Dans sa troisième livraison pour l’année 2011, South Africa Review of Sociology, périodique publié en anglais par l’Association sud-africaine de sociologie, apporte des éclaircissements aussi nouveaux que semblant aller à contre-courant sur le changement social en Afrique, et en Afrique du Sud en particulier.
Au moment où des voix s’élèvent pour critiquer l’ethnométhodologie en se demandant à quoi elle sert, la première contribution de ce numéro se veut une analyse ethnométhodologique de la race et des rapports sociaux en Afrique du Sud. Pour Kevin A. Whithead, une telle analyse consiste à s’intéresser à la manière par laquelle « la structure sociale est constituée par des membres localement situés, et ce à partir des du sens relatif à la race ». Dans la société sud-africaine post-apartheid, l’analyse des pratiques interactionnelles à travers lesquelles la race réapparaît, montre jusqu’à quel point les catégories raciales sont encore associées au sens commun des différentes catégories sociales.
Le deuxième article de la revue porte sur la révélation identitaire des lesbiennes à Johannesburg. À partir d’un travail de terrain, L. Smuts présente une étude fort intéressante sur la représentation identitaire « homosexuelle » chez les lesbiennes. Les résultats de ce travail révèlent que pour la population enquêtée, les représentations identitaires sont en lien étroit avec l’appartenance à la classe, la race et la religion. Comme le montre Sumts dans sa conclusion, la construction de l’identité sexuelle devient très compliquée à cause du sentiment homophobe qui prend de l’ampleur dans la société sud-africaine.
Sur la question des mineurs et des conditions de travail qui fait objet d’un grand débat en Afrique du Sud, A. Bennie, évoque quelques dimensions complexes liées à cette question. Mentionnant tout d’abord les problèmes que pose l’exploitation « massive » des mines sur l’environnement, elle souligne les différentes manières d’agir du gouvernement, des syndicats et des ONGs pour résoudre les problèmes (écologiques, économiques, sociaux) qui relèvent de ce fait.
Pour une analyse plus approfondie de la question, Bennie nous livre les résultats de son enquête de terrain auprès des ouvriers de la région minière de la région de Wild Coast, et ce en interrogeant les acteurs-clés sur les questions de développement, d’emploi vert, du développement et de la protection des ressources naturelles.
Dans une autre étude sur les « travailleurs », cette fois-ci sur un plan académique, M. Rabe et P. Rugunanan enquêtent sur la carrière des étudiants ayant choisi la sociologie comme discipline. Dans cette enquête qualitative, les auteurs s’interrogent sur le rôle et la place de la sociologie dans le champ académique. L’enquête révèle que le choix de la discipline de sociologie et la carrière de sociologue ne sont pas sans lien avec l’âge, la race et le sexe. La question financière et celle des liens entre les nouveaux diplômés et les sociologues qui exercent sont aussi évoquées dans le choix de la carrière des nouveaux sociologues.
La rubrique débat de South Africa Review of Sociology est consacrée au « mouvement social syndical », notion utilisée pour la première fois pour parler de la grève des transporteurs indiens en 1979, puis en Afrique du Sud dans les années 1980. Say Seidman met la lumière sur les différents usages du « mouvement social syndical » dans les analyses des sociologues, et ce selon des aires géographiques et culturelles distinctes. Il met le concept au cœur des transitions sociales et démocratiques que connaissent plusieurs pays dans le monde. En somme, le « mouvement social syndical » reste plus un terme descriptif qu’une prescription stratégique, conclut l’auteur.
Ce numéro de la revue se termine par trois notes sur le XVIIème congrès de l’Association sud-africaine de sociologie (SASA). La première est consacrée au panel « Genre et justice sociale : perspective du Sud ». Le résumé présente une analyse brève, mais fine et précise de l’importance du genre dans la compréhension de la dynamique sociale et des injustices de genre, également. La seconde note nous présente un aperçu sur le panel « Savoir local, savoir global » dont les débats étaient axés sur le développement du savoir à partir d’une perspective sociale et historique. Soulignons que les deux notes sont riches de références bibliographiques, relativement récentes, ce qui permettra certainement aux étudiants et aux chercheurs concernés de se rendre compte des différents travaux réalisés autour des questions évoquées dans les deux panels.
La dernière note est un aperçu sur le congrès et ses différentes sessions. Se terminant par une charte des sciences sociales et humaines, le congrès se veut le début d’une nouvelle ère dans les études et recherches liées à ce domaine afin de prendre une place dans la bataille de la transformation et du développement de la société sud-africaine, selon les vœux du ministre sud-africain de l’enseignement supérieur.
Belkacem BENZENINE