exercer cette forme bien spécifique, quoique très complexe, de pouvoir, qui a pour cible principale la population, pour forme majeure de savoir l’économie politique, pour instrument technique essentiel les dispositifs de sécurité ». Foucault, M. (2004), Sécurité, territoire, population, Paris, Seuil, p. 111-112.
[24] Karolak, M. (2013), « Between Women’s Empowerment and Emancipation », Arabian Humanities, n° 1.
[25] Comme c’est le cas de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, créée en mars 2011 pour assurer le passage de la période de transition. Sur le rôle de cette instance voir Lieckefett M. « La Haute Instance et les élections en Tunisie : du consensus au " pacte politique " ? », Confluences Méditerranée, 3/2012 (n° 82), p. 133-144.
[26] Voir Abounaï, A. (2012), « Les femmes marocaines et "le printemps arabe" », Tumultes, Vol. 38-39, n°. 1, p. 115-132.
[27] Zhukova, O. (2013), Agenda politique et régime de genre : comparaison sociohistorique des évolutions en Russie et en France, thèse de Doctorat en Science politique, Université de Bordeaux, p. 122.
[28] Nous nous inspirions dans cette analyse par le travail de Peter Gourevitch sur la politique et la prise de décision dans des situations de crise. Voir son ouvrage : Politics in Hard Times: Comparative Responses to International Economic Crises, Ithaca, Cornell University Press, 1986.
[29] Sur la condition des femmes en Libye, voir M. Casalis, Empowerment sociopolitique des femmes et construction de la paix en Libye. Entretiens avec Zahra Langhi, in Gillot G., et Martinez, A. (dir.), op. cit., p. 229-248 ; Gaté, J., op. cit.
[30] Massardier, G. (2003), Politiques et action publique, Paris, Armand Colin, p. 1.
[31] À ce sujet, voir Crîstocea, I., « Transition/Démocratisation » in Achin C. et Bereni, L. (2013) (dir.), Dictionnaire genre & science politique. Concepts, objets, problèmes, Paris, Presses de Sciences Po, p. 493-504.
[32] Le compromis consiste ici à organiser des élections « libres » réunissant tous les acteurs et partis politiques de la vie politique y compris ceux qui ont été marginalisés ou interdits jusqu’ici de participation.
[33] Comme le montre S. Dauphin, les logiques de rattrapage sont des actions coercitives des inégalités existantes par rapport à la situation des hommes. « De fait, elles ont pour caractéristiques d’être provisoires, d’une durée limitée dans le temps. Elles ont une dimension réparatrice ou restauratrice puisqu’il s’agit de prendre la mesure des différences de situation entre les hommes et les femmes afin de « combler » l’écart en aidant les femmes ». Dauphin, S. (2010), « Action publique et rapports de genre », Revue de l'OFCE, 114, (3), p. 265-289.
[34] En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/libye/article/2014/02/20/la-libye-reconnait-comme-victimes-de-guerre-les-femmes-violees-pendant-la-revolution_4370002_1496980.html#JZVLhKufbzUw7HJS.99
[35] « Á quand la désignation dans femmes juges dans le Conseil de l’État " masculin" ? », (en arabe) In https://meemmagazine.net. Consulté le 16 mars 2016.
[36] Comme nous pouvons le remarquer à partir de l’analyse bourdieusienne, ceci est la posture de tout pouvoir qui souhaite ne pas bousculer l’ordre social établi et ne pas être fragilisé dans le champ politique. Cf. Bourdieu, P. (2012), Sur l’État. Cours au Collège de France 1989‑1992, Paris, Seuil et Raisons d’agir.
[37] Taborga, C. (2007), « L'émancipation économique des femmes. Réalités et défis pour l'avenir », Revue internationale des sciences sociales, n° 191, p. 33-41.
[38] C’est le cas notamment de l’Égypte. Voir Agosti, M. (2015), « Civic participation and gender institution allegacy since January 25, 2011 », Égypte/Monde arabe, troisième série, 13.
[39] Voir sur ce sujet Slighoua, M. (2016), Droits des Femmes et Printemps Arabes: Tunisie, Égypte, et Maroc, Éditions universitaires européennes EU.
