The Female “Arûbi” in the Maghreb. Oral tradition and Detour Poetics Abstract: The article suggests considering female poetry of oral tradition as an integral pert of the cultural memory and collective make belief. The Andalou model left its stamp on the main part of citizen repertories in the Maghreb, and influenced the female corpus, as a direct result of the Reconquista. By its formal and functional character, this poetry raises a certain number of question that previous research didn’t solve, whence the necessity for the writer to emerge certain literary and anthropological aspects of the poetry. Key words : Arûbî – Fende Poetry – Maghreb – Paradigms – Hispano-Moorish – Reconquista. |
Mourad YELLES : Université Paris 8, France
La joie régnait dans mon jardin et l'envie chez mes voisines
J'étais contente de mon sort et mon sommeil était un sommeil paisible
Maintenant, ô serviteurs de Dieu, voyez-vous l'état où je suis
Depuis que Dieu m'a affligée de l'amour de ce bel étranger.
Quatrain algérois (buqâla)
Au Maghreb, la poésie féminine de tradition orale reste un domaine largement sous-évalué et sous-étudié. A l'exception de rares tentatives individuelles ou quelques démarches collectives, ce vaste continent poétique demeure quasiment inexploré et déserté par la recherche. Ce désintérêt — pour ne pas parler de discrédit — est évidemment préjudiciable à une meilleure connaissance de la production culturelle de notre région et à une perception plus fine de son histoire intellectuelle et artistique. De plus, les jeunes générations se voient ainsi privées d'un accès privilégié à la mémoire culturelle et à l'imaginaire collectif de leurs ancêtres ainsi que d'une source inépuisable de plaisir et de jubilation esthétique.
Pourtant, cette parole ancestrale n'est pas morte ! Elle reste bien vivante dans le souvenir de beaucoup de mères et de grands-mères. En fait, il suffit de quelque occasion fortuite ou solennelle (mariage, veillée familiale, pèlerinage) pour voir ressurgir les rimes et les chants que l'on croyait disparus. C'est alors, au cœur d'un quotidien trop souvent affligeant, un émerveillement toujours renouvelé que d'écouter se dérouler le fil du poème et de retrouver les images sublimées d'un passé révolu : échos des patios andalous, réverbérations savantes d'un art empreint de tout le bonheur et de toute la nostalgie du splendide exil occidental, merveilles d'un âge d'or que la conscience arabe n'a cessé de magnifier à l'instar d'un miracle, célébrant jusqu'à l'ivresse cette rencontre inouïe d'un Orient légendaire et d'une Afrique millénaire en terre d'Occident.
A cet égard, on sait à quel point le modèle littéraire andalou a marqué de son sceau la majeure partie des répertoires citadins du Maghreb. Cette influence se retrouve bien entendu dans les corpus féminins, à commencer par ceux que l'on peut regrouper, faute d'une dénomination générique plus appropriée, sous le terme de 'arûbî-s[1]. Pourtant, si leur lyrisme contenu s'inscrit bien, à première vue dans le prestigieux paradigme hispano-mauresque, les quatrains féminins n'en recèle pas moins des traits particuliers que l'on ne peut pas ne pas rattacher à un imaginaire et à une situation spécifiques.
Que leur développement dans les principales cités du Maghreb soit la conséquence directe de la Reconquista, et donc d'un apport plus ou moins tardif des réfugiés andalous, ou qu'il corresponde plutôt à une évolution endogène à partir d'un même contexte socioculturel de part et d'autre du détroit de Gibraltar, le fait est que les 'arûbî-s sont le produit d'un lent processus de métissage. Par-delà les variantes terminologiques[2] et les différences de répertoires que l'on peut constater de nos jours, on a bien affaire à un même et unique corpus — parmi les plus importants de la tradition orale maghrébine — associant pratique poétique (éventuellement musicale), activité ludique et, dans certains cas, rituel divinatoire ou prophylactique. On retiendra surtout cette triple dimension qui fonde son originalité et sa complexité.
Par ses caractéristiques formelles et fonctionnelles, cette poésie pose un certain nombre de questions que des recherches antérieures[3] sont loin d'avoir résolues et sur lesquelles il ne sera pas possible de s'étendre dans le cadre limité de ce bref exposé. Notre ambition se limitera donc ici à dégager certains aspects littéraires et anthropologiques de cette production pour en souligner l'intérêt et la complexité. Dans un premier temps, nous aborderons quelques aspects théoriques des différences entre les univers culturels occidentaux et arabo-musulmans dans leur relation au sens et au Texte (Barthes). Nous attachant en second lieu aux évidences rhétoriques, nous relèverons les similitudes formelles et thématiques entre le arûbî et son référent andalou (muwachâh et surtout zajâl). Nous tenterons ensuite de préciser le contexte socioculturel de création et de diffusion de cette oraliture féminine. Nous conclurons sur quelques hypothèses quant à la nature de l'imaginaire qui se fait jour dans ces textes et qui renvoie, selon nous, à la position ambiguë de la Maghrébine dans son rapport au monde traditionnel[4].
