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Représentations et croyances dans l’Arabie du VIIe siècle : les djinns dans le Coran

Insaniyat N°53| 2011 | La Montagne : populations et cultures | p.177-183 | Texte intégral 


Esma Hind TENGOUR: Thèse de doctorat dirigée par Madame le Professeur, Jacqueline Chabbi, soutenue publiquement le 5 juillet 2011 à l’Université de Paris 8 Vincennes Saint-Denis.


Pour une histoire des mentalités : questions de méthode

Envisager l’histoire des mentalités d’un milieu humain du passé, celui des hommes de l’Arabie au début du VIIe siècle, a consisté, pour nous, à travailler à partir de l’anthropologie historique. Ce choix s’est imposé dès lors qu’il se justifiait à la fois par l’adoption d’une problématique précise sur le sujet, les djinns dans le Coran, et par le contexte du VIIe siècle naissant, période durant laquelle la parole coranique a été révélée au futur prophète de l’islam. La thèse que nous avons soutenue a ainsi eu pour objet de comprendre, à partir d’un imaginaire d’origine, qui était particulièrement ancré sur un mode de vie et une configuration sociale très liés à des contraintes de terrain, quelle a pu être la signification et la portée des bouleversements historiques qui ont traversé l’Arabie occidentale à cette époque. Nous avons notamment essayé de réfléchir sur la mutation historique majeure qui fait passer les hommes de l’Arabie intérieure à des territoires en grande partie étrangers à leur milieu premier du point de vue de leur imaginaire et des figures qui le constituent. Il s’est donc agi de tenter, en nous basant sur les sources disponibles, à savoir la vulgate coranique elle-même et la littérature post-coranique, religieuse ou non[1], d’identifier les éléments pouvant restituer des expressions analysables de l’imaginaire collectif. Il s’est agi dans le même temps de replacer l’ensemble de ces sources dans leur contexte historique et anthropologique afin de retrouver l’enracinement temporel et social des représentations et des croyances que nous avons voulu étudier. Cette contextualisation des sources était nécessaire, d’abord pour ne pas confondre l’imaginaire coranique, directement issu de son milieu tribal, avec l’imaginaire musulman, qui s’est construit peu à peu très largement en dehors de l’Arabie et sur une période d’environ deux siècles ; ensuite pour bien faire la part entre une connaissance de nature historique et une refondation comme celle que fut l’historiographie arabe médiévale des IIIe[2]/IXe et IVe/Xe siècles dont les préoccupations, portées par les enjeux de croyances de son temps, n’étaient pas de retrouver les contextes oubliés qui intéressent les sciences humaines aujourd’hui[3]. Le passé ainsi représenté après coup par des hommes extérieurs à l’Arabie et à l’islam premier ne pouvait être autre que musulman au sens où ce mot s’entendait dans une société devenue elle-même musulmane et sans doute pas au sens où Muḥammad et ses contemporains ont vécu leur islam au début du VIIe siècle[4]. Nous avons, par ailleurs, travaillé à partir des études modernes réalisées entre la fin du XIXe siècle et la première moitié du XXe siècle – voire au-delà pour certaines zones comme le Yémen et, plus généralement, le sud de la péninsule arabique – à la fois par des voyageurs aventuriers qui se sont faits ethnographes, comme Charles Doughty[5] ou Wilfred Thesiger[6], et par des savants comme le Père Antonin Jaussen[7] de l’École Biblique de Jérusalem ou plus récemment le sociologue Joseph Chelhod[8]. Notre thèse s’est divisée en quatre parties. La première a été consacrée à la reconstitution d’un imaginaire épars, celui qui a donné naissance aux figures surnaturelles auxquelles les Arabes du VIIe siècle croyaient. Il était en effet essentiel d’explorer le passé des tribus, de penser ce passé et de ne surtout pas s’en évader. Cette étape était nécessaire car l’Arabie des djinns était aussi celle d’autres entités de surnature dont il fallait absolument suivre la trace pour espérer percevoir où les djinns se situaient par rapport à ces entités, pour comprendre surtout comment le « sacré » s’articulait dans cette société et quelles en étaient les figures représentatives. La deuxième partie a porté sur les djinns à l’épreuve de la parole coranique laquelle a dû se résoudre à les intégrer en son sein. C’est donc à partir de la vision supposée des djinns, qui prévalait dans l’Arabie du début du VIIe siècle, que nous nous sommes aventurée dans le Coran pour chercher à élucider certains problèmes concernant, d’une part, les rapports entre les Arabes des tribus et leur imaginaire hanté par les djinns, et, d’autre part, entre l’homme Muḥammad et cet imaginaire tribal dont il est issu et dont il demeure incontestablement imprégné. La troisième partie a eu pour objet le devenir des djinns dans la parole coranique qui, après quelques hésitations, a fini par leur octroyer une place au prix d’une dépossession quasi-totale de leurs rôles et fonctions dans la vieille société tribale, et en particulier leur rôle de médiateurs entre les hommes des tribus et la représentation qu’ils s’étaient donnée de leur destin. Dans la quatrième partie, enfin, ont été abordés certains aspects relatifs au rôle qu’ont joué les djinns dans la polémique qui opposa l’homme Muḥammad à sa tribu d’appartenance, les Quraysh[9], et en particulier leur mise, par la parole coranique, au service d’une rhétorique visant à convaincre les dénégateurs mekkois de Muḥammad d’entrer dans une alliance préférentielle avec Allāh.

