Insaniyat n° 100, avril-juin 2023, p. 13-46
Omar BESSAOUD : Membre correspondant de l'Académie d'Agriculture de France.
Il n’est pas aisé de revenir sur un bilan de l’agriculture et des transformations qu’a connues le monde paysan sur une période s’étalant sur 60 ans. Il y a, en premier lieu, à signaler un déficit portant sur les données économiques et sociales. Aucun recensement général de l’agriculture (RGA) n’a été effectué depuis 1999-2000. Il y a impossibilité d’accès aux données officielles de la Direction de la Statistique Agricole et des Systèmes d’Information (DSASI) du Ministère de l’Agriculture, et les méthodes, à l’origine des calculs estimant les surfaces, les revenus ou l’emploi agricoles, les productions ou le produit intérieur brut agricole, (Boukella, 2021) sont défaillantes1. Il existe peu de données quantifiables et fiables liées aux dynamiques des territoires ruraux (équipements des ménages ruraux, habitat rural, transport, centres de santé et écoles en milieu rural, emplois et revenus). Il convient de noter, enfin, que les politiques agricoles et rurales aux orientations contradictoires ont été source d’instabilités dans le secteur, ce qui complique un exercice d’évaluation.
Au plan méthodologique, nous avons mis l’accent sur les changements structurels, ceux en particulier qui affectaient les rapports sociaux. Les modes d’accès aux ressources foncières, via les réformes agraires où les conditions d’exploitation des terres publiques constituent un des critères pertinents pour mesurer les mutations sociales dans les campagnes algériennes. Il est clair, pour nous, que les analyses qualitatives qui décrivent les processus de transformations restent à documenter avec plus de finesse au moyen d’enquêtes de terrain et de données plus précises ou de recherches académiques.
Après un bref rappel de l’héritage colonial (section 1), nous évoquerons les transformations opérées au cours des premières décennies (1960-1970) sous l’effet des politiques de réformes agraires (« autogestion » et « révolution agraire »), ainsi que les raisons qui sont au fondement des options libérales qui ont été retenues lors des décennies qui ont suivi (1980-2000). Une fois exposés, les étapes et les impacts de ces options, nous aborderons dans une dernière section les défis du futur auxquels l’Algérie sera confrontée.
Un bref rappel de l’héritage précolonial et colonial avant d’évoquer les grandes transformations réalisées après les premières années de l’indépendance.
L’héritage colonial
C’est après l’arrivée des Arabes (fin du 7e siècle) que se construisent la carte des cultures de 1’Algérie précoloniale et les vocations de certaines régions agricoles. L’intérieur du monde rural était dominé par des systèmes agro-pastoraux, mais les cités de l’Algérie précoloniale (Alger, Médéa, Béjaia, Miliana, Mazouna, Tlemcen, Constantine…), exerçaient des influences sur les campagnes (Lacoste et al., 1960). Ces villes, dont certaines furent le siège d’États dynastiques qui se succédèrent jusqu’au XIVème siècle, allaient tracer ou consolider les contours de nouveaux espaces agricoles ; ceux des plaines péri-urbaines (ceux que les Arabes appellent le fahç ou le hawz) et de zones de montagne cultivées intensivement, employant des techniques de mise en valeur plus élaborées (puits et machines hydrauliques), consacrant des modes de propriété individuelle (le melk) qui marqueront les structures agraires de l’Algérie jusqu’à nos jours. Ces îlots de propriété foncière melk prédomineront dans la périphérie des centres urbains, dans certains massifs montagneux ou les oasis du Sud. La grande partie de l’Algérie du Nord -celle des steppes et des hautes plaines- restait organisée autour d'activités pastorales et semi-pastorales (combinant élevage et exploitation extensive de terres céréalières) avec des formes communautaires d'appropriation des ressources.
La période ottomane héritera des territoires agricoles façonnés au cours des précédentes périodes. Elle les marquera à son tour de son empreinte, et les changements affecteront statuts juridiques des terres, la fiscalité et les structures agraires (Bessaoud, 1999).
C’est la colonisation française qui introduira les ruptures les plus radicales, à la fois dans les formes d’organisation des espaces agricoles, comme dans les modes de propriété des terres.
Le triomphe de la grande entreprise agricole coloniale
Résistances des communautés rurales locales, insurrections paysannes, difficultés d’installation d’un peuplement européen, obstacles naturels (espaces marge des régions de montagnes, des steppes ou du désert) contiennent la colonisation et orientent les politiques foncières coloniales qui se mettent en place.
La colonisation aura « généré un glissement de l’espace algérien vers le Nord et une forte littoralisation des activités agricoles, une prise en main des plaines littorales, partiellement des hautes plaines et des bassins de l’intérieur » (Côte, 1996). L’espace agricole algérien fut progressivement divisé entre une Algérie agricole utile (terres riches pour les colons) et le reste (piémonts et pentes pour les fellahs, steppes pour les éleveurs). Peu de choses allaient subsister de la complémentarité et de l’équilibre qui caractérisaient, d’une manière globale, les relations traditionnelles entretenues lors de la période précoloniale entre les groupements d’agriculteurs sédentaires et les populations nomades et les zones de parcours steppiques, les hautes plaines céréalières, les plaines intérieures et les montagnes … (Davis, 2013).
La colonisation française accentuera la spécialisation d’un certain nombre de territoires : production de céréales dans les grandes exploitations des hautes plaines de l’Est et de l’Ouest, viticulture dans les plaines de l’Ouest et du Centre, agrumes et primeurs dans les plaines de la Mitidja (au centre), du Habra et du Chélif (à l’Ouest) ou de Annaba (à l’Est). Les régions occupées par la colonisation française bénéficieront de conditions agro-climatiques favorables, et d’une bonne dotation en ressources (en sol et en eau).
À noter, un trait majeur de cette économie agricole coloniale qui se développera aux côtés de l’économie indigène (dite traditionnelle) : 87% des colons contrôleront plus du quart des superficies agricoles
et employaient un immense prolétariat agricole issu de la décomposition de la paysannerie et des communautés rurales (Bessaoud, 2019). A. de Tocqueville reconnaissait que la violence qui avait été exercée au début de la colonisation contre les populations « indigènes » avait déjà eu pour effet de rendre la « société musulmane beaucoup plus misérable, plus désordonnée, plus ignorante et plus barbare qu'elle ne l'était avant de nous connaître » (Tocqueville, 1847).
Le centenaire de la colonisation qui faisait état d’une très forte concentration des terres au sein du secteur colonial avait célébré le triomphe de la grande entreprise agricole (Demontès, 1930)2. Ces grandes exploitations agricoles, dont la superficie était en moyenne de 125 ha (soit 11 fois l’exploitation d’un musulman) étaient dotées de matériels bénéficiaient de crédits accordés généreusement par le système bancaire et contrôlaient les coopératives de services et structures de commercialisation. Elles étaient en majorité encadrées par un corps d’ingénieurs et de techniciens agricoles formés par les écoles d’agriculture.
Selon le dernier recensement agricole de 1950-51, les colons concentraient 2,9 millions d’ha dont 2,7 millions étaient la propriété de 21 674 entrepreneurs coloniaux, et les trois-quarts des terres irriguées appartenaient au secteur colonial.
Le domaine foncier rural colonial représentait en 1954 un capital estimé à 600 milliards de francs et un revenu annuel net de 93 milliards3. Le revenu moyen était estimé entre 720 000 et 780 000 francs, alors que le revenu individuel d’un musulman était estimé entre 20 000 à 30 000 francs, soit 3,5 % du revenu annuel agricole moyen d’un européen.
Le même recensement chiffrait à 543 310 le nombre d’exploitations possédées par des musulmans pour une surface de 7,1 millions d’ha. Les terres possédées par les musulmans étaient constituées, pour moitié, de parcours, le reste comprenait des céréales et des cultures arboricoles (oliviers, figuiers) et produisaient de faibles revenus, car 73% des exploitants avaient moins de 10 ha.
Il convient de faire mettre fin à un mythe entretenu par l’idéologie coloniale et qui a trait à la prospérité agricole et aux performances du secteur colonial.
Le mythe de la prospérité coloniale
L’agriculture coloniale ne nourrissait plus la population depuis le milieu des années 1950. Elle n'assurait, dans le domaine alimentaire en effet, que le minimum vital à la majorité de la population (Dumont, 1949). La production céréalière des années 1950 retrouvait à peine les niveaux atteints au début du siècle, et l'écart des rendements céréaliers entre la métropole et la colonie s'était davantage creusé (8 quintaux/ha pour l'Algérie contre 22 quintaux/ha en moyenne pour la métropole). La rupture de l'association traditionnelle céréales-élevage, conjuguée au faible pouvoir d'achat de la majorité des Algériens expliquait, en partie, la baisse des effectifs du cheptel algérien sur la même période. La valeur ajoutée de la production animale ne représentait, au cours de la décennie 1950, que 25 % de la valeur ajoutée totale au sein du secteur agricole, contre 75 % pour la production végétale, proportion qui se situe à l'inverse de celle obtenue pour les productions métropolitaines.
Le développement des cultures de rente (vigne en particulier) avait largement contribué à compromettre l'équilibre alimentaire et nutritionnel « d'une population autochtone sous-alimentée, sans réserve d'aucune sorte » et qui, par ailleurs, était « socialement et économiquement déracinée » (Berque, 1962). L’on évaluait en 1954 à 1 520 calories/jour la ration disponible pour un algérien4, et le recours aux importations de céréales de consommation, de sucre, de lait et d’huiles alimentaires ou de pomme de terre s'imposait depuis longtemps pour couvrir une partie des besoins alimentaires locaux. En 1961, le taux de couverture des importations par les exportations représentées par le vin5, les agrumes, le liège et les tabacs n’était que de 65,8% (Lequy, 1970).
Les données sociales qui ressortent du recensement de la population de 1954 indiquaient un taux de mortalité qui variait de 190/1000 habitants en zone urbaine à 210/1000 en zone rurale, une espérance de vie de 46 ans, un taux de scolarisation de 14,6% et un taux d’analphabétisme de 90%. Si 94% des dépenses de 70% des ménages algériens se concentraient sur les consommations alimentaires les plus vitales, le salaire d’un journalier agricole équivalait, quant à lui, à 3 kilogrammes de couscous (Lequy, 1970).
Le processus de décomposition de la paysannerie algérienne
La population rurale était estimée en 1954 à 6 millions de personnes. La politique de regroupement des populations rurales qui affectera près de 2,3 millions d’habitants (dont plus de 2,1 fellahs « déracinés ») aura pour conséquence le déplacement d’un rural sur trois (Cornaton, 1998).
Le secteur agricole concentrera 80,8 % de la population active évaluée à 3,5 millions d’habitants. L’arsenal juridique (les lois foncières), politico-militaires (le cantonnement et les séquestres individuels et collectifs) et économiques (amendes, fiscalité, crédit, usure…), du système colonial français avait précipité la destruction de la propriété collective et de l'organisation tribale qui lui correspondait. Le processus de dépossession foncière des communautés fut à l’origine de la création d’un immense prolétariat et/ou semi-prolétariat agricole algérien. Comme le soulignait J. Dresh, le processus de prolétarisation était si avancé au milieu du XXème siècle, « qu’il fallait aller chercher dans des recoins les plus reculés et dans les flancs de montagnes (du Djurdjura et des Aurès) de « vrais paysans » (Dresh, 1953). Evoquant, en 1954, le cas d’un paysan aurasien (Mohand-ou-si-Tayeb), Germaine Tillon (1999) décrivait à travers sa trajectoire, « la silencieuse glissade de la paysannerie algérienne »6.
