Insaniyat N° 75-76| 2017| Sur les réformes en Algérie| p. 11-36| Texte intégral
Agrarian reforms: what land-use impacts by farming? Reform in any area always has different implications. In agriculture, the most visible implications are those which affect organizing Keywords: Reforms - agriculture - vineyard - market gardening - arboriculture. |
Zakaria SMAHI, Université Oran 2 USTO, université Mohamed Boudiaf Ben Ahmed, Département Géographie et Aménagement du Territoire, 31 000, Oran, Algérie.
Khadidja REMAOUN, Université Oran 2 Mohamed Ben Ahmed, Département Géographie et Aménagement du Territoire, 31 000, Oran, Algérie.
Introduction
Depuis l’indépendance, plusieurs réformes agraires ont été menées. Les questions que nous soulevons sont de savoir quelles en sont les incidences notamment sur les espaces agricoles ? Y-a-t-il eu des changements ? Il serait intéressant d’en voir un des aspects : celui des pratiques culturales.
Il s’agit dans cette contribution de confronter les changements intervenus dans les espaces cultivés, relevés à l’aide de l’outil cartographique et ceux découlant de l’analyse des textes réglementaires et autres circulaires ministérielles. Les statistiques fournies par les services de l’agriculture permettent d’affiner la réflexion même si elles comportent des lacunes (pour la période 1962-2000 notamment).
Méthodologie
La cartographie évolutive est très instructive (Bruno, 1992). Pour ce, deux types de documents ont été utilisés : les cartes topographiques au 1/50 000 et 1/25 000 des années 1960 et 1987 (il n’existe pas de cartes plus récentes) et les images Google Earth de 2000 à 2015. Des relevés de terrain (identification et vérification) ont été menés en parallèle.
Le choix du terrain d’étude a porté sur quatre communes appartenant à deux wilayas limitrophes (Oran et Ain Témouchent) du littoral à l’ouest d’Oran : Misserghin, Boutlélis, El Amria et Oulhaça Gherraba. L’espace pris en compte est celui communal actuel, issu des découpages de 1985. Ce choix se justifie en grand partie par les similitudes climatiques des communes prises en compte et par leur « histoire » durant la colonisation française. En effet, celle-ci était fortement implantée dans les trois premières communes et relativement peu dans la seconde, ce qui peut donner un éclairage particulier. Quant au paramètre climatique, sa prise en compte permet d’écarter les causes possibles ou potentielles intervenant dans certains changements, l’espace pris en compte ayant subi les mêmes aléas. Cependant, dans le détail, à côté de ressemblance, il existe des disparités. (Renard, 2002 ; Bailoni, 2012).
Caractéristiques des communes étudiées
Certains traits différencient ces quatre territoires ; ainsi, seule la commune d’Oulhaça Gherraba est côtière, son rivage incluant une partie du débouché sur la mer du grand oued qu’est la Tafna (Rachgoun). Une extension remarquable des formations forestières (forêt, maquis et garrigue) caractérise Boutlélis et Misserghin, cette dernière se distinguant en plus par le fait que la Grande Sebkha d’Oran fait partie de son espace. Le second trait spécifique de ces deux communes est leur relief, en grande partie tabulaire et profondément incisé par de nombreux vallons. En effet, elles s’étendent sur le sommet et le long versant sud du Djebel. Murjadjo (qui culmine à 576 m), ce dernier étant relié au sud, à une étroite plaine en bordure de la Sebkha par une série de courts versants pentus. L’aspect tabulaire existe aussi dans les deux autres communes (El Amria et Oulhaça Gherraba), mais il est différent : l’espace d’El Amria est un plateau légèrement incliné vers le sud, en continuité spatiale vers l’ouest avec le Djebel.Mudjadjo (Plateau d’El Ghamra), mais moins raviné et parcouru par une petite vallée à l’ouest (Oued. Mouzoudj ou Baroudi). Oulhaça Gherraba est constitué de petites mésas (lanières tabulaires d’origine volcanique), découpées par de courts vallons et accidentées de collines ; celles-ci étant les vestiges d’anciens petits volcans dont l’activité s’est arrêtée durant l’Holocène. L’altitude ne dépasse pas les 400 m.
La superficie de ces communes diffère aussi. C’est Misserghin qui est la plus étendue : 42 828 ha. Mais, la Sebkha d’Oran (zone humide) en compte 29478 ha ce qui fait qu’ il n’y a effectivement que 13 350 ha de terres disponibles dont le 1/3 (4036 ha) constitue actuellement la SAU et 9109 ha (presque les 2/3) le domaine forestier. La commune de Boutlélis a la même extension que Misserghin, la Sebkha d’Oran non comprise (13 597 ha). Environ un peu plus de la moitié était boisée au-début des années 2000 et la SAU occupe actuellement presque la totalité des terres restantes (6585 ha, soit environ 48 % de l’espace communal). El Amria et Oulhaça Gherraba ont presque la même superficie (respectivement 9049 ha et 8629 ha), mais la SAU de la première est plus grande : 7531 ha (en 2015) alors qu’elle n’est que de 5205 ha à Oulhaça Gherraba. En fait, c’est à Misserghin, puis à Oulhaça Gherraba, que la SAU est la plus réduite (inférieure à 5300 ha)(Remaoun et al, 2016).
Le poids de la population est variable dans ces communes même si celle-ci a connu une forte augmentation comme le reste du pays. La valeur de la densité en donne une idée. En 2008, c’est à El Amria qu’elle est la plus forte (249 hab/km²), celle des autres communes sont assez proches : 191 hab/km² à Misserghin, 164 hab/km² à Boutlélis et 185 hab/km² à Oulhaça Gherraba.