Les mots comme vecteurs de mémoire

Aborder un fragment de l’imaginaire arabe par la dimension historique et anthropologique était aussi le moyen de comprendre les changements qui ont affecté cet imaginaire au début du VIIe siècle, mais surtout d’essayer de percevoir comment les médiations imaginaires qui soutiennent la symbolisation des relations humaines s’articulent. À cet égard, les éléments relatifs à la socialité, aux représentations et aux croyances de l’Arabie d’alors étaient notre meilleure chance d’accéder à un passé dont il ne subsiste finalement que des mots, des mots-fossiles pourrait-on dire, dont l’intelligibilité du sens dépend de la prise en compte du fait que ces mots sont eux-mêmes portés par les usages culturels et sociaux de leur propre temps et de leurs contemporains, autrement dit un contexte. La difficulté à laquelle nous n’avons cessé de nous heurter est qu’un contexte n’est pas donné d’avance, mais doit au contraire être retrouvé en interrogeant les mots qui le disent. Pour une approche plus ou moins précise, plus ou moins juste du contexte, il a donc fallu saisir le sens des mots, en discerner les définitions plausibles de celles qui ne le sont pas dans un espace et un temps précis. Aussi est-ce de façon systématique que nous avons recouru à l’analyse des mots et de leur racine dans la langue arabe et ce, en prenant appui essentiellement sur le dictionnaire Lisān al-‘Arab (désormais Lisān) d’Ibn Manẓūr († 711/1312)[10].

Dans le cadre de notre recherche, notre intérêt s’est tout d’abord porté sur la racine d’où provient le mot djinn, à savoir la racine ğ n n. Celle-ci renvoie en premier lieu à l’invisible, à ce qui est caché, voilé ou enveloppé. Cependant, c’est le sens de l’enveloppement qui est récurent dans les dérivés (ğinn, ğānn, ğinnī, ğinna, ğanna) de la racine ğ n n. C’est d’ailleurs ce sens que l’on retrouve présent dans la racine GN de l’hébreu[11]. Nous avons par ailleurs constaté que sous la racine ğ n n, les mots qui servent à nommer les djinns (ğinn, ğānn, ğinnī, ğinna, ğinniyya) sont associés de manière significative aux mots qui servent à nommer les hommes. Comme si les uns et les autres ne pouvaient se concevoir que les uns par rapport aux autres. Le sémantisme des deux groupes de mots s’enchevêtre en dépit de l’apparente opposition entre les racines ğ n n et ’ n s. Le Lisān souligne d’ailleurs de manière très claire l’opposition entre ğinn et ins : al-ğinn khilāf al-ins. Évidemment, les djinns diffèrent des hommes ! Mais il n’est peut-être pas inutile de nous interroger sur les rouages de cette altérité dans l’imaginaire de ceux qui croyaient partager leur monde avec les djinns. La racine ’ n s d’où proviennent les mots ins, insān et insī, pluriel nās et/ou unās qui désignent l’être humain, connote la sociabilité, la familiarisation. Le mot anas désigne notamment les habitants fixés dans un lieu ou les gens d’un lieu : ahl al-maall, mais anas est donné par le Lisān comme opposé à la solitude : wa-l-anas khilāf al-washa. Il en est de même pour les mots uns, isti’nās et taannus. D’après le Lisān, le mot nās s’applique pourtant aussi bien à des hommes qu’à des djinns. Ibn Manẓūr rapporte le récit suivant, d’après Ibn Ğinnī[12] († 392/1002) qui lui-même le rapporte anonymement :