L'opaque et le discontinu
La différence d'autres traditions culturelles (Japon, Chine) où cette forme jouit d'une très haute considération, l'esthétique occidentale répugne au fragment qu'elle considère comme l'expression d'une parole déchue et d'une poétique périmée : celle de la tradition populaire. Elle méprise et se méfie de cet éclat de sens volatile et potentiellement dangereux pour l'intégrité d'un discours fondé sur le principe de la mimésis. Dans le domaine littéraire et jusqu'à une période assez tardive (fin du XIXe-début du XXe siècle), la critique littéraire considère que l'œuvre se doit d'obéir à des critères de cohérence et de vraisemblance qui disqualifie d'emblée ce que les folkloristes qualifient de "formes brèves"[5]. Celles-ci ont pourtant connu leurs heures de gloire — surtout en poésie : de la chanson au sonnet et des "lais d'amour" de Marie de France aux touchantes "albas"[6] des troubadours occitans. Mais on ne sait que trop bien le prix payé par l'art et la pensée occidentale lorsqu'ils s'affranchissent de la foisonnante polyphonie de l'oral, se détournent de l'abstraction puissante de l'icône et abandonnent les rigueurs éthérées du plain-chant pour pouvoir accéder enfin aux fastes raisonnables du classicisme...
Dans le champ strictement littéraire, si l'on exclut l'aphorisme, la maxime ou la sentence — dignes héritiers de la pensée stoïcienne de l'Antiquité plutôt que du verbe populaire — le texte classique doit nécessairement se tramer dans la durée pour pouvoir atteindre son but : émouvoir et éduquer. Roland Barthes note justement que «le continu classique est une succession d'éléments dont la densité est égale, soumis à une même pression émotionnelle, et retirant d'eux toute tendance à une signification individuelle et comme inventée.»[7]. Suivant la même logique, le lyrisme romantique au même titre que l'ambition totalisante du réalisme bourgeois interdiront à leur tour toute remise en cause du principe fondamental d'adéquation, voire de connivence entre le sujet et le réel pris dans une même dynamique de transformation et d'accumulation par la grâce d'un logos prométhéen. Dans ces conditions, la solution de continuité s'impose naturellement comme forme esthétique pour cette écriture arraisonnante qui témoigne autant du culte du Moi que de la volonté d'hégémonie de l'homo occidentalis sur le monde et l'Histoire.
Pourtant, — on a aujourd'hui tendance à l'oublier –, la conscience de la perte et le sentiment du discontinu inhérents à l'humaine condition se retrouve dans l'imaginaire européen sous différentes formes, et ce au moins jusqu'à la fin de l'âge baroque. En effet, jusqu'au milieu du XVIIème siècle et nonobstant les charmes de la Raison, de nombreuses figures étranges[8] traversent encore le discours occidental, révélant dans leurs sillages un espace sémiologique couturé, ponctué de béances, de silences, d'extravagances qui sont autant de signes de la porosité du monde et des intermittences de l'être. Comme l'exprime avec force Montaigne : «Mais quoi! Nous ne sommes nous-mêmes que du vent ! Et encore, le vent, plus sage que nous, aime à bruire et à s'agiter, et se satisfait de ses seules fonctions, sans aller désirer la stabilité, la solidité, qualités qu'il ne saurait posséder.»[9]. Rares seront néanmoins, dans l'histoire de l'art et de la littérature en Occident, ceux qui refuseront l'illusion du Moi avec ses simulacres et oseront poursuivre la quête du sens à partir d'un renoncement douloureux à l'ordre du logos, dans l'opacité énigmatique d'un univers chaotique, à travers les ruines radieuses d'une totalité en fragments.
Si ce détour par l'Europe et son aventure intellectuelle nous a provisoirement éloignés — du moins en apparence — du Maghreb, il devrait nous permettre de mieux cerner la problématique du présent travail et d'en fixer les enjeux. En effet, nos interrogations porteront ici sur les rapports entre formes poétiques, représentations idéologiques et structuration de l'imaginaire à partir de l'étude d'un corpus traditionnel maghrébin, celui des 'arubî-s féminins. A l'évidence, ces textes appartiennent à une culture et à un imaginaire profondément différants (au sens de Derrida) de ceux évoqués il y a un instant. La raison profonde en est, pensons-nous, qu'ils relèvent d'un espace-temps et d'une civilisation où, quelle que soit la grandeur de ses réalisations, le sujet se conçoit toujours dans un rapport de soumission à une puissance transcendante (islâm). Le Musulman est ainsi pris dans une traversée des signes (ayât) où se révèle avant tout le dessein de la Création, dessein échappant à toute exégèse qui prétende se fonder sur les seules capacités humaines, à commencer par son langage.
Malgré (ou à cause de) la force de son vouloir et ce qu'il peut pressentir de ses virtualités, le sujet se tient donc toujours sous l'emprise d'un monde informé par Dieu, «maître du sens et du discours»[10]. Il considère sa contingence avec humilité et son vécu comme un passage sous le signe de l'incomplétude. A la fois fier de ses œuvres et fasciné par leur ruine inéluctable, il nomadise véritablement dans le transitoire et apprend très jeune à faire son deuil de l'existence et de ses mirages, même dans le luxe et la gloire de ces très riches heures où l'âme s'abandonne aux tentations du "divertissement".
