Insaniyat n° 100, avril-juin 2023, p. 115-132
Karim KHALED: Institut National de Recherche en Éducation (INRE), 16 000, Alger, Algérie.
L’analyse des évènements biographiques, les parcours et les trajectoires des individus ne peuvent être saisis que dans leurs processus historiques. Le contexte historico-social est, par conséquent, déterminant dans ces processus transactionnels où se mêlent les processus biographiques avec les processus institutionnels. La socialisation des « soi » se réalise sous forme d’ajustement en perpétuelles tensions, tacites ou explicites. Ainsi, les évènements rétrospectifs des trajectoires (scolaire, professionnelle, etc.) des individus se définissent comme des moments biographiques où se combinent le personnel et le structurel dans un espace social bien déterminé.
Dans ces conditions, l’affirmation de Pierre Bourdieu, que « […] Les événements d’une vie se définissent comme des placements et déplacements dans l’espace social, autrement dit, dans les différents états successifs de la structure de la distribution des différentes espèces de capital qui sont en jeu dans le champ considéré […]. On ne peut comprendre une trajectoire qu’à condition d’avoir préalablement construit les états successifs du champ dans lequel elle s’est déroulée ; donc, l’ensemble des relations objectives qui ont uni l’agent considéré à l’ensemble des autres agents engagés dans le même champ et affrontés au même espace des possibles » (Bourdieu, 1986), prend, alors, tout son sens.
Les parcours, les trajectoires et les stratégies migratoires de l’intelligentsia algérienne post-indépendance, qu’illustre le cas de Madoui, est un des modes de socialisation caractérisés fondamentalement par des processus de rupture, d’exil et de retour. Ce « triptyque migratoire » est vécu comme des expériences sociales génératrices des modes d’identification, ajustés et combinés par l’intelligentsia diasporique durant leur dynamique migratoire, allant du pays natal au pays d’accueil. Ainsi, l’espace migratoire de l’intelligentsia algérienne devient un espace social du possible pour la réalisation de soi, incorporée différemment par les migrants, en référence à leur origine sociale, où se structurent les habitus migratoires de cette intelligentsia ; c’est-dire les prédispositions socialement acquises, déterminant les motivations, les finalités et les stratégies de chacun pour son projet à l’émigration. Ces modes de socialisation, structurant ces habitus migratoires de l’intelligentsia algérienne vont être, à des proportions inéquitables, ajustés et combinés lors de leur nouvelle situation en tant qu’immigré. Dans ces conditions, on ne peut comprendre les conditions d’immigration sans connaitre les conditions d’émigration, et vice-versa. L’émigration et l’immigration ressemblent aux deux faces d’une pièce de monnaie. Deux faces, en effet, indissociables d'une même réalité, comme le souligne Abdelmalek Sayad, « On ne peut faire la sociologie de l'Immigration (et, plus largement, la science de l'immigration) sans esquisser, en même temps et du même coup, une sociologie (et, plus largement, une science) de l’émigration : immigration ici et émigration là sont les deux faces indissociables (au moins, tant que dure le phénomène migratoire) d'une même réalité, elles ne peuvent s'expliquer l’une sans l'autre » (Sayad, 2021). Tout montre que Madoui semble bien avoir vécu les deux situations migratoires comme une expérience sociale où se mêlent les ruptures, l’exil et les retours.
Texte et contexte
Les entretiens et les données ont été recueillis dans le cadre de notre recherche réalisée entre 2007-2010. La trajectoire de Madoui et son parcours sont riches en informations puisqu’ils nous donnent des indications sur les conditions générales des intellectuels en Algérie et comment ces universitaires et compétences professionnelles algériennes ont vécu leur « double exil » (Khaled, 2022).
Ce double exil, à la fois, dans le pays natal et le pays d’accueil, incorporé dans sa socialisation, s’est transformé en une forme de sublimation qui lui a permis de se distinguer intellectuellement dans son domaine respectif, en l’occurrence la « sociologie économique ». Une discipline jalousement, adoptée et enrichie par des travaux qualitatifs de terrain, réalisés surtout en Algérie. Le terrain est le seul « thermomètre » du réel. C’était la conviction épistémologique et sociologique du défunt. Un projet resté inachevé puisque la mort l’a emporté à l’âge de 54 ans, en pleine maturation théorique et empirique, de son métier d’enseignant-chercheur, de terrain.
Dans ce long entretien, il évoquait son origine sociale, sa formation universitaire, la décision et les conditions de son émigration, son intégration au monde universitaire français, notamment l’influence de sa relation avec Michel Lallement, les difficultés matérielles des universitaires algériens en France, ses retours en Algérie, les collaborations qu’il a pu y développer au début des années 2000, pour entamer la création d’un réseau intellectuel avec ses amis et collègues algériens. Il parlait des limites du travail universitaire qui existent en Algérie, celles du fonctionnement de l’institution universitaire, des conditions matérielles et intellectuelles du travail académique. L’analyse du contenu de cet entretien nous éclaire sur l’expérience collective des universitaires et des chercheurs algériens depuis l’indépendance. En effet, les parcours et les trajectoires migratoires de Madoui, en tant qu’expériences sociales, nous permettent de mesurer les situations historiques qui ont marqué sa socialisation. Des expériences sociales ajustées en combinant, à la fois, l’individuel et l’institutionnel (professionnel), pour forger et imposer une identité personnelle et professionnelle, propre à lui, caractérisée par une perpétuelle quête de la vérité et la volonté de comprendre le monde social avec toutes ses manifestations et soubassements socio-anthropologiques, malgré les aléas de l’expérience migratoire, notamment, quand le sujet pensant est aussi objet de réflexion. Malgré ces obstacles épistémologiques qui peuvent se manifester durant les carrières scientifiques, notamment en sciences sociales et les épreuves pratiques lors de la dynamique migratoire, Madoui a su et a pu les transformer en une œuvre scientifique qui a marqué le champ de la connaissance en sciences sociales, notamment dans quatre importants domaines, en l’occurrence la sociologie économique, la sociologie de la migration, la sociologie politique et enfin la sociologie de la connaissance (rôle-statut des sciences sociales dans les sociétés du Maghreb).
