Sélectionnez votre langue

La pédagogie de projet en 5e année primaire : formation des enseignants et pratiques de classes (Enquête de terrain)

Insaniyat N° 75-76| 2017| Sur les réformes en Algérie | p. 109-127 |Texte intégral


Project teaching in primary fifth year: Teacher Training and Classroom Practices. (Field investigation)

The reform of the Algerian education system, implemented since 2003, adopted a new tendency towards an eclecticism that proves active. This consists of three methodological approaches including the project-based teaching as a part. The (co) construction of knowledge, in this process, is developed through the (co) achievement of a project issuing in a final product. The process leading to this product allows pupils to develop, both collectively and individually, knowledge and skills in action. In this article, we raised some questions on the reality of this active method in the 5th year in Algeria through a questionnaire survey. Our objective is to know how the project teaching is performed in classes. The project concerned by this study is the project n ° 02 entitled: "read and write a story".

Keywords: FLE didactic - project-based teaching - active pupil - concrete product - Algeria.


Boulanouar YOUSFI, Université Tahri Mohamed, Laboratoire des études sahariennes (LESA), 08 000 Béchar, Algérie.


Introduction

La pédagogie par projet est l'une des méthodologies de l’enseignement/apprentissage qui exige la centration sur les apprenants. Ces derniers jouent un rôle actif en co-construisant un savoir et un savoir-faire à travers l’élaboration de projets concrets. C’est apprendre dans l’action (en faisant, en agissant, …). Selon Perrenoud P. (Perrenoud, 1999a), cette démarche pédagogique se caractérise par un ensemble de principes à l’instar de : l’implication effective des apprenants dans la réalisation des projets, le statut de médiateurs des enseignants, le travail en groupes, la concrétisation des recherches en produits finals, les thèmes des projets doivent être interdisciplinaires (pour développer des compétences transversales) et ils doivent avoir du sens pour les apprenants.

Pendant les différentes actions des projets (écrire un conte ou une histoire, élaborer un dépliant ou un guide, …), les apprenants développent plusieurs compétences en groupes et individuellement. Il s’agit des compétences aussi bien disciplinaires : compréhension et production, orale et écrite, que transversales et interdisciplinaires : communicationnelles, intellectuelles, méthodologiques, personnelles et sociales (ONPS, 2011). Selon le guide pédagogique :

          « Les membres du groupe-classe réfléchissent, prennent la parole, proposent leur production qu’ils concrétisent dans un projet pédagogique où ils réinvestissent savoirs et savoir-faire acquis au cours du déroulement des différentes séquences » (ONPS, 2012).

Toutefois, ils rencontreront plusieurs obstacles et difficultés. Le rôle des enseignants dans cette démarche est d’aider les apprenants à contourner ces obstacles. Ils doivent jouer le rôle du maitre-facilitateur pour garder la caractéristique d’un apprentissage actif centré sur les apprenants.

Á travers une enquête par questionnaires destinés aux inspecteurs ainsi qu'aux enseignants, nous nous sommes posé quelques questions sur le statut de cette approche en classe de la 5e année primaire dans la wilaya de Relizane en Algérie. Comment les enseignants de la 5e année primaire conduisent l’enseignement/ apprentissage à travers les projets dans leurs classes ? Ces enseignants sont-ils bien formés pour qu’ils puissent appliquer cette méthodologie ?

Le projet autour duquel s'est déroulée l'enquête est le projet n°02 intitulé : « lire et écrire un conte ». Les items du questionnaire se sont articulés autour des axes suivants : la formation des enseignants en général et en pédagogie du projet en particulier, les thématiques des projets exploités en classes, le travail collaboratif des apprenants, la recherche réelle et sa concrétisation en produit final et les supports utilisés en classes.

Contexte d'étude

En Algérie, la 5e année primaire est l'année qui couronne le cycle d'enseignement/ apprentissage primaire. Elle est aussi la troisième année d’apprentissage du français (après les 3e et 4e années). Afin d’élaborer les programme de français, les concepteurs se sont basés sur un éclectisme composé de trois approches didactiques : l’approche communicative, l’approche par les compétences et la pédagogique par projet(s)[1]. Cette dernière est l’approche à travers laquelle se concrétisent les apprentissages. Le projet mène à un produit final concret dans lequel les élèves réinvestissent leur acquis pendant trois séquences successives, selon le programme officiel : « Les apprentissages langagiers à l’oral et à l’écrit sont développés et mis au service de la réalisation du projet »[2].

