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Le protectorat et le droit. La Régence de Tunis entre la Charte de 1861 et le système colonial français

Insaniyat N°65-66 | 2014  | Algérie 1962 | p. 239-257 | Texte intégral 


Protectorate and law. The Regency of Tunis between 1861 Charter and French colonial system

Abstract: With this article, we believe questioning the colonization and the protectoral system on the destiny reserved to the first constitution of the Arab-Muslim world put in place in 1861, and the reception of this event within French society. We tried to understand the obstacles and rejection facing this history including those violent moments of French colonialism. It seems that the French built a "self-censorship" added to a state censorship. They do not want, nor accept and admit that the Republic betrayed its values and transgressed the Tunisian law in dealing with other territories, and by suppressing their rights.
What happened under the protectorate in 1881? The colonial regime established in Tunisia is a true denial of the ideas of 1789. All human rights and of the citizen are constantly disavowal. Instead of equality, colonialism installed a two-speed society, separating the Tunisian community from the colonial one. Another principle violated by the State of law, was the principle of banishing the Tunisian law.

Keywords: Protectorate - colonization - Constitution - indigenous - Republic.


Hedi SAIDI: Institut social de Lille, 59 000, Lille, France / URMIS Paris-Diderot-Paris VII, 75 000, Paris, France.


Depuis quelques années, les paysages médiatique, intellectuel, associatif et politique français sont traversés par des débats sur la mémoire et l’histoire. La mémoire française est sollicitée par de nombreux témoignages, publications, forums, films, colloques, expositions qui semblent réactiver les temps coloniaux. Le monde des historiens contribue pleinement à cette résurgence, qu’il s’agisse de débattre de la torture en Algérie pendant la guerre d’indépendance, du « colonialisme républicain », d’interroger Vichy sur son passé collaborationniste et /ou de questionner la République sur le sort qu’elle a réservé aux soldats coloniaux de la Première et Seconde Guerre mondiales.

Dans ce climat passionnel et de « guerre des mémoires », le rôle de l’historien consiste à élaborer et à transmettre des connaissances rigoureuses sur le passé. Celles-ci résultent d’une analyse critique des sources disponibles et répondent à des questions qui ont pour objectif de mieux comprendre les phénomènes historiques tel que le passé colonial et son cortège de victimes et non de les instrumentaliser et les juger.

Pour nous, l’historien doit s’efforcer de mettre à la disposition de tous les connaissances sur ces sujets complexes (traités souvent avec passion et arrières pensées). Il doit également soulever les questionnements susceptibles de favoriser une meilleure connaissance du passé (colonisation, immigration, esclavagisme, protectorat…) de manière à nourrir l’esprit critique des citoyens des deux rives.

Nous avons choisi de braquer les lumières sur les pages occultées de l’histoire tunisienne pendant la présence française (1881-1956) (les exclus de l’histoire française), lui rendre la dignité historique et l’aider à cicatriser ses blessures mémorielles.

L’histoire du protectorat en France et la période coloniale en Tunisie sont peu connues du grand public. Il est vrai que les manuels scolaires n’abordent que très sommairement cette histoire, et même la campagne de Tunisie, évènement fort important (1942-1943), est totalement oubliée de plusieurs éditeurs scolaires. Reconnaissons qu’en France on a coutume de considérer que la colonisation de l’Algérie est digne d’intérêt et objet d’histoire plus que les autres temps coloniaux. Et il suffit d’observer le nombre de travaux universitaires, d’expositions, de colloques et d’ouvrages qui y consacrés pour se rendre compte qu’elle demeure la référence absolue.

Pour la Tunisie, l’image d’une colonisation paisible et « positive » s’est installée dans la conscience collective, produite et transmise de génération en génération par la littérature, le cinéma et les voyageurs, et justifiée par des relations anciennes et les « bons » rapports entre les deux pays [1] . Ainsi est expliquée cette histoire commune par beaucoup, y compris même par des « spécialistes » de l’histoire coloniale.

L’objectif de cet article est d’évoquer ces mariages/divorces entre Marianne et « sa colonie », les « noces » entre la chéchia et le bonnet phrygien, phénomènes encore porteurs d’incompréhension et de rejet réciproque.

En quoi est républicain le fait de coloniser d’autres territoires ? Quelle est le fondement de la présence française en Tunisie ? Pourquoi les gouvernements français de l’époque ont choisi le protectorat comme moyen de domination coloniale dans la Régence de Tunis ?