Mohamed Madoui : l’intellectuel collectif et le projet scientifique inachevé
Dans tout état de figure, les candidats à l’émigration ont toujours des habitus migratoires, c'est-à-dire des prédispositions conscientes ou inconscientes à l’émigration. Ces habitus diversifiés et diversifiables des sujets migrants sont déterminés par des contraintes objectives, liés aux différents contextes, formant ainsi, des foyers migratoires dormants, structurés comme un « gisement social » de candidats potentiellement prêts à partir. Le cas de Madoui est illustratif. Il nous donne des éléments narratifs sur son parcours migratoire en tant qu’expérience sociale, caractérisée par une série d’évènements liés aux différents contextes de sa trajectoire migratoire.
Émigration subie et non choisie de Madoui
L’entretien réalisé avec lui nous a appris à quel point le projet de quitter son pays natal, n’a jamais traversé son esprit. Suite aux questions portant sur les raisons profondes et la genèse du projet d’émigration, ses réponses ont soulevé deux situations sociales ; l’une est liée à sa situation en tant qu’étudiant entre 1981 et 1985, aux conditions et à la qualité de sa formation universitaire et à sa prise de conscience des problèmes liés à la problématique des libertés durant les années 1980 : « Ça m’a frappé parce que, en tant qu’étudiant, c’est vrai qu’il nous arrivait, comme tout le monde, de penser à l’étranger, mais jamais en terme de départ. En fait, réellement, moi j’ai commencé à penser au départ à l’étranger pour échapper au rouleau compresseur de la pensée unique et en même temps m’assurer d’une bonne formation. C’est à ce moment-là que je me suis rendu compte que ma formation n’était, peut-être pas, finalement ce que j’attendais d’une formation universitaire. Je me suis rendu compte, en s’arrêtant à la licence, qu’il y avait quelque chose qui manquait dans ma formation et que j’avais ratée, c’est à ce moment-là que j’ai formulé l’hypothèse de partir, dans un premier temps de tenter ma chance, voir si ça marche, je reste, si ça ne marche pas je reviens… ». La seconde situation est en rapport avec les conditions professionnelles. Diplômé en sciences politiques (licence), où il a pu décrocher un poste en tant que journaliste : « Juste après mon Bac, en 81, j’ai fait une licence de sciences politiques à Alger, à l’Institut d’Etudes Politiques. Donc, j’ai fini en 85. J’étais même nourri par les grands rêves de l’époque, c'est-à-dire qu’on pensait vraiment transformer la société algérienne… Donc, on était assez motivés pour ça. Mais, vraiment le grand découragement est venu… Vraiment là où j’ai pensé à partir, c’est au moment où je suis rentré dans la vie professionnelle ». En effet, dans beaucoup de cas, la confirmation des « soi » dans les milieux institués est problématique. La socialisation dans les milieux de travail est conflictuelle, dont la combinaison et l’ajustement entre les logiques individuelles (confirmation, positionnement, reconnaissance…) se heurtent avec les logiques institutionnelles (lois, pratiques informelles, modes de désignations…). Ces difficultés de réalisation de soi est généralement la source de l’émergence de ce qu’on qualifie des « identités professionnelles clandestines » ; c’est-à-dire, des formes de résistance des individus qui durent et qui restent sans issue. Le déséquilibre dans l’ajustement de ces situations professionnelles crée des ruptures passives, alimentent la formation des foyers migratoires dormants et favorisent des candidats à l’émigration. Les milieux de travail sont les sources d’aliénation et le projet migratoire devient une échappatoire, tout en oubliant, inconsciemment, que l’exil est aussi une autre forme d’aliénation : « J’ai travaillé de septembre 1985 à septembre 1986 en tant que journaliste. Donc, c’est juste pour faire vite, j’ai quitté, vous comprendrez encore une fois que c’est moins les conditions matérielles que les conditions réellement intellectuelles qui m’ont poussé d’y penser, à partir et m’installer ailleurs. L’épanouissement intellectuel. C’est à ce moment-là, pendant cette année-là, en tant que journaliste, que réellement l’idée de partir s’était posée, alors qu’elle n’a jamais été posée auparavant. Quand je vois les jeunes maintenant, qui parfois déjà dès le Bac, voire même avant le Bac, pensent partir ».