Méthodologie et déroulement de l’enquête

Nous avons mené une enquête par questionnaires auprès d’inspecteurs et d’enseignants du cycle primaire. Ils exercent dans les différentes régions de la wilaya de Relizane (Algérie). Nous avons sélectionné seulement ceux qui travaillent (ou ont travaillé) avec la 5e année primaire. Cette enquête s’est déroulée entre le 06 février et le 15 avril 2015. D’abord, une pré-enquête a été conduite où nous avons distribué le questionnaire à trois enseignants pour le valider. Ensuite, et après quelques reformulations et réorganisation des items, nous avons généralisé la distribution du questionnaire final à cinquante-huit (58) enseignants et six (06) inspecteurs. Ceux qui ont répondu sont trente-quatre (34) enseignants et trois (03) inspecteurs qui forment notre corpus.

Présentation du questionnaire 

Le questionnaire utilisé dans cette étude se compose de trois parties distinctives. Une partie d’identification des informateurs (sexe, âge, années d’expériences, ainsi que la zone d’enseignement : urbaine, rurale ou semi-urbaine). Les deux autres parties contiennent vingt-deux (22) questions couvrant deux aspects de recherche. Le présent article consiste à étudier la partie traitant la pédagogie de projet[3]. Les items du questionnaire ont été élaborés en s’inspirant du questionnaire utilisé dans la thèse de doctorat de Mavromara-Lazaridou sur la pédagogie de projet (Mavromara-Lazaridou, 2006).

Description de l’échantillon 

Nos informateurs (trente-quatre enseignants et trois inspecteurs) ont des profils variés (cf. tableau 01 ci-dessous). 

Les enseignants-enquêtés appartiennent aux deux sexes (féminin et masculin) d’une manière équilibrée ; un peu plus de la moitié (55.88%) sont des femmes alors qu’un peu moins de la moitié (41.18%) sont des hommes. Ils forment quatre catégories d’âge ; un tiers (35.29%) de jeunes-enseignants (moins de 30 ans), un autre tiers (32.35%) des enseignants plus âgés (entre 41 et 50 ans), les deux autres groupes (entre 31 et 40 ans) et (entre 51 et 60 ans) ne représentent que (14.71%) pour chacun. En ce qui concerne l’expérience dans l’enseignement en général, presque la moitié (47.06%) ont (moins de 10 ans), (17.65%) ont (entre 21 et 30 ans), un quart expérimenté (entre 21 et 30 ans) et le reste (05.88%) a plus (de 30 ans). Quant à l’expérience avec la 5e année primaire, un peu plus de la moitié (55.88%) ont (moins de 10 ans) et un quart (entre 11 et 20 ans). Ils exercent leurs métiers dans des établissements scolaires de différentes natures avec une supériorité pour la zone rurale (41.18%), puis la zone semi-urbaine (35.29%) et enfin la zone urbaine qui ne représente que (17.65%).

En revanche, les trois inspecteurs-enquêtés sont tous des hommes. Deux d’entre eux sont âgés (entre 41 et 50 ans), ils ont (entre 21 et 30 ans) d’expérience dans l’enseignement en général, alors qu’ (entre 01 année et 10 ans) dans l’inspection et la même période avec la classe de la 5e année primaire. Leurs circonscriptions couvrent les trois zones d’enseignement (urbaine, semi-urbaine et rurale).

Tableau 01 : Les caractéristiques des enquêtés

Analyse des données recueillies par items 

Item 01 : La formation en didactique/pédagogie, en pédagogie par projet, et sa période (avant/après le recrutement).