Réformes, utilisation et organisation des terres cultivées
Les grandes lignes des réformes qui auraient pu influer sur l’utilisation et l’organisation des terres cultivées ont suivi en gros trois étapes : La première étape correspondant aux vingt premières années de l’indépendance (1962-1982), avait comme objectif majeur la réorganisation du secteur de l’agriculture : c’est la phase de la Révolution Agraire (Le Normand, 1975 ; Brulé, 1985) ; d’où des décisions qui avaient trait aussi bien au foncier qu’à la gestion des exploitations agricoles (Mahiou, 2012). La nationalisation des terres dont les propriétaires étaient absents ou non exploitants directs et leur attribution à ceux qui y travaillaient auparavant ainsi que la reconnaissance de la propriété des non absentéistes étaient les deux actes majeurs concernant le foncier. Outre le collectivisme, les exploitations agricoles devaient s’organiser en diverses coopératives (les propriétaires de terres étaient fortement invités à y faire partie) qui s’intégraient dans des zones de mise en valeur dont un Commissariat en était le gestionnaire. Celles-ci comportaient des périmètres irrigués, des terres en friches à cultiver et des « espaces dans lesquels l’État réalise ou envisage de réaliser des travaux d’équipement collectif et d’aménagement des terres agricoles…ou des systèmes de production végétale ». Un certain nombre d’organismes ont été créés à des fins de services de toutes sortes y compris la commercialisation des produits agricoles.
La seconde étape (1983-1998) se veut une « relance de l’agriculture ». Le foncier en étant un des moteurs, des mesures ont été prises vers une privatisation à peine déguisée notamment par les possibilités de devenir propriétaire dans deux cas de figures :
- d’une terre située « hors du domaine privé de l’État » par sa mise en valeur effective et au dinar symbolique (1983) ;
- d’une concession faisant partie d’un périmètre de mise en valeur (domaine privé de l’État) qui peut être « convertie en cession » à titre onéreux (Article 5 du Décret exécutif 97-485 du 15/12/1997 modifié et complété par celui 97-372 du 23/11/1998).
Entre ces deux réformes, la loi 87-19 du 8/12/1987 accorde aux « producteurs agricoles » exerçant sur les terres du domaine Étatique, le droit de « jouissance perpétuelle »… « moyennant le paiement d’une redevance » et leur « consent »… » un droit de propriété sur tous les biens constituant le patrimoine de l’exploitation autre que la terre »… « cédé à titre onéreux ». Les « terres sont exploitées collectivement et dans l’indivision » : création d’EAC mais avec possibilité d’ EAI1.
L’ONTA2, créé en 1996 est chargé tout particulièrement du recensement des terres « agricoles ou à vocation agricole » et de leur cadastre.
Le développement de la production agricole a été « abordé » par le biais de plusieurs types d’actions ou réformes. Une catégorie de celles-ci consiste en la définition des « zones rurales à haute valeur agricole » en 1983, la création de l’Office d’aménagement et de mise en valeur des terres en 1985 (mais dissous en 1990), la mise en place des modalités de délimitation des périmètres de mise en valeur (Décret exécutif 98-372 du 23/11/1998), le lancement de l’investissement (création de l’ASPI) avec des précisions relatives aux « zones spécifiques » ainsi qu’aux conditions de concession ou de cession des terres domaniales qui s’y trouvent, la concession des ouvrages de petite et moyenne hydraulique (1997) et enfin, le soutien par l’État des prix de certains produits agricoles ainsi que ceux des moyens énergétiques utilisés.
Une seconde catégorie d’actions s’est préoccupée du côté « professionnel » avec notamment la précision des règles qui régissent les coopératives agricoles (1996), la définition des activités agricoles et de la profession d’agriculteur ainsi que de « l’inter-profession » (1996).
Enfin, les conditions pour limiter le morcellement de toutes les terres agricoles ont été fixées selon un zonage et des normes en superficie, types de culture et de la pratique ou non de l’irrigation (1997).
La troisième étape des réformes débute en 1999-2000. C’est le renouveau rural dont l’objectif principal est l’intensification de toute la production agricole (cultures pratiquées y compris l’aquaculture et élevage). Les dispositions réglementaires et les actions menées, tout en gardant le même esprit depuis l’indépendance (assurer la sécurité alimentaire du pays entre autres) ont touché à divers domaines : foncier et mode de gestion des exploitations agricoles (y compris celles d’élevage), augmentation de la SAU3 et promotion de cultures particulières etc…ceci à l’aide de divers programmes ou plans (y compris ceux relatifs à la formation et à la vulgarisation) et de facilités financières ou techniques.
Ces trois étapes de réformes devaient d’une part, motiver et impliquer directement les agriculteurs et d’autre part, aboutir à une extension des superficies réellement cultivées. Dans le même sens, des modalités ont été prises (sanction, mise en location, vente) pour mettre fin à la non-exploitation des terres agricoles quel que soit leur statut. Pour ce, un organisme « ad hoc » a été créé en 1997.