De ce point de vue, d’une manière générale, toute dynamique migratoire obéit dès le départ à des facteurs déclencheurs imprévisibles, mettant les personnes dans des stratégies contraignantes dont les sources et les ressources de déploiement et d’adaptation à ces contraintes imprévisibles dépendent des volumes du capital symbolique et social-relationnel de chaque personne. Dans certaines situations, diversifiées et diversifiables, il y a des individus qui résistent et d’autres qui quittent. Dans les deux cas de figures, des exils et des ruptures naissant en douceur, à la fois, avec les groupes d’appartenance (famille, tribu, arch, houma, douar…) et les milieux professionnels. Certains vivent avec l’exil intérieur quand les aspirations deviennent incompatibles avec la réalité sociale et professionnelle ; d’autres sont contraints de quitter et de « déterritorialiser » leur exil en vivant dans leur pays d’accueil. Ainsi, le double exil devient un mode socialisateur dans l’identité personnelle des sujets migrants. Le cas de Madoui est exemplaire, puisqu’il a vécu les deux situations, à la fois comme des expériences sociales, dont, contrairement à d’autres, son exil est une entreprise intellectuelle porteuse de sens et de reconnaissance.
Contraintes et moments de ruptures et d’exil intérieur
Les déséquilibres dans les ajustements entre les individus et leurs conditions objectives sont en corrélation directe avec la genèse des habitus migratoires chez les individus ; c’est- à-dire, un ensemble de prédispositions, socialement acquises, à l’émigration, dont certains deviennent des candidats potentiels, prêts, en attente des moindres opportunités pour quitter et s’installer ailleurs. Ces mêmes habitus migratoires prennent corps dans la société et participent à la formation des foyers migratoires dormants. Ces foyers migratoires se manifestent par des processus de ruptures, à la fois, passives et actives. Les ruptures passives sont sources de structurations de « foyers migratoires dormants » composées de candidats à l’émigration. Elles sont l’expression d’un malaise, d’une incapacité individuelle et collective à faire face à des situations qui deviennent intenables. Le passage d’une situation à une autre n’est qu’un prolongement accéléré ou tardif des aspirations migratoires refoulées de chaque individu. Entre les deux situations, il existe un monde très intime des sujets migrants, qui cache une profonde souffrance, vécue comme un exil intérieur dont la violence symbolique, c’est-à-dire celle qui « […] renvoie à l’intériorisation par les agents de la domination sociale inhérente à la position qu’ils occupent dans un champ donné et plus généralement, à leur position sociale. Cette violence est infra-consciente et ne s’appuie pas sur une domination intersubjective (d’un individu sur un autre) mais sur une domination structurale (d’une position en fonction d’une autre). Cette structure, qui est fonction des capitaux possédés par les agents, fait violence car elle est non perçue par les agents. Elle est donc source d’un sentiment d’infériorité ou d’insignifiance qui est uniquement subi puisque non objectivé. Les moments de ruptures et de la formation des exils intérieurs, sont déterminants dans le déclenchement des processus migratoires. Ces moments sont des situations sociales silencieuses, surgissant, agissant et réagissant aux contextes et aux opportunités d’émigration qui s’offrent. Dans d’autres situations, ces moments sont transformés en mode de résistance aux tentations pour différentes raisons, notamment l’attachement aux familles (les parents, le couple, la fratrie…) et aux opportunités ou aux assurances professionnelles offertes.
Dans ces conditions de violence symbolique, l’intelligentsia algérienne ne peut qu’élargir le volume des foyers migratoires dormants dans le pays natal et définir les types de retours une fois installée dans le pays d’accueil. Le sujet migrant est soumis à un ajustement permanent avec ses conditions objectives lors de son processus migratoire. Dans certaines situations migratoires, l’ajustement de ces conditions est inconscient. Il s’agit, dans ces conditions, de « la violence symbolique comme méconnaissance fondée sur l’ajustement inconscient des structures subjectives aux structures objectives » (Bourdieu, 1986, p. 142), que vivent les candidats à l’émigration. Dans ces conditions les volontés à l’émigration deviennent une forme de thérapie aux conditions objectives de chacun, en faisant abstraction, par dépit ou par méconnaissance, des difficiles conditions d’immigration. Ceci explique à quel point les conditions d’immigration dépendent au préalable des conditions d’émigration. Les processus migratoires ajustent en permanence les représentations, les attitudes et les pratiques des sujets migrants. L’identité de soi est en perpétuelle reconfiguration porteuse de tensions psychologique avec l’autre. Ces tensions des sujets migrants prennent un caractère permanent durant toute la dynamique migratoire des sujets migrants. Elles sont sources de sentiments d’insécurité permanents, structurant les habitus migratoires des individus dont le cas des élites intellectuelles, notamment les jeunes, est exemplaire. La spécificité de cette exemplarité de l’émigration intellectuelle algérienne réside dans le caractère structurel de ses soubassements socio-anthropologiques, qui demeurent, à l’exception de certaines études approfondies, des catégories-objets silencieuses en sciences sociales. De ce point de vue, nous nous contentons, dans cet article, de relater seulement quelques contraintes structurant les foyers migratoires dormants de l’émigration intellectuelle algérienne, à travers le parcours de Madoui.