La majorité des enseignants enquêtés (79.41%) déclarent qu’ils ont été formés. « Je suis spécialiste en didactique et en pédagogie » (E33)[4], « j’étais étudiante en ENSET[5] Oran. » (E29). Cependant, un groupe restreint (14.71%) répond qu’il n’a bénéficié d’aucune formation. En ce qui concerne la période de la formation, plus d’un tiers déclare avoir suivre la formation après le recrutement, « lors des journées pédagogiques et séminaires » (E20, E21), et presque la moitié (44.12%) n’ont pas répondu. De leur part, les trois inspecteurs ont répondu que les enseignants ont été formés. L’un d’eux déclare que cette formation était avant, et l’autre affirme qu’elle était avant et après le recrutement, « surtout dans le cadre de la formation continue » (I02).

La pédagogie de projet a été l’un des axes de formations dans les deux périodes (avant et après le recrutement), « on a appris les avantages de la pédagogie par projet. » (E31). « La formation en pédagogie par projet fut lors des journées de formation. » (E12), « lors de notre cursus universitaire, nous avons eu que quelques notions en terme de pédagogie par projet. » (E32). La totalité des chiffres est présentée dans les deux tableaux ci-dessous.

Tableau 02 : La formation des enseignants

Tableau 03 : La période de la formation

Parmi les paramètres de la réussite du processus de l’enseignement/apprentissage, nous pouvons signaler le rôle primordial que joue la formation des enseignants. Cette formation permet de préparer les enseignants, sur tous les plans (didactique, psychopédagogique, institutionnel, etc.), pour mener à bien leur métier. En abordant « ce que doit apprendre l’enseignant » (Medjber, 2001), l’auteur a présenté plusieurs compétences inhérentes à ce métier. Entre autres, la matière à enseigner, les domaines de recherches en éducation, les programmes, les mécanismes d’apprentissage, les méthodes pédagogiques et les problèmes du groupe.

Cependant, ces compétences ne doivent pas être seulement théoriques, en associant la théorie à la pratique, les enseignants doivent être prêts à affronter le terrain. De Ketele insiste sur l’importance de l’aspect pratique dans « les stages » des formations des enseignants qui « sont censés désormais être davantage articulés avec les cours, notamment grâce à des ateliers d’analyse des pratiques, à des séminaires d’intégration interdisciplinaires et à l’usage de l’une ou l’autre formule de portfolio […] » (De Ketele, 2012). Les différentes modalités d’intégrer la « pratique » dans la formation des enseignants, selon De Ketele[6], se manifestent dans les trois paradigmes : « théorie/pratique », « pratique » (sans passer par la théorie) « pratique/théorie/pratique ».

Item 02 : La nature de la formation

Deux tiers (67.65%) des enseignants-informateurs répondent que la formation était imposée par l’institution, « cette formation est obligatoire » (E18). Un autre groupe (14.71%) répond qu’ils se sont formés personnellement. Pour les inspecteurs, l’intégralité de leurs réponses montre que la formation était imposée par l’institution.

Tableau 04 : La nature de la formation

Ces données montrent la conscience de l’institution pour la formation de son personnel pédagogique qu’il s’agisse d’une formation initiale ou continue. Les enseignants sont obligés de passer par l’université pour avoir un diplôme de licence, puis ils continuent leur formation à travers des séminaires et des journées pédagogiques assurés par des inspecteurs. Or, cela ne suffit pas. Selon Perrenoud, les enseignants doivent se professionnaliser (Perrenoud, 1999b). Il les invite et les encourage à lire les référentiels des compétences professionnelles pour savoir ce qu’ils sont censés faire. Cela pourrait les pousser à travailler, à titre personnel et collectivement, pour évoluer, car « la professionnalisation est une transformation structurelle que nul ne peut maitriser à lui seul ». Par la suite, il donne des tâches à suivre pour arriver à cette professionnalisation en s’efforçant de :

« se centrer sur les compétences à développer chez les élèves et les situations d’apprentissage les plus fécondes ; différencier son enseignement, pratiquer une évaluation formative, pour lutter activement contre l’échec scolaire ; […] ; continuer à se former, à lire, à participer aux manifestations et réflexions pédagogiques, se mettre en question, réfléchir sur sa pratique, individuellement ou en groupe ; participer à la formation initiale des futurs enseignants ou à la formation continue ; […]»[7].