Réformes et innovations
Les réformes du foncier et du « mode d’exploitation » innovent en ce qui concerne le statut juridique des terres de l’État et s’étendent progressivement aux propriétés privées. Ainsi le droit de jouissance perpétuelle relatif aux exploitations (EAC-EAI) devient le droit de concession pour une durée de 40 ans renouvelable « moyennant le paiement d’une redevance annuelle » (loi 08-16 du 3 /8/2008). Des dispositions supplémentaires ont pour but de « sécuriser » les concessionnaires : les actes d’attribution sont individuels dans le cas d’EAC, mais l’exploitation concédée reste dans l’indivision (une concession collective doit être composée d’au moins 3 membres) et le droit de chaque membre est « cessible, transmissible et saisissable ». En outre, les concessionnaires peuvent (au lieu de « doivent » des phases précédentes) se regrouper en coopératives. Ensuite, les concessions agricoles dans les terres étatiques deviennent accessibles à des « organismes publics » (2011) et en 2012, ces dispositions sont élargies à tous les types juridiques de terres (« non exploitées ou insuffisamment exploitées » ou « rendues disponibles » en ce qui concerne celles de l’État) pour « toute personne morale ou physique » voulant investir ou créer une exploitation agricole ou d’élevage (Décret exécutif 11-06 du 10/12/2011 et arrêté interministériel du 11/11/2012 modifié par un arrêté du 11/11/2015). En ce qui concerne les terres privées, il est prévu un type de « légalisation de titre de propriété » sous forme de « certificat de possession ». De même, le régime de la concession, qui était déjà appliqué aux ouvrages de petite et moyenne hydraulique est affiné (Arrêté interministériel du 4 janvier 2005).
Parallèlement, des mesures sont prises pour protéger du « grignotage » les terres agricoles comme par exemple la possibilité pour l’Etat de récupérer des terres agricoles (« du domaine national ») situées dans un secteur urbanisable (Décret exécutif 03-313 du 16/09/2003) ou l’exclusion de celles-ci quand il s’agit d’attribuer des concessions pour la création de projets (loi 08-20 du 26/11/2008). Mais il semblerait que ces dispositions aient été peu efficaces car une circulaire du 03/09/2014 émanant du MADR4 recommandait aux autorités locales de prendre toutes les mesures pour la préservation des terres agricoles. Ceci a été renforcé par la modification de la composition de « l’organe ad hoc et des procédures de constatation de non exploitation » d’une terre agricole quel que soit son statut juridique en 2012.
Ces réformes ciblent en fait l’augmentation de la Superficie Agricole Utile (SAU) et surtout celle réellement cultivée, exploitée. Parmi les mesures pour y aboutir, pour la concrétise, on peut citer :
La création de nouveaux périmètres de mise en valeur, y compris dans le domaine forestier, comme par exemple, ceux délimités dans la wilaya d’Ain Témouchent (5440 ha). Les attributions s’y font selon trois critères : la localisation de la terre d’après un zonage préalablement établi (zones A,B,C,D), le type de spéculations cultivées et l’utilisation ou non de l’irrigation. Les surfaces des terres y varient de 15 ha (maraîchage en irrigué dans la zone A) à 200 ha (grandes cultures, fourrages, légumes secs de la zone B).Un cas à part est prévu, celui des « jeunes candidats » qui ne peuvent bénéficier que d’une terre dont la superficie est inférieure à 10 ha.
- - La diminution de la jachère et les opérations de remembrement des terres agricoles (loi d’orientation agricole du 3/8/2008)
- - La possibilité depuis 2014 de prendre en location « des terres wakfs agricoles restituées par l’État » pour une durée de 40 ans renouvelable.
Les dispositions prises afin d’intensifier la production agricole sont de formes variées. Elles visent aussi bien les acteurs (tous les acteurs) que les techniques et mode de cultures ou d’élevage. Ainsi, les coopératives sont ciblées avec insistance car elles doivent jouer un rôle essentiel et surtout impliquer fortement les acteurs que sont leurs membres donc les exploitants5. D’où des actions ont été prévues (notamment dans le plan quinquennal 2015-2019) afin de les assainir, les redynamiser et surtout développer les coopératives agricoles de services, ces dernières auront pour effet supplémentaire de « pallier au manque de main d’œuvre ». Les autres acteurs comme les éleveurs et ceux de l’agro-alimentaire ainsi que ceux relevant des services administratifs ou techniques sont aussi impliqués. Dans cet ordre d’idées, il y a eu cette année une restructuration du ministère de l’agriculture et du développement rural qui s’est vu adjoindre l’activité de la pêche (MADRP).
La planification est établie à plusieurs niveaux et surtout développée à ceux les plus « bas » dans l’échelle (locale) afin de mieux cerner les problèmes et la production. Elle se veut de « proximité » et non plus venant des plus hautes instances avec notamment les projets de proximité du développement rural intégré (PPDRI) qui sont soutenus par le système d’aide à la décision pour le développement durable (SNADDR). Localement, des contrats de performance sont établis entre les DSA6 et les agriculteurs. Ces derniers s’engagent à atteindre les rendements prescrits, calculés ou prévus par ces services. Parallèlement (en 2009) un système de régulation du marché « des produits de large consommation » (SYRPALAC) a été mis en place. Parmi ses objectifs, l’un est « d’assurer un revenu » stable aux agriculteurs et un autre est d’augmenter les capacités de stockage des produits agricoles.
Enfin, l’intervention se fait aussi au niveau des spéculations (du choix). Ainsi, certaines espèces culturales font l’objet d’intérêt particulier, sont « boostées », comme par exemple, les céréales, les légumes secs, la pomme de terre, les oliviers, les arbres fruitiers, le vignoble de cuve et celui de raisin de table et la tomate industrielle. Des « soutiens » financiers sont prévus à cet effet. Dans le cas de l’oléiculture, outre la fourniture gratuite des plants et leur plantation avec l’aide technique des services forestiers, ils concernent aussi l’acquisition d’infrastructures (équipement « spécialisé » et de stockage): ils sont de l’ordre de 30 % avec des sommes « plafonnées ». Quant à l’arboriculture fruitière, l’arrachage des « vieilles plantations d’agrumes » est soutenu à raison de 70 DA à 18 000 DA par arbre et leur régénération à 50-13 000 DA par arbre. Pour la plantation d’arbres fruitiers (pommiers, poiriers, néflier, abricotier, amandier, pruniers, cerisiers, pistachiers, pacaniers, noyers et figuiers) et de la vigne, l’aide financière est de l’ordre de 60 % avec des seuils maxima à ne pas dépasser.
