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L’Algérie, à l’instar des autres pays, a été frappée de plein fouet par la crise du Covid-19. Les bouleversements dans la vie sociale quotidienne, ont été presque uniques dans les annales de l’histoire. Les conséquences de la globalisation et du néolibéralisme, amplifié en contexte Covid-19, ont impacté les solidarités sociales de protection et de droits sociaux. L’épidémie, vécue comme une épreuve, a mis à nu le fonctionnement social et les tendances aussi lourdes en œuvre dans la société. La pandémie du Covid-19 a mis sous les feux de la rampe la place et le rôle de la puissance publique, accoté plus sur une logique d’imposition qu’à une logique de compromis. Peut-on dès lors utiliser le concept de crise comme faisant écho à un background commun à tout ce qui advient comme surprenant et non prévu ?

L’urgence de recueillir des données pour apprécier le degré de perturbation et des inégalités dans le vécu de tout un chacun, s’est imposée d’elle-même pour éviter supputations et récits fantasques. L’effet de sidération passé, les attentes vis-à-vis de l’État social se sont démultipliées. Établir un état des lieux, aussi partiel soit-il, donne un ancrage réaliste aux analyses. Au-delà des savoirs acquis de proximité, il y a lieu d’interroger les principaux segments de la vie sociale et de mettre l’accent sur les singularités d’une société, même si on sait que l’ailleurs n’est pas totalement différent, et où regagner la confiance en même temps que continuer à agir, face aux nombreuses zones d’incertitude, constitue un enjeu majeur.

À travers l’expérience sociale du confinement, en raison de la pandémie Covid-19, et plus largement de la crise sanitaire, un constat s’impose : l’augmentation des craintes et des incertitudes.

En présentant ce travail, il importe de rappeler, qu’à l’origine, ce numéro devait être consacré à la présentation des résultats d’une enquête menée par le Crasc sur l’impact du Covid-19 sur la société algérienne. Les nombreux articles reçus, d’où d’ailleurs la parution de ce numéro thématique en deux volumes, nous ont conduits à réduire la présentation de nos résultats à trois articles.

Nous estimons, toutefois, qu’il n’est pas inutile de rappeler dans cette présentation, un peu « spéciale », les résultats les plus probants, de notre enquête, en lien avec le vécu des Algériens durant cette crise :

1. Les enjeux portés par la scolarisation, mais aussi le lent processus d’aggravation des inégalités sociales et de détresse morale, aussi bien des sans revenus que des petits et moyens revenus, donnent à la famille « restreinte » une place de plus en plus importante ;

2. La société a été résiliente du fait, en grande partie, que la population « habituée » aux états d’urgence, notamment la période coloniale avec les couvre-feux et la décennie noire avec le terrorisme durant plus d’une dizaine d’années ;

3. La forte étatisation dans la gestion de la pandémie, n’a pas du tout été une « singularité »1. Obéissance et transgression selon les lieux, les moments, les motivations, ont contribué, en revanche, à la reconnaissance de la légitimité des décisions de la puissance publique ;

4. L’hypothèse que la pandémie Covid-19 a constitué une opportunité pour certains et à fragiliser la situation pour d’autres, s’est confirmée avec l’enquête. Cette situation a constitué une opportunité notamment pour les salariés fonctionnaires et pour les femmes de la Fonction publique et à fragilisé les personnels indépendants ou libéraux.

C’est ainsi qu’en nous appuyant essentiellement sur des résultats d’enquête, ces numéros d’Insaniyatrendent compte de ce que la société a fait pour s’adapter, voire combattre le virus et fait ce que les pouvoirs publics lui ont dicté de faire. Provoquant une situation de « crise à tous les niveaux », la question de comment les institutions, les acteurs, ont pu ou tenté d’y faire face s’impose d’emblée. Les pouvoirs publics, face à la pandémie, usant et diversifiant les approches, passant de la peur, à la sanction en passant par le compromis, le faire semblant, voire le laisser aller, négocient de fait leur rapport d’Autorité.

À quel type de rationalité se réfèrent les individus, les acteurs, les institutions, pour suggérer des « solutions » ? À quelles normes s’identifient-ils ? Les mesures prises ne relèvent-elles pas plus d’une posture protectrice que d’une stratégie sanitaire identifiée et reportant la responsabilité des décisions au Comité scientifique ? Malgré une communication parfois anxiogène, la peur n’arrive pas à s’installer durablement dans la société.

Les axes ayant fait l’objet des deux volumes, avec plus d’une dizaine d’articles et de très nombreux comptes-rendus, contribuant ainsi à faire connaitre les récentes publications, élaborées principalement sur la base de données d’enquête, abordent deux sujets : le quotidien des acteurs sociaux ordinaires et institutionnels et celui des catégories professionnelles spécifiques en contexte de pandémie.