Les mutations sociales se sont traduites, au cours de cette période coloniale, par l’émergence de nouveaux rapports sociaux dans les campagnes. Aux côtés des khammès, ouvriers agricoles, métayers, petits locataires, petits propriétaires de terre et de cheptel qui dominent le paysage social, émergent, en contre-point, les grands entrepreneurs fonciers européens et des propriétaires « indigènes » qui « tenaient leurs titres de propriété de leurs liens avec la colonisation » (Ageron, 1990).
Le dernier recensement colonial de 1950-51 signalait 357 500 ouvriers agricoles journaliers, 71 000 ouvriers agricoles saisonniers, 108 000 ouvriers permanents, soit au total 536 500 ouvriers, auquel il faut ajouter 1 438 000 que constitue la main d’œuvre familiale, soit 1 974 500 ouvriers. L’économie algérienne héritée de la colonisation était, en outre, « une économie sous-développée marquée par le sous-emploi, le chômage, l’analphabétisme et l’absence de cadres techniques » (Lequey, 1970). C’est cette économie que le colonisateur français laisse en héritage à l’Algérie indépendante.
Les premiers pas de l’Algérie indépendante
Les premiers documents de la révolution algérienne avaient évoqué les projets de transformations agraires une fois l’indépendance acquise.
Le Congrès de la Soummam de 1956 avait mis l’accent sur la nécessité « d’une révolution démocratique », avec pour objectifs, « la terre aux paysans, la liquidation de l’économie coloniale et l’édification d’une économie nationale indépendante, la destruction des survivances de l’époque médiévale et féodale ». Signalant « la question de l’inégalité dans la répartition des terres, dans la possession des terres les plus fertiles, dans la formation professionnelle et dans l’accès au savoir technique », le journal de la résistance El Moudjahid rappelait, dans son édition du 16 juillet 1960, la nécessité d’une « réforme agraire sérieuse, d’inspiration révolutionnaire ». Si le Congrès de Tripoli de juin 1962 inscrivait dans son programme « une révolution agraire accompagnée de la modernisation de l’agriculture et de conservation du patrimoine foncier », aucune proposition n’avait, toutefois, été clairement énoncée sur les formes d’organisation et les voies concrètes du changement souhaité7.
La réforme des structures agraires qui s’est étendue sur la période 1962- 1978 a été conduite en deux étapes.
La première phase -celle de « l’Autogestion »- va intervenir au lendemain de l’indépendance (été 1962) dans un contexte marqué par l’occupation par les travailleurs agricoles des terres des colons qualifiées de « vacantes », et la confiscation par l’État national de celles appartenant aux « agents de la colonisation » (caïds, bachaghas, collaborateurs).
La deuxième étape - celle que les textes officiels avaient qualifiée, en novembre 1971, du terme de « Révolution Agraire » -concernera la grande propriété foncière algérienne.
L’acte 1 de la réforme agraire : l’autogestion
Des circonstances historiques particulières seront à l’origine des premiers bouleversements observés dans le secteur agricole.
Suite au départ massif de la population européenne8 déclenché dès la signature des Accords d’Evian, des entreprises agricoles, minières, artisanales et industrielles laissées vacantes sont occupées par les ouvriers en place9.
Encadrée par l’Union Générale des Travailleurs Algériens (UGTA), la main d’œuvre présente dans les domaines agricoles coloniaux vacants va spontanément assurer les travaux de récoltes et installer les premiers comités de gestion. Si la Mitidja apparaîtra au début comme le « bastion de l’autogestion » (Mutin, 1977), la création de ces comités se poursuivra tout au long de l’été 1962 (à El Asnam, Ain-Temouchent et d’autres localités du pays). À la suite de cette occupation des terres, l’Exécutif Provisoire10 qui assurait la transition politique vers l’État algérien, va décréter la protection des biens vacants ainsi que l’interdiction des transactions sur les biens immobiliers et mobiliers « afin d’éviter [un mouvement] d’accaparement des terres » naissant11.
Un des principaux animateurs et idéologues de l’Autogestion, Michel Raptis, résumait en 1967 ainsi le contexte historique de ce mouvement si particulier, né l’été 1962 en Algérie : « Cette expérience fut favorisée par l’interaction d’un ensemble de facteurs qui tiennent de la structure économico-sociale spécifique du pays, à son régime colonial, aux conséquences de la guerre de libération, au rôle subjectif également, de nombre d’éléments algériens et européens qui se sont impliqués dans le processus de révolution algérienne » (Raptis, 1967)12.
Le premier gouvernement de l’Algérie indépendante, institutionnalisera les comités de gestion13, et adoptera au printemps de l’année 1963, les fameux « Décrets de mars » qui consacreront juridiquement le principe de l’autogestion agricole14.
Un mouvement spontané venu « d’en bas » et une autonomie économique abolie dans les faits
La dynamique d’occupation des terres par les ex-salariés des domaines coloniaux sera suivie de la confiscation par l’État de 200 000 ha appartenant aux « agents de la colonisation » (caïds, bachaghas15, notables politiques ou religieux)16 et par la nationalisation des terres détenues par les colons17.
Les nationalisations, qui s’étalent sur l’année 1963-64, représenteront l’un des moments fort de la première réforme agraire algérienne.
L’enquête conduite par le Ministère de l’agriculture et de la réforme agraire recensait en 1964-65 près de 2 200 domaines autogérés créés sur plus de 2,3 millions d’ha. Le secteur autogéré employait, à cette période, près de 100 000 travailleurs occasionnels et environ 134 330 permanents constitués de 5 140 personnels d’encadrement, 2 400 employés simples, 15 085 ouvriers spécialisés et 111 705 ouvriers non spécialisés (MARA, 1967). Une structure publique -l’Office National de la Réforme Agraire (ONRA.), fut le principal instrument d’intervention de l’État dans le secteur agricole.
Le déficit de cadres techniques expliquait les opérations de regroupement des fermes coloniales et leur taille foncière18.
Les premières leçons tirées de la jeune expérience seront formulées dès le premier Congrès de l’autogestion tenu en octobre 1963. Si les congressistes soulevèrent avec force les difficultés économiques et financières rencontrées, les principales critiques des travailleurs de l’autogestion furent adressées à l’ONRA et aux organismes d’environnement des exploitations agricoles (Raptis, 1967). Les premiers réaménagements19 qui interviennent dès l’automne 1966 visaient à une gestion décentralisée étroitement contrôlée par les travailleurs (Raptis, 1970, Harbi, 2022).
Le Bureau National d'Animation du Secteur Socialiste20 (BNASS) qui dépendait de la Présidence de la République fut supprimé, et un contrôle fut, dorénavant, exercé sur les exploitations autogérées par le Ministère de l’agriculture. Ces nouvelles dispositions ne seront pas simplement interprétées comme les toutes premières tentatives de déformation du système autogéré, mais comme la fin d’un projet social qui visait à une gestion décentralisée étroitement contrôlée par les travailleurs (Raptis, 1970, Harbi, 2022). Les animateurs du mouvement autogestionnaire finirent eux-mêmes par reconnaitre dès l’automne 1963 « l’impuissance pratique de l’Assemblée des travailleurs à contrôler les organes issus d’elle », ainsi que le « manque d’un syndicat national regroupant les travailleurs de la terre », signes qui favorisèrent les interventions extérieures, ceux des « bureaucrates de l’administration et du Parti, des notables locaux […] qui finirent par obtenir la tutelle du secteur »21.
Les contraintes auxquelles se heurteront les domaines autogérés, au cours des premières années, furent aggravées par d’autres facteurs économiques qui exerceront une influence décisive, non seulement sur leur fonctionnement, mais aussi sur leur rentabilité financière (Bessaoud, 2019)22.
Les résultats jugés médiocres de la production, conjugués aux déficits financiers des domaines, serviront de motifs à une série de réformes et/ou de restructuration du système autogestionnaire au cours des années qui suivirent.
La mise sous tutelle administrative de l’autogestion (1968-1987)
Les premières réformes engagées au cours des années 1968-69 concerneront l’environnement économique et commercial des fermes autogérées. L’État se dotera d’offices spécialisés selon les fonctions et les filières23. Les réaménagements fonciers du secteur autogéré stabiliseront pour quelque temps le nombre de domaines autogérés : en 1968, 1994 les domaines occupaient 2,3 millions d'hectares, soit le tiers de la SAU du pays et employaient 120 500 permanents et 50 000 saisonniers, soit environ 15 % du total des actifs agricoles.
Parallèlement à la promulgation d’un projet de « révolution agraire » (8 novembre 1971), le secteur autogéré fera l’objet d’un réaménagement visant à consacrer le principe de l’autonomie de gestion24. Alors que les textes réaffirmaient les principes de l’autogestion, les règles de fonctionnement mises en place reconduisent, toutefois, dans les faits une tutelle « pesante et autoritaire » de l’administration agricole sur les exploitations autogérées (Bedrani, 1990).
Pour faire face aux difficultés rencontrées, un processus de restructuration des domaines agricoles publics sera, de nouveau, engagé au cours de l'année 198125. Un peu plus de 2.000 domaines, dits « autogérés », furent éclatés en 3.400 « domaines agricoles socialistes » (DAS.). Cette réorganisation foncière affectera les terres des coopératives des anciens moudjahidines et celles des attributaires de la révolution agraire. Ces coopératives agricoles fusionneront avec les DAS.
En juillet 1987, au moment même où le processus de restructuration des domaines autogérés commençait à porter ses fruits26, une circulaire interministérielle imposait « d’en haut » une nouvelle réforme qui chamboulera radicalement l’ordre initié par le mouvement autogestionnaire de 1962-6327. Les exploitations agricoles du secteur public furent démantelées et leurs collectifs éclatés dans le cadre d’un nouveau mode d’exploitation du patrimoine agricole de l’État28. Les DAS créés au début des années 1980 furent dissous, leurs terres (2,3 millions d'ha de S.A.U) de nouveau redistribuées, et leur capital d’exploitation (équipements matériels, plantations, bâtiments, cheptel…) cédé en pleine propriété à 29 556 exploitations agricoles collectives (EAC), 22 206 exploitations agricoles individuelles (EAI) et 165 fermes pilotes. Ces nouvelles exploitations regroupaient un peu plus de 160.000 bénéficiaires dont 2.500 à 3.000 cadres et techniciens fonctionnaires de l'agriculture.
Fait inédit sur le plan juridique : la loi inscrivit le principe de la cessibilité et de la saisie des droits de propriété des moyens de production détenus par les exploitants directs que les lois antérieures proscrivaient. Cette dernière disposition sera, par la suite, pleinement utilisée comme nous l’examinerons infra.
Quel bilan provisoire établir de l’Autogestion ?