Qāla Ibn Ğinnī : wa-yukā anna ā’ifa min al-ğinn wāfaw qawm fa-(i)sta’danū ‘alay-him fa-qāla la-hum al-nās : man antum ? fa-qālū : nās min al-ğinn, wa dālika anna l-ma‘hūd fī l-kalām idā qīla li-l-nās man antum qālū : nās min banī fulān.

« ‘‘On raconte – dit Ibn Ğinnī – qu’un groupe de djinns était arrivé chez une tribu à qui ils demandèrent la permission d’entrer [sur son territoire]. ― Qui êtes-vous donc ? interrogèrent les hommes [de la tribu]. ― Nous sommes des hommes [d’une tribu de] djinns, répondirent-ils. C’est parce que l’usage veut que lorsqu’on demande aux hommes [d’une tribu] : ‘‘Qui êtes-vous donc ?’’, ils répondent : ‘‘Nous sommes des hommes de telle tribu.’’ »

Enfin, Ibn Manẓūr nous apprend, d’une source anonyme, que les hommes portent le nom de ins parce qu’ils sont sociables et visibles, contrairement aux djinns qui se nomment ğinn parce qu’ils sont a-sociables et invisibles : wa-qīla li-l-ins ins li-anna-hum yu’nasūn ay yubarūn, kamā qīla li-l-ğinn ğinn li-anna-hum lā yu’nasūn ay lā yubarūn. La relation ainsi établie entre la sociabilité et le visible par opposition à l’asociabilité et à l’invisible nous permet d’accéder à une représentation qui se précise. On trouve en effet parmi les dérivés de la racine ğ n n le mot ğānn auquel plusieurs sens se rattachent, notamment celui d’une catégorie de serpents aux yeux noirs, à la peau blanche ou jaunâtre. Il s’agit d’un serpent inoffensif, fin, daqīq, et léger, khafīf, par opposition au tu‘bān qui, lui, est un serpent long et gros. Les ğānn(s) ont aussi la particularité d’habiter les tentes : hiya l-ayyāt allatī takūnu fī l-buyūt. Ces djinns-serpents étaient vraisemblablement perçus de manière positive. Ils signalent en tout cas que leur présence de façon permanente dans l’espace des hommes neutralisait toute malveillance de leur part. On comprend un peu mieux pourquoi : les ğānn(s) ne sont ni a-sociables, ni même plus invisibles. Ils habitent avec les hommes, dans le même espace et ont une forme stable. Il y a là une imbrication des sens entre les deux racines ğ n n et ’ n s comme si la sociabilité n’était concevable qu’en fonction de l’asociabilité et que le visible n’allait de soi que dans la mesure où il y avait un invisible. En d’autres termes : avec les djinns, les hommes se différencient des djinns grâce aux repères de la comparaison. Une telle relation d’être à être a pu vouloir dire que l’imaginaire des djinns et des hommes de l’Arabie du VIIe siècle a été un imaginaire de l’autre et du même qui a permis de penser l’altérité et à l’altérité de se penser comme phénomène d’une perception d’un imaginaire en perpétuelle construction.

Indications Bibliographiques

Compte tenu de l’importance bibliographique du sujet, nous ne mentionnons ici que quelques ouvrages et articles généraux pour compléter les références citées dans les notes.

Atallah, W., « Les survivances préislamiques chez le prophète et ses compagnons », in Arabica, XXIV/3, Brill, 1977, pp. 299-310.