A travers cet article, guidé par une interrogation sur les relations franco-tunisiennes et le statut du protectorat, nous proposons des pistes de réflexion à la recherche de l’histoire du droit.

Pour mieux comprendre cette argumentation, un retour à l’histoire constitutionnelle de ce pays nous a semblé fort nécessaire.

Le pacte fondamental 1857 (Ahd El Amen ou le Pacte de sécurité)

Une constitution antérieure à l’existence de l’État tunisien

Le territoire de la Tunisie actuelle connait sa première forme d’organisation politique avec la constitution de Carthage, régime politique de la cité punique dont le texte est longuement évoqué par Aristote dans son célèbre ouvrage La politique (II, XI, 1-16). Ce dernier la décrit comme un modèle de constitution « mixte », équilibrée et présentant les meilleures caractéristiques de différents de régimes politiques : on y trouve des éléments des systèmes monarchiques (rois), aristocratiques (Sénat) et démocratiques (Assemblée du peuple). Aristote écrit à ce sujet: « Carthage pourrait encore jouir d’une bonne constitution, plus complète que celle des autres Etats sur bien des points… Les trois gouvernements de Crète, de Sparte et de Carthage ont de grands rapports entre eux, et ils sont très supérieurs à tous les gouvernements connus. Les Carthaginois en particulier ont des institutions excellentes, et ce qui prouve bien toute la sagesse de leur constitution, c’est que, malgré la part du pouvoir qu’elle accorde au peuple, on n’a jamais à Carthage de changement de gouvernement, et qu’elle n’a eu, chose remarquable, ni émeute, ni tyran… Carthage est plus prudente (que Sparte) et ne demande pas ses rois à une famille unique…, elle s’en remet à l’élection et non à l’âge pour amener le mérite au pouvoir » (La Politique, (II, XI, p. 8).

Les Tanzimat (Turquie) et le pacte fondamental (Tunisie)

Le 3 novembre 1839, le sultan Abdulmajid 1er inaugure son règne en faisant publier une célèbre charte, le Hatti Cherif de Gulhané, (charte impériale) connue sous le terme Tanzimat qui signifie « réformes » et qui désigne la période de rénovation de l’empire ottoman inaugurée par celle-ci. Elle proclame une juste répartition des impôts, l’institution du service militaire avec la réorganisation de l’armée, l’égalité devant la loi de tous, les sujets de l’empire ottoman quelle que soit leur religion et leur nationalité, le droit à la justice pour tous.

Cette charte contredit la loi coranique, qui fait des non musulmans des protégés ou citoyens de seconde zone astreints à de lourdes taxes. Par ce geste audacieux, le sultan veut rénover l’empire menacé d’éclatement.

Le pacte fondamental qu’a connu la Tunisie en 1857 est fortement inspiré par ces chartes (1839-1865). Il a été promulgué par le décret beylical du 10 septembre 1857, proclamant l’égalité devant la loi, la liberté du culte, la garantie de la liberté du commerce.

Le pacte fondamental définit les droits fondamentaux des Tunisiens, abolit le statut de dhimmi (protégé) des Juifs qui deviennent des citoyens à part entière. Il autorise le droit de propriété aux résidents européens. Ce pacte préfigure le projet de constitution. Pour que les citoyens soient égaux devant la loi, il faut d’une part une charte constitutionnelle fondée sur la séparation des pouvoirs qui le garantit explicitement, et d’autre part que la loi soit l’expression de la volonté générale. Ainsi seulement, elle pourra offrir les garanties contre tous les abus du pouvoir : atteinte à la propriété, à toute forme de liberté individuelle, politique, religieuse… Elle permet aux citoyens de contrôler le pouvoir exécutif via le Conseil des Grands élus et d’éviter les décisions relevant du bon vouloir du souverain. Le discours sur « la volonté générale » exige du Tunisien qu’il se débarrasse de ses intérêts économiques et sociaux catégoriels, qu’il fasse abstraction de ses intérêts de classe quand il s’occupe de la chose publique. Il doit être une personne capable d’exprimer la volonté générale, considérée selon le postulat rousseauiste comme la voix de la raison. Il doit donc se faire neutre, intemporel. C’est pourquoi, pour ne pas risquer que la volonté générale soit étouffée par des intérêts catégoriels, on interposera un filtre entre le peuple et la loi. De telles institutions s’inspirent de la Révolution française et de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 qui dit que « Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit » (article 1). Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression (article 2). Pour garantir ces droits-là, il faut un ensemble de règles, une sorte de constitution rédigée par les représentants légaux du peuple afin de mettre la Régence sur la route de la modernité et du développement.