Le pari engagé par les comités de gestion qui était de sauver les premières récoltes fut tenu. La récolte céréalière de l’été 1962 fut supérieure à la moyenne enregistrée entre 1955 et 1959, et celle de 1963 fut estimée à 23 millions de quintaux29. Dès 1965, le niveau des productions fut rétabli pour toutes les productions à l’exception des vins. Faute de débouchés pour le vin, plus de 71 000 ha de vigne de cuve furent arrachés entre 1968 et 1973, soit un peu plus de 20% du verger viti-vinicole.
Un immense prolétariat et/ou semi-prolétariat agricole avait émergé sur les décombres de la colonisation agraire, et l’autogestion ne pouvait, en conséquence, être interprétée comme un accident historique. Elle fut, à l’origine, un fait ouvrier né d’une mobilisation sociale de salariés agricoles. Très tôt assigné à un statut de salarié de l’État, le mouvement autogestionnaire avait cédé la place à un processus d’étatisation. De très nombreuses études avaient décrit les formes multiples de l’intervention publique qui assuraient la mise sous tutelle de l’État des exploitations agricoles dites autogérées (Abdi, 1977, Parodi, 1967, Koulytchisky, 1974, Aït Amara, 1970, Chaulet, 1971, Raptis, 1967, Harbi, 2022)30.
L'autogestion se résumera, en définitive, dans un mouvement collectif de salariés de fermes coloniales occupant des terres vacantes pour contrarier les velléités d’accaparement de ces terres par une bourgeoisie algérienne. Le mouvement autogestionnaire accomplira, au lendemain de l’indépendance, la tâche historique assurant un transfert des propriétés coloniales au profit de l’État algérien31.
Cette expérience servira, comme on le sait, de référence majeure à « l’option socialiste » au système politique algérien des années 196032, option qui fut de nouveau renforcée par la promulgation en novembre 1971 du projet de « Révolution agraire » (RA).
L’acte 2 de la réforme agraire (1971-1978)
Ce projet s’inscrivait dans le cadre du « projet de construction d’une économie nationale visant à assurer l’emploi de la population active et la satisfaction des besoins sociaux » (Charte de la RA, 1971), évoqué par les premiers textes de la Révolution algérienne.
Repoussé d’année en année, et après de vifs débats portant sur plusieurs projets de réforme agraire (1964, 1968 et 1970), le deuxième acte de la réforme agraire algérienne intervient finalement en 1971. Concernant cette fois le secteur privé national, il va élargir, d’une part, le champ occupé par le domaine privé de l’État, et accroitre, d’autre part, le poids dans les campagnes algériennes des fractions prolétarisées et paupérisées de la paysannerie.
L’extension du domaine privé de l’État…
Le projet de RA de 1971 ne peut être dissocié des premiers plans de développement (le premier plan quadriennal 1970-73 et le deuxième plan quadriennal 1974-77) visant « l’industrialisation, la modernisation de l’agriculture et l’aménagement du territoire ».
Dans le but de corriger les inégalités foncières, l’État décréta la nationalisation des terres appartenant à la grande propriété foncière algérienne, et décida d’abolir toute forme d’exploitation indirecte des terres (mode de faire-valoir indirect) et de transactions foncières33.
La RA procéda, dans une première phase (1972), à une redistribution des terres publiques (communales, domaniales, habous et arch de culture), puis nationalisa, dans une deuxième phase, les terres de grands propriétaires privés (1973-74), et décréta enfin une troisième phase (1975) qui fut difficilement engagée dans le secteur pastoral.
Les bilans définitifs, établis lors de la clôture définitive des opérations de nationalisation ou d'attribution des terres privées nationalisées34, ont fait état de 1.145.376 ha de SAU- nationalisés et versés à un Fonds National de la Révolution Agraire (FNRA), dont les deux tiers relevaient du domaine public– terres de statut communal, domanial, arch de culture, habous publics et des établissements publics (CNRA, 1979)35. Les terres nationalisées et appartenant aux absentéistes ou aux grands propriétaires ont représenté moins de 500.000 ha.
Plus de 6 000 coopératives de différents types furent créées, dont les terres, comme les bénéficiaires, fusionneront avec celles de l’autogestion dans le cadre de la restructuration de 1981 (voir supra)36.
Au bénéfice des fractions les plus paupérisées de la paysannerie
Les terres du FNRA furent attribuées à plus de 90 000 attributaires issus, pour la majorité, de milieux ouvriers agricoles, ou à des fractions issues de la paysannerie pauvre (Bessaoud, 1980).
La réforme agraire avait tenté de mettre fin au statut précaire des catégories sociales les plus fragiles du monde agricole en leur reconnaissant un droit d'usage et d'exploitation sur les terres où ils étaient employés. La grande propriété terrienne perdra entre 1972 et 1978 une grande partie de ses assises foncières, et l'emprise des citadins sur les terres fut remise en cause. La référence au principe de l'exploitation effective des terres, et le contrôle sur les mouvements de transactions foncières que la réforme agraire avait décrétés avait fortement joué en faveur des petits paysans et des ouvriers salariés. La réglementation nouvelle qui annulait les dettes, encadrait les contrats agricoles et régulait les marchés fonciers avait affaibli les liens de dépendance économique et sociale des salariés agricoles, métayers et semi-prolétaires agricoles et des petits paysans à l'égard de la grande propriété foncière absentéiste.
Les multiples formes de transferts que l'État réalisa au profit des attributaires de la réforme agraire (primes d'installation, avances sur le revenu, hausses des salaires agricoles, attribution de cheptel ovin…), exerceront un impact réel sur les niveaux de vie et de revenus des paysans37. Le réseau décentralisé de coopératives de services qui distribuait les intrants et les services à des prix de soutien aura contribué à ralentir, sinon à bloquer, le processus de dégradation de la condition économique des petits paysans qui était enregistré dans les années 196038. C’est au cours de la période d’application de la RA que les régions rurales avaient bénéficié d’importants programmes d’équipements socio-collectifs (électrification rurale, construction de villages agricoles et prêts pour l’habitat rural, construction d’écoles, de centres de santé, désenclavement des zones de montagnes…) qui contribuèrent à réduire la pauvreté et les inégalités territoriales (CENEAP, 1992).
Durant la même période, la part relative consacrée aux investissements agricoles a été bien supérieure à celle qui sera réservée au secteur agricole au cours des années 1980, qui correspondent à l’interruption du processus de la RA39. Les cultures sous-serre, les complexes avicoles et laitiers ainsi qu’un ensemble d'entreprises agro-industrielles ont vu le jour à cette époque, de même que le tissu technico-administratif qui forme encore aujourd’hui l'environnement de l'agriculture algérienne. C’est en outre, l’industrie nationale installée dans les années 1970 qui allait fournir une partie des intrants (engrais chimiques, plastiques), et des équipements aux agriculteurs (tracteurs, moissonneuses-batteuses, matériel pour l’hydraulique agricole…).
La croissance de la production agricole n’a pas été négligeable au cours de cette période d’industrialisation et de la RA (5 % en moyenne annuelle)40 car, mise à part la vigne, qui a vu sa production régresser, on observa une augmentation de 20 % pour les autres productions agricoles, en particulier celles qui sont demandées sur le marché intérieur : agrumes, légumineuses, pomme de terre, produits de l'élevage (Annuaire de l’Afrique du Nord, 1976).
L’acte 2 de la réforme agraire algérienne fut -tout comme le processus d’Autogestion- de courte durée. Elle ne s’est réellement étalée que sur 4 ans (1972-1975), et n’a que partiellement nationalisé les terres appartenant à la grande propriété foncière (Guillermou, 2013)41. Les années qui suivirent n’ont enregistré aucune mesure significative : les annonces faites pour le lancement de la troisième phase ne fut suivi que par la promulgation en juin 1975 du code pastoral42.
Plusieurs raisons peuvent être évoquées pour expliquer la mise en échec de ces deux réformes agraires.
Les raisons de la mise en échec des réformes agraires
Deux raisons majeures peuvent être évoquées : d’une part, des oppositions politiques et une faible mobilisation des acteurs concernés, et d’autre part, des mutations socio-économiques affectant le pays.
Des oppositions politiques, une faible mobilisation des acteurs-clés
Tout comme l’autogestion, la RA avait violemment secoué la société algérienne en 1971-72, mais aussi l’ensemble des institutions politiques et administratives de l'époque. Les premières oppositions nationales organisées politiquement s'exprimeront assez clairement au sein même de la coalition autoritaire qui monopolisait le pouvoir : des responsables politiques, notamment ceux qui dirigeaient le Parti unique du FLN, exprimeront ouvertement leur opposition à la réforme agraire43.
L’absence de mobilisation et d’organisation de la petite paysannerie et du prolétariat agricole concernées par ces réformes agraires s’expliquerait par le fait que les travailleurs agricoles employés dans les domaines publics de même que les bénéficiaires de la RA avaient depuis longtemps perdu leur autonomie, pour être réduits à un statut de quasi-salariés de l’État44. La tutelle exercée par le Ministère de l’agriculture sur les domaines autogérés, de même que les conceptions de mise en œuvre de la RA par le haut (Présidence, Commission Nationale de la Révolution Agraire, Wali...), constituèrent, par ailleurs, un facteur important de démobilisation des travailleurs et des bénéficiaires de la RA. L'État qui assurait avec difficulté la maîtrise du processus de transformations agraires n'arrivait pas à asseoir de manière stable une distribution du pouvoir politique favorable aux bénéficiaires de la réforme agraire (Bessaoud, 1980). La réforme agraire n’a pu bénéficier, en outre, d’une intervention organisée des bénéficiaires, la principale organisation paysanne, l’Union Nationale des Paysans Algériens ayant été monopolisée par de larges fractions de la paysannerie moyenne qui avait émergé comme les nouvelles élites du monde rural (El-Aïdi, 1980)45.
La disparition, en décembre 1978, du président Boumediene qui fut, aux côtés des étudiants organisés dans un mouvement de volontariat de la RA, le principal animateur de cette politique agraire contribueront à créer un rapport de force qui finira -au terme d’une dizaine d’années d’inflexions de la politique agraire et de l’irruption de nouvelles forces islamistes alliées aux propriétaires dont les terres avaient été nationalisées- par imposer une révision radicale des options46.
Les premiers plans de développement nationaux mis en œuvre conjugués à des dynamiques démographiques contribueront à des transformations socio-économiques inédites.
La crise des approvisionnements de l’année 1975 et les mutations socioéconomiques
Ces changements ont eu lieu à la fois dans les villes comme dans les campagnes (Aït-Amara, 1996). Au lendemain de l’indépendance, la progression de la population est spectaculaire : elle passera de 11 millions en 1962 à 15 millions en 1973, pour atteindre près de 19 millions en 1979, soit une augmentation de près de 60% sur 13 ans. Le fait urbain avait également connu une croissance sans précédent : la population urbaine qui représentait à peine le tiers (31 %) de la population totale lors du premier recensement de 1966, affichait le taux de 41 % en 1977 et de près de 50 % en 1987 (Kateb, 2003).
Dès le milieu des années 1970, on observa ainsi une relance de la demande en biens agricoles fortement liée à cette croissance urbaine, à l'emploi non agricole et à l'amélioration de revenus salariaux consécutifs à la mise en œuvre des plans de développement industriels (1970-73 et 1974-77). Plus d’un million d’emplois furent créés entre 1967 et 1978, et encore un million sur la deuxième période 1979-1984. Le revenu réel a été multiplié par 3 toujours entre 1967 et 1978 et encore par 1,5 entre 1979 et 1984 (Bessaoud, 2013). Avec de tels taux de croissance, les progrès les plus significatifs en matière d’augmentation de production agricole et d’offre alimentaire s’étaient avérés bien insuffisants, et c’est dans ce contexte d’une forte tension des marchés des fruits et légumes qu’intervint une réforme du système de commercialisation47.
