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Nacer-Eddine HAMMOUDA et autres (2018). La jeunesse algérienne : Vécu, Représentations et Aspirations. Alger : CREAD, 240 p.


Insaniyat N° 89 | 2020 |Varia |p.90 -110 | Texte intégral



Nacer-Eddine HAMMOUDA et autres (2018). La jeunesse algérienne : Vécu, Représentations et Aspirations. Alger : CREAD, 240 p.

L’ouvrage collectif La jeunesse algérienne : Vécu, Représentations et Aspirations, publié en 2018 par Nacer-Eddine Hammouda et ses collègues, aux éditions du Centre de Recherche en Économie Appliquée et Développement (CREAD), fait une description et une analyse détaillée de la situation des jeunes en Algérie, non seulement sur les plans économique et professionnel, mais aussi sur les plans social, académique et politique.

L’ouvrage constitue également une plateforme de comparaison entre l’Algérie et quatre autres pays voisins : le Maroc, la Tunisie, l’Égypte et le Liban. Puisqu’il reprend dans son analyse les résultats de l’enquête réalisée dans le cadre du projet de recherche Sahwa, initiée par l’Union européenne et menée sur un échantillon de 10 000 jeunes (p. 11) dans ces cinq pays de la région MENA.

L’enquête qui concerne la partie algérienne du projet Sahwa, pilotée par le CREAD, s’est appuyée dans son approche empirique sur une méthode mixte, qui croise entre les deux méthodes quantitative et qualitative. Elle a ciblé un échantillon (p. 101) de 2036 jeunes algériens âgés de 15 à 29 ans, sélectionnés par le biais d’un échantillonnage par grappes sur une population-mère estimée à 10 465 656, et à travers un territoire s’étendant sur 157/1120 districts appartenant à 138 sur 1541 communes et relevant, à leur tour, de 30 sur 48 wilayas.

L’une des observations les plus importantes faites par l’étude de Sahwa est que dans la société algérienne, les jeunes sont exposés à un grand risque d’exclusion du système éducatif. Bien que l’article 12 de la Loi no 08-24 stipule que la scolarité soit obligatoire jusqu’à 16 ans, il apparait que 30 % de la population de l’enquête avait quitté l’école avant cet âge (p. 113). Ce qui est non seulement paradoxal, mais aussi dangereux pour l’avenir du pays. Car une faible éducation conforte selon les auteurs les chances exclusion de ces jeunes du marché de l’emploi (Idem.). Voire d’une double exclusion sur le long terme, notamment pour ceux issus de familles vulnérables. Puisque selon les données de l’enquête, 40 % des jeunes qui avaient été exclus de la scolarisation sont catégorisés au moment de l’enquête parmi les pauvres moyens, 55 % sont issus des régions rurales, et 55 % ont des parents non instruits (p. 120).

Par ailleurs, pour diminuer ce risque d’exclusion scolaire ainsi que celui du marché de l’emploi, le gouvernement a mis en place la formation professionnelle. Cependant, cette alternative n’a pas eu un grand impact sur la situation de ces jeunes. Selon l’enquête Sahwa, ces derniers « montrent une certaine désaffection vis-à-vis du travail manuel et artisanal, considéré comme socialement dévalorisé et dévalorisant, une source de déclassement social par rapport au diplôme universitaire (p. 136) ». De plus, ils déclarent que ces centres de formation assurent des cours beaucoup plus théoriques que pratiques, et qu’il y a un manque considérable d’équipements, ce qui induit à une faible maitrise des outils et des techniques de travail.

Selon les auteurs, ces diverses difficultés ne sont pas sans effets. Une partie importante de ces jeunes débouche sur le secteur de l’informel. Le dépannagebricolage ou navigation, absorbe près de 56 % de la main-d’œuvre juvénile (p. 138-139), notamment en ce qui concerne les jeunes hommes, dont le taux de l’accès aux activités informelles dépasse, selon les données de l’enquête, largement celui des jeunes filles.

En ce qui concerne la recherche de l’emploi, l’enquête Sahwa démontre qu’en manque d’opportunités de travail, l’implication du réseau relationnel devient encore plus importante. Environ 59 % des jeunes enquêtés actifs ont obtenu leur emploi par l’intermédiaire d’une relation familiale ou personnelle (p. 144-145).

En outre, le niveau de formation et le sexe jouent aussi un grand rôle dans l’insertion des jeunes dans le marché du travail informel. En ce qui concerne le premier, les institutions d’insertion ont tendance à favoriser, et de manière légale, des diplômés aux non-diplômés, en leur accordant de meilleures chances d’embauche et en leur garantissant de plus grandes indemnités. Pour ce qui est du sexe, les femmes sont aussi plus favorisées dans l’insertion professionnelle par ces institutions en raison de leur surnombre en termes de diplômés en sciences humaines et sociales, généralement plus demandées sur le marché que les autres spécialités. Une situation globale qui favorise, à défaut de dispositions d’insertions formelles, l’engagement des jeunes hommes non-diplômés vers les activités informelles.

Dans un autre volet, l’enquête Sahwa s’est penchée sur l’ambition de migration des jeunes. Selon cette dernière, 25,7 % de l’ensemble de la population âgée entre 15 et 29 ans, équivaut à environ 2 700 000 personnes, expriment un désir significatif de quitter leur terre natale (p. 171) pour des pays de l’Union Européenne, dont notamment la France (p. 180-181). Ceci, dans l’espoir d’accéder à de meilleures opportunités professionnelles et de conditions de vie.

Pour finir, l’ouvrage de N.-E. Hammouda et ses collègues n’est pas uniquement consacré aux problèmes économiques et professionnels de cette jeune population. Ce dernier a aussi mis l’accent sur ses difficultés sociales et politiques en soulignant la frustration qu’elle vit quotidiennement et la grande déception (p. 227) qu’elle ressent envers le système politique en place. Des questions qui sont à notre sens très importantes à méditer dans la mesure où cette jeune population représente à elle seule près du quart (p. 18) de la population algérienne toute entière.

Tarek SAOUD

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