Item 03 : L'utilité de la formation

Les trois inspecteurs et la plupart des enseignants estiment que la formation suivie était utile. Selon quelques informateurs, elle a permis de « reconnaitre les démarches à poursuivre pour le système éducatif » (E09), et d’« avoir un aperçu sur la pédagogie de projet. » (E20). Un enseignant répond que sa formation n’était pas utile parce qu’elle « n'était pas pratique, ce qui n'a pas donné de résultats. » (E3).

Tableau 05 : L'utilité de la formation

 

Certes, il est utile d’informer, théoriquement, les enseignants comment enseigner en les dotant des notions des différentes disciplines (didactique, pédagogie, linguistique, etc.), mais, pour que la formation soit davantage utile, il faut que les formés soient impliqués et pratiquent effectivement l’enseignement sous la supervision de leurs formateurs. Dans ce sens, une « formation-action » serait très bénéfique. Selon Raynal et Rieunier :

               « Ce type de formation repose essentiellement sur l’alternance de situations dites (d’enseignement) avec des situations dites (d’application). Les apprenants [et dans notre cas les enseignants-formés], confrontés à des problèmes inattendus (décalage entre théorie et pratique, entre (laboratoire [et dans notre cas écoles et universités]) et vie réelle), soumettent ces problèmes à leur formateurs lors des séances de formation. Un tel système nécessite la mise en place de régulations permanentes […] » (Raynal, Rieunier, 1997).

Item 04 : Les projets pédagogiques exploités

Les trois inspecteurs et la grande majorité des enseignants-enquêtés (91.18%) déclarent que les projets pédagogiques exploités en classes sont ceux du manuel scolaire. Ils pensent que « ces projets sont imposés par le ministère » (E13, E17), et qu’ils suivent « le programme officiel » (E03). Pour deux autres enseignants, ils font ce choix « pour préparer les élèves à un examen national commun » (E20, 21). Seulement (05.88%) des enseignants enquêtés énoncent qu’ils intègrent d’autres projets avec ceux du manuel.

Tableau 06 : Les projets pédagogiques exploités

 

Cet aspect montre bien la réalité de la pédagogie de projet en 5e année primaire. Cette réalité se caractérise par un décalage entre les principes théoriques et le programme officiel d’une part, et le manuel scolaire et les pratiques de classe d’autre part.

Au niveau du programme officiel, nous trouvons clairement que les projets pédagogiques proposés ne sont pas obligatoires. Ils sont au nombre de dix (10) projets à partir desquels les enseignants choisissent ceux qui sont convenables à leurs classes :

« Dans la continuité des programmes de 3e et 4eAP, une liste de projets est proposée à titre indicatif. […]. Par rapport aux centres d’intérêt des élèves, de leur motivation et de leur environnement, l’enseignant fera des choix adaptés. Certains projets peuvent rester ouverts. Ils seront complétés au fur et à mesure des apprentissages.» [8] (Nous soulignons).

Au niveau du manuel, les projets à exploiter sont au nombre de quatre. Ce manuel est destiné à toutes les régions de l’Algérie, un pays très grand et très diversifié géographiquement et culturellement, composé de zones littorales, plateaux, désertiques, etc. Alors qu’il aurait fallu, soit proposer plusieurs manuels, soit plusieurs projets dans un seul manuel, à partir desquels les enseignants et les élèves feront le choix adéquat. Ou bien, au moins laisser/encourager les inspecteurs et les enseignants à innover et à proposer leurs propres projets qui répondent aux besoins réels et aux centres d’intérêts des apprenants.

Ainsi, l’examen national final de la 5ème année primaire, auquel l’institution et les parents d’élèves accordent une importance capitale, porte sur l’un des quatre projets du manuel. Cela impose l’utilisation de ce manuel et oblige les enseignants à exploiter les quatre projets au détriment de la motivation des élèves, et sans prendre en considération les spécificités de chaque région et les moyens disponibles dans les établissements (bibliothèques, matériels de projection, micro-ordinateurs, ...).