Cette réforme, conduite sans préparation matérielle ou organisationnelle des conditions de sa mise en œuvre, se traduira par une désorganisation des approvisionnements des villes. Elle sera à l’origine d’une crise des approvisionnements urbains en produits agricoles qui se manifesta en 1975, et cela, au moment même où étaient appliquées des mesures de nationalisation des terres de la grande propriété foncière. Elle eut pour conséquence un mécontentement des classes urbaines qui relâchèrent leur soutien à la réforme agraire, rendue responsable de cette situation.
Ces difficultés conjuguées aux oppositions politiques ouvertement déclarées vont créer les conditions favorables à l’émergence d’un puissant secteur privé agricole, qui disputera au secteur public agricole, les ressources (terre, eau, matériel et argent), et imposera progressivement une logique d’accumulation via le contrôle de l’offre de produits sur des marchés agricoles en pleine expansion. Les forces conservatrices de la société, alliées à une bourgeoisie montante issue de la sphère bureaucratique de l’État et du monde économique (commerçants, mandataires, entrepreneurs locaux…), remettront en question les options favorables aux réformes agraires, et inciteront l'État à initier un certain nombre de réformes d’inspiration libérale48.
Les nouvelles options agricoles mises en œuvre au cours des années 1980-2000
Les orientations, appliquées dès la première moitié de la décennie 1980, corrigèrent les modes d’allocation des ressources naturelles (terres et eau), ainsi que les mécanismes d'aides de l’État.
Les interdits qui portaient sur les transactions foncières furent levés : l’accès à la propriété par la mise en valeur des terres encouragé, la liberté de création d'entreprises de services agricoles affirmée et l’accès plus large aux intrants et au matériel agricole et d'irrigation autorisé au secteur privé. Les soutiens financiers au secteur public agricole furent progressivement supprimés.
Des facteurs exogènes - chute des cours du pétrole et crise de la dette extérieure - accélèreront en 1987 le processus de rupture avec les options socialistes qui étaient affichées49.
Le processus de contre-réforme agraire et de réhabilitation du secteur privé
Outre les mesures de restructuration qui furent appliquées au régime d’exploitation des terres publiques (supra), le régime annonce non seulement la clôture définitive des opérations de nationalisation ou d'attribution des terres privées nationalisées50, mais aussi la libéralisation des transactions portant sur les terres51. Il procédera également à la dissolution en janvier 1984 des coopératives agricoles polyvalentes communales de services (CAPCS), clé de voûte du système coopératif de la RA52.
Une loi d'orientation foncière viendra parachever en 1990 le processus de démantèlement de l'édifice juridique agraire construit par la loi de révolution agraire du 8 novembre 1971, et organiser les modalités de restitution aux propriétaires fonciers des terres nationalisées53. Le champ de la loi organisant le processus de restitution des terres sera étendu en 1995 aux terres ayant fait l’objet de mesures de protection de l’État, autrement dit, aux terres appartenant à des propriétaires dont le comportement avait été jugé « indigne » pendant la lutte de libération nationale54. La réforme agraire, qui avait arbitré en faveur du principe de « la terre à celui qui la travaille », laissera également place dans la nouvelle loi foncière à « l’obligation d’en assurer l’exploitation », ce qui ouvrait la voie aux modes de faire-valoir indirects.
La loi d’orientation foncière de 1990 fut précédée par la loi d'accession à la propriété foncière (APFA), qui visait pour objectif la mise en valeur des terres du sud du pays55.
Conjugués à la révolution technique promue par les forages, l’électrification et les groupes motopompes, les nouvelles modalités d’accès aux ressources foncières et à l’eau autorisées par la loi sur l’APFA, aura contribué à reconfigurer le paysage social des oasis algériennes.
Les positions occupées par les grandes familles de l’aristocratie religieuse qui dominaient dans le paysage social ont été mises en concurrence avec une classe d’entrepreneurs venus du nord leur disputer le monopole exercé sur les terres et l’eau, mais aussi la main d’œuvre : la catégorie des harratines56 fut employée comme salariés au sein de grandes exploitations agricoles en formation, quand celle-ci ne s’est pas affranchit des liens de dépendance vis-à-vis des chorfas grâce à un reclassement dans un nouveau statut d’exploitant agricole sur les terres attribuées par l’État (Idda, 2019).
Le dispositif de l’APFA mis en place dans les années 1980 fut complété en 1997 par celui de la concession par la mise en valeur57. Les nouveaux concessionnaires eurent recours sur des périmètres aménagés par la puissance publique, à des systèmes techniques modernes et capitalistiques (matériel mécanique, irrigation pivots ou irrigation localisée, serres…) généreusement financés par l’État58.
La mise en valeur des terres conjuguée à une mobilisation croissante du potentiel en eau a permis d’accroitre les cultures en irrigué. Selon les statistiques du MADR, les surfaces irriguées du pays auraient été multipliées par quatre au cours de ces deux dernières décennies59, permettant ainsi le recours à des modes plus intensifs d’exploitation des terres60.
La mise en valeur des terres érigera les zones du sud (steppiques et sahariennes) en zones pionnières offrant des espaces où se redéployeront d’importants capitaux privés61. Ces investissements hydrauliques, faisant de ces régions sahariennes et steppiques des pôles de développement des cultures maraîchères et fruitières, ont contribué à transformer la cartographie agricole de l’Algérie62.
Conséquences socio-politiques de la réforme des modes de gestion du domaine public
Les restructurations du domaine foncier de l’État et la réaffectation des terres aux nouveaux bénéficiaires entamées en juillet 1987, qui privatisait les actifs agricoles des ex-DAS, donna lieu à de graves irrégularités, dont les conséquences politiques furent même à l’origine de la chute d’un gouvernement « réformateur »63. Ces abus, observés dès les premiers mois de l’application de la loi, contribuèrent à une lente érosion du capital foncier public ainsi qu’à une décomposition des collectifs ouvriers-descendants du système autogestionnaire64.
Suite à cette dernière restructuration du domaine privé de l'État, le paysage social de « la Mitidja 20 ans après », à titre d'exemple, n'était plus celui hérité de l’autogestion ou de la réforme agraire de 1971 (Imache et al, 2010). Si, d’une part, les exploitations agricoles individuelles (EAI) étaient devenues la règle65, les nouveaux bénéficiaires de la loi de Juillet 1987 s’étaient associés avec des apporteurs de capitaux (commerçants et bailleurs de fonds privés) ; d’autres avaient vendu leurs actifs et leurs droits d’exploitation, d’autres enfin avaient abandonné leurs droits et laissé en déshérence les terres attribuées faute de moyens. Ces « arrangements » constatés et les cessions de titre de jouissance à titre informel furent réalisés essentiellement au profit d’entrepreneurs (urbains ou ruraux), de cadres de l’État ou de commerçants fortunés. L’absence de législations foncières réglementant les locations, conjuguées au terrorisme qui affectait sévèrement les campagnes, furent ainsi à l’origine de profonds bouleversements fonciers du domaine privé de l’État66.
Les transactions foncières sur les terres publiques qui s’étaient multipliées avaient accentué un processus de déclassement de la classe des ouvriers agricoles, et celle-ci ne sera plus considérée comme le partenaire social privilégié de l’État. Les politiques publiques feront dorénavant plus souvent référence aux « professionnels de l’agriculture », aux entrepreneurs agricoles et aux investisseurs privés. Au cours de cette période (1990-2000), la petite paysannerie peu dotée en terre et en équipements sera également la principale victime du programme d’ajustement structurel agricole. Elle sera confrontée à des situations de misère extrême, au point d’exiger l’intervention directe de la Banque Mondiale pour déployer des programmes de lutte contre l’extension de la pauvreté67.
Les contraintes financières et budgétaires issues du programme d’ajustement structurel agricole (PASA) furent progressivement levées à la fin des années 1990, à la faveur d’une remontée spectaculaire des cours internationaux du pétrole. L’État élabora, au cours de l’été 2000, les grandes lignes d’un nouveau programme national de développement agricole (Bessaoud, 2002)68. Il s’attela à compléter la législation agricole en promulguant une loi d’orientation agricole69, suivie d’une loi définissant les nouvelles conditions d’exploitation des terres agricoles du domaine privé de l’État qui venait confirmer le processus de démantèlement des grands « domaines agricoles socialistes » hérités de la réforme de 1981, et donner un cadre légal à un mouvement de constitution d’exploitations individuelles (voir supra).
La concession de 40 ans : un processus d’atomisation des exploitations publiques et de recomposition sociale des campagnes
La loi-cadre d’Orientation agricole énonça en 2008 que « le mode d’exploitation des terres agricoles relevant du domaine privé de l’État est la concession » (article 17). La loi 10-03, promulguée en 2010, invitait les bénéficiaires de la loi 87-19 de juillet 1987 à déposer auprès de l’Office National des Terres Agricoles (ONTA) une demande de conversion du droit de jouissance perpétuelle en droit de concession de 40 ans70. La mise en œuvre de cette loi a donné naissance à 80 466 exploitations agricoles pour une superficie globale de 2,2 millions d’ha. Le nouveau cadre juridique autorisait la sortie des EAC et le partage des terres et du capital d’exploitation dans les anciennes EAC. Les exploitations agricoles collectives ont connu un processus d'atomisation, et les EAC éclatées sont transformées en petites exploitations ne dépassant pas 5 ha de superficie (généralement comprises entre 3 et 5 ha)71. La loi 10-03 disqualifiait des bénéficiaires pour non-respect de l’ancien cahier des charges (non exploitation de la terre, location ou détournement de leur vocation agricole). Les mesures de retrait des terres aux anciens bénéficiaires concernaient une superficie de près de 300 000 ha, soit plus de 10% des surfaces agricoles des anciens EAC/EAI (ONTA, 2018)72. Cette loi régularisait également les situations des locataires qui avaient acquis des quotes-parts et investi sur les terres. Ce sont ces acteurs, qui avaient multiplié les contrats de location (oraux ou accords sous seing privé) ou acquis des titres de cession des droits de jouissance auprès des premiers attributaires des EAC/EAI, ou d’autres, qui avaient profité d’arrêtés d’attribution de wali73, qui furent les principaux bénéficiaires de la loi du 15 août 2010.
Si la loi 10-03 avait déjà autorisé les bénéficiaires des EAC-EAI à recourir à des accords d’associations avec des « apporteurs de capitaux », la législation agricole ira plus loin dans le sens de l’encouragement des investisseurs privés, en invitant les fermes pilotes -érigées en société par actions- à contracter des accords de partenariat avec des investisseurs privés74. Les partenaires algériens des fermes pilotes identifiés seront essentiellement des groupes de l’industrie agro-alimentaire (Sim de Blida, Sarl Hodna Lait, Cevi-Agro Alger, Laacheb de Blida, Société Tifralait, le groupe Safruit…), et/ou des « professionnels » impliqués dans le développement de filières agricoles, de même que des commerçants, des propriétaires de biens immobiliers ou des hommes politiques (ONTA, 2018)75.