Dans cette optique, l'une des plus belles métaphores de la splendide et fondamentale précarité de la condition musulmane serait probablement celle d'Al-Andalus. Il est frappant de constater aujourd'hui à quel point cette civilisation a pu développer, jusqu'au cœur de son âge d'or, la conscience étonnante de sa fin inéluctable, mieux, comme une vision prémonitoire de sa propre disparition. La célèbre citation que l'on peut encore admirer sur les murs de l'Alhambra — «La ghâliba illa Allah : Hormis Dieu, point de vainqueur» — témoigne, avec bien d'autres indices (philosophiques, mystiques, esthétiques, etc.) d'un épicurisme fondé avant tout sur une éthique de l'éphémère[11] (al-fânî).
Chef-d'œuvre de l'art hispano-mauresque, l'arabesque andalouse — où l'art occidental s'est longtemps obstiné à ne voir qu'un splendide décor — obéit en réalité à une vertigineuse organisation. Comme l'explique Moncef Chelli dans son essai sur La Parole arabe, «pour éviter que les grandes murailles de la "Salle des ambassadeurs" puissent donner lieu à une contemplation objective, on a disposé les arabesques par frises superposées, de manière à ce qu'il n'y ait pas de fond uni, et que chaque frise soit en discontinuité avec les autres, se donnant comme une totalité dans laquelle on pénètre sans trouver une prise pour l'enlever sur un fond quelconque et la donner à l'esprit.».[12] Le «ravissement» qui en résulte est provoqué autant par la perte des repères spatio-temporels que par la plénitude du sens proliférant retiré de chacun des fragments sculptés.
Dans la même perspective, on a souvent répété que la poétique arabe avait connu une véritable révolution en Occident musulman avec le triomphe de la strophe. L'éclatement de la qasîda classique introduit un nouvel équilibre au sein du poème. Chaque séquence strophique fonctionne un peu à la manière des frises de l'Alhambra, dans un double rapport de dépendance et d'autonomie avec le reste du texte. C'est précisément cette fragmentation d'une forme et d'un discours aspirant néanmoins à la dignité du sens et passant par un travail minutieux et paradoxal de "mise en pièce" de la représentation mimétique, qu'il nous a semblé intéressant de retrouver dans un autre domaine, celui de la tradition orale féminine au Maghreb.
En réalité, il nous apparaît que le corpus des 'arûbî-s présente même un intérêt supplémentaire du fait de la position spécifique de celles qui en assument la gestion depuis des siècles. Le discours qui s'offre à nous s'organise ainsi dans une tension constante entre le dire et l'interdit, l'ouverture et la clôture, la transparence et l'opacité. D'une certaine manière, pour définir cette poésie au «charme étrange et sibyllin»[13], nous reprendrions volontiers à notre compte cette proposition de Foucault à propos du statut du langage occidental au XVIème siècle dont il dit qu' «il est (…) chose opaque, mystérieuse, refermée sur elle-même, masse fragmentée et de point en point énigmatique, qui se mêle ici ou là aux figures du monde, et s'enchevêtre à elles : tant et si bien que, toutes ensembles elles forment un réseau de marques où chacune peut jouer, et joue en effet, par rapport à toutes les autres, le rôle de contenu ou de signe, de secret ou d'indication.»[14] Nous reviendrons tout à l'heure sur cet aspect fondamental du 'arûbî. Pour l'instant, il s'agit de faire le point sur les liens étroits entre notre genre féminin et le modèle poétique andalou.
Le paradigme andalou
Si l'on en croit le témoignage d'Ibn Khaldûn, le développement rapide des villes en tant qu'espaces de rencontres et d'échanges coïncide avec la naissance au Maghreb de nouveaux types poétiques. La Muqaddima signale ainsi que l'on y voit apparaître «(…) un nouveau genre de poème composé d'hémistiches accouplés à l'instar de l'ode. Le dialecte dont ils s'y servaient fut aussi celui particulier aux villes. On désignait ces pièces par le terme oroud el-beled (rimes de ville)»[15]. A ce propos, on ne manquera pas de rapprocher cette observation des remarques de l'auteur sur le rôle des femmes dans les processus de métissage culturel, en particulier ce passage de la Muqaddima où Ibn Khaldûn mentionne l'importance des esclaves, concubines, nourrices ou domestiques dans l'apparition des phénomènes de syncrétisme linguistique et dans l'évolution des mœurs à travers les différentes parties du monde musulman[16].
Dans le même ordre d'idée, si l'on se reporte aux conditions qui prévalaient il y a encore quelques décennies dans les anciens centres urbains (Fès, Rabat, Tlemcen, Ténès, Blida, Constantine, etc.), on peut noter que les répertoires d'inspiration ou d'origine andalouse y faisaient l'objet d'un engouement généralisé. Au sein d'une même famille, il était courant que les femmes aussi bien que les hommes connaissent et maîtrisent parfaitement les textes et les chants du répertoire. Diverses occasions de la vie communautaire (surtout les mariages) permettaient à chacun — et à chacune, même du haut d'une terrasse ou à l'abri d'un rideau –, d'apprécier en connaisseur les prestations des orchestres amateurs ou professionnels..