Enfin, pour encourager la production, la politique de soutien en matière de prix des produits agricoles sur le marché ainsi que ceux utilisés pour les besoins de leur culture (fertilisants, produits phytosanitaires etc…) et l’énergie (électricité, gasoil…) se poursuit. Certaines initiatives sont encouragées par diverses aides financières ou techniques comme celle « gratuite » de l’EAGR7 et des facilités de crédits comme le RFIG (crédits de campagne sans intérêt) pour augmenter les rendements et l’ETTAHDI pour encourager l’investissement.
Évolution de l’occupation du sol par les cultures
Une présentation de l’évolution dans l’utilisation des terres agricoles par les cultures dans chacune des quatre communes est nécessaire afin de mettre en évidence les changements intervenus et de voir si ces derniers sont similaires partout ou s’il y a des nuances, des différences.
La caractéristique principale de la commune de Misserghin au lendemain de l’indépendance: c’est la forte empreinte des « arbres ». L’arboriculture fruitière (vergers d’orangers, de clémentine et olivaies en grande partie en complantage avec des cultures saisonnières dont celles maraîchères) et la viticulture occupaient les piémonts du Djebel Murdjadjo et la plaine de la Sebkha. Alors que les formations forestières (forêt de chêne-liège, chêne kermès et de thuya ainsi que de la garrigue et du maquis) s’étendaient sur le versant du Djebel Murdjadjo et arrivaient au sud-est, jusqu’à la Sebkha.
Les vergers surtout ceux à agrumes, constituaient jusqu’en 1990, 60% environ de l’arboriculture fruitière (soit 350 ha dont seuls 256 ha étaient productifs) ; la clémentine entrant pour 56% dans la production de ce fruit. Ils s’étendaient de part et d’autre de la RN2 ainsi qu’à l’ouest et autour des deux localités de Misserghin (ancien et nouveau). Actuellement, ils ont disparu presque entièrement (du fait de l’extension de l’habitat et de leur vétusté). Ils ont été replantés en partie mais surtout, ils ont été remplacés par des olivaies. Celles-ci ont connu aussi des vicissitudes. Après une légère expansion entre 1990 et 1999 (104 ha à 130 ha), elles ont connu un déclin à partir de 2000-01 (75, 80 ha) puis de nouveau une extension ces 4 dernières années, avec la plantation de nouveaux arbres (1180 ha). Aux vergers étaient associées les cultures maraîchères en complantage qui se sont maintenues dans les nouvelles olivaies.
C’est le vignoble qui a connu les plus grandes fluctuations avant de disparaître presque complètement. En effet, en 1960, il s’étendait en grande partie de part et d’autre de la RN 2 et au sud de celle-ci, jusqu’aux bords de la Sebkha (avec les vergers, il formait une véritable ceinture verte). C’est le long du piémont du Djebel Murdjadjo (côté nord de la RN 2) qu’il était dominant et ne comportait que quelques enclaves à vergers. On le trouvait aussi sur le sommet et à mi-versant sud du Djebel Murdjadjo : mitage de l’extrémité est de la forêt de M’Sila et de la garrigue. L’arrachage du vignoble de cuve (surtout entre 1990 et 1999) s’est accompagné de quelques plantations de vignes pour le raisin de table (18 ha). C’est entre 2000-01 et 2006-07 qu’il y a eu une relance du vignoble avec plantation de 23 à 50,25 ha de vigne pour le vin et 28 à 75 ha de celle pour le raisin de table. Apparemment, ce ne fut pas une réussite, car durant deux années (2007/08-2008/09), il y a eu une nette régression du vignoble (il ne restait plus que 6 ha de vigne de vinification et 11 ha de celle à raisin de table) et en 2009/10, il disparaît totalement. Cependant, ces dernières années, 11 ha de vigne à raisin de table ont été plantés.
Le domaine forestier a connu aussi des mutations intéressantes. Les aires à mitages occupées par le vignoble en 1962, ont été reboisées sauf une située à mi-versant sud-est du djebel (les pins d’Alep ont ainsi remplacé localement les vignes). Puis les reboisements se sont peu à peu étendus (surtout depuis 2000-01) jusqu’à occuper actuellement presque tout le sommet du Djebel Murdjadjo et une grande partie de son versant sud-ouest (environ la moitié sommitale de celui-ci). Par contre, l’extrémité sud-est de la commune (bas du versant sud du Djebel Murdjadjo, espace situé entre la RN 2 et la voie ferrée) à une garrigue arborée, connait depuis 2000 un mitage de plus en plus prononcé. Les terrains ainsi dégagés ont été voués à des olivaies et aux cultures saisonnières et ce, malgré quelques reboisements en pins d’Alep effectués en 2000-01. De même, a été relevée, l’extension spatiale du mitage de mi-versant ci-dessus, avec disparition du vignoble et son remplacement par des oliviers et quelques orangers en complantage avec des cultures saisonnières dont les céréales. Ainsi, il y a expansion des formations forestières (par reboisement) sur les espaces « sommitaux » du Djebel Murdjadjo et régression sur son versant au sud-est (cultures). C’est là et à mi-versant du Murdjadjo que les effets de la politique et des réformes tendant à étendre les surfaces cultivables et la SAU sont visibles.
Commune limitrophe (côté ouest) de Misserghin, Boutlelis présente certains traits similaires à ceux de cette dernière, mais avec des nuances assez importantes.