Les milieux statutaires, l’insertion professionnelle et la reconnaissance des « soi »
L’insertion dans le milieu du travail est fondamentale pour tout épanouissement professionnel et réalisation de soi par des pratiques de reconnaissances instituées. Des pratiques qui deviennent des ingrédients de base de toute identité professionnelle développée sous forme de dynamique de groupe, construite et revendiquée par les individus et puis reconnue ou instituée interactivement par les institutions respectives. Dans ces conditions, l’identité sociale des individus va s’articuler davantage avec leur milieu de travail et donner naissance à de nouveaux processus interactionnels, défaisant les degrés de compatibilité et d’insertion avec le milieu de travail. Ce processus conjoint des individus et des institutions, selon Claude Dubar, est le résultat de l’« articulation du biographique (par lequel se construit l’identité pour soi, revendiquée par les individus) et du structurel (par lequel se reconnaissent les identités par autrui, qui sont socialement légitimes, à un moment donné)… tout le monde est concerné par cette construction identitaire, qui constitue un processus conjoint des individus et des institutions dans la construction sociale des catégories » (Dubar, 1994, p. 290). Quand ces processus sont mal ajustés et combinés, ils développent chez les individus des sentiments d’exclusion et alimentent le volume des habitus migratoires et élargissent la structure des foyers migratoires dormants, par leurs ruptures passives avec les milieux du travail : « L’exclusion, je l’ai vécue d’abord par les moyens. J’étais journaliste, mais comme je n’ai plus droit à la chambre universitaire, j’ai loué une chambre à l’hôtel. Quand j’ai demandé un logement, on a rigolé. On m’a dit : « Attendez : célibataire, 23 ans. Vous demandez trop ». Du coup, grosso modo, pour avoir un logement, il faut être marié, attendre 12 ans, etc. (…) Ça, c’est les conditions matérielles. Mais vraiment, à la rigueur. Là où j’ai senti que je n’étais pas du tout intégré, mais je n’étais pas le seul, il y a d’autres copains aussi de la promo, c’est-à-dire qu’on était un peu, globalement, d’abord et pratiquement les diplômés, donc cette rivalité diplômés/non diplômés » (Madoui, 2008).
Ces postures psychologiques, déterminées par des conditions sociologiques objectives, affectent profondément les élites intellectuelles et accélèrent leurs désirs à l’émigration. Ces sentiments s’approfondissent davantage chez les élites intellectuelles brillantes possédant une vocation professionnelle. Quand elles sont heurtées, notamment les élites fraichement recrutées, par la réalité du terrain, elles vivent leurs désillusions, à la fois, sur le plan promotion sociale et professionnelle, comme une extrême violente exclusion : « Oui, au départ, j’avais une certaine idée du journalisme… En fait, c’est le milieu, le monde professionnel qui m’a renvoyé le miroir d’une société, d’un microcosme, d’un fonctionnement d’une société algérienne où l’on voit toutes les formes de domination. Il y avait cette espèce d’exclusion qui m’a un peu déstabilisé ».
En tout état de cause, dans des conditions d’émigration, sous forme de foyers migratoires dormants, il y a lieu de signaler que le phénomène d’émigration intellectuelle qui a touché les générations sortantes de l’université nationale, notamment durant les années 80, ne peuvent être appréhendées en dehors de leur contexte historique. Le cas de Madoui nous renvoie une image type d’une génération fougueuse et porteuse d’aspirations, mais heurtées, dans certaines situations, par des contradictions sociales, politique et économiques qui seront, par la suite, des soubassements de la révolte d’octobre 1988, que Madoui n’a pas vécue puisqu’il a quitté l’Algérie en 1987, pour s’installer en France. Ce sont des évènements qu’il n’a pas vécus, mais qu’il a interrogés dans sa thèse de doctorat, soutenue en 1994. En effet, son installation en France n’est pas accidentelle, elle a été encouragée par des conditions objectives, où la famille a joué un rôle décisif dans le déclenchement et la concrétisation de son projet migratoire.
La « famille » comme espace social d’ajustement et de transition migratoire
Le contexte d’émigration de Madoui dépend des premiers réseaux fonctionnels durant les années 80, caractérisé surtout par des regroupements familiaux, officiellement institués avec l’avènement des socialistes à la tête du pouvoir politique en France.
Les modes classiques des processus migratoires qu’avaient connus les premières vagues d’émigration vers la France, durant les années 1940, où dominaient les réseaux familiaux, l’esprit tribal et le communautarisme de type ethnique ou régionaliste, demeurent fonctionnels même pour l’émigration intellectuelle. L’habitus migratoire de Madoui, c’est-à-dire ses prédispositions à l’émigration, socialement construites, a été aussi, à l’image de beaucoup de sa génération, pour des raisons historiques de l’Algérie anciennement colonisée, une affaire de l’héritage migratoire familial. Les conditions d’émigration sont dialectiquement liées aux conditions d’immigration. Le cas, entre autres, de Madoui est significatif ; les stratégies de combinaisons et d’ajustement de ses propres conditions objectives sont liées aux possibilités et ressources qui se présentent pour lui et à la manière de les exploiter pour réaliser ses aspirations en dehors du national par une projection dans une dynamique internationale. Durant son expérience scolaire et surtout professionnelle, le jeune célibataire âgé de 24 ans a combiné ces conditions pour trouver une issue. Dans ces conditions, l’alternative se trouve dans les sources et ressources familiales, comme il le raconte bien dans ce témoignage, notamment le rôle de son père, ancien immigré qui a pris sa retraite en 1985, Mohamed, son fils, reprend le « flambeau » en 1986 :
« Mon père, c’était un immigré à l’époque. Quand il est venu en France j’avais 7 ans ; il est rentré en Algérie en 1985, il a été retraité en 1985. Paradoxalement, moi, j’ai quitté l’Algérie en 1986, on n’a jamais vécu pratiquement ensemble : je crois que le fait […] que mon père m’avait dit si effectivement tu veux, parce que je lui ai parlé de mon projet, je lui ai dit ça ne va pas du tout, je ne me sens pas bien, j’aimerai continuer mes études […]. Alors mon père, évidemment, dès qu’il s’agit des études, il était favorable. Mon père, en même temps c’est paradoxal, parce que c’est quelqu’un qui a souffert de l’exil ; c’était terrible pour lui. Comme tous les analphabètes, il a souffert de la domination à la fois des Français, c’est à dire lui qui était ouvrier, il est dominé économiquement, il est aussi dominé culturellement […]. Il ne sait pas écrire, donc du coup, il est doublement, triplement dominé […]. Je pense qu’il avait une fascination pour l’écrit, pour les études. Je pense […] dès que je lui ai dit que c’était pour suivre les études, je me rappelle bien, il m’a dit, parce qu’il savait que le doctorat c’était le titre le plus élevé, il m’a dit : écoute, si c’est pour un doctorat, il n’y a pas de souci ; je peux, je ne suis pas riche, mais je peux te donner de quoi pour les faire ».