C'est dans ces circonstances et par un mécanisme naturel d'imitation[17], que l'on peut imaginer les femmes de Tlemcen, d'Alger ou de Fès récupérant pour leur compte les éléments essentiels du paradigme andalou. La parenté entre de nombreux 'arûbî-s et les stances conclusives (kharja-s ou coplas) du zajâl peut d'ailleurs nous donner des indications à ce sujet. Rédigés en une langue métissée — mozarabe : un "mélange" d'arabe et de roman –, «bavard, brûlant comme le naphte, ressemblant aux cendres et au langage des Tziganes», selon l'érudit Ibn Sana' al-Mulk[18], ces refrains sont censés être prononcés par un personnage humain ou allégorique caractérisé par sa marginalité, son extravagance, voire son incongruité (au double sens du terme : inconvenant et non-pertinent). En l'occurrence, il s'agit soit d'une femme, soit d'un ivrogne ou même d'un oiseau chanteur[19] …
Que la kharja soit l'œuvre d'une poétesse anonyme ou qu'il s'agisse d'un simple procédé rhétorique importe finalement assez peu. Ce qu'il y a lieu de retenir ici, c'est cette étonnante nécessité poétique (d'inspiration baroque avant la lettre) où se trouve le compositeur de zajâl d'intégrer la parole féminine au cœur de son texte[20]. Fragment rapporté, parole intruse, cet excipit énigmatique ne peut pas ne pas évoquer nos 'arûbî-s maghrébins. Par ce même déportement du discours poétique que la passion entraîne sur des voies détournées, vers un ailleurs fulgurant et vertigineux, ces "formes brèves" impliquent un autre rapport au réel, une représentation différente (inversée, à vrai dire) de la scène sociale dont il sera question plus loin.
Hors de ces conjectures et reconstitutions dont il faut bien reconnaître le caractère hasardeux, demeurent évidemment les parentés. Si la structure du 'arûbî (quatrain) fait penser à celle, strophique, du zajâl, sa poétique lui emprunte à l'évidence la plupart de ses effets. Il en va ainsi du traitement de la thématique amoureuse : la mise en scène du couple et les postures affectives et éthiques conventionnelles de chacun des deux partenaires obéissent aux règles connues et maintes fois étudiées de l'art hispano-mauresque. Exemple avec ce 'arûbî de Fès :
«Je souhaite me trouver avec mon aimé dans un jardin
Et je souhaite que notre jeunesse ne vieillisse jamais et que notre vie soit
[éternelle
De part et d'autre de ce jardin seront alignées des vasques aux eaux jaillissantes
[tombant dans de beaux bassins
Des treilles nous entourent à droite et à gauche
Le rossignol gazouille dans le jardin
Et chante les poires aux sept couleurs
Celui qui est beau mérite d'être intronisé sous la coupole de la Victoire.»[21]
On retrouve bien les mêmes éléments rhétoriques que ceux que découvriront un jour avec émerveillement les troubadours occitans et qui place la femme au centre d'un discours codé et d'un dispositif textuel complexe. De même, les figures du hasûd (le "gilos" occitan : le "jaloux", "celui qui médit") ou du raqîb (le "gardien" de l'aimée) sont omniprésentes dans cet univers poétique chiffré où l'amour est vécu comme une épreuve dans un environnement social et idéologique souvent hostile. De là ces références nombreuses aux "ennemis" ('adyân) des amants, adversaires redoutables et tenaces qui n'attendent qu'une occasion pour compromettre la pureté de la passion et en ruiner la force.
Totalement absorbés par les péripéties d'une aventure qui implique l'être dans toutes ses dimensions, attentifs à chaque nuance du sentiment, aux plus petites vibrations de l'âme, aux moindres métamorphoses du corps transi, les protagonistes de nos 'arûbî-s doivent, par-dessus tout, veiller à ne pas se trahir. On comprend alors l'importance de ce sens de la discrétion, cette science de l'allusion (ichâra) et cette obsession du secret (serr) que l'on dit propres à l'Andalou mais que l'on retrouve constamment dans notre corpus. Exemple avec cet autre 'arûbî marocain :
«Le cadenas dont tu as parlé, nous avons trouvé la façon de l'ouvrir
Garder le secret et ne pas le divulguer, voilà sa clef
Et chaque fois que je vois la Beauté, je m'incline devant elle
Et je dis : " Ô Bien-aimée, en moi réside ton salut !"
Ô celui qui a acheté le cadenas de la passion, voici sa clef.»[22]
Cette poésie qui cultive, comme on le voit, l'allégorie et la métaphore revendique évidemment la référence au merveilleux. On pourrait citer nombre de pièces où la passion est décrite comme une force si puissante qu'elle bouleverse non seulement les lois de l'esprit et du corps — les thèmes de la folie amoureuse et de la maladie d'amour sont là aussi récurrents –, mais également la règle sociale et jusqu'à l'ordre naturel et cosmique. C'est ce qu'exprime superbement ce 'arûbî tlemcénien (hawfî):
«L'amour est dans nos maisons et l'amour nous a éduqués
L'amour est dans nos puits et notre eau en est devenue douce
L'amour est dans la vigne et elle en a étendu ses rameaux
L'amour nul ne le nie, fût-il émir ou sultan.»[23]
De proche en proche, la contagion du désordre amoureux gagne ainsi l'univers entier et la passion s'amplifie encore plus de se reconnaître dans tout ce qui l'entoure et qu'elle mobilise.