À l’issue de cette rétrospective historique décrivant les étapes parcourues par le secteur agricole et les transformations sociales qui ont caractérisé le monde agricole, il convient d’identifier les défis et/ou les questions du futur agricole de l’Algérie.
Quel futur agricole ?
Cinq défis majeurs menacent gravement à terme la souveraineté/sécurité alimentaire de l’Algérie.
Il y a, en premier lieu, le défi des changements climatiques et de la sécurité hydrique
Les experts du GIEC signalent en effet depuis des années que le pays est situé dans une région qui est un « hotspot » (point chaud), et exposé à des risques de températures supérieures à la moyenne mondiale (1,5°C dès 2035, avec la possibilité, sans changement radical de politique, d’atteindre 2,2°C degrés en 2050). Les modèles climatiques montrent assez clairement que ces tendances au réchauffement vont se renforcer au cours des 20 prochaines années. Avec le changement climatique, les précipitations devraient diminuer et les températures augmenter, ce qui aura des conséquences directes sur les capacités de mobilisation de la ressource en eau et sur les systèmes de culture. Le secteur de l’agriculture étant le premier consommateur de cette ressource, les productions agricoles -et donc l’offre aux consommateurs- seront directement affectées (RED, 2020).
L’Algérie agricole qui est en grande partie localisée dans le triangle aride et semi-aride (85% de la superficie totale des terres hors Sahara), sera de plus en plus soumise à des sécheresses fréquentes et à des accidents climatiques.
Ce diagnostic est largement partagé par le Plan National Climat (PNC, 2018) qui a été adopté par les autorités.
Cette dimension liée au changement climatique est aujourd’hui très largement sous-estimée dans les programmes agricoles affichés par le Ministère de l’agriculture. Les mesures d’adaptation aux changements climatiques (CC) sont ainsi loin de répondre aux effets de l’intensité de ces changements climatiques.
Un défi majeur se pose donc dans un pays où l’orientation donnée aux politiques publiques agricoles se fonde sur une intensification accrue des modes d’exploitation des ressources naturelles.
Le deuxième défi auquel sera confronté l’Algérie a trait à la préservation de ses ressources naturelles
Le diagnostic porté sur l’état des ressources naturelles est sévère : elles sont rares et se dégradent sous l’effet de multiples formes d’érosion et et/ou de surexploitation qui menacent les équilibres écologiques des différentes régions naturelles. L’urbanisation incontrôlée est fortement consommatrice de terres les plus riches du pays. Les ressources hydriques sont gravement affectées par la surexploitation ou la salinisation, et l’on assiste ainsi dans certaines régions du Tell à la disparition de l’artésianisme ou à des rabattements des aquifères ayant pour conséquence le recul de certaines cultures irriguées. La désertification menace plus de 17 millions d’hectares dans les zones de steppes et le couvert forestier de l’Algérie du Nord est exposé en permanence au risque naturel (incendie) ou à la pression anthropique (déboisement-défrichement). Cette dégradation des sols serait à la limite de la réversibilité et de la capacité de résilience de certains écosystèmes.
L'utilisation généralisée des variétés sélectionnées a entraîné l'abandon de nombreux cultivars locaux et l'appauvrissement de l'agro-biodiversité (variétés de blé, d'orge, de maraîchage, de fourrages ou de fruits...).
La stratégie de développement de l’agriculture saharienne pour accroitre les surfaces irriguées et les productions agricoles dites stratégiques qui a aujourd’hui la préférence des autorités publiques devra impérativement tenir compte des contraintes sévères qui caractérisent ces milieux fragiles.
Une nécessaire refondation du paradigme technique pour l’agriculture algérienne
Les politiques publiques doivent impérativement promouvoir un nouveau paradigme technique agricole visant à s’affranchir d’un modèle fortement inspiré des pays du nord aux conditions agro-climatiques bien différentes de notre pays, et fortement consommateur de produits chimiques, de pesticides et d’équipements agricoles importés. Il est temps pour l’Algérie d’inventer des systèmes techniques durables, de valoriser des pratiques et savoir-faire techniques paysans améliorés au contact des principes de l’agrologie moderne. Il convient, dans ce cadre, de réhabiliter l’héritage de l’agronomie arabo-andalouse qui avait su mobiliser la petite hydraulique et des connaissances botaniques de haut niveau portant sur les plantes, la sélection animale, la diversification et l’adaptation des cultures à la qualité des sols et à la fertilisation des champs (Bessaoud et al., 2022). Il s’agit de gérer la fertilité des sols et de produire des aliments préservant la santé des consommateurs.
La stratégie technique recommandée repose, en partie, sur une amélioration d’une agriculture sèche diversifiée, combinée à l’élevage, ce qui permet de minimiser les conséquences des risques climatiques et économiques.
Le défi de la souveraineté alimentaire et de la relance de la petite agriculture familiale
Les défis du futur ne peuvent être relevés sans bouleverser les termes sociaux qui fondent aujourd’hui la politique agricole.
La petite agriculture familiale qui engage des centaines de milliers de paysans reste toujours en attente d’une reconnaissance par l’État et d’une politique de soutien actif (FAO-CIHEAM-INRAA, 2021)76. L’agriculture à petite échelle constitue la ressource principale pour orienter la production agricole vers les produits de base et améliorer la sécurité nutritionnelle de la population. La diversification des activités, des systèmes de culture adaptés, la sélection de variétés de semences paysannes plus résistantes au stress hydrique permettraient de réduire les risques liés aux marchés et au changement climatique.
Cet enjeu, peut-être plus modeste, mais plus ambitieux à long terme, permettrait de valoriser les ressources locales, l’ingéniosité et la force de travail de milliers de familles paysannes qui occupent et travaillent dans leurs territoires de vie.
En Algérie, les exploitations agricoles familiales sont majoritaires dans les territoires ruraux les plus profonds (montagnes, steppes, oasis). C’est au sein de ces exploitations que se déploient des centaines de milliers de céréaliculteurs, de producteurs de fruits et de légumes, d’éleveurs (notamment dans le bovin laitier) produisant et alimentant les marchés locaux et régionaux, contribuant à la sécurité alimentaire, de leur ménage, de leur territoire ou du pays.
Réhabiliter la petite agriculture familiale, c’est réhabiliter de nombreux territoires ruraux, c’est également promouvoir une souveraineté alimentaire fondée sur une diversification des productions agricoles de qualité, l’accès à la terre aux paysans et le respect de l’environnement.
Le défi économique de la sécurité alimentaire face à la crise des marchés mondiaux
La crise des marchés et les hausses des cours des matières premières qui ont eu lieu dès le printemps de l’année 2020, qui a été réactivée en 2022 par le conflit Russie-Ukraine, indique les risques d’approvisionnement durable du pays. Les estimations FAO-OCDE montrent que la volatilité des prix des produits agricoles mondiaux doit se maintenir à un niveau élevé dans le futur (OCDE-FAO, 2018), car elle est de plus très dépendante des décisions politiques des grands pays producteurs (politiques de l’offre, politiques commerciales avec des restrictions et/ou des interdictions des exportations, fermetures de marchés…) et des évolutions de la géopolitique mondiale. Les finances publiques ne pourront supporter, à l’avenir, des dépenses d’importation de plus en plus élevées des produits de base. La crise récurrente des marchés mondiaux appelle, en conséquence, au renforcement des capacités internes de production afin de rééquilibrer une balance commerciale agricole structurellement déficitaire.
Conclusion
Ce rapide survol de l’évolution enregistrée ces 60 dernières années montre que l’agriculture algérienne n’a plus rien à voir avec l’agriculture coloniale. La production de vin qui faisait la richesse et la prospérité de la colonisation a quasiment disparu de la carte des cultures ou des exportations. La grande propriété coloniale a laissé place à des exploitations de petite ou de taille moyenne gérées par des descendants d’ouvriers agricoles -qui furent à l’origine des comités de gestion de domaines autogérés-, par des ménages de petits et moyens exploitants,
et les grandes concessions accordées à de grands entrepreneurs agricoles sont de création récente.
Au cours de ces 60 dernières années, les formes sociales d’organisations de la production au sein des domaines autogérés ont connu des bouleversements significatifs sous l’effet des multiples restructurations et réformes des modes de gestion auxquels ils ont été soumis. La révolution agraire, qui avait scandé des moments historiques de profonds changements sociaux dans les campagnes dans les années 1970, fut de courte durée, et aura en définitive laissé peu de traces sur l’état des structures agraires du secteur privé, les terres confisquées aux propriétaires fonciers ayant été restituées depuis plus de 30 ans.
La carte des cultures n’est plus celle des années 1960, car de nouveaux bassins de production ont surgi sous l’effet de la mise en valeur des terres dans les zones steppiques et sahariennes.
Les niveaux de consommation alimentaires (FAO, 2021)77 ainsi que l’indice du développement humain élevé ont confirmé les progrès spectaculaires de l’Algérie dans les domaines de la lutte contre la malnutrition et la faim (BM, 2021)78.
Les campagnes d’aujourd’hui ne sont plus celles héritées de la période coloniale, les programmes d’investissement, d’équipement socio-collectifs et d’emploi rural ayant largement contribué à réduire la pauvreté et les inégalités territoriales qui dominaient les campagnes algériennes79.
Enfin, les hiérarchies sociales ont été radicalement bouleversées dans le monde rural/paysan. La figure sociale du fellah et du prolétaire agricole qui dominait le monde rural a cédé la place à une classe moyenne d’agriculteurs et de grands entrepreneurs agricoles, devenue aujourd’hui les partenaires privilégiés de l’État.
Les politiques publiques d’inspiration libérale adoptées dès les années 1980 ont mis fin aux termes d’un compromis noué entre l’État et les fractions paysannes issues du système colonial (prolétariat et sous-prolétariat agricole, petits paysans) ainsi qu’avec les communautés rurales traditionnelles. Ces mêmes communautés traditionnelles (en décomposition) et leurs institutions (J’maâ) sont même aujourd’hui impuissantes face aux tendances à la privatisation des terres collectives (arch), où elles avaient toujours exercé des droits historiques80.
De nouveaux acteurs sociaux issus des villes ou des campagnes prospèrent et disputent aujourd’hui terres, eau, argent et capital social à la paysannerie et aux pasteurs. L’installation de ce nouvel ordre social dans les campagnes pose l’exigence d’une intervention forte de l’État afin de corriger les tendances à la concentration foncière, et de réduire les formes de pauvreté et de précarité qui font suite à la perte de contrôle sur les terres par une fraction de la paysannerie, voire même sa sortie du secteur agricole.
Face aux processus de dégradation des ressources naturelles et des risques liés aux changements climatiques, les performances agricoles résultant d’une mise en valeur intensive des terres et/ou d’une surexploitation de l’eau d’irrigation confiées à des investisseurs privés, ont atteint aujourd’hui des limites objectives.
Afin d’affronter un défi environnemental et climatique majeur, et d’apporter une solution durable à la sécurité/souveraineté alimentaires, l’Algérie ne peut faire l’économie d’une refondation de sa politique publique agricole et rurale. Celle-ci doit impérativement inscrire dans ses objectifs une réforme des structures agraires, intégrer la nécessaire protection des patrimoines naturels et l’amélioration des conditions de vie et de travail des populations paysannes et rurales.