(al)-‘Aẓma, A., Dunyā l-dīn fī āir al-‘Arab, 2ème édition, Beyrouth, Dār al-ṭalī‘a li-l-ṭibā‘a wa-l-nashr, 2002.

(al)-Azraqī, Akhbār Makka wa-mā ğā’a fīhā min al-ātār, 2 tomes, Beyrouth, 1979. 

Caquot, A., « Anges et démons en Israël » in Génies anges démons, Paris, Seuil, collection « Sources orientales », 1971, pp. 115-152.

Chabbi, J., « L’Arabie des imaginaires » in Corps écrits, n°31, Paris, Puf, 1990, pp. 29-36.

Chabbi, J., “Jinn”, in Encyclopaedia of the Qur’ān, III, Leiden, Brill, 2003, pp. 43-50.

Crone, P., “The Religion of the Qur’ānic Pagans: God and the Lesser Deities” in Arabica, LVII/2-3, Brill, 2010, pp. 151-200.

De Prémare, A.-L., Aux origines du Coran. Questions d’hier, approches d’aujourd’hui, Paris, Téraèdre, L’Islam en débats, 2004.

(al)-Ghabban, A. I., André-Salvini, B., Demange, F., Juvin, C., Cotty, M. (dir.), Routes d’Arabie. Archéologie et histoire du Royaume d’Arabie Saoudite, Paris, Louvre éditions, 2010.

Hawting, G. R., The idea of Idolatry and the Emergence of Islam. From Polemic to History, Cambridge University Press, 1999.

Paret, R., Der Koran und sein Kommentar, I-II, Stuttgart, Kohlhammer, 1979.

Shams al-Dīn, I. (dir.), Qia al-‘Arab, Mawsū‘a turātiyya ğāmi‘a li-qia wa-nawādir wa-arā’if al-‘Arab fī l-‘arayn al-ğāhilī wa-l-islāmī, I-IV, Beyrouth, Dār al-Kutub al-‘ilmiyya, 2002.

The Cambridge History of Islam, Collectif, volume I, The Central Islamic Lands, Oxford, 1970.


Notes 

[1] Il s’est agi surtout de la littérature exégétique comme le commentaire d’al-Ṭabarī, Ğāmi‘ al-bayān fī tafsīr al-Qur’ān, I-XXX, Beyrouth, Dār Iḥyā’ al-turāt al-‘arabī, 2001 (réimpression) ; des ouvrages lexicologiques de la période classique comme le dictionnaire d’Ibn Manẓūr, Lisān al-‘Arab, 4 tomes, Beyrouth, Dār Lisān al-‘arab, 1981 ou celui d’Ibn Sīdah, al-Mukhaṣṣa fī l-lugha, Beyrouth, Dār al-Āfāq al-ğadīda, s.d. ; et d’ouvrages historiographiques comme celui d’al-Wāqidī, Kitāb al-Maghāzī, Londres, Oxford University Press, 1966 et celui d’al-Ṭabarī, Ta’rīkh al-rusul wa-mulūk, 16 tomes, Leyde, Brill, 1964-1965 (réimpression). Cette liste n’est évidemment pas exhaustive.

[2] La datation indiquée immédiatement avant la datation grégorienne en usage est la datation hégirienne (de l’arabe hiğra, émigration). Selon la chronologie musulmane, c’est au cours de l’été 622 que, fuyant La Mekke, Muḥammad aurait regagné la cité de Yatrib, qui sera rebaptisée al-Madīna, littéralement « la Ville (sous-entendu, du prophète) ». L’épisode de cet exil est connu sous le nom de l’hégire et l’année 622 marque le début de l’ère musulmane.

[3] Voir Chabbi, J., « La représentation du passé aux premiers âges de l’historiographie califale, problèmes de lecture et de méthode » in Itinéraires d’Orient, Hommage à Claude Cahen, CNRS, Res Orientales, vol. VI, Louvain, Peeters, 1994, pp. 21-47.