En France, Madoui a été soutenu financièrement par son père et son grand-père maternel : « En plus de mon père qui était un soutien, en arrivant, il y a le demi-frère de ma mère. Le grand-père maternel, paix à son âme, s’est remarié ici en France avec une française, donc, il s’est trouvé que j’ai des demi frères qui sont franco algériens. Et puis, on a perdu contact, pratiquement depuis la mort de mon grand-père, en 1968, et puis du coup, exactement à la fin des années 1970, début des années 1980, il y a eu le retour de ses enfants et ils ont voulu renouer avec le lien familial. Donc à coté de mon père, il y a cet oncle qui m’a, quand même, hébergé pendant trois mois. Quand je suis arrivé en France, je l’ai contacté. Il m’a même un peu découragé. Il m’a dit : écoute, les choses en France, commencent à se dégrader et tout ça […], comme il a su que je venais pour faire des études, je pense qu’il a pris au sérieux ça. De toute façon, je lui ai dit je suis indépendant […] à l’époque, après je vais voler de mes propres ailes, mais c’est plus mon père réellement, les trois ou quatre premiers mois, il m’a donné un peu d’argent, c’est avec cet argent là que j’ai pu […] je pense que ce n’était pas donné puisque j’ai rencontré des amis ici, des gens qui n’avaient pas les moyens et qui, parfois, ont sacrifié leurs études pour des petits boulots ».
Ces témoignages nous informent sur les critères morphologiques qualitatifs introduits dans cet « héritage migratoire algérien », qui a été dominé jusqu’alors par une figure de l’immigré algérien illettré. Puisqu’il s’agit du motif d’étude, la famille et surtout le père prend sa « revanche » et le fils en profite pour ajuster ses aspirations. Ce contrat tacite, incorporé par les deux personnages révèle dans sa profondeur, à la fois, des effets pervers des politiques publiques subis par le fils, entamées dès l’indépendance de l’Algérie et les résidus colonialistes vécus là-bas par le père. Dans ces conditions, l’exil de Madoui en tant qu’enseignant-chercheur avait deux fonctions essentielles ; l’une a pour objectif la quête de l’épanouissement intellectuel et social, l’autre, qui est marquante dans ses multiples travaux académiques, sera mobilisée comme un moyen réflexif pour la déconstruction de cette histoire, contrairement à ses aïeux (père, grand père), sujets migrants transformés en présent-absents. L’exil de Mohamed, malgré ses aléas, a été une « opportunité intellectuelle », pour rendre visible une partie de ce qui a été rendu invisible dans l’histoire des immigrés et de toute l’histoire de la migration algérienne, comme produit des conditions historiques propres. L’exil de Mohamed devient un lieu par excellence pour la confirmation de soi et surtout l’incarnation des problématiques de fond qui se posaient pour l’Algérie post-coloniale. Il devient une figure opposée de son père, porteuse d’un nouveau statut social et d’une promotion sociale de type intellectuel. Ainsi, l’exil intellectuel de Mohamed devient une riche expérience sociale et un moment sociologique de dévoilement.
L’exil extérieur et les retours : de la « double absence »1 à la double présence
En effet, dès son installation, en 1986, en France, il découvre, malgré le soutien de la famille, les aléas de l’immigration, notamment l’urgence de subvenir à ses besoins quotidiens en cherchant du travail. Dans ces conditions, le jeune Mohamed, âgé de 24 ans, se trouve dans des conditions de désillusions. Il découvre le pays d’accueil avec tous ses avantages et inconvénients. Deux situations majeures se présentent pour lui, réconcilier le travail avec les études. Combiner et ajuster ses aspirations intellectuelles avec ses conditions matérielles objectives en tant que jeune « immigré de luxe ». Durant trois ans, il a pu, à la fois, pratiquer des petits boulots et recycler ses connaissances en se réinscrivant pour refaire une licence de sociologie, comme il le confirme lui-même : « On est jeune, on peut faire des petits boulots, on peut travailler la nuit, la restauration, distribuer des prospectus […]. J’ai fait tout ça, plongeur dans des restaurants, serveur, veilleur de nuit dans des hôtels. Je me suis rendu compte rapidement que l’argent de mon père, je pouvais le dépenser en un mois. Du coup, il fallait absolument que je travaille, c’est ce que j’ai fait. En arrivant en 1986, je me suis réinscrit mais je me suis éloigné de la science politique, parce que je me suis rendu compte, en tout cas tel qu’enseignée en Algérie, elle est très proche du pouvoir, ce n’était pas du tout ma façon de concevoir, donc, je me suis réinscrit en licence de sociologie […]. Ça m’a permis […] j’allais dire de m’adapter au système éducatif français, parce que je n’ai jamais perdu attache avec le français, mais quand même j’ai eu ma licence en arabe. J’étais arabisant, seulement, l’ancienne génération, on était de très bons bilingues, on lisait beaucoup en français ».