Fragments d'un discours amoureux
Le clin d'œil à un célèbre essai de Roland Barthes par lequel nous entamons cette partie[24] vise en fait à indiquer notre intention de recentrer le propos sur les rapports entre la forme d'un texte collectif ('arûbî), la nature d'une pratique rituelle et le contenu d'un discours idéologique. En effet, nous avons signalé plus haut que nos quatrains réfèrent à un contexte socioculturel précis : celui d'une tradition orale féminine qui associe volontiers création poétique, divertissement et pratiques magico-religieuses. Comme l'attestent les rares études publiées[25], les 'arûbî-s maghrébins combinent selon différentes formules et traditions régionales plaisir du jeu, ivresse du chant et solennité du rituel. Dans chaque situation, les participantes mobilisent — suivant des protocoles connus mais où l'improvisation a aussi sa place — un savoir (celui des textes et de leur contexte) et un savoir-faire (celui du rituel et de son mode opérationnel).
C'est donc à partir de cette dimension fondamentale qu'il convient de décrypter (et le terme est ici particulièrement approprié) le sens d'une poésie dont il faut bien rappeler qu'elle s'est développée en situation de domination. Domination statutaire inhérente à la condition juridique de la femme en Islam et domination symbolique du fait de la prégnance et de l'attraction des modèles esthétiques proprement masculins (andalous ou dérivés, dans le cas qui nous occupe). Néanmoins, comme il a été dit précédemment, l'influence incontestable de ces mêmes schèmes ne peut rendre compte, à elle seule, de la forme et de la visée des quatrains féminins.
Dans cet ordre d'idée, nous savons, par exemple, que le recours à la mantique conditionne pour une bonne part la production et l'interprétation de nombreux textes appréciés en même temps pour leurs qualités littéraires/musicales et pour leur valeur en termes d'efficacité pratique (oraculaire ou prophylactique). On citera par exemple ce 'arûbî d'Alger (buqâla) :
«B. et T. Tout ce qui nous arrive est convenable.
Même le poisson triomphe et nage.
La jambe de mon aimée est une émeraude et une hyacinthe.
Et si mon aimée brille dans le ciel, les étoiles lui donnent la chasse.
Belles épaules, beaux bras et le mollet tatoué.
Moi, j'aime mon amie et qui désire mourir n'a qu'à mourir.»[26]
En tant que performance, la pratique du 'arûbî déborde ainsi largement des cadres canoniques d'une certaine "littérarité". Tout d'abord parce qu'elle se déploie dans une durée dédoublée qui est celle de l'interprétation/performance et de la tradition/référence conférant ainsi au sens une profondeur et des résonances particulières. D'autre part, elle implique un rapport au corps qui transcende la simple métaphorisation pour accorder vraiment dans l'acte poétique lui-même la chair au verbe — en particulier quand le poème accompagne des parties d'escarpolette ou des rituels extatiques. Enfin, les combinaisons textuelles (virtuellement infinies) réalisées au cours de chaque "séance" à travers un procès de reproduction, d'improvisation et de "montage" mi-spontané mi-codifié, au même titre que l'existence d'une multitude de versions et variantes d'une ville ou d'une région à l'autre attestant de la plasticité du corpus et de sa popularité, ressortissent à une poétique de la variation où le rapport au fragment occupe une place centrale. A cet égard, Paul Zumthor estime que «(…) le texte transmis par la voix est nécessairement fragmentaire. » et il ajoute, avec une grande finesse, que « la tension (…) à partir de laquelle cette "œuvre" [orale] se constitue se dessine entre la parole et la voix, et procède d'une contradiction jamais résolue au sein de leur inévitable collaboration ; entre la finitude des normes de discours et la spatialité du corps. C'est pourquoi le texte oral n'est jamais saturé, ne remplit jamais tout à fait son espace sémantique.»[27]
Ce constat crucial s'applique peut-être avec encore plus de force à notre 'arûbî féminin dans la mesure où son style si particulier résulte autant du "détournement"[28] d'une rhétorique (hispano-andalouse) que de la mise en œuvre d'un art formulaire appliqué de plus à une tradition de rituels. De ce fait, la "formule" de la poétesse maghrébine retrouve ici quelque chose du mystère et de la force du verbe enchanté des premiers âges de l'humanité. Se coulant au besoin dans les figures d'une lyrique prestigieuse, la parole féminine révèle alors un imaginaire étonnant et souvent subversif. Ainsi ce quatrain tlemcénien (hawfî) :
«La vigne a poussé et la grappe s'est révélée au regard.
A son lever, le muezzin a trouvé les amoureux endormis
Les étoiles ont menacé: "Nous allons tout dévoiler"; les nuages ont
[ répondu :"Arrêtez !
Laissez dormir les amoureux ! Que leurs ennemis ne puissent pas se réjouir ! »[29]
Sous les apparences du respect du consensus idéologique et de la conformité à la norme — comme tendrait à le suggérer par exemple l'usage fréquent de la locution proverbiale –, la Maghrébine exprime en réalité ses propres préoccupations. Ce sont donc émois, tourments mais aussi fantasmes qui renvoient à un quotidien et à une condition manifestement problématiques : douleur de la mal-mariée, amertume de l'amoureuse trompée, obsession de la tache et du déshonneur, mélancolie du temps qui passe avec la jeunesse, fierté du lignage et désagréments du cousinage, ardeurs de la foi et vénération pour ses figures prophétiques ou thaumaturgiques, trouble du premier regard, extase des retrouvailles nocturnes, angoisse de l'aube qui sépare les amants, tendresse maternelle et vertiges érotiques. Surtout solitude et sentiment d'oppression quand l'amour est aux prises avec la raison et ses effigies.