Item 05 : Le travail en groupes et la collaboration entre les élèves

Les deux tiers des informateurs (enseignants et inspecteurs) affirment que les élèves collaborent entre eux. Cette méthode est utilisée « pour que les bons aident les moins bons » (E06), et aussi elle « permet le partage des connaissances et l'apprentissage mutuel » (E16). Pour un quart de l’échantillon, les élèves ne travaillent en groupe que rarement, « ils font le bruit » (E27). « C’est une perte de temps, car mes élèves n'ont pas l'esprit d'entraide entre eux. » (E13).

Tableau 07 : Le travail en groupes

 

Le travail en groupe est l’un des principes de la démarche du projet. Il permet aux apprenants de se servir de l’interaction entre eux en partageant des savoirs, et aussi des savoir-faire et des stratégies. Raynal et Rieunier[9] ont bien illustré ce point en écrivant :

             « Si le travail de petit groupe est efficace, c’est parce qu’il favorise la mise en œuvre de deux grands principes de l’apprentissage : le premier, issu de la perspective constructiviste piagétienne : c’est par l’intermédiaire des actions sur les objets que se modifient les schèmes (assimilation/ accommodation/ équilibration, conflit cognitif) ; le second, issu de la psychologie sociale du développement : c’est dans la confrontation des points de vue que peut s’opérer la transformation des représentations (confit sociocognitif et restructuration cognitive ».

Nous distinguons trois modes de regroupement des élèves selon Giasson, J. (Giasson, 2003) ; le premier est le groupe-classe (la classe entière) ; le deuxième est les sous-groupes (des petits groupes dans la même classe) ; et le troisième mode est le travail individuel (dans certains cas). Les enseignants peuvent choisir l’un de ces modes selon les objectifs visés, les compétences effectives des élèves, l’activité ou la tâche à effectuer et le temps disponible.

Item 06 : Recherches et élaboration des projets concrets

D’après la moitié des réponses des enseignants, les élèves font des recherches concrètes, « mes élèves (5ap) ont élaboré un mini-projet portant sur le métier, plus précisément, le métier de [sic] maçonnerie » (E01), « Les élèves font des recherches afin de les entrainer à faire des exposés et encourager chez eux le travail de groupe » (E05). Un tiers affirme que les élèves « ne font pas des recherches car il n’y a pas une bibliothèque » (E18) et « ils n’ont pas les moyens » (E34). Or, selon deux inspecteurs, les élèves ne font que rarement des recherches. « Leur niveau ne leur permet pas ce genre de travail. » (I02), et le troisième répond que les recherches se font souvent.

Tableau 08 : L’élaboration des projets concrets

Pour ce point, nous constatons aussi un écart entre les recommandations officielles et le terrain. Selon le document d’accompagnement du programme, le rôle actif que doit jouer l’apprenant dans la pédagogie par projets est signalé en présentant cette démarche comme étant « […] une nouvelle pédagogie dans laquelle l’enfant est associé de manière contractuelle à l’élaboration de ses savoirs »[10]. Cependant, même si cette implication se manifeste régulièrement (pour 20.59 % des enseignants) ou souvent (pour un quart des enseignants et un inspecteur sur trois), elle n’existe que rarement (deux inspecteurs sur trois et un tiers des enseignants) ou jamais (17.65% des enseignants).

L’implication des apprenants dans la recherche et l’élaboration des projets concrets représente la pierre angulaire de l’approche par projet. Selon Giasson, J[11], « ce qui caractérise la pédagogie par projets, c’est essentiellement qu’elle vise à un résultat concret. [...] ». Ce principe permet de motiver les apprenants en donnant du sens aux apprentissages scolaires et de développer plusieurs compétences aussi bien disciplinaires et interdisciplinaires.

Item 07 : L'intérêt des élèves pour le projet du conte

Les trois inspecteurs et la majorité des enseignants répondent que les élèves s’intéressent au projet du conte, ils « […] aiment les histoires » (E03) et « surtout les contes traditionnels magrébins » (E17). Les autres disent que les élèves ne s’intéressent pas au projet du conte, ils « préfèrent les autres projets » (E10).