La première est relative au domaine forestier (qui est en continuité spatiale avec celui de Misserghin) qu’on subdiviser en deux : la forêt de chêne liège située sur la retombée tabulaire nord du Djebel.Murdjadjo et les formations plus ou moins arbustives (garrigue et maquis) qui s’étendent sur le reste du versant sud du djebel. La première est aménagée (pour les activités de loisirs) et exploitée et des exploitations agricoles issues des domaines coloniaux y subsistent à surtout à son extrémité ouest (mitages anciens). Il y a eu peu de changements à l’exception d’une « forêt récréative » créée en 2006 et d’un projet concernant l’installation d’une zone de protection de la faune lancée en 2015 (décret). Par contre, le reste du domaine forestier qui s’étendait sur presque les 2/3 de l’espace communal actuel (sommet et retombée sud-ouest du Djebel Murdjajdo) et qui a fait déjà l’objet de mitages avant 1962, a vu ce phénomène s’étendre depuis les années 80 et surtout 90.
En 1962, les principales aires de déboisement pour les cultures s’étendaient sur la partie sommitale du djebel et de son versant sud ainsi que le long des routes notamment à l’ouest (zone tabulaire ou retombée ouest tabulaire du Murdjadjo : plateau de Sidi Bakhti) et au sud (piémont et plaine bordière de la Sebkha d’Oran). Là, il y avait encore une enclave boisée entre Brédéah et Bou Yakor. A partir de 1987, l’extension des déboisements pour la récupération de terres pour les cultures continue sur les parties les plus hautes du relief (sommet du djebel et de son versant sud) mais aussi sur celles les plus basses. Il y a remontée vers le nord à partir des piémonts, des mitages dans les garrigues boisées, surtout à proximité des douars et autres localités. L’enclave boisée de Brédéah-Bou Yakor disparait aussi remplacée par de la céréaliculture et des cultures de plein champ (légumineuses).
La seconde nuance relevée concerne le vignoble qui tenait une grande place, notamment sur la moitié ouest du plateau de la forêt de M’Sila et le long des grands axes routiers dont la RN2. Son arrachage a permis l’extension de la céréaliculture puis sa relance s’est traduite par la replantation de 543 ha de 2000 à 2008-09 avec une déperdition (d’environ 163 ha) qui s’accentue avec le temps. Actuellement, il ne reste que 92 ha dont 61% produisent du raisin de table. Les terrains perdus ainsi par le vignoble ont été réoccupés essentiellement par de nouvelles olivaies en complantage avec des cultures saisonnières.
En ce qui concerne l’arboriculture, quelques aspects de son évolution diffèrent de ceux de Misserghin. En 1962, des vergers (de même qu’à Misserghin) coexistaient avec le vignoble de cuve et les cultures maraîchères sur tout l’espace méridional de la commune, (de part et d’autre de la RN 2.) ainsi que celui occidental, à proximité de Boutlélis et du Douar Naib. Ils connurent la même phase de déclin durant la période 1962-2000 (377 ha en 1960 et 209,4 ha en 2000/01). Puis à partir de cette dernière date, les superficies arboricoles ont augmenté. Elles ont pratiquement quadruplé, surtout avec la réimplantation d’olivaies (dont une partie a remplacé les vergers d’agrumes et le vignoble, soit 856 ha en 2009) puis un déclin s’est amorcé à partir de cette date (diminution des superficies arboricoles : 591 ha actuellement). Quant à la céréaliculture, elle n’occupe pas une place aussi importante que l’on pourrait croire et semble moins fluctuante qu’à Misserghin. Depuis 2000, elle entre pour 27,5 à 39,5% de la SAU alors qu’à Misserghin, c’est 27 à 80%.
La commune d’El Amria est en continuité spatiale vers l’ouest avec Boutlélis. Elle est beaucoup moins « forestière » que les deux autres. Les espaces boisés se situent sur les versants escarpés des longs vallons qui accidentent le plateau de Ghamra et ceux de la petite vallée de l’Oued. Mazouz (la limite ouest de la commune). Ils ont régressé depuis les années 1990. À cette date, ils comportaient 100 ha de forêts et 700 ha de forêts dégradées (garrigue). Les premières ont disparu en 2003 et les secondes après avoir gagné légèrement en superficie (774 ha), ont diminué. Il ne reste plus qu’un peu plus de 48 % de garrigue.
Depuis l’indépendance jusqu’aux années 1980, deux types de spéculations agricoles dominaient l’espace de l’actuelle commune d’El Amria: la céréaliculture et le vignoble de cuve majoritairement, représentant respectivement (en moyenne) 55 % et 42 % de la SAU. Après 1980 et jusqu’en 1999, il y a expansion des terres dites labourables aux dépens des anciens vignobles arrachés, la céréaliculture occupant ainsi 61 à 85% de la SAU. A partir de 1999-2000, à la céréaliculture, sont associées les cultures fourragères et surtout les cultures de plein champ (production de légumes secs). De nouvelles plantations de vignes vont renforcer celles qui subsistaient encore (soit un total de 596 ha en 2000). Ces dernières atteindront leur superficie maximale en 2004-05 (3467,5 ha). Mais il y a eu échec apparemment puisqu’actuellement, la superficie du vignoble n’est plus que 394 ha dont (paradoxalement, et c’est ce qui différencie cette commune des autres), celles de la vigne à cuve gardent une certaine suprématie. En effet, en 2001-02, elles représentaient 92,5% du vignoble et en 2014-15, 73,6% ; la vigne à raisin gagnant en importance.