La constitution de 1861

A l’origine d’un mouvement réformateur, le premier ministre, le général Khair-Eddine (1823-1890), va doter la Régence de Tunis d’un corpus de lois comme en France. Cet homme d’État avait voulu moderniser le pays en le dotant d’une constitution. Sa pensée se révèle dans l’ouvrage qu’il a publié en 1867 sous le titre « Le plus sûr moyen pour connaître l’état des nations», « Akwam el massalik fi maarifati ahwal al mamalik » plus connu sous la traduction «Des réformes nécessaires aux États musulmans». On y décèle un choix politique en faveur d’une évolution rationnelle et modérée qui s’inspire de l’exemple français sans renier les valeurs fondamentales de l’Islam. Khair-Eddine avait comme idéal les principes de la Révolution française. Représentant en Tunisie du courant de pensée réformateur, il se montra très tôt partisan de réformes audacieuses et de la modernisation de l’État. Il collabora à la rédaction du pacte fondamental de 1857 ainsi qu’à l’élaboration de la constitution de 1861 et fit promouvoir la réforme judiciaire en créant un tribunal mixte compétent pour régler les litiges entre Tunisiens et Européens. Il cherchait, disait-il, « à réveiller le patriotisme des oulama et des hommes d’Etat musulmans et les engager à s’entraider dans le choix intelligent des moyens les plus efficaces pour améliorer l’état de la nation islamique, accroître et développer les éléments de sa civilisation, élargir le cercle des sciences et des connaissances, augmenter la richesse publique par le développement de l’agriculture, du commerce et de l’industrie afin d’établir avant tout comme base principale, un bon système de gouvernement… ».

La constitution de 1861 entre en vigueur le 23 avril 1861, elle établit un partage du pouvoir entre le bey et ses ministres et accorde de plus larges prérogatives à un Grand Conseil formé de soixante conseillers, gardiens de la Constitution. Il pouvait déposer le bey en cas d’actes anticonstitutionnels. Le pouvoir législatif est partagé entre le bey et une assemblée investie d’une autorité souveraine. La justice est certes rendue au nom du bey, mais le pouvoir judiciaire devient indépendant selon la conception d’Ibn Khaldoun [2] : « Al adel assas al omrane », qui se traduit par « la justice est le fondement de toute civilisation ». Le consul de France Charles de Beauval, qui avait pris part aux discussions et à la rédaction, a encouragé le bey Sadok à aller voir Napoléon III à Alger pour lui montrer cette constitution [3] .

Cette constitution qui est une véritable charte des Droits de l’Homme, faisait de la Tunisie une sorte de monarchie constitutionnelle dressée contre l’absolutisme. La constitution tunisienne, comme le pacte fondamental qui l’avait précédé, est du genre des constitutions octroyées. C’est le monarque au pouvoir absolu qui l’octroi à ses sujets, sans prendre la peine de les consulter et sans même qu’ils participent directement ou indirectement à son élaboration. Cela se passe, le plus souvent, sous la pression des puissances étrangères et l’influence de sa cour. N’empêche que cette constitution est un progrès considérable même si elle demeure imparfaite aux yeux de beaucoup de spécialistes.

La conséquence de la mise en pratique de cette constitution ?

C’est moins de pouvoir pour le bey et plus pour les mamelouks, devenus de plus en plus arrogants vis-à-vis d’un peuple accablé par la hausse des impôts et la propagation de l’injustice. Cette situation entraînera quelques années plus tard la révolte populaire de 1864 dirigée par Ali ben Ghdahom, qui donnera au bey le prétexte tant attendu pour la suspendre, reprendre son pouvoir absolu et engager la répression dans toute la Régence.

Ce qu’on peut remarquer aussi au sujet de cette constitution, c’est le principe de la territorialité : elle attache des droits au sol (le sol tunisien) et non à la personne. On peut donc parler de citoyenneté non nationalitaire.

- Cette constitution est orientée dans le sens d’une citoyenneté individuelle purement formelle passive. On ne parle pas des droits politiques, de la gestion publique, des droits inaliénables de l’homme mais d’assurer le Tunisien contre les abus du pouvoir beylical. On remarque donc l’absence des préoccupations politiques.

- Une citoyenneté de garantie : des biens, de la sécurité de la vie, et de la propriété.

- Cette absence de droits politiques n’a pas permis le passage d’un droit formel à un droit réel.

