Insaniyat N°85-86 | 2019 |Les graffiti en Afrique du Nord : les voix de l'underground| p. 221-222| Texte intégral
Ce numéro des Cahiers de Linguistique réunit les travaux du colloque La sociolinguistique urbaine en Algérie : Etats des lieux et perspectives » organisé les 25 et 26 janvier 2017 à l’Université d’Alger 2 en hommage à Thierry Bulot. Ce colloque a permis de réunir de nombreux chercheurs venus de différentes universités nationales et internationales afin de faire le point sur leurs recherches et contribuer ainsi à donner un nouveau souffle à la recherche en sociolinguistique urbaine en Algérie et en Sciences du langage de manière générale.
Au cours de ces dernières années, un renouvellement constant des postures méthodologiques est constaté dans ce champ de recherche. Les contributions réunies dans ce numéro tentent d’apporter des éclairages sur leurs environnements sociaux en se servant des outils variés que ce champ met à leur disposition.
Les contributions couvrent quatre axes. Le premier interroge les langues, les signes et les discours de/dans la ville. Le second examine les corrélations entre langues et identités urbaines dans les espaces de la ville. Le troisième se penche sur les rôles des médias dans la catégorisation de l’urbain; le quatrième axe est consacré aux écrits de la ville (graffiti, enseignes et autres).
Plusieurs villes sont présentes dans ce numéro : Alger, Tizi Ouzou, Béjaia, Constantine, Sétif, Bouira, Jijel, Sidi Bel Abbès et d’autres. Les discours et les pratiques langagières de ces villes sont au cœur d’une approche sociolinguistique tâchant d’éclairer leur fonctionnement, leurs systèmes de domination/discrimination, la construction de leurs identités (fluides ou enracinées) et la pluralité de leurs aspirations.
Les contributeurs démontrent la diversité caractérisant les villes interrogées qui sont sans doute des lieux de « l’entre-discours », où se rassemblent, sans se figer, des populations, des communautés, des paroles, des demandes et des urgences sociales. Les terrains étudiés révèlent des tensions politiques et socio-identitaires. On ne s’étonnera pas, dans cette diversité, de l’importance donnée aux jeunes, porteurs de dynamismes et de revendications fortes, souvent créatives.
En outre, les contributeurs ouvrent de nombreuses perspectives dans le domaine de la sociolinguistique. Il est surtout question de mener des recherches qui se penchent sur les rapports complexes qui se tissent entre langues, variétés de langues, espace public, discours et société. Ils mettent l’accent sur la nécessité de privilégier une approche discursive de ces rapports complexes qui régissent l’espace public en revisitant les concepts d’urbanité, de spatialité, des représentations et des pratiques langagières.
Les dynamiques socio-spatiales appréhendées dans ce numéro se rapportent essentiellement aux écritures urbaines, à l’appropriation de l’espace public, aux langues, aux discours épilinguistiques et aux pratiques langagières. Les contributeurs insistent sur la particularité (socio-langagière, socio-spatiale et glottopolitique) de la ville algérienne par rapport aux autres villes du monde.
La contribution de Philippe Blanchet met l’accent sur les enjeux et les apports épistémologiques de la sociolinguistique urbaine, telle qu’elle conçue par Thierry Bulot. Le premier apport a trait à l’analyse des processus. Le deuxième se situe dans l’interdisciplinarité défendues par Bulot afin d’enrichir les travaux sociolinguistique en mobilisant les outils de la géographie sociale, de l’urbanisme, de la sociologie et autres. Le troisième apport est lié à la réflexion développée sur les phénomènes de tensions sociale, de ségrégation, de discrimination et d’inégalité.
Dans le premier axe intitulé « Les langues, signes et discours de/dans la ville », les contributeurs se proposent d’aborder l’appareillage conceptuel de la sociolinguistique urbaine et son champ d’application dans le contexte algérien.
Dans le deuxième axe intitulé « Les corrélations entre langues et identités urbaines », les contributeurs ont interrogé leurs terrains de recherche en partant d’angles de vue différents incluant les discours « épi-urbains », la sociotoponymie urbaine, les espaces urbains et leurs corrélations aux discours épilinguistiques et topologiques, la catégorisation spatiale, la signalétique linguistique, les écrits urbains, la variation linguistique.
Dans le troisième axe « Les écrits de la ville », l’intérêt est porté sur les dimensions socio-urbaines et identitaires du street art, la mémoire des villes, la territorialisation icono-linguistique et la signalétique urbaine.
Wafaa BEDJAOUI