Bibliographie
Abdi, N. (06 au 10 septembre 1977). Le mythe de l'autogestion en Algérie. Seconde Conférence Internationale sur la participation, le contrôle ouvrier et l'autogestion, Paris.
Ageron, Ch. R. (1990). Histoire de l'Algérie contemporaine : 1830-1988. Paris : P. U. F.
Aït-Amara, H. (1970). Étude de quelques conditions de la participation des travailleurs dans les exploitations agricoles d’autogestion. Thèse de IIIème cycle. Paris : EPHE.
Aït Amara, H. (1996). Le changement social dans les campagnes algériennes. Comprendre la crise, éd. Manceron, G. et al., Éditions complexe, p. 95-110.
Ait Amara, H. (2002). La transition de l'agriculture algérienne vers un régime de propriété individuelle et d'exploitation familiale. Options Méditerranéennes (36), 127-37.
Bedrani, S. (1990). L’expérience algérienne d’autogestion dans l’agriculture. Cahiers du CREAD (23-24), (3ème et 4ème trimestres 1990).
Benbarkat, H. (2008). La mobilité sociale et ses lois : cas de l’attribution foncière. Thèse de doctorat d’État, Université de Constantine. Faculté des Sciences Sociales et Humaines. Département de Sociologie, 2007-2008.
Berque, J. (1962). Le Maghreb entre les deux guerres. Paris : Éditions du Seuil, p. 445.
Bernard de Raymond, A. (2011). Une « Algérie californienne » ? L'économie politique de la standardisation dans l'agriculture coloniale (1930-1962). De Boeck Supérieur, Politix, 3(95), 23-46.
Bessaoud, O. (1980). La révolution agraire en Algérie : continuité et rupture dans le processus de transformations agraires. Revue Tiers Monde, (83), 605-626.
Bessaoud, O. (1989). La réforme agricole : une nouvelle tentative d’issue à la crise agricole. Revue Mondes en développement, 17(67). 117-127.
Bessaoud, O. (2002). L'agriculture algérienne : des révolutions agraires aux réformes libérales (1963 -2002). Blanc, P. (dir.), Du Maghreb au Proche-Orient : les défis de l'agriculture. Paris : L'Harmattan, p. 73-99.
Bessaoud, O. (2013). La question foncière au Maghreb : la longue marche vers la privatisation. Revue du CREAD, (103), 17- 44.
Bessaoud, O. (2013). Aux origines paysannes de la crise politique en Afrique du Nord : l’exception algérienne. Revue Machrek-Maghreb, (215), 9-30.
Bessaoud, O. (2019). Agriculture et paysannerie en Algérie. De la période coloniale aux politiques agricoles et rurales d’aujourd’hui (1962-2019). Éditions Qatifa-Apic, p. 354.
Bessaoud, O. ; Abdelguerfi, A. et Belaid, D. (1 juin 2022). 60 ans après l’indépendance, il est temps de décoloniser le système technique agricole dans notre pays. Quotidien El Watan.
Bouchaïb, F. (2010). Conception et application des politiques foncières en Algérie. Cas du périmètre irrigué de la Mitidja Ouest. Thèse de doctorat en sciences agronomiques, ENSA.
Boukella, M. (2021). Les statistiques agricoles en Algérie entre défaillances et manipulations. Pour une économie politique de l’agriculture. Noisy Le Sec, France : Éditions Qatifa, p. 233.
Charte de la Révolution agraire (1971). (Journal Officiel du 30 novembre 1971, n° 97).
Chaulet, C. (1971). La Mitidja autogérée. Alger : SNED.
Chevalier, L. (1947). Le problème démographique nord-africain. Éditions PUF.
Chevalier, L. (1947). Le problème démographique nord-africain. Institut national d’études démographiques. Travaux et documents, cahier n°6, Paris : Presses Universitaires de France, p. 221.
CENEAP, (1992). Bilan du développement rural. Juin 1992.
CENEAP, (2004). Développement humain et pauvreté en milieu rural, n° 34, collection les mutations du monde rural.
CNRA, (8/11/1979). Bilan de la CNRA du 30 juin 1979 publié par le journal El Moudjahid.
Centre National de la Recherche Scientifique (1976). Annuaire de l’Afrique du Nord 1975. Volume 14, Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman, p. 1396.
Cornaton, M. (1998). Les camps de regroupement de la guerre d’Algérie. Paris : l’Harmattan, p. 304.
Côte, M. (1996). L’Algérie : espace et société. Éditions Armand Colin, Chapitre 4, p. 30-41.
Daoudi, A. et Colin J.-P. (2017). Construction et transfert de la propriété foncière dans la nouvelle agriculture steppique et saharienne en Algérie in Didier Guignard (dir.), Propriété et société en Algérie contemporaine. Quelles approches? Institut de Recherches et d'Etudes sur le Monde Arabe et Musulman, IREMAM, p. 158-176.
Daoudi, A. ; Colin, J.-P. ; Derderi, A. et Ouendeno, M. L. (2017). Le marché du faire-valoir indirect vecteur de nouvelles formes d’exploitation dans la néo-agriculture saharienne (Algérie). Géographie, économie, société, 19(3), 307-330.
Demontès, V. (1930). L'Algérie agricole « 1830-1930 ». Collection du centenaire de l'Algérie, Paris : Librairie Larose, p. 367.
De Tocqueville, A. (1841-1846). « Sur l’Algérie ». Éditions Flammarion. 2003. p. 384.
Dumont, R. (1949). « Évolution récente et perspectives de l’agriculture Nord-africaine ». Institut d’observation économique. Paris : Étude spéciale (3), 32.
Dresh, J. (1953). La prolétarisation des masses indigènes en Afrique du Nord. La Méditerranée et le Moyen-Orient t. 1, La Méditerranée occidentale, Paris : PUF.
El Aïdi, A. (1980). Le processus de constitution d’une organisation paysanne dans le cadre de la Révolution agraire. Étapes et tendances. Revue Tiers Monde (83), 627-647.
FAO, CIHEAM-IAMM and INRAA. (2021). Étude sur l’agriculture familiale à petite échelle au Proche-Orient et Afrique du Nord pays. Focus- Algérie. p. 127.
Guillermou, Y. (4 juillet 2013). La terre, l’eau et l’arbre. Enjeux fonciers, politiques publiques et stratégies des producteurs ruraux dans les zones arides du Maghreb, Communication au Séminaire international du réseau FONCIMED, 1-IAM-Montpellier.
Harbi, M. (2022). L’autogestion en Algérie. Une autre révolution
(1962-1965). Éditions Syllepse, p. 341.
Harbi, M. (1991). L'Islamisme dans tous ses états. Paris : Arcantère, p. 220.
Idda, S. (2019). Aménagement de l’espace oasien à foggara face aux changements des conditions hydrogéologiques et socio-économiques. Cas des oasis de Touat, Gourara et Tidikelt (Sahara algérien). Thèse soutenue publiquement le 12 Février 2019, Université Oran 2 - Mohamed Ben Ahmed.
Imache, A. ; Bouarfa, S. ; Hartani, T. et Kuper, M. (2010). La Mitidja 20 ans après : réalités agricoles aux portes d'Alger. Alger : Éditions Alpha, p. 278.
Kateb, K. (2003). Population et organisation de l'espace en Algérie. Revue L’Espace géographique, (4), tome. 32, 311-331.
Koulytchisky, S. (1974). L’autogestion, l’homme et l’État. L’expérience algérienne, Paris : Mouton, La Haye, p. 482.
Lacheraf, M. (1965). Algérie : nation et société. Paris : Éditions Maspéro, p. 380.
Lequy, R. (1970). L’agriculture algérienne de 1954 à 1962. Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, (8), 41-99.
Ministère de l’agriculture et de la réforme agraire (1967). Séries statistiques agricoles n°2, structure des exploitations agricoles autogérées.
Mutin, G. (1977). La Mitidja, décolonisation et espace géographique. Paris : Éditions du CNRS, p. 607.
OCDE-FAO. (2018). Perspectives agricoles de l’OCDE et de la FAO 2021-2030. Principaux éléments de projection.
Office National des Terres Algériennes, Bilan 2018.
Observatoire de Sahal et du Sahara. 2008. Système aquifère du Sahara Septentrional. Gestion concertée d’un bassin transfrontalier (Algérie, Tunisie, Libye). Collection synthèse n° 1. P. Tunis, 48.
Otmane, T. et Kouzmine, Y. (2013). Bilan spatialisé de la mise en valeur agricole au Sahara algérien Mythes, réalisations et impacts dans le Touat-Gourara- Tidikelt, European Journal of Geography.
Parodi, M. (1967). L'autogestion des exploitations agricoles modernes en Algérie. Annuaire de l’Afrique du Nord, CNRS.
Plan Bleu. (2020). Rapport sur l’Environnement et le Développement.
Ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement, Mate (2018). Plan National Climat.
Raptis, M. (1967). Le dossier de l’Autogestion en Algérie. Revue Autogestion, (3), 1-168.
Secrétariat social d'Alger. (1954). La lutte des Algériens contre la faim. Alger.
Tillon, G. (1999). L’Afrique bascule vers l’avenir. Paris : Éditions Tirésias- Michel Reynaud.
Notes
1 Voir les critiques du système d’information agricole dans l’ouvrage de Mourad Boukella.
2 Un peu plus du quart (28%) des exploitations agricoles recensées en 1950-51contrôlaient 86% des terres.
3 Toutes les données qui suivent sont tirées de Lequy, R. (1970). L’agriculture algérienne de 1954 à 1962. Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, (8), 41-99.
4 Voir La lutte des Algériens contre la faim. Secrétariat social d'Alger, Alger 1954.
5 La valeur de la production de vin était de 30% contre 20% pour la production de céréales.
6 L’expression est de Germaine Tillon « Un paysan aurésien de 1954 : Mohand-ou-si-Tayeb », p. 33 et suivantes.
7 Parce qu’elle incarne depuis le XIXème siècle la continuité historique dans la résistance anticoloniale, et parce qu’elle « a supporté le fardeau le plus lourd, la paysannerie qui constitue l'écrasante majorité de la nation, [et] mis tous ses espoirs dans l’indépendance…une réforme agraire doit être entreprise autour du mot d’ordre la terre à ceux qui la travaillent », notait la Charte de Tripoli, in CNRS, Annuaire de I’ Afrique du Nord, 1962, p. 683.
8 À la fin de l’année 1962, on a recensé 785 000 départs d’européens d’Algérie soit 76 % de la population européenne. Celle-ci absorbait 40 % de la consommation et 55% de la production agricole. Il y a eu le départ de 82% des agents d’administration et de 95% des cadres (Lequey, 1970).
9 Les conditions historiques d’une redistribution des terres à une petite paysannerie n’étaient objectivement pas réunies au lendemain de l’indépendance. Ces conditions historiques disqualifiaient une grande propriété foncière algérienne qui détenait en partie ses titres propriétés de ses alliances avec l’occupant.
10 Les Accords d’Evian (18 mars 1962) avaient prévu la mise en place durant la période de transition jusqu'au référendum d'autodétermination d’un Exécutif provisoire qui s’installera à Rocher Noir (Boumerdès).