Pour un bonheur intense mais souvent éphémère, que de tristesse et de regrets dans cette poésie tout en demi-teintes et en éclats brisés, d'une pudeur qui ne fait qu'accentuer la violence et la profondeur des émotions!
La cour et le jardin : pour une poétique du détour
Si la femme est bien celle dont on ne cesse de parler, celle que célèbre la coutume et que chante le désir, celle que l'imaginaire commun consacre aux yeux de tous comme le pivot du groupe et la garante de sa durée, elle est aussi celle dont l'expression reste étonnamment discrète, pour ne pas dire absente de la surface visible du discours culturel dominant. On doit alors admettre que si sa parole traverse le champ des représentations collectives, elle y figure comme en creux, quand elle ne résonne pas à partir d'un lieu décentré ou marginal, d'un contre-champ, voire d'un hors-champ où il lui faut se déployer. Car, par un paradoxe constant dans toutes les sociétés humaines, cette parole est doublement nécessaire au groupe : en tant qu'écho de la Norme, confortant la positivité du sens commun et du projet qui le fonde et simultanément en tant que rumeur de la Marge qui tire la doxa du côté du refoulé, vers un ailleurs inédit et incontournable.
C'est précisément dans cette tension que se situe, selon nous, l'intérêt majeur des 'arûbi-s féminins dans la mesure où elle révèle les limites d'un modèle éthico-normatif et les contradictions d'un imaginaire. Nous esquissions plus haut quelques hypothèses à propos de la transmission du paradigme andalou, de la cour du palais à celle de la maison. Si elles se confirmaient, elles pourraient expliquer — en partie du moins — à la fois les spécificités du 'arûbî et ses apparentements. En effet, historiquement, la prolifération des espaces et la diversification des publics installe peu à peu le répertoire dans une forme de mixité socioculturelle et sexuelle qui favorise sans doute les processus artistiques d'imitation et d'adaptation. Les femmes (andalouses ou maghrébines) qui l'assimilent, le reproduisent et s'en inspirent pour leurs propres compositions vont alors opérer, une sorte de réinvestissement idéologique et esthétique de ses codes et valeurs.
Par un phénomène que les anthropologues et sociologues connaissent bien, un discours idéologiquement et formellement dominant est ainsi "parasité" et détourné par des acteurs sociaux dominés. Sans qu'il puisse être ici question de "ruse" ou de tactique organisée, on peut penser que les formules rhétoriques et les thèmes de l'art andalou vont ainsi être reproduits et acclimatés par les femmes du Maghreb à leur manière. Le développement du 'arûbî dans ce contexte domestique traditionnel expliquerait qu'il obéisse aussi clairement à ce qu'il faudrait désigner comme une poétique contrainte[30].
L'une de ses manifestations les plus patentes se trouve dans la récurrence des figures de la claustration ou de la servitude[31]. Depuis la cour (familiale ou conjugale), le poème désigne un ailleurs spatio-temporel qui ne cesse de le hanter suivant différentes modalités paradigmatiques. De ce point de vue, le jardin semble bien résumer toutes les virtualités excentriques — au sens étymologique — du discours féminin alors même qu'elles empruntent les apparences d'un des topoi centraux de la lyrique andalouse.
Certes, dans le 'arûbî comme dans la lyrique hispano-mauresque, la place éminente accordée à la nature (domestiquée) et à ses cycles ressortit autant à un phénomène de civilisation qu'à une rhétorique savante. Dans la mise en scène du jardin, la composition des motifs, la valeur allégorique de chaque élément floral nous ramènent bien sûr à ces rawdiyât et ces nawriyât où excellait en son temps un Ibn Khafâja. Encore une autre preuve de la suprématie du muwachah et du zajâl, fera-t-on remarquer. Pourtant, l'évidence de l'emprunt risque fort d'occulter l'essentiel : l'originalité propre d'une parole et de son imaginaire.
Une lecture attentive révèle très vite que ce séjour emblématique est associé à un personnage étranger omniprésent. Dans l'économie du discours féminin, cette figure "exotique" s'oppose au voisin comme le jardin s'oppose à la cour. Ainsi, le poème subvertit l'ordre de la norme en réinterprétant la symbolique du lieu et en opérant un déplacement crucial au terme duquel apparaît un espace de liberté dans le cadre de la tradition. Le 'arûbî s'inscrit alors dans une aventure du sens où il s'agit d'explorer de texte en texte les espaces interdits de la passion et d'affirmer en son nom la légitimité d'un projet individuel :
«J'ai rencontré un (beau) jeune homme qui cueillait des fruits avec son sabre
(Il semblait) plus rose que le jasmin et plus blanc que le cristal
Il m'a lancé sa pomme ; je l'ai reçue dans la cour
Epouser le cousin paternel, c'est traître, fils de traître
Epouser le cousin maternel, c'est la brûlure sans le cautère
Epouser l'étranger, c'est le lait dans le (verre) de cristal.»[32]
De la cour où elle trame les figures de l'absence, du silence ou de l'esquive[33], la Maghrébine ose parfois évoquer à voix haute et sur un ton d'une singulière véhémence l'appel de l'interdit :
«J'étais assise dans le jardin, me cachant derrière l'amandier.