Le jeune Mohamed se trouva dans une dynamique migratoire caractérisée par le « temporaire qui dure ». Il fallait à tout prix réaliser son projet en s’adaptant avec « l’idéologie du double effort », réservée d’une manière discriminatoire aux étrangers : « […] Ça c’est quelque chose dont on ne parle pas beaucoup en Algérie […]. Je pense que les élites, parce que c’est votre sujet […], il y en a un beaucoup, maintenant, qui ne voient que ce que nous sommes devenus maintenant, mais je crois que c’est un processus terriblement violent, dans le sens d’abord, du déracinement […], parce qu’on n’a pas les mêmes conditions de travail qu’un Français d’ici ». Les études poussées restent la seule issue pour exister « administrativement » sur le territoire français : « J’ai d’ailleurs fait un stage à l’UNESCO, j’ai fait un autre à Amnesty international […]. Bon, je voulais un certain moment m’orienter un peu vers ce domaine-là. Donc, après le DESS2 que j’ai eu en 1988, si ma mémoire est bonne […], il faut dire aussi qu’en tant qu’étudiant, j’avais une carte d’un an ; je me suis dit un DESS, ce n’est pas suffisant pour faire une thèse et comme je n’ai pas trouvé de travail, j’ai enchaîné un DEA à Paris I, option « études africaines ». C’est plutôt un DEA de sociologie politique. Je suis resté toujours avec le monde africain, le monde arabe en tous cas. C’est un DEA3 que j’ai eu en 1988/1989. Après le DEA, je me suis inscrit en thèse à Paris I et j’ai eu une bourse de l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) pour une année. Je n’ai pas travaillé durant cette période ; je me suis arrangé avec la bourse ».
Peu après, en 1989, Madoui s’inscrira en thèse en sociologie politique. Son aventure intellectuelle et les prémices de sa « sociologie » diversifiée4, touchant aux quatre grandes thématiques (sociologie économique, sociologie de la migration, sociologie politique, sociologie de la connaissance), et qui sera développée plus tard, trouvent leurs racines dans les questionnements et les analyses portées dans sa thèse (La crise d'octobre 1988 en Algérie : rupture et mutations, sous la direction de Christian Purtschet) : « J’ai soutenu ma thèse fin 1994. J’ai travaillé sur les mouvements sociaux en Algérie et paradoxalement, sur la crise d’octobre 1988 en Algérie. J’ai travaillé sur les raisons politiques, économiques et culturelles de cette crise ».
En effet, sa thèse a été le début d’un projet intellectuel embryonnaire qui va connaitre, par la suite, une importante maturité en adoptant une approche compréhensive fondée par le sociologue allemand Max Weber (1864-1920). Ses compétences, révélées lors de sa soutenance, ne vont pas tarder à se concrétiser au CNAM avec Michel Lallemand, le spécialiste de la sociologie du travail et l’ancien président du laboratoire « LISE »5, dont la rencontre a été un « moment fondateur », qui a permis de propulser Mohamed au sein du laboratoire, de l’aider à s’insérer dans l’équipe et surtout de se confirmer par ses multiples travaux6. C’est en son sein que va se définir son parcours par la riche production intellectuelle, l’élargissement de ses horizons académiques dans le cadre de la coopération internationale et ses projets de « retours stratégiques » (Khaled, 2012) avec son pays natal. Mohamed a bien saisi les codes de l’intégration professionnelle au sein du champ académique français ;
le réseautage comme capital relationnel.
Le CNAM et l’émergence d’une pensée sociologique dynamique
Après ce détour qui a duré trois ans, qui s’est soldé par la conversion vers la sociologie du travail et par l’accumulation d’un important volumineux capital relationnel avec diverses personnes et personnalités du monde universitaires et de recherche, Mohamed a pu saisir et combiner son capital relationnel avec ses compétences professionnelles. Cet ajustement lui a permis, cette fois-ci, en tant que contractuel, de réintégrer de nouveau, le monde de l’enseignement et de la recherche scientifique.