- L’absence de relayeurs, une élite pour propager et faire connaître un civisme constitutionnel et beylical au moment où la régence en avait le plus besoin. Mais le 29 avril 1864, le consul de France à Tunis Charles de Beauval, accompagné d’une délégation militaire avec à sa tête le maréchal Bidounalma, demanda officiellement au bey au nom de l’Empereur de France de suspendre la constitution : « je suis venu vous demander au nom de l’empereur de suspendre la constitution parce qu’elle a porté préjudice à votre pays et à vous-même… » Lui dit-il. Et ce dernier de lui répondre : « ainsi la puissance qui nous l’a imposée, nous impose aujourd’hui de la suspendre » (cité par l’historien Belgacem Bernard.)

La France va profiter de la crise institutionnelle et de la mise sous tutelle internationale du budget de la Régence pour mettre en place un régime de protectorat en 1881.

La promotion du « modèle français » dans une formule juridique inédite : le protectorat

A la fin du XIXème siècle, les républicains français accordent leurs faveurs à une formule juridique réputée constituer une alternative à la colonisation classique, le protectorat. La Régence de Tunis constitue, de ce point de vue, un terrain d’expérimentation privilégié destiné à servir de modèle.

Le juriste Lekéal F, de l’Université de Lille II, a expliqué qu’au XIXème siècle le protectorat tend de plus en plus à devenir un moyen d’extension de l’influence politique et économique pour les Etats colonisateurs sous la forme d’une sauvegarde compliquée de tutelle qu’ils exercent sur des pays « moins civilisés ». On retire ainsi de ces derniers pays les avantages équivalents à ceux que l’on attend habituellement des colonies, tout en évitant les charges et les responsabilités qu’entraine l’annexion pure et simple. On poursuit, en même temps, un but bien en harmonie avec la mission qui incombe aux puissances civilisées et fortes, c'est-à-dire l’assimilation des populations « barbares », leur initiation au progrès d’ordre moral et matériel, l’amélioration de leur sort à tous les points de vue, sans dépossession de leurs droits, sans violence faite à leurs mœurs respectables. Il se poursuit entre le protecteur et le protégé un échange d’avantages qui constitue l’objet même du contrat synallagmatique servant de base au protectorat. La formule du protectorat, formule juridique aux contours imprécis, emporte les adhésions des gouvernements successifs. Pour les artisans d’un régime protectoral en Tunisie, cette forme de relation entre Etats est la plus conforme à l’idéal républicain qui prétend faire accéder généreusement les populations des pays protégés aux progrès de la civilisation. Le protectorat apparait comme la meilleure garantie de la défense des intérêts économiques français. La Régence est ainsi regardée comme un véritable laboratoire auquel est suspendu l’avenir de ce type de domination mis en place avec la plus grande attention. La Tunisie constitue en effet un terrain d’expérience, confié aux mains d’un ancien préfet du Nord, Paul Cambon, susceptible de constituer un modèle éventuellement transposable à d’autres situations coloniales.

On remarque que les hommes politiques français de l’époque étaient réticents après le congrès de Berlin (1878) au moment où se joue le partage du monde. Ce congrès est prévu pour régler la « question d’Orient » posée pour le dépeçage de l’Empire ottoman. Bien que la France n’ait été concernée, elle est conviée et reçoit lors de ce congrès l’autorisation officieuse de s’occuper de la Tunisie, tandis que l’Angleterre peut officiellement jeter son dévolu sur Chypre, et l’Autriche-Hongrie sur la Bosnie-Herzégovine. La France, qui commence à se relever de la défaite de 1870 et de la perte territoriale de l’Alsace et la Lorraine, est tenue de prendre position. La Régence constitue, à cet égard, pour la jeune IIIème République, une expérience fondatrice. La France y installe, en 1881, un protectorat. Ses prometteurs, qu’ils soient président du Conseil ou ministre résident représentant la France à Tunis, sont animés par l’idée qu’ils sont les inventeurs d’une formule politique et juridique inédite.

D’une manière générale, on constate que le protectorat comporte la reconnaissance partielle d’une singularité qui empêche de la confondre avec la métropole. Dans le régime du protectorat appliqué à la Tunisie, la fiction d’un État subsiste. S’appliquant généralement aux pays qui constituaient des unités politiques ayant eu des relations internationales, le protectorat tient compte de ce passé et respecte l’unité politique.