Tableau 09 : L'intérêt des élèves pour le projet du conte

 

Parmi les appellations de la pédagogie de projet, nous trouvons très pertinente celle de « la pédagogie du centre d’intérêt » (Raynal ; Rieunier, 1997)[12]. De ce fait, il faut lier les apprentissages au sein d’un projet aux motivations des élèves. Le projet, selon le programme officiel, « [...] permet d’installer et de maîtriser une ou deux compétences tout en donnant du sens aux apprentissages et de la motivation aux apprenants »[13]. Cette motivation est très liée à l’implication des apprenants dans le choix des projets et aux supports à exploiter. Ce choix peut se faire selon plusieurs critères, d’après Puren :

          « Certains projets peuvent venir des apprenants eux-mêmes, d’autres peuvent être proposés par l’enseignant en fonction de son analyse de la situation (possibilités offertes par l’environnement, centres d’intérêt constatés chez les apprenants, difficultés repérées chez eux, objectifs institutionnels… mais aussi centres d’intérêts et compétences de l’enseignant lui-même) » (Puren, 2014).

Item 08 : Les supports pédagogiques pour exploiter le projet du conte

Ici, les avis des enseignants et des inspecteurs sont contradictoires. Les deux tiers des enseignants affirment qu’ils diversifient les supports pédagogiques dans leurs pratiques, ils utilisent « histoires racontés, BD, vidéo et audio » (E17). Alors que deux inspecteurs répondent que les supports sont rarement utilisés par les enseignants « à cause du manque des moyens audiovisuels » (I02). Certains enseignants sont contre l’intégration de ces aides didactiques, « je ne vois aucun intérêt là-dessus » (E04).

Tableau 10 : Les supports pédagogiques pour exploiter le projet du conte

Les supports didactiques ont, selon Astolfi J.-P. (Astolfi et al. 1997), quatre fonctions principales. Ils peuvent être des instruments de motivation (pour attirer l’attention des apprenants) ; d’information (obtention des données en ligne) ; de guidage (l’utilisation des micro-ordinateurs pour apprendre à rédiger) ; d’évaluation (sites et plateformes proposant des tests d’ (auto)évaluation).

Des documents écrits, aux illustrations, à l’audiovisuel, …, ces aides sont à exploiter selon les objectifs escomptés, à titre d’exemples, l’audiovisuel serait un bon outil pour une bonne perception qui aboutit à l’amélioration de la prononciation. Les enseignants, selon les instructions officielles, ont la liberté de choisir les supports adéquats. « Il est évident que toute latitude est laissée à l’enseignant d’adapter son enseignement/ apprentissage, de diversifier les supports et activités, le manuel ne prenant pas tous les aspects du programme »[14].

Conclusion

Nous pouvons conclure que la pédagogie de projet, telle qu’elle est pratiquée effectivement en classes de 5ème année primaire, n’est pas en conformité totale avec celle préconisée par l’institution et recommandée par les didacticiens.

Tout d’abord, la formation des enseignants imposée par l’institution, et jugée utile par la majorité des enquêtés, n’est pas suffisante par manque de pratique et d’actions de formations. Elle se déroule d’une manière théorique en étudiant ce que la plupart des enseignants-formés savent déjà (théories et concepts didactiques, pédagogiques et psychologiques). Cependant, ce qui est très important, et qui est malheureusement négligé par l’institution, est la pratique effective de cet enseignement sous la supervision des enseignants-formateurs et dans les situations les plus authentiques que possibles.

Ensuite, les pratiques de classes ne correspondent pas aux principes et aux caractéristiques de la pédagogie de projet. Les enseignants questionnés exploitent les mêmes projets du manuel scolaire sans aucune négociation avec les apprenants, ni aucune prise en considération de leur contexte socioculturel, sauf pour une minorité d’enseignants. En classes, si la moitié des apprenants font des recherches et élaborent des projets concrets, les autres ne réalisent que rarement ou jamais des projets. Ils ne travaillent en groupes que rarement et en une seule activité qu’est la production écrite. Alors que la collaboration peut être intégrée dans toutes les activités et les tâches scolaires.

Bibliographie

Astolfi, J.-P. et al. (1997). Mots-clés de la didactique des sciences : Repères, définitions, bibliographies. Bruxelles : De Boeck & Larcier.

De Ketele, J.-M. (2012). Les référentiels de formation des enseignants et leurs incidences sur les dispositifs de formation. in Educ recherche, n° 05.