En effet, comme il le confirme, l’année 1999 a été un moment marquant dans sa carrière universitaire en intégrant la chaire d’analyse sociologique du travail, de l’emploi et des organisations : « C’est important de montrer comment j’ai basculé de la sociologie politique à la sociologie du travail. C'est-à-dire, quand j’étais chargé de mission, au ministère du travail, j’étais chargé d’un dossier qui s’appelle « la validation des acquis professionnels ». À l’époque, le ministère a mis en place une loi pour permettre aux gens qui ont de l’expérience professionnelle de la valider pour avoir des diplômes ou pour poursuivre des études. Donc, je me suis occupé de ce dossier-là qui, du coup, m’a mis, paradoxalement, en relation avec le monde universitaire. J’ai travaillé avec les gens du CNAM comme Bernard Liétard, Louis Jobert… dans le cadre de la prestation de service et moi-même je participais à ces prestations-là, étant donné que je suis d’en haut, donc […] du coup, cette relation-là m’a permis d’entrer en contact avec pas mal d’enseignants chercheurs du CNAM, et pas uniquement du CNAM, des universités françaises. Par la suite, donc, quand j’ai eu ma qualification de maître de conférences, je me suis présenté pour un poste en 1999, par voie de concours national. C’est comme ça que j’ai été recruté et c’est comme ça que je suis arrivé au CNAM en 1999, à la chaire d’analyse sociologique du travail, de l’emploi et des organisations, le travail […] enfin toutes ces questions : l’emploi, le travail […] ».
Dès l’acquisition de ce nouveau statut professionnel, la carrière universitaire de Mohamed ne va pas tarder à se distinguer par un travail académique intense : « Recruté comme professeur de sociologie au CNAM après un parcours de chercheur passionné au Griot puis au Lise, il poursuivait avec une grande modestie ses recherches croisant sociologie économique, sociologie des politiques sociales et sociologie de l’immigration, à partir d’enquêtes de terrain d’une immense richesse. Ses travaux sur le petit entrepreneuriat maghrébin rayonnent au-delà des frontières mais il avait eu à cœur de se renouveler en investissant brillamment le champ de l’accès aux droits et à la santé des migrants vieillissants. Le dynamisme de ses publications témoigne de la grande reconnaissance dont bénéficiaient ses recherches dans ces différents domaines »7.
Avec son sérieux, son éthique professionnelle, son caractère fédérateur et chercheur porteur de projets prometteurs au sein du LISE8, il devient un élément incontournable : « Son implication dans la vie du laboratoire fut constante : élu au conseil du laboratoire, il a été membre du comité de direction entre 2009 et 2012 et il a co-animé l’axe « Solidarités – Territoires et Innovation » du LISE, il avait contribué à sa fondation. Jusqu’au bout, il aura porté une attention pleine de bienveillance à ses étudiants(es). Madoui avait rejoint le LISE dès sa création en 2004. Il a été professeur de sociologie au CNAM, responsable de l’équipe métiers du social au sein du département droit, intervention sociale, santé, travail (DISST). Ses travaux de recherche ont porté, ces dernières années, sur le monde du travail à l’épreuve des discriminations et il s’intéressait aussi à la question de l’accès aux droits et aux soins des retraités migrants. Il avait dirigé entre 2001 et 2005 un programme de recherche franco-algérien (étendu au Maroc et à la Tunisie à partir de 2004) ; puis il dirigé de 2005 à 2009 le Programme de recherche FSP-Maghreb. Entre 2009 et 2012, il était membre de l'équipe de direction du laboratoire (aux côtés d'Isabelle Berrebi Hoffmann et de Michel Lallement) »9.
Coopération scientifique et stratégies de retours. De la double absence à la double présence
En effet, Madoui est considéré comme le fondateur de cette nouvelle dynamique et ouverture académique du CNAM sur les pays du Maghreb. Une nouveauté pour le CNAM, dont il a pu et a su, dès les années 2000, créer une synergie entre ses collègues du Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique « LISE » avec ceux de la rive Sud de la méditerranée, comme il le confirme dans son témoignage : « Tous les travaux que j’ai faits sur l’Algérie […] On a codirigé les trois bouquins avec le CREAD10. Ça a commencé déjà en 1999/2000, donc, Michel Lallemand a appuyé mon projet de recherche sur l’Algérie. C’est une nouveauté au CNAM, parce que le CNAM n’a jamais eu d’ouverture vers le Maghreb. Donc, j’ai été l’un des premiers, en tout cas dans le domaine de la sociologie du travail, à créer un espace ouvert sur le Maghreb, c'est-à-dire des relations de partenariat avec les chercheurs, du CREAD en particulier. J’ai décidé de travailler sur les transformations du travail et de l’emploi en Algérie, sur l’émergence des nouveaux acteurs sociaux, comme les entrepreneurs, en Algérie, tout en gardant un pied ici en France. C'est-à-dire qu’en France, je continue à m’intéresser, cette fois ci plutôt à l’immigration, aux nouvelles […] ce qu’on appelle…à l’intégration et à l’insertion de la deuxième, de la troisième génération d’enfants d’émigrés. Donc, si vous voulez, mon champ de recherche a été, pratiquement […] depuis les années 2000, orienté vers les nouvelles figures de l’entreprise et l’entreprenariat en Algérie et dans l’immigration. Je travaille un peu sur ces deux aspects là […] on a publié énormément de choses. J’ai codirigé trois bouquins.
Le premier sur les entrepreneurs, en 2004, le deuxième, en 2006, sur la gouvernance des entreprises et le dernier, en 2007, sur l’emploi et les relations sociales. J’ai publié, en 2008, un bouquin sur les entrepreneurs issus de l’émigration maghrébine. En 2006, j’ai travaillé sur autre chose, mais en France, cette fois ci, toujours sur les organisations, mais j’ai travaillé sur les militaires français. J’ai fait une enquête que j’ai publiée sur les officiers de réserve, c’est une commande, par la suite, j’en ai tiré un bouquin. Donc, l’essentiel de mes travaux, depuis 99, tourne autour des organisations de manière générale… ».