Près de moi est passé un (beau) jeune homme qui tenait à la main une baguette
[ bleue.
Il portait sa chéchia de côté et sa coupe de cheveux luisait
Pour lui j'abandonnerais mes enfants et pour lui je me ferais répudier
Et pour lui je ruinerais la ville et la transformerais en fondouk.»[34]
En définitive, à les écouter avec attention, ces 'arûbî-s ne cessent de raconter l'histoire d'un rêve impossible. Pour reprendre les propos de Paul Zumthor à propos de la voix, «ce qu'[ils] nous livre[nt], antérieurement et intérieurement à la parole qu'[ils] véhicule[nt], c'est une question sur les commencements : sur l'instant sans durée où les sexes, les générations, l'amour et la haine furent un.»[35] A la différence du texte andalou qui se déploie dans la plénitude que confèrent seuls le prestige d'une forme et la force d'un statut socioculturel dominant, les 'arûbi-s ne peuvent (ni ne veulent apparemment) prétendre qu'à la fragmentation de l'œuvre et à la dissémination du sens. Pourtant, au sommet de son chant, le poème ouvre l'imaginaire à l'infini du désir. Avec une étonnante délicatesse et une habileté remarquable, cette parole "mineure" renverse subtilement les figures de la fiction identitaire, acculant souvent le discours dominant aux frontières de l'absurde — sans jamais pourtant l'y réduire tout à fait — dans une démarche transversale qui prend, par instants, des aspects d'une étonnante modernité[36].
Bibliographie
Barthes, Roland : Le Degré zéro de l'écriture (1953).- Paris, Gonthier, 1971.
- Le Plaisir du texte.- Paris, Le Seuil, 1973.
- Fragments d'un discours amoureux.- Paris, Le Seuil, 1977.
Bencheneb, Saadeddine : Du moyen de tirer des présages au jeu de la Buqala.- Annales de l'Institut d'études orientales d'Alger, tome 14, 1956.- p.p. 19-111.
Bertrand, Martine : Le Jeu de la boqala.- Alger, OPU/Publisud, 1983.
Chelli, Moncef : La Parole arabe. Une théorie de la relativité des cultures.- Paris, Sindbad, 1980.
De Certeau, Michel : L'Invention du quotidien. 1. Arts de faire (1980).- Paris, Gallimard "Folio", 1990.
El Fasi, Mohammed : Chants anciens des femmes de Fès.- Paris, Seghers, 1967.
Foucault, Michel : Les Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines.- Paris, Gallimard, 1966.
Glissant, Edouard : Le Discours antillais.- Paris, Le Seuil, 1981.
Ibn Khaldoun : Les Prolégomènes.- Traduction De Slane, Tome 3, Paris, éditions Quatremère, 1868 / Discours sur l'histoire universelle.- Trad. Monteil, Vincent, Tome 3. Paris, Sindbad, 1968.
Lacheraf, Mostefa : Chansons des Jeunes Filles Arabes.- Paris, Seghers, 1953.
Mathieu, Gisèle : Anthologie de la poésie amoureuse de l'âge baroque. 1570-1640.- Paris, Le Livre de poche, 1997.
Montaigne : Les Essais, Livre 3, (Traduction Mathieu, Gisèle).- Paris, Hachette "Nouveaux classiques", 1976.
Stern, S. M. : Les vers finaux en espagnol dans les Muwachahs hispano-hébraïques. Une contribution à l'histoire du muwachah et à l'étude du vieux dialecte espagnol 'mozarabe'.- Al-Andalus, tome 13, 1948.- p.p. 299-346.
Soriano, Marc : Les Contes de Perrault (1968).- Paris, Gallimard "Tel", 1977.
Yelles, Mourad : Le Hawfi. Poésie féminine et tradition orale au Maghreb.- Alger, Office des Publications Universitaires, 1990.
Yelles, Mourad : Aux sources du poème : les Hawfi-s d'Ibn Khaldoun.- Cahiers Jamel Eddine Bencheikh. Savoir et imaginaire.- Paris, L'Harmattan, 1998.- p.p. 47-60.
Zumthor, Paul : Au berceau du lyrisme européen.- Les Cahiers du Sud, n° 326, 1954.- 2ème trimestre, p.p. 3-61.
Introduction à la poésie orale.- Paris, Le Seuil, 1983.
Notes
* Cette étude est une version remaniée et augmentée d'un article à paraître dans Horizons maghrébins, "Musiques d'Algérie et société", septembre 2002.
[1]- Compte tenu de leur forme archétypal : le quatrain ('arûbî étant généralement considéré comme une métathèse de rubâ'î).
[2]- On parle en effet suivant les régions de 'arûbî, buqâla, hawfî, a'ayyû'.
[3]- Yelles-Chaouche, Mourad : Le Hawfi. Poésie féminine et tradition orale au Maghreb.- Alger, Office des Publications Universitaires, 1990.
[4]- Et plus particulièrement au monde masculin en tant qu'instance dominante sur le plan social, économique et symbolique.
[5]- «(…) L'écriture classique, une et universelle, a abandonné tout tremblement au profit d'un continu dont chaque parcelle était choix, c'est-à-dire élimination radicale de tout possible du langage.» (Le Degré zéro de l'écriture (1953).- Paris, Gonthier, 1971.- p. 51).