11 L’Ordonnance 62-020 du 24 août 1962 institua une « Gestion provisoire » des biens vacants. L’Ordonnance du 21septembre 1962 procéda à la création du Bureau National à la protection et à la gestion des biens vacants. Le Décret du 23 octobre 1962 portait interdiction de toute transaction sur les biens vacants et annulait tous les contrats de conversion intervenus depuis le 1er Juillet 1962 en Algérie et hors d’Algérie.
12 Raptis, M. (1967). Le dossier de l’Autogestion en Algérie ». Revue Autogestion/ année 1967/ n° 3/ pp 1-168. La citation figure dans l’introduction au dossier, p 3.
13 Le premier gouvernement fut constitué le 29 septembre 1962. Il promulguera le Décret 62-02 du 22 octobre 1962 ordonnant la création dans chaque exploitation agricole vacante comprenant plus de 10 travailleurs d’un comité de gestion.
14 Les Décrets de mars de 1963 sont les suivants : Décret n° 63-88 du 18 mars portant réglementation des biens vacants, J.O.R.A., n° 15, du 22-3-63, p. 282 ; Décret n° 63-95 du 22 mars 1963 portant organisation et gestion des entreprises industrielles, minières et artisanales ainsi que des exploitations agricoles vacantes, J.O.R.A., n° 17, 29-3-63, p. 298 ; Décret n° 63-98 du 28 mars 1963 déterminant les règles de répartition du revenu des exploitations et entreprises d’autogestion. Les décrets de mars 1963 dotent les fermes autogérées d'un statut définissant les organes internes de gestion (Assemblée générale des travailleurs, Conseil des travailleurs, Comité de gestion, Président et Directeur). Le dispositif juridique sera enfin complété par un décret qui fixera les règles de répartition du revenu et des bénéfices des exploitations autogérées.
15 Personnel indigène et notables de l’administration coloniale.
16 Lois n° 63-276 du 26 juillet 1963 relative aux biens spoliés et séquestrés par l'administration coloniale, JORA, n° 53, 2-8-63, p. 774.
17 Décret n° 63-388 du 1er octobre 1963 déclarant biens de l'État les exploitations agricoles appartenant à certaines personnes physiques ou morales, JORA, n° 73, 4-10-63.
18 Le départ massif des cadres et gérants avait privé l’agriculture algérienne d’un encadrement technique pour assurer la gestion des exploitations agricoles et l’agriculture algérienne- administration comprise- ne disposait plus en juin 1962 que de 30 ingénieurs des services agricoles, 36 ingénieurs d’application des travaux agricoles, 116 techniciens et 56 comptables. La taille moyenne d’un domaine autogéré était, en effet, de 1066 ha en 1965 (MARA, 1967).
19 Le Conseil de la Révolution, nouvelle institution issue du coup d’État du 19 juin 1965 relève dans le communiqué final de sa réunion des 25-26 novembre 1965 « des insuffisances notables dans le fonctionnement de l'autogestion agricole et constate en particulier que l'autogestion n'a, en fait, dans ses dispositions essentielles, jamais dépassé le stade formel des textes » et charge le gouvernement « de mettre en place, progressivement, de nouvelles structures de soutien adaptées à la décentralisation et à la déconcentration de la gestion et des responsabilités ».
20 C’est le Décret du 4 avril 1963, portant nouvelle dénomination du bureau national de la protection et de gestion des biens vacants et fixant ses attributions, qui instituait le BNASS.
21 Mémorandum est adressé le 20 août 1963 par Michel Raptis au président Ben Bella sur les « dangers qui guettent l’Autogestion ». Il signalait que « l’autogestion n’existe plus dans le cas où son autonomie économique est abolie dans les faits, ainsi que l’autonomie de son administration … ». Raptis, opus cité.
22 Trois facteurs ont été source de difficultés majeures pour le secteur autogéré : si les marchés du vin et des agrumes s’effondrent, il y a lieu de souligner ensuite que l’appareil productif poursuit sa dégradation faute d’investissements, et qu’enfin la main d’œuvre la plus expérimentée abandonne le secteur.
23 Office des fruits et légumes d’Algérie (OFLA) chargé de la commercialisation des produits des domaines, office national du matériel agricole (ONAMA), office de commercialisation des vins (ONCV), du lait (ONALAIT), de l’oléiculture (ONAPO), de l’alfa (ONALFA), des aliments du bétail (ONAB). Les SAP conserveront le monopole de l’approvisionnement en intrants agricoles. La Caisse Centrale des S.A.P. cède son activité de financement au « département crédit agricole » de la Banque nationale d'Algérie. L’innovation majeure fut la création, la même année, des coopératives de comptabilité et de gestion (CACG), et de leurs Unions régionales chargées de tenir les comptes des domaines.
24 En application de l’Ordonnance n° 75-42 du 17 juin 1975 modifiant et complétant l’ordonnance n°68-653 du 30 décembre 1968 relative à l’autogestion dans l’agriculture, de nouvelles dispositions législatives supprimaient le poste de directeur et de représentant de l’État au sein du domaine autogéré. L’État affecta dans chacun des domaines autogérés un technicien qualifié « chargé d’assister le Président dans la mise en œuvre de l’exécution des tâches techniques » ; selon la nouvelle loi, il revenait de droit au collectif des travailleurs le soin de recruter tout technicien de la production et de la gestion nécessaire au fonctionnement de l’exploitation.
25 Instruction présidentielle n 14 du 17 mars 1981.
26 Les domaines publics seront bénéficiaires en 1986/87. Leur compte d’exploitation enregistre un solde positif pour un montant de 27 millions de DA.
27 Circulaire interministérielle relative aux modalités de mise en œuvre des mesures de réorganisation des domaines agricoles du secteur public en date du 30 août 1987 suivie de La loi 87-19 portant réorganisation du domaine agricole public adoptée le 7 décembre 1987.
28 Chaque DAS fut éclaté en 6 ou 7 exploitations.
29 Production qui fut supérieure à celle des années 1950-55 estimée en moyenne annuelle à 20 millions de quintaux. Les céréales occupaient à cette époque les trois-quarts des terres utilisées par les domaines autogérés et fournissaient 25,6% du produit agricole brut.
30 Les article 1 et 2 du décret n° 69-19 du 15 février 1969 relatif aux attributions du Ministre de l'agriculture et de la réforme agraire en matière d'autogestion agricole indiqueront ainsi, que c’est « le ministre de l'agriculture et de la réforme agraire [qui]définit l'orientation technique et économique des exploitations autogérées agricoles et en exerce le contrôle … approuve les plans de culture élaborés par les organes intéressés, détermine les normes des frais culturaux, vise toutes demandes d'attribution de crédit à moyen et long termes… arrête les barèmes définissant les avances sur revenu et les avantages en nature destinés aux membres du collectif… établit les normes de travail applicables aux exploitations autogérées agricoles », et fixe les prix des produits agricoles livrés obligatoirement aux organismes de commercialisation officiels.
31 H. Benbarkat soulignera, dans sa thèse de doctorat, qu’au cours de cette première phase anticoloniale, l’on assiste à « la naissance de l’État algérien [qui] coïncide avec celle du secteur public algérien » (Benbarkat, 2008).
32 L’éditorial du 1er numéro de la Revue Autogestion, publié à l'occasion du Congrès du secteur industriel socialiste en mars 1964 notait que, « l'autogestion qui est la voie retenue pour conduire l'Algérie vers le socialisme. La généralisation du système marquera la consécration irréversible de l'autogestion, base de notre nouvelle société, base d'un nouvel ordre social ».
33 À la veille de la réforme agraire, un peu moins de 2 % des propriétaires fonciers (disposant de plus de 100 hectares) concentraient près du quart des terres (23 % exactement), alors qu'à l'autre pôle, les deux tiers (69 %) des exploitants des terres de moins de 10 hectares se partageaient à peine 18,7 % des terres agricoles (Charte de la « Révolution agraire » RA, 1971).
34 Circulaire du Ministère de l'Agriculture n° 123 de juin 1979 portant « clôture des opérations de la RA ».
35 Bilan de la CNRA du 30 juin 1979 publié par le journal El Moudjahid du 8 novembre 1979.
36 L'enquête portant sur les coopératives de la révolution agraire et qui a touché 5.900 unités coopératives recense 4.205 CAPRA qui représentaient 72 % du total des unités coopératives créées, qui regroupaient 65 % des attributaires (52.000) et occupaient 82 % de la SAU (735.906 ha).
37 Les salaires réels agricoles passeront de l'indice 100 en 1969 à 152,9 en 1978.
38 Plus de 700 coopératives agricoles polyvalentes communales de services furent créées dans les campagnes.
39 La part relative des investissements réservée à l’agriculture a été de 27 % au cours du plan triennal 1967-1969, de 15 % lors du plan quadriennal 1970-73 et de 11 % lors du deuxième plan quadriennal 1974-77. Les investissements consacrés à l’agriculture chuteront à 5 % dans les années 1980-84 sans pour autant profiter à l’industrie.
40 Bilans des plans de développement. Ministère du Plan.
41 Elle aura dans les milieux oasiens ou steppiques des impacts limités.
42 Ordonnance portant Révolution Agraire du 8 novembre 1971 et Code pastoral du 8 novembre 1975.
43 La mouvance islamiste s’est manifestée dans le champ politique algérien dès l’indépendance algérienne. Cheikh El Ibrahimi –représentant de la tendance conservatrice du mouvement réformiste algérien- s’opposa ainsi vigoureusement aux orientations socialistes défendues par le régime du Président Ben Bella (1963-1965). La puissante association religieuse El Qiyam, des courants conservateurs du mouvement des oulémas (dont Cheikh Kheireddine issu d’une famille de grands propriétaires fonciers de Biskra) et le Secrétaire général du FLN dénoncèrent vigoureusement la réforme agraire promulguée en 1971. Le cheikh Abdelatif Soltani, issu des rangs réformistes, va également publier en 1974 un pamphlet intitulé Le mazdakisme est à l'origine du socialisme, qui est considéré par l’historien Mohamed Harbi comme le premier manifeste du mouvement islamiste en Algérie. Ce livre critiquait ouvertement les options socialistes de l’Algérie et affirmait avec force la nécessité pour la société algérienne de recourir à la loi islamique (Chariâ) (Harbi, 1991). El Aïdi émettait l’hypothèse que la direction du Parti FLN avait freiné en 1972 la constitution d’une organisation paysanne représentative de la paysannerie pauvre et sans terre (El Aïdi, 1980). Voir aussi l’instruction présidentielle n° 52 « La révolution agraire demeure encore une bataille politique ».
44 Michel Raptis avait évoqué parmi les difficultés de l’Autogestion le « manque d’un syndicat national regroupant les travailleurs de la terre ». Dans le même Mémorandum qu’il a adressé le 20 août 1963 au président Ben Bella, il notait que « des déformations graves sont en train de se produire […] Cela laisse place à la gestion étatique, centralisée et nécessairement de caractère bureaucratique et autoritaire ». Raptis, opus cité.
45 El Aïdi, A. (1980), p. 646. Le retrait de la bourgeoisie rurale traditionnelle, largement entamé par l'indépendance de l'Algérie, se réalisait au profit de nouvelles fractions appartenant aux classes moyennes rurales, groupes de paysans intermédiaires qui tirent avantage de la place qu'ils occupaient dans les réseaux et appareils d'État, mais aussi des évolutions favorables du marché des produits agricoles.