[40] Voir Al Laithy, H., Gender Inequality in Arab Countries: Opportunities and Challenges, Report IDEO JTRO, p. 27, cité in http://www.ide.go.jp.
[41] IIG est établi par le PNUD afin de « révéler les différences de répartition en termes de réalisations entre les femmes et les hommes. Il mesure les coûts de l'inégalité de genre en termes de développement. Cela signifie que plus la valeur de l'IIG est élevée, plus les disparités entre les femmes et les hommes sont importantes. » http://hdr.undp.org/fr/content/lindice-din%C3%A9galit%C3%A9s-de-genre-iig, consulté le 06 mai 2017).
IGG varie entre 0 (situation confirmant que les deux sexes sont traités de manière égale) et 1 (la condition d’un des sexes, souvent les femmes, est très mauvaise (inégalité maximale). Les indicateurs retenus pour mesurer cet indice sont relatifs aux trois grands domaines : 1) santé reproductive, 2) Population ; 3) Emploi. Il est conçu sur le même modèle que l’Indice du développement humain et l’indice ajusté aux inégalités.
[42] Arab Human Development Report 2016, New York, United Nations, November 2016, p. 52.
[43] Cf. Melloni, D. (2013), « La Constitution marocaine de 2011 : une mutation des ordres politique et juridique marocains », Pouvoirs, n° 145, p. 5-17.
[44] Considéré comme non autonome et ne garantissant pas le respect des droits des femmes selon les normes internationales, ce projet de loi a été fortement critiqué par de nombreuses associations féministes et de la défense des droits de l’Homme. Aussi, ce projet de loi est considéré comme insuffisant en matière d’influence sur les politiques publiques en matière d’égalité, de parité et de lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes. Voir : http://euromedrights.org/wp-content/uploads/2016/01/Communiqu---des-r--seaux-et-ONG-autour-de-lAPALD.pdf (consulté le 17 mai 2017).
[45] L’investissement social est entendu ici dans le sens d’axer les actions publiques sur la femme et la famille à partir des mesures de protection sociale. Voir sur ce sujet : Jenson, J. (2011), « Politiques publiques et investissement social : quelles conséquences pour la citoyenneté sociale des femmes ? », Cahiers du Genre, 3 (HS n° 2), p. 21-43.
[46] Muller P. (2005), op.cit., p. 158.
[47] Voir sur ce sujet : Saenz-Diez, E. (2012), « Le quota de femmes au parlement égyptien. Vers une normalisation de leur statut ? », Égypte/Monde arabe, troisième série, n° 9.
[48] Voir le communiqué complet de l’Instance des ulémas du Yémen, daté du 14 mars 2012 dans https://yemen-press.com/news17869.html.
[49] Voir ce sujet : Jenson, op. cit., p. 21-43, et Nicole-Drancourt C. (2011), Donner du sens aux réformes. De l’équation sociale fordiste à la nouvelle équation sociale, l’enjeu des réformes dans l’ordre du genre, Paris, EHESS, Habilitation à diriger des Recherches.
[50] Selon Nicole-Drancourt, en s’appuyant sur une analyse de Fraser, « il faut partir des « arrangements sociaux institués » pour s’affranchir des formes de sujétisation ancrée dans la société », Nicole-Drancourt, Ch. (2015), « Mettre en perspective la perspective d’investissement social », La Revue de l'Ires, Vol. 2 n° 85-86, p. 171-209.
[51] Des analystes parlent de « la régulation juridique » qui « doit être caractérisée par la flexibilité, faite de négociation, constituée de compromis, et ne pas être contrainte par le respect absolu de règles fixes et préétablies ». Commaille, J. (2008), « La judiciarisation : nouveau régime de régulation politique », in Giraud, O. et Warin, P. (dir.), Politiques publiques et démocratie, Paris, la Découverte, Coll. « recherches ».
[52] Zaki, A. (2015), « Les" femmes de Sissi" ? Mutations des discours du genre et limites du féminisme d’État », Égypte/Monde arabe, troisième série, n°13.
[53] Bruno, J. et Muller, P. (1987), L'État en action, politiques publiques et corporatisme, Paris, Presses universitaires de France.
[54] Voir Al Ashmawi, F. (2014), « L'évolution de la femme dans le monde musulman », Société, Droit et Religion, Vol. 4, n° 1, p. 65-70.