L’arboriculture était peu représentée avant 1999 et ne commence à s’étendre (timidement) qu’à partir de cette date (96,5 ha à 424 ha). Elle est aussi différente de celle des communes précédente (au départ tout au moins) : des vergers de figuiers existaient. Leur superficie fluctue depuis 2000 car ils sont concurrencés de plus en plus par l’olivier, celui-ci étant encouragé dès 2000. Mais apparemment cet arbre connaît certains déboires : sa place dans la SAU après avoir augmenté de 16 % à 45 %, diminue depuis 2010 (21 % en 2014-15). Il n’en reste pas moins qu’actuellement, les olivaies ont tendance à supplanter les vergers (figuiers et autres « arbres à noyaux »).
L’évolution de l’occupation spatiale des terres par l’agriculture traduit ces changements (et constances). Le vignoble occupait les terrains autour d’El Amria, ceux situés de part et d’autre des routes (avec un taux d’occupation de 60 à 100 %) : RN 2 au sud et routes vers Bouzedjar vers le nord. Actuellement, il se cantonne (quelques parcelles) à proximité des localités d’El Amria, de Magra et de Rouaiba. Les olivaies et vergers à figuiers ont pris sa place, les premiers sur les terrains situés au sud-ouest et est d’El Amria et les seconds près de Rouaiba et de Kouamlya (limites ouest de la commune). C’est dans les terres situées autour ou proches de ces deux douars, notamment dans la petite vallée de l’Oued.Mazouz, que s’est développé le maraîchage en complantage ou non avec des arbres fruitiers dont le figuier. Depuis les années, 2000 il entre pour 9,5 à 13,5 % de la SAU.
À Oulhaça, deux types d’utilisation des terres par les cultures existaient en 1962 sur l’actuel espace communal. À l’est et sur environ le 1/3 de la superficie de la commune, c’était le domaine des colons et les 2/3 restants étaient exploités par la population locale.
Dans le premier, les terrasses alluviales de la rive gauche de l’O.Tafna étaient consacrées au maraîchage irrigué, les mesas (aires tabulaires volcaniques) qui les surplombaient ainsi que les vallons, au vignoble de cuve avec localement (comme à Takembrit), des olivaies.
Le second relevait de ce qu’on appelait « l’agriculture traditionnelle » avec une utilisation des terres assez rationnelle. Ainsi, le maraîchage était pratiqué sur les fondset les versants des vallons et de la petite vallée d’El Hamra-Zouanif (qui débouche sur la mer) souvent en association (complantage ou haies, sortes de z’ribat) avec des arbres fruitiers dits « rustiques ». Les terres y étaient aménagées en petites terrassettes sommaires (sortes de petits murets en pierres entassées) et bordées souvent de figuiers de barbarie. L’irrigation y était pratiquée toute l’année, à partir de nombreuses sources et d’oueds, l’eau étant transportée sur les versants souvent à dos d’âne ou manuellement à l’aide de seaux ou de bidons (jusqu’en 1998). Les sommets des petites collines et les tables volcaniques étaient consacrés à la céréaliculture et aux légumineuses et servaient de terrains de parcours après les récoltes.
C’est l’espace « colonial » qui a connu quelques changements depuis 1962 alors que dans le deuxième, il y a eu plutôt renforcement et extension des pratiques qui y étaient faites.
En effet, à l’extrémité est de la commune, après l’arrachage du vignoble durant les années 1980, les replantations effectuées par la suite y ont été très modestes. En 1990, les vignes s’étendaient sur 454 ha soit 5% de la SAU et sont pour une grande partie des vignes à raisin de table. Leur superficie a baissé ensuite pour se stabiliser ces 10 dernières années autour 136,5 ha, soit un peu plus de 2,5 % de la SAU. Les terres ainsi récupérées ont souvent été reconverties dans le maraîchage ou la culture des légumineuses. Les arbres des anciennes olivaies ont été en grande partie arrachés et partiellement il y a eu plantation de nouveaux. Là, aussi le maraîchage a gagné du terrain et a renforcé celui qui était déjà pratiqué avant 1962 grâce à l’utilisation de moyens et de techniques modernes d’irrigation ainsi que de produits phytosanitaires et autres fertilisants.
La partie occidentale de l’actuelle commune d’Oulhaça a vu, depuis 1962 et surtout ces 15 dernières années, se produire une expansion spatiale de certaines pratiques culturales comme le maraîchage sur terrassettes et l’arboriculture. Le premier a gagné du terrain vers l’est et le sud et a accentué son importance (de 6 à 10 % de la SAU, il occupe actuellement presque 25 % de celle-ci). Quant à l’arboriculture, son évolution a été plus nette que dans les autres communes mais aussi « fluctuante ». Après avoir connu une phase régressive (dont une des causes est l’arrachage des vieux oliviers par exemple), elle devient fluctuante (1990 à 2004 avec une superficie de 936 ha). Durant ces deux phases, vergers d’agrumes et de figuiers dominaient largement. À partir de 2004, commencent les plantations d’oliviers (sur les petits versants surplombant la vallée de la Tafna à l’est) qui viennent semble-t-il concurrencer les vergers à figuiers entre autres, même si l’olivier a du mal à s’implanter. Celui-ci constitue actuellement 16, 3 % de l’arboriculture.
Analyse comparative : réactions potentielles des acteurs locaux
Une analyse comparative de trois types de cultures pratiquées dans les quatre communes peut être révélatrice des réactions potentielles des acteurs locaux. Parmi les espèces culturales ou pratiques qui ont bénéficié (et bénéficient encore) de soutiens divers de par les réformes et politiques agricoles menées, surtout depuis le Renouveau rural, trois sont significatives : l’arboriculture et en particulier celle de l’olivier, la viticulture et le maraîchage.
L’arboriculture fruitière a toujours tenu une place importante à Misserghin et Oulhaça Gherraba, et dans un degré moindre à Boutlélis (mais elle n’y est pas négligeable). C’est à El Amria où elle est la moins développée semble-t-il.