Cette double présence, à la fois dans son pays d’accueil et les retours par la coopération scientifique, a comme fonction, pour le cas des Mohamed et de ses semblables, la confirmation de soi et la lutte contre l’oubli et l’invisibilité. Il s’agit, dans ces conditions migratoires, du « syndrome de la double absence » à la fois dans le pays natal et par la suite dans le pays d’accueil. L’élargissement du champ de recherche de Mohamed depuis les années 2000 touchant le travail sur les nouvelles figures de l’entreprise et l’entreprenariat en Algérie, en gardant toujours le travail sur les problématiques de l’intégration et de l’insertion de la deuxième, de la troisième génération d’enfants d’immigrés, est une forme de lutte contre ce syndrome d’absence.
Conclusion
Le retour de l’intelligentsia algérienne diasporique par la coopération scientifique, cas de Madoui, prendra deux formes distinctes ; il peut être « nostalgique » ou « stratégique », ou, encore, les deux à la fois. Dans cette lutte pour la double présence, notamment pour les élites intellectuelles nées en Algérie avant de s’installer dans leur pays d’accueil, il y a la souffrance du double exil qui prend un caractère permanent dans l’identité personnelle de ces élites. Le retour avec ses deux formes devient un soulagement pour les uns et une valeur ajoutée pour les autres quand il s’agit des personnes investisseurs qui ont « un pied là-bas et un pied ici ». Entre là-bas et ici, des stratégies se développent pour combiner et ajuster les opportunités qui s’offrent à eux et pour soulager les souffrances de l’exil.
Bibliographie
Bourdieu, P. (1986). L’illusion biographique. Actes de recherches en sciences sociales, 62 (01), 72.
Celio, S.-P. (2020). Le rôle des réseaux familiaux dans le déploiement du flux migratoire, e-Migrinter [En ligne], 21.
Chiousse, S., Labari, B. (2017, mars). Ici et là-bas. Mélanges offerts en hommage à Mohamed Madoui. Hal Open science, 26(1), 144.
Dubar, C. (1994). L’insertion comme articulation temporelle du biographique et du structurel. Revue de sociologie française. 35(02), 290.
Khaled, K. (2012). Les retours de l’intelligentsia algérienne diasporique. Revue Hommes et migrations, 1300.
Khaled, K. (2022). La désinstitutionalisation de l’université et formation de foyers d’émigration intellectuelle. Dans L’université désacralisée, (Dris-Ait Hamadouche Louisa, Oussedik Fatma, Taleb-Ibrahimi Khaoula). Alger : Éditions Koukou, 53-66.
Khaled, K. (2023). Les intelligentsias algériennes. Le double exil. Alger : Éditions Koukou, p. 240.
Sayad, A. (1999). La Double absence. Des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré. Préface de Pierre Bourdieu. Paris : Éditions du Seuil, Collection Liber.
Sayad, A. (2021). Les effets culturels de l'émigration, un enjeu de luttes sociales. L’Année du Maghreb [En ligne], 24.
Annexes
Publications indicatives de Mohamed Madoui
Madoui, M. (2016, décembre). Le vieillissement des migrants à l’épreuve des sciences sociales. Vie sociale, 16, Eres. https://bit.ly/3Hg6tl7
Madoui, M. (2016). Islam et capitalisme : quand des entrepreneurs mobilisent l’éthique islamique à des fins de management. Regards croisés sur l'économie, 19, https://bit.ly/3DtElK7
Madoui, M. (2016). Préface dans Boussad Boucema. Ces enfants d’immigrés qui réussissent: parcours, devenir socioprofessionnel et stratégies familiales. Paris : L’Harmattan.
Madoui, M. (2016). Entrepreneurs d’ici et de là-bas. Dans Chiousse, S. ; Labari B. (dir.), Les identités méditerranéennes au défi du processus de la mondialisation. Mutations, enjeux et perspectives, imprimerie Sousse, Agadir, avec le soutien de l’université Ibn Zhor.145
Madoui, M., Derras, O. (2015). La mobilité sociale en Algérie. Alger : Editions DGRSDT/CRASC (PNR).
Madoui, M. (2015). Unemployment Among Young Graduates. Algeria. A Sociological Reading, Journal of Social Sciences. 3(11).
Madoui, M. (2015). Le vieillissement des immigrés : état des savoirs. Hommes et Migrations, (1309), 11-17.
Madoui, M. (2015). La sociologie marocaine. Du déni à la réhabilitation. Sociologies Pratiques, (30), 99-113.
Notes
1 Abdelmalek Sayad, La Double absence. Des illusions de l'émigré aux souffrances de l'immigré. Préface de Pierre Bourdieu.
2 Diplôme des études supérieures spécialisées (DESS).
3 Diplôme des études approfondies (DEA).
4 Voir annexes.
5 Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique.
6 Voir annexes.
8 Laboratoire interdisciplinaire pour la sociologie économique.
10 Centre de recherche en économie appliquée pour le développement, situé aux hauteurs d’Alger, sis, université Alger 2 (Bouzaréah).