46 C’est le Front de Salut Islamique (FIS) qui encadrera en 1989, les grands propriétaires fonciers organisés dans « l’Union des Fellahs Indépendants d’Algérie », et revendiquant la restitution des terres nationalisées par la réforme agraire de 1971.
47 Ordonnance n° 74-89 du 1er octobre 1974 portant organisation du commerce des fruits et légumes.
48 Pause marquée par le non engagement de la phase qui concernait la nationalisation des troupeaux des grands éleveurs et la réorganisation des parcours steppiques.
49 Les recettes extérieures chutent de 40% entre 1985 et 1986 et le ratio du service de la dette sur les recettes d'exportation passe d'une année à l'autre de 35% à 60%.
50 Circulaire du Ministère de l'agriculture n°123 de juin 1979 portant "clôture des opérations de la RA".
51 Décret n 83-374 du 28 mai 1983.
52 Qui intervient en janvier 1984 sur une simple décision prise par le Ministère de l’agriculture dirigé par S. Saadi (1979-1984).
53 Loi 90-25 d’orientation foncière du 18/11/1990. Cette loi découlait de la nouvelle Constitution du 23 février 1989 qui garantissait dans son article 49 les droits de propriété privée et consacrait trois catégories juridiques de propriété des biens : les biens domaniaux, les biens Melk ou de propriété privée et les biens Wakfs (ou Habous).
54 Cf. Article 15 de l’Ordonnance n° 95-25 du 25 septembre 1995 modifiant la loi 90-25 du 18 novembre 1990). Il faut enfin signaler une multiplication d’arrêtés pris par des walis attribuant des actifs fonciers à des notables et personnalités politiques et militaires, et les transactions ont été particulièrement importantes lors des années de terrorisme islamiste. Il faudra attendre la promulgation d’une circulaire au cours de l’année 2005 pour interdire, sinon freiner, ce processus de transactions qui se déroulait en dehors de tout cadre juridique.
55 Loi 83-18 du 13 août 1983 portant accession à la propriété foncière (APFA). Les procédures d’accession à la propriété foncière par la mise en valeur, se sont traduites par l’attribution de 1,17 million d’hectares en faveur de 145.000 bénéficiaires depuis la promulgation de la loi sur l’APFA (Office National des Terres Agricoles, situation arrêtée au 31 Mars 2018).
56 Catégorie de métayers assimilée à une main d’œuvre servile à l’origine esclaves noirs dépendant de chorfas, eux issus pour la plupart d’une aristocratie religieuse considérée comme descendants de marabouts ou de musulmans ayant contribué à l’islamisation des régions du sud du pays.
57 Le décret n° 97-483 du 15 Décembre 1997, fixe les modalités, les charges et les conditions de la concession de parcelles de terre du domaine privé de l'État. Ce décret autorise la transformation en droit de concession des terres attribuées dans le cadre de l’APFA. Dans les territoires des régions du sud, steppique et du nord, l‘État a engagé des investissements lourds en infrastructures (électrification, pistes d’accès, forages), conduits par la Générale des Concessions (GDC). Il a redistribué les terres des périmètres ainsi valorisées à des investisseurs privés (agriculteurs ou non agriculteurs).
58 Des études empiriques ont largement documenté les formes concrètes de développement de cette agriculture saharienne et steppique, identifié les origines et les parcours de ces nouveaux entrepreneurs agricoles, les innovations techniques ainsi que les formes de contrats mobilisés pour accéder aux ressources naturelles (Daoudi, Colin, 2017, Daoudi et al., 2017).
59 Ces surfaces seraient passées de 350 000 ha en 2000 à plus de 1,4 millions d’hectares en 2021 (DSASI, 2022).
60 Le Ministère de l’Agriculture, du Développement Rural et de la Pêche aspire à porter la superficie des surfaces irriguées à 2,0 millions d’hectares pour 2024 (MADR, feuille de route 2021-2024). Par ailleurs, si l’Algérie coloniale n’avait réalisé entre 1926 et 1958 que 11 barrages-réservoirs d’une capacité de 800 millions de m3, elle comptait en 2021, près de 85 barrages dotés d’un potentiel mobilisable de plus de 12 milliards de m3.
61 Le bilan de cette mise en valeur est mitigé (Otmane, Kouzmine, 2013). Les études ont démontré l’échec du modèle agrobusiness confronté, d’une part, aux fortes contraintes de ces régions sud du pays (de sol, de climat, de distance où des exploitations sont atomisées sur de vastes espaces…), et d’autre part, bâti sur des techniques sophistiquées difficilement maîtrisées par les acteurs.
62 Selon les estimations du Ministère de l’agriculture, le sud représenterait, aujourd’hui, 25% de la valeur de la production agricole du pays. Les wilayas de Biskra et d’El Oued, au sud-est du pays, concentreraient à elles seules près de 17% de la SAU irriguée du pays. Oued Souf dans le sud-est algérien serait devenu, avec 40% de la production nationale, le premier bassin de production de la pomme de terre, et la commune steppique de Rechaïga serait le premier fournisseur en oignons du pays. Le Ministère de l’agriculture met aujourd’hui un accent tout particulier sur le développement de l’agriculture saharienne. Il vise à créer de nouveaux périmètres agricoles dans le sud du pays en s’adossant sur l'office de développement de l’agriculture industrielle en terres saharienne (ODAS).
63 Le journal El Moudjahid publia des listes d’indus-bénéficiaires des terres publiques. Des attributions non conformes à la loi au profit de nombreuses personnes liées au régime politique précipitent même la chute du gouvernement « réformateur » initiateur de cette nouvelle loi foncière. Une enquête diligentée par le Ministère de l’agriculture relevait que 10% des attributions étaient contraires à la loi.
64 Faute d’un cadastre actualisé, des parcelles « marginalisées » ont fait l’objet d’appropriations privées. Constructions illicites, accaparements abusifs, intrusion du capital privé marchand dans les exploitations via les locations se multiplient sur les terres publiques. L’arrachage de la vigne de cuve qui occupait plus de 80% du total des superficies a contribué à cette érosion des effectifs ouvriers. L’on avait ainsi observé le départ de plus de 37 000 travailleurs, entre 1964-65 et 1976-77 (G. Mutin (1977). La restructuration de 1981 fut suivie par la mise à la retraite de plus de 40.000 travailleurs.
65 Au sein des exploitations agricoles qui se constituèrent, des exploitants titulaires de lots collectifs de terres publiques (EAC) avaient procédé à un repartage individuel des équipements, des bâtiments et des lots, de sorte que les EAC n’avaient plus, après quelques mois de mise en œuvre de la réforme, qu’une existence fictive sur le plan juridique (Bessaoud, 1989, Aït-Amara, 2002, Bouchaïb, 2010).
66 Les transactions informelles opérées dans les années 1990 ont fait l’objet d’une enquête dont les conclusions sont contenues dans un rapport de l’Inspection Générale des Finances en 2005 qui fait état de la dilapidation du foncier à Alger entre 1994 et 2000.
67 La revue du CENEAP (2004), « Développement humain et pauvreté en milieu rural », n° 34, collection les mutations du monde rural. Cf « Programmes Emploi Rural » (PER) engagés dans les années 1990-2000.
68 Voir les principales orientations dans la circulaire du Ministère de l’agriculture et des pêches du 10 juillet 2000 portant « Encadrement pour la mise en œuvre du programme national de développement agricole ».
69 Loi n°08-16 du 3 août 2008 portant orientation agricole.
70 La loi n° 10-03 du 15 août 2010 fixant les conditions et les modalités d’exploitation des terres agricoles du domaine privé de l’État. L’ONTA a été créé par le décret exécutif n° 96-87 du 24 février1996, modifié et complété par le décret exécutif n° 09-339 du 22 octobre 2009. Ses principales missions consistent à instruire les demandes de concession des terres du domaine privé de l’État, à assurer le suivi des conditions d’exploitation des terres agricoles, à bail ou en vente les terres déclarées inexploitées, à exercer le droit de préemption des terres mises en vente, et enfin à mettre en place un fichier des exploitations agricoles, et une banque de données sur le foncier agricole.
71 Dispositifs règlementaire et foncier agricole. MADRP/DOFMVPP, 10 Mars 2019 et communication de la Chambre Nationale d’Agriculture du 6/3/2019.
72 Bilan ONTA en septembre 2018. Le nombre de demandes de conversion des droits de jouissance en droits de concession déposées est de 212 275 dossiers pour une superficie de plus de 2,4 millions d’ha.
73 La presse nationale rapportait régulièrement les cas de détournements, d’accaparements de terres ou de pratiques foncières spéculatives au profit de cadres, gradés de l’armée ou de leurs familles, d’industriels ou commerçants… Des décisions de walis avaient également profité à des notables.
74 Cf. Décret exécutif n° 11-06 du 10 janvier 2011 précisant les modalités d’exploitation des terres relevant du domaine privé de l’État affectées ou rattachées à des organismes et établissements publics et l’instruction du 14 mars 2011 du MADR relative aux conditions et modalités de mise en œuvre de partenariats en vue de la gestion et de l’exploitation des fermes pilotes érigées en entreprises publiques économiques. Il faut rappeler que les fermes pilotes créées en 1982 avaient conservé le statut de fermes d’État même après la loi 10-03 de 2010. Plus de 170 fermes pilotes disposant d’un potentiel de 150 000 ha de terres -les plus riches du pays sur le plan agronomique- étaient dédiées à la production de plants et semences, ou à la production de géniteurs et d’animaux sélectionnés pour la production animale. Ces FP servaient de champs d’expérimentation et de vulgarisation des techniques agricoles au profit des agriculteurs, des éleveurs et des collectifs des EAC.
75 Délibération du Conseil de Participation de l’État en date du 11 janvier 2018.
76 Pour une définition de la petite agriculture familiale, se référer à l’étude de la FAO, CIHEAM-IAMM and INRAA. 2021.
77 La population algérienne n’est plus confrontée à des situations d’insécurité alimentaire. L’examen des données portant sur la prévalence de la sous-alimentation établi par les organisations internationales (FAO, PAM, UNICEF, FIDA, OMS) confirme des progrès spectaculaires de l’Algérie dans le domaine de la sécurité alimentaire. L’Algérie a été classée parmi le groupe de pays à revenus élevés. FAO-PAM (2021). L'état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde.
78 L’Algérie se trouve ainsi classée dans la catégorie des pays ayant un niveau de développement humain élevé. Banque Mondiale (2021). Algérie. Rapport de suivi de la situation économique.
79 L’amélioration de la situation sociale a été mesurée par la Banque Mondiale (BM) par un indicateur qui est le taux de pauvreté multidimensionnelle (IPM). Banque Mondiale (2021). Algérie. Rapport de suivi de la situation économique.
80 Des terres -d’origine arch- sont aujourd’hui concédées par l’État à des investisseurs privés (agriculteurs ou non agriculteurs) dans le cadre de ses différents programmes (APFA, création de nouvelles exploitations agricoles et d’élevage, droits de concession par la mise en valeur des terres). Des investisseurs se sont vus ainsi attribuer des périmètres dépassant la dizaine de milliers d’ha, et ceci au détriment des petits éleveurs et de communautés rurales locales.