Globalement, son évolution connaît deux phases. De 1962 aux années 1990, elle garde ses traits du temps de la colonisation puis périclite avec des « pertes » constatées comme à Misserghin et surtout à Boutlélis (baisse des superficies arboricoles de 10 à 68 %). A partir de 2000 (Renouveau agricole), deux changements ont été relevés, celui des superficies plantées en arbres fruitiers et l’autre dans leur composition en espèces arboricoles.
Globalement, l’évolution des superficies arboricoles enregistre un « pic » (une valeur maximale) entre 2003/04 à 2007-08 dans la région considérée, mais, elle diffère en valeur et en durée selon les communes. C’est à El Amria que ces deux paramètres sont les moins élevés et à Oulhaça Gherraba qu’ils le sont plus. Puis il y a fluctuation. Deux communes se détachent : Misserghin et Oulhaça Gherraba dans lesquelles l’arboriculture connaît un essor depuis cette date (2004), celui-ci étant plus constant, régulier dans la première que dans la seconde. À Boutlélis, après la baisse très prononcée constatée à la fin des années 90 (les 2/3 des arbres fruitiers ayant « disparus »), l’arboriculture connait une certaine expansion, puis une baisse avant de se stabiliser à partir de 2009/10.
Le second changement ou mutation constaté a trait aux efforts déployés pour développer les olivaies dans ces quatre communes. Les résultats sont assez nuancés. C’est à Misserghin et Boutlélis (Wilaya d’Oran) qu’ils sont les plus probants : avant 2000, ils constituaient 20-23 % des aires arboricoles et actuellement, plus de 80 % de celles-ci. L’olivier semble avoir supplanté les autres espèces arboricoles comme les agrumes par exemple.
À Oulhaça Gherraba, les olivaies situées sur la partie orientale de la commune (à Sidi Sabin, Takembrit et Tadmaya, à proximité de l’O.Tafna) furent arrachées presque totalement dans les années 1990 et ne furent renouvelées qu’à partir de 2004/05 (plantation de 109 ha en oliviers soit environ 33 % de la superficie arboricole). Elles connurent un échec partiel puisqu’elles ne représentaient en 2014 que 16,4 % de l’arboriculture.
C’est à El Amria que les variations des superficies consacrées à l’olivier ont été les plus prononcées, nettes (Merabet, 2006). Ainsi, après avoir presque disparu durant les années 1990, celui-ci, de 2000 à 2006/07, entrait pour 11 à 40 % de l’arboriculture puis disparaît de 2007 à 2009 (0 et 1%). De nouvelles plantations effectuées après cette dernière date, occupent actuellement 57 % de la surface arboricole.
Si on établit un parallèle entre l’évolution de l’arboriculture et celle de l’olivier en particulier, des remarques intéressantes peuvent être faites.
A Misserghin et Boutlélis, l’arboriculture constituait 15 % en moyenne de la SAU avant 2000. À partir de cette date ce taux augmente de 17 à environ 25 % et sa superficie a presque doublé. L’olivier, quant à lui connaît un essor plus accentué, occupant 20-23 % de la superficie arboricole avant 2000, il en constitue actuellement plus de 80 %. Or, ces deux communes étaient réputées pour leurs vergers (agrumes en grande partie). El Amria, est la commune la moins « arboricole » des quatre. L’olivier y rencontre des difficultés apparemment (malgré les nouvelles plantations). À l’inverse, la vocation arboricole d’Oulhaça Gherraba se maintient et l’olivier n’arrive pas à supplanter les autres espèces d’arbres fruitiers (figuiers, agrumes etc..) : malgré de récents plants effectués, il n’entre actuellement que pour un peu plus de 16% dans l’arboriculture.
Par conséquent, ce qu’il faut retenir, c’est que les efforts, les encouragements, les soutiens de toutes sortes qui ont été faits en faveur de l’extension de l’olivier depuis ces 15 dernières années ont eu des résultats nets dans les deux communes de la wilaya d’Oran et beaucoup plus mitigés dans les autres (Wilaya d’Ain Témouchent). Les conditions naturelles étant similaires ou très proches, faut-il y voir dans cette différence une certaine volonté des acteurs locaux?
Graphique 1 : Évolution des superficies arboricoles dans les quatre communes
Après la phase d’arrachage du vignoble (1970-87), les efforts déployés pour sa réintroduction et son développement ont été diversement concrétisés sur les territoires concernés à l’exception de l’option qui se dégage de plus en plus nettement pour la vigne de raisin et des résultats moins probants (ou une certaine réticence de la part des locaux) en ce qui concerne celle à cuve (Isnard, 1947 ; Abdelkhaled, 1978 ; Launay,2004).
En effet, et jusqu’en 2001, ils ont eu des résultats globalement modestes, mais d’ampleur variée selon les espaces considérés. C’est à Misserghin et à Oulhaça Gherraba qu’ils ont été les plus bas et à El Amria et Boutlélis, un peu plus élevés (en superficie tout au moins). À partir de 2002 et jusqu’en 2006/2008, la viticulture a bénéficié de soutiens plus soutenus qui se sont traduits par l’expansion de sa superficie, mais une expansion nuancée spatialement. C’est à El Amria qu’elle a été la plus grande avec un maximum en 2003/04 (3467,5 ha, soit presque la superficie de 1970). Boutlelis semble avoir été aussi l’objet du même type d’attention (augmentation assez forte) mais l’expansion du vignoble à Misserghin et Oulhaça Gherraba a été très réduite et tournée exclusivement vers celui à raisin. À partir de 2008, après une régression généralisée, mais très prononcée à El Amria et Boutlélis, les superficies consacrées à la viticulture semblent se stabiliser sauf dans la commune d’El Amria où la pratique de l’arrachage des ceps de vigne continue.