[4] Sur l’islam des origines, voir notamment M. Bravmann, The Spiritual Background of Early Islam, Leyde, Brill, 1972 ; J. Chabbi, « L’Arabie occidentale au début du VIIe siècle : Étude des représentations et des mentalités », Thèse soutenue en 1992 et consultable sur microfiche (n°293) à la bibliothèque de la Sorbonne ; Le Seigneur des tribus. L’islam de Mahomet, Paris, Noêsis 1997, réédité en 2010, CNRS Éditions, et plus récemment, Le Coran décrypté. Figures bibliques en Arabie, Paris, Fayard, 2008 ; P. Crone, Meccan Trade and the Rise of Islam, Oxford, Basil Blackwell, 1987 ; H. Ğ‘ayṭ, Fī l-sīra l-nabawiyya, I, al-Way wa-l-qur’ān wa-l-nubuwwa, Beyrouth, Dār al-ṭalī‘a li-l-ṭibā‘a wa-l-nashr, 1999 ; Fī l-sīra l-nabawiyya, II, Tārīkhiyyat al-da‘wa l-muammadiyya fī Makka, Beyrouth, Dār al-ṭalī‘a li-l-ṭibā‘a wa-l-nashr, 2007 ; M. Hinds, Studies in Early Islamic History, The Darwin Press, Princeton, New Jersey, 1996 ; M. J. Kister, Studies in Jâhiliyya and Early Islam, Londres, Variorum Reprints, 1980 ; F. Peters, Muhammad and the Origins of Islam, Albany, Suny Press, 1994.

[5] Doughty, Charles M., Travels in Arabia deserta, 2 vol., réédition, New York, Dover, 1979.

[6] Thesiger, W., Le désert des déserts, Paris, Plon, 1978.

[7] Jaussen, A., Coutumes des Arabes au pays de Moab, Paris, A. Maisonneuve, 1948.

[8] Chelhod, J., L’Arabie du Sud, I-III, Paris, Maisonneuve et Larose, 1997 (nouvelle éd.) ; Le peuple yéménite et ses racines, Paris, Maisonneuve et Larose, 1985.

[9] Concernant le nom tribal de Quraysh, voir Ibn Ḥabīb, Kitāb al-munammaq fī akhbār Quraysh, Beyrouth, ‘Ālam al-Kutub, 1985 ; A. Jeffery, The Foreign Vocabulary of the Qur’ân, Baroda, Oriental Institute, collection “Gaedwad’s Oriental”, LXXIX, 1938, pp. 236-237. On trouvera un commentaire critique des hypothèses formulées par Jeffery et des pistes plus vraisemblables dans l’ouvrage de J. Chabbi, Le Seigneur, op.cit., pp. 477-478.

[10] Notons cependant qu’en l’absence d’un dictionnaire historique de langue arabe, la vérification de la présence d’un mot dans le Coran compte comme un indice d’ancienneté de ce mot. Il est important de noter également que l’usage de certaines racines se trouve déjà perdu dans les dictionnaires médiévaux et plus encore dans l’arabe d’aujourd’hui. Aussi, la pertinence de notre travail a-t-elle dépendu pour beaucoup du sens retrouvé des mots dans le contexte singulier de l’Arabie du début du VIIe siècle.

[11] C’est de la racine hébraïque GN que provient le mot hébreu gan qui désigne le jardin d’Eden et qui partage la même origine que le mot arabe ğanna, pluriel ğinān ou ğannāt. Selon le Lisān, al-ğanna est le bosquet contenant des arbres et des palmiers-dattiers, ou seulement des palmiers-dattiers. Selon le Lisān toujours, dans la conception des Arabes, une ğanna contient obligatoirement des palmiers-dattiers et des vignes, autrement, c’est une adīqa, un jardin. Le même mot, ğanna, désigne le paradis coranique dont la représentation est celle d’un lieu recouvert de feuillages suffisamment dense pour que les rayons du soleil ne le pénètrent pas (voir à ce sujet J. Chabbi, Le Seigneur..., op.cit., pp. 638-639). Les représentations que recouvrent les deux mots, gan et ğanna, sont assez voisines. La racine hébraïque GN, donne en effet les mêmes significations d’enveloppement, d’enceinte et de protection.

[12] Grammairien du début du XIe siècle, Ibn Ğinnī († 392/1002) était le disciple d’al-Fārisī († 377/987) et l’auteur d’un célèbre traité de grammaire ayant pour titre al-Khaā’i.

 

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