[6]- "aubades", chants de l'aube.
[7]- Idem.- p. 42
[8]- Plus précisément "maniéristes", si l'on en croit Gisèle Mathieu qui établit cette distinction fondamentale entre "maniérisme" et "baroque" à travers les figures emblématiques de Narcisse et de Pygmalion. (Anthologie de la poésie amoureuse de l'âge baroque. 1570-1640.- Paris, Le Livre de poche, 1997.
[9]- Montaigne : Les Essais.- Livre 3, (Traduction Gisèle Mathieu). Paris, Hachette "Nouveaux classiques", 1976.- p. 75.
[10]- Chelli, Moncef : La Parole arabe. Une théorie de la relativité des cultures.- Paris, Sindbad, 1980.- p. 279.
[11]- Qui n'a pas nécessairement sa source dans un hédonisme trop souvent emphatisé dès qu'il s'agit du "miracle andalou" …
[12]- Idem.- p. 301.
[13]- Lacheraf, Mostefa : Chansons des Jeunes Filles Arabes.- Paris, Seghers, 1953.- p. 9.
[14]- Les Mots et les choses. Une archéologie des sciences humaines.- Paris, Gallimard, 1966.- p. 49.
[15]- Les Prolégomènes.- Traduction De Slane. Paris, Tome 3, éditions Quatremère, p. 445. Cette partie ne figure pas dans tous les manuscrits…
Sur cette question, cf. Yelles, Mourad "Aux sources du poème : les Hawfi-s d'Ibn Khaldoun", Cahiers Jamel Eddine Bencheikh. Savoir et imaginaire.- Paris, L'Harmattan, 1998.- p.p. 53-59.
[16]- Discours sur l'histoire universelle.- Trad. Vincent Monteil, Paris, Tome 3. Sindbad, 1968.- p.p. 1274-1275. On notera que Marc Soriano fait référence à un phénomène comparable à propos de la transmission des contes populaires dans la France du 17ème siècle (Les Contes de Perrault (1968).- Paris, Gallimard, 1977).
[17]- Peut-être plus sensible dans les milieux d'artisans traditionnellement adonnés à la poésie et à la musique … On attribue par exemple à la compagne d'Ibn M'Saïeb, le grand poète tlemcénien de la fin du 18ème siècle, un hawfî très connu.
[18]- Cité par Zumthor, Paul : Au berceau du lyrisme européen.- Les Cahiers du Sud, n° 326, 1954.- 2ème trimestre, p. 8.
[19]- Stern, S. M. : Les vers finaux en espagnol dans les Muwachahs hispano-hébraïques … - Al-Andalus, Tome 13, 1948.- p. 303.
[20]- De là à penser que dans un certain nombre de cas des admiratrices inspirées aient pu décider de sauter le pas en improvisant ou en "réécrivant" elles-mêmes des textes …
[21]- El Fasi, Mohammed : Chants anciens des femmes de Fès.- Paris, Seghers, 1967.- p. 31.
[22]- Idem.- p. 92.
[23]- Yelles-Chaouche, Mourad : Le Hawfi. Poésie féminine et tradition orale au Maghreb.- Op. cité.- p. 242.
[24]- Barthes, Roland : Fragments d'un discours amoureux.- Paris, Le Seuil, 1977.
[25]- Yelles-Chaouche, Mourad : Ibid.- p.p. 109-171.
[26]- Bencheneb, Saadeddine : Du moyen de tirer des présages au jeu de la Buqala.- Op. cité.- p. 52. Suivant un procédé très fréquent dans la poétique andalouse, si la description semble s'appliquer à une jeune femme, elle peut tout aussi bien concerner un homme.
[27]- Zumthor, Paul : Introduction à la poésie orale.- Paris, Le Seuil, 1983.- p. 56.
[28]- Les notions de "détour" et de "détournement" font ici référence — entre autres — aux travaux De Michel de Certeau (L'Invention du quotidien) et d'Edouard Glissant (Le Discours antillais)
[29]- Idem.- p. 284.
[30]- Glissant, Edouard : Idem.- p.p. 256 et sq.
[31]- D'où cette redondance des symboles liés à la dialectique du clos et de l'ouvert : mur, porte, haie, clôture, fers, cage, esclave versus jardin, homme libre, oiseau, etc. Cf. Bertrand, Martine : Le Jeu de la boqala.- Alger, OPU/Publisud, 1983.
[32]- Yelles-Chaouche, Mourad : Le Hawfi. Poésie féminine et tradition orale au Maghreb.- Op. cité.- p. 244.
[33]- Au même titre que celle du secret ou de l'allusion. Toutes ces figures mériteraient, à l'évidence, une étude approfondie.
[34]- Idem.- p. 246
[35]- Zumthor, Paul : Introduction à la poésie orale.- Op. cité.- p. 13.
[36]- Si tant est, comme l'affirme Roland Barthes, que celle-ci se caractérise pour le Texte par «un effort incessant pour déborder l'échange», c'est-à-dire, en définitive, par «la faille, la coupure, la déflation, le fading qui saisit le sujet au cœur de la jouissance. » (Le Plaisir du texte. Paris, Le Seuil, 1973, p.p. 40, 15)