De ceci, il ressort que la viticulture, malgré les réformes et politiques menées depuis les années 1990 pour la développer dans cette région rencontre quelques difficultés. Deux options ou voies suivies actuellement semblent se dégager : d’une part, les superficies vouées à cette spéculation seront plus réduites (que celles probablement prévues par les diverses planifications) et d’autre part, la vigne pour la production de raisin sera privilégiée par rapport à celle à cuve. Faut-il y voir une certaine volonté des acteurs locaux ?
Graphique 2 : Évolution de la superficie viticole dans les quatre communes
Le maraîchage ne bénéficie pas de soutien particulier, même si dans les textes il est cité comme une culture à développer, à part un, indirect, par le biais de l’irrigation: facilitation d’accès (notamment aux moyens et techniques existants de celle-ci). C’est une activité agricole ancienne et régulière à Oulhaça Gherraba. C’est là d’ailleurs qu’elle est la plus développée. À Misserghin et Boutlelis, elle ne semble pas avoir connu un essor particulier sauf durant deux années (2002/03 et 2009/10) et à El Amria ou l’on constate que s’esquisse une certaine augmentation des superficies qui lui sont consacrées depuis 2008/10. En fait, la culture maraîchère semble n’avoir pas subi de grands changements et garde la place qu’elle occupait au lendemain de l’indépendance.
Graphique 3 : Évolution des superficies des cultures maraîchères dans les quatre communes
Conclusion
Les réformes en agriculture sont passées par trois phases (chronologiquement) avec un but constant depuis 1962: la « satisfaction des besoins alimentaires » de la population. Pour ce et dans un premier temps (1962-1982), elles se sont focalisées sur la réappropriation et la réorganisation des terres agricoles dans le but d’assurer leur exploitation effective. Dans un second temps il était question de relance du développement agricole et donc en fait de celle de la production agricole et enfin, la phase qui se poursuit actuellement, va au-delà de cet objectif puisqu’il est de plus en plus question de produire non seulement pour la population locale mais aussi pour l’exportation.
Les effets ou résultats ont été différenciés spatialement bien qu’ils comportent dans certains cas des pérennités. Ceci est particulièrement net à Oulhaça Gherraba (surtout à partir des années 1990-2000), avec l’extension des pratiques culturales qui existaient avant 1962 vers l’ouest (Ouardania) et vers l’est (l’ancien domaine des colons). Une certaine réticence est relevée quant à la réintroduction du vignoble de cuve et à l’expansion de l’olivier aux dépens des autres arbres fruitiers (figuiers, orangers, néfliers etc…). Son espace reste bien structuré (vallons et terrains tabulaires étant cultivés différemment), le développement des routes et voies d’accès ayant favorisé cet aspect.
El Amria et Boutlélis ont, en commun, le fait que les tentatives de réintroduction de la vigne pour le vin et ensuite de son expansion sur ces territoires ont été les plus nettes. Tout se passe comme s’il y avait une volonté d’un retour en arrière : le vignoble (surtout de vinification) y était prospère avant 1962, pourquoi ne le serait-il pas maintenant ? Apparemment il y a échec en la matière puisque les arrachages de vignes continuent. Cependant, El Amria se distingue par la place assez grande que tiennent les « terres labourables » (cultures saisonnières : 60 à 80 % de la SAU) et celle plus réduite des arbres. D’où des espaces ouverts, dans lesquels les arbres (oliviers) sont soit en alignement le long des chemins, pistes et routes ou bien tiennent lieu de haies, soit jouent le rôle de reboisement de petits versants (reliant le plateau d’El Ghamra à la plaine).
Boutlélis est un plus arborée : olivaies et vergers occupant 9% de la SAU et les forêts-garrigues, environ la moitié de la superficie de la commune. Les terres « labourables » (78% de la SAU) sont en fait des trouées dans les formations forestières (anciennes ou plus récentes) de dimension variable, mais plus grande dans la moitié occidentale de la commune.
Misserghin quant à elle, a su maintenir une grande partie de son patrimoine forestier et arboricole : le territoire communal (non compris la grande Sebkha d’Oran) est occupé pour moitié de formations forestières sous toutes ses formes (6892 ha actuellement). La place de l’arboriculture n’est pas négligeable : environ 25% de la SAU. Son territoire est ainsi structuré en 3-4 zones : plus de la moitié nord-ouest du versant sud du Murdjadjo (qui fait partie de la commune) est forestier et intensément reboisé, l’autre moitié nord-est est occupée essentiellement par de la forêt dégradée à l’exception d’une enclave ancienne cultivée qui s’y est agrandie. Le reste de l’espace est diversement occupé par l’activité agricole. Le bas du versant sud du Murdjadjo et son piémont sont consacrés aux cultures saisonnières majoritairement. La plaine bordière de la Sebkha d’Oran a conservé son arboriculture mais avec deux changements notables : l’olivier tient désormais une place importante (88% de l’arboriculture) et le vignoble a pratiquement disparu.
Ainsi, l’évolution différenciée dans la pratique des cultures de ces quatre territoires soumis aux mêmes réformes et politiques agricoles suppose qu’au moins une partie des acteurs locaux ont leur mot à dire quant à ces dernières.
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Notes
1 EAC : Exploitation agricole collective et EAI, Exploitation agricole individuelle.
2 Office National des Terres Agricoles.
3 SAU : surface agricole utile
4 MADR : Ministère de l’Agriculture et du Développement Rural.
5 À cette occasion, les « agricultrices » sont citées !
6 DSA : Direction des services agricoles.
7 EAGR : Entreprise algérienne de génie rural.