Giasson, J. (2003). La lecture : De la théorie à la pratique. Montréal : gaëtan morin éditeur.

Mavromara-Lazaridou, C. (2006). La pédagogie de projet pratiquée en FLE dans les deux premières classes du collège public grec. Thèse d’université pour le Doctorat de Lettres modernes de l’École Supérieure de Pédagogie de Karlsruhe (Allemagne), [en ligne] : < http://d-nb.info/1002453046/34 > (consulté le : 11/05/2013).

Medjber, S. (2001). C’est quoi … l’école ? Comprendre ses maux par de simples mots. Blida : Edition MADANI.

Perrenoud, P. (1999a). Apprendre à l’école à travers des projets : pourquoi ? Comment ? [en ligne] : <http://www.unige.ch/fapse/SSE/teachers/perrenoud/php_main/php_1999/1999_17.html#Heading13>(consulté le : 30/03/2015).

Perrenoud, P. (1999b), Dix nouvelles compétences pour enseigner, 4e éd. Paris : ESF éditeur.

Perrenoud, P. (2003). Mettre les démarches de projet au service du développement de compétences ? [en ligne] : <http://www.unige.ch/fapse/life/seminaire-01-05/S17_texte_19_03_03.html> (consulté le : 23/03/2015).

Puren, C. (2014), Argumentaire en faveur de la pédagogie de projet, in Dossier de travail : La pédagogie de projet dans la mise en œuvre de la perspective actionnelle. [en ligne] : <http://www.christianpuren.com/mes-travaux-liste-et-liens/2014b/> (consulté le : 01/12/2014).

Raynal, F. ; Rieunier, A. (1997). Pédagogie : dictionnaire des concepts clés ; apprentissage, formation et psychologie cognitive. Paris : DELAT, ESF éditeur.

Manuels scolaires et documents officiels

Document d’Accompagnent du Programme de Français de la 5e année primaire, (2011). In Programmes et documents d’accompagnement de la langue française du cycle primaire (3ème, 4ème et 5ème année primaire), [Sans lieu], ONPS.

Guide pédagogique du manuel de français 5eAP, (2012). In Guides pédagogiques des manuels de français 3e AP - 4e AP - 5e AP, [sans lieu], ONPS.

Le cahier d’activités 5e année primaire, (2010). 1ère éd, [Sans lieu], ONPS.

Mon livre de français 5e année primaire, (2011). [sans lieu], ONPS.

Programme de français de la 5e° année primaire, (2011). in Programmes et documents d’accompagnement de la langue française du cycle primaire (3ème, 4ème et 5ème année primaire), [sans lieu], ONPS.


Notes

[1] Ibid.

[2] Op.cit., p. 89.

[3] Cette partie se compose de douze (12) items, nous nous limiterons à analyser les huit premiers items. Les quatre restants concernent l’apport et les difficultés rencontrés lors du travail en projet, nous les analyserons dans une autre étude.

[4] Les lettres (E) et (I) représentent les deux catégories d’informateurs : enseignants et inspecteurs.

[5] École Normale Supérieure de l’Enseignement Technique.

[6] Ibid., p. 27-28.

[7] Ibid.

[8] Op.cit., p. 102-103.

[9] Op.cit., p. 159.

[10] Document d’Accompagnent du Programme de Français de la 5e année primaire, (2011), in Programmes et documents d’accompagnement de la langue française du cycle primaire (3ème, 4ème et 5ème année primaire), [Sans lieu], ONPS, p. 184.

[11] Op. cit., p. 76-77.

[12] Op.cit., p. 268.

[13] Programme de français de la 5e° année primaire, (2011), op.cit., 89.

[14] Guide pédagogique du manuel de français 5e AP, (2012), op.cit., 69.

 

Appels à contribution

logo du crasc
insaniyat@ crasc.dz
C.R.A.S.C. B.P. 1955 El-M'Naouer Technopôle de l'USTO Bir El Djir 31000 Oran
+ 213 41 62 06 95
+ 213 41 62 07 03
+ 213 41 62 07 05
+ 213 41 62 07 11
+ 213 41 62 06 98
+ 213 41 62 07 04

Recherche