Ce second numéro commence par une étude de Nabil Belouti, sur les entrepreneurs algériens, entre récession et résilience. En mettant en exergue les mesures engagées par l’État pour encadrer la relance économique dès 2020, l’auteur montre que l’Algérie a réussi à réduire significativement le déficit budgétaire. Sa question de départ : est-ce que la crise sanitaire liée au Covid-19, peut être considérée comme un catalyseur de la transformation du tissu économique, des entreprises qui le compose et de leur flexibilité organisationnelle ? D’une enquête réalisée auprès de 250 dirigeants d’entreprise, l’auteur s’est préoccupé des conséquences de la crise sur l’organisation, l’activité et le comportement vis-à-vis de l’emploi. Prenant appui sur une analyse comparative de la dynamique démographique relative aux entreprises sur une décennie, il en conclut à une perturbation baissière non liée aux années Covid, mais au contraire à une résilience et une adaptation au choc vécu, en proposant des pistes de résolution ou de prise en charge des difficultés.

La réflexion menée par Nassima Remmas et Rafika Hafdallah , sur le rôle du soutien des équipes soignantes et de l’endurance psychologique : à partir d’une réflexion sur le rôle du soutien des équipes soignantes et de l’endurance psychologique : le cas des soignants algériens des services Covid, prend appui sur l’expérience des infirmiers et des médecins. L’usage du protocole, Had leur a permis d’évaluer les symptômes anxieux et les symptômes dépressifs chez les soignants, ainsi que leur échelle d’endurance psychologique (hardiness). Le groupe-cible présente une symptomatologie dépressive sévère 67,64% et 44,11% un niveau d’endurance moyen. La peur d’être contaminé et la vulnérabilité psychologique ont eu des conséquences sur la qualité des soins et celle de la vie.

Zoubida Rabahi-Senouci, dans son étude sur l’université pendant le Covid et l’alternative présentielle, s’interroge sur les réalités d’un nouveau mode d’enseignement marqué par le recours à l’enseignement à distance, imposé dès le deuxième semestre 2020, à tous les établissements universitaires. Une telle mesure a surpris les étudiants peu habitués au TIC, et a révélé les difficultés d’accès et d’usage de la technologie. Combinant enquêtes quantitatives et qualitatives, l’auteure montre en fait, que peu d’enseignants ont eu recours à l’enseignement à distance.  Par ailleurs, même chez ceux qui ont utilisé ce moyen, c’est le modèle transmissif dominant qui a été pratiqué. Elle note également que le regard négatif porté par les enseignants et les étudiants envers l’enseignement à distance est lié à l’absence de formation en matière de l’usage de cette pratique et que la continuité pédagogique en distanciel, a plus répondu à des objectifs de gestion de flux qu’à une gestion pédagogique.

Nouria Benghabrit-Remaoun, dans son article intitulé « Scolarisés face à la déscolarisation imposée : un quotidien inédit », s’intéresse aux conséquences des mesures prises par les pouvoirs publics et imposées aux élèves, afin d’éviter l’extension de la pandémie. À partir d’une enquête nationale (Crasc), réalisée en 2021 auprès de 1200 ménages et 5852 enquêtés, l’auteure a dégagé des profils des futurs décrocheurs ou des populations à risque.  À partir des données de terrains et d’indicateurs construits, l’auteure souligne que la mise en correspondance de la crise sanitaire versus crise scolaire, a permis de relever les conséquences des mesures adoptées sur l’approfondissement des inégalités. Encastrés dans une réalité déjà complexe, celui d’une école aux difficultés multiples, les élèves reconnaissent malgré tout sa place essentielle dans la socialisation.

L’article de Sheherazad Khelfallah portant sur les actions artistiques à l’épreuve du confinement, présente l’expérience artistique d’un street-art algérien, qui est celle d’un vécu d’isolement social. Ce texte fait suite à un travail de recherche, mené au préalable par les « artistes de l’urbain ». L’auteure use d’une démarche interactive entre le champ disciplinaire de la sociologie et les méthodes ethnologiques. Le récit de vie vise à recueillir la présentation de soi, les données narratives et le parcours biographique d’un artiste, en période de pandémie. Des fresques murales vers des fresques à contenu numérique, à partir de personnages connus (influenceurs, abonnés par millions, invitations sur plateaux), vont provoquer des buzz inattendus sur Facebook.

Ce numéro est enrichi d’un article hors-thème, inscrit dans la rubrique Varia, présenté par Musa Sroor sur les voyages des Oulémas et dignitaires algériens à Jérusalem entre 1948 et 1967, à travers une analyse minutieuse des archives coloniales françaises.

Ce numéro thématique ne pourrait être clôturé sans un regard, certes non exhaustif, porté sur des publications et manifestations ciblant des vécus de la pandémie dans des contextes sociaux pluriels. L'épreuve de la crise sanitaire Covid-19 en Amérique latine, en Europe, en Afrique, a fait l'objet de comptes-rendus et de lectures croisées.

Le comité de rédaction

Notes

1 Selon Lorenzo Barrault-Stella, « une des singularités de cette situation a trait à la forte étatisation conjoncturelle de la société soit, par l’intermédiaire de la politique de confinement, une présence plus intense et plus coercitive de l’État dans le quotidien, des gouvernés des différents groupes sociaux ».

Barrault-Stella, L. (2023). Résister à l’État en conjoncture critique ? Le confinement du printemps 2020 dans un village rural et montagnard. Sociologie, Vol. 14(2), 241-258.

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