A la différence de la colonisation britannique qui s’appuie essentiellement sur une pénétration commerciale et économique (la Compagnie des Indes Orientales en est le meilleur exemple), et sur ses réseaux commerciaux, le modèle colonial français s’appuie sur la puissance, l’universalité et la prétendue justesse de ces valeurs, telles que l’égalité et la citoyenneté. Les pères de la IIIème République, la Laïque, sont convaincus de l’idée que les gens aspirent à devenir citoyens français, une sorte de récompense pour eux. Cette conception va rendre difficile le processus de décolonisation puisqu’elle n’est nullement envisagée.

Mus par les idées des Lumières et le prestige de la Révolution de 1789, les Français qui abolissent en 1848 l’esclavage, prétendaient accomplir une mission civilisatrice. Leur résister était considéré comme une preuve de sauvagerie. Au nom de la civilisation et des valeurs de 1789, la violence devient légitime et les « indigènes » [4] opposés à cette présence sont traités comme « délinquants et barbares ». Répandre la science et la liberté, telle est la mission des civilisés : « Partout doivent reculer les antiques puissances de l’ignorance, de la superstition, de la peur, de l’oppression de l’homme par l’homme. Ainsi l’action colonisatrice est-elle fondamentalement définie comme une œuvre d’émancipation : par elle, et à travers elle, se poursuit la lutte, entreprise depuis plus d’un siècle au nom des Lumières, contre l’injustice, l’esclavage et la soumission aux ténèbres » [5] .

L’expédition d’Alger modifie les buts assignés à la Régence de Tunis dans la stratégie diplomatique française. L’occupation française fait de la Tunisie un voisin immédiat qui doit garantir le front de l’est de la « nouvelle province française ». Sous Charles X, la France met en demeure la Régence d’observer une stricte neutralité. Avec Louis Philippe, la diplomatie française cherche à mettre sous tutelle la Régence en la séparant de l’Umma (Nation musulmane).

Dès 1830, le traité du Bardo avec Hussein Pacha affirme son droit d’ingérence pour des raisons civilisatrices. La Tunisie renonce à la piraterie, à l’esclavage des chrétiens, abolit le tribut à la Porte, les monopoles commerciaux, accorde l’exclusivité de la pêche de corail à la France et prévoit une concession perpétuelle pour une basilique à Saint Louis sur la colline de Carthage.

Elle va appliquer cette philosophie en Tunisie qui sera occupée en 1881 suite au traité de bardo signé le 12 mai 1881. C’est un projet en dix articles, prévoyant l’occupation d’un certain nombre de points stratégiques dans la régence. En cas du refus du bey, une démonstration navale dans les eaux tunisiennes, appuyée par l’intervention d’une force militaire sur la frontière, devait mener le bey à composer et à céder. Les prétextes pour une intervention militaire ne manquaient pas. En effet, le gouvernement français pouvait ouvrir le dossier des Khroumirs [6] Le bey est incapable d’inquiéter ces montagnards et les indemnités promises aux familles des rescapés restèrent sans suite. Franchir les frontières pour châtier les Khroumirs constitue un prétexte crédible pour entrer dans le pays.

Pourquoi un régime de protectorat en Tunisie ?

Le régime du protectorat est le système de colonisation le mieux adapté à la IIIème République. Dans un régime parlementaire où le pouvoir législatif peut à tout moment retirer sa confiance au gouvernement et provoquer une crise ministérielle, le protectorat, en soustrayant la Régence au contrôle parlementaire, limite les effets d’une instabilité politique chronique. Il est assurément permis de se demander si le gouvernement de la République n’a pas, dans la perspective d’une politique d’expansion coloniale, favorisé un système de colonisation qui lui permet de s’abriter derrière la souveraineté fictive, laissée pour la circonstance au bey local, et d’échapper ainsi à la censure parlementaire. Le système du protectorat permet en effet au gouvernement de procéder à l’organisation d’un territoire colonisé sans être paralysé par le contrôle tatillon des Chambres. De plus, la situation démographique de la France, caractérisée par un faible accroissement naturel, cadrait mieux avec le régime du protectorat qui ne nécessitait pas une colonisation de peuplement.

Le terme de protectorat est bien choisi, il implique l’idée de réciprocité d’obligations. Il faut l’envisager contre la perte des droits du protecteur en cas de manquement. Au cas où le pays signataire du protectorat n’est pas dans le strict droit des colonies, il l’est cependant en plusieurs sens (différents) puisque le pouvoir y est partagé. A notre avis, un pays protégé, comme le fut la Tunisie, n’est qu’un « pseudo- » ou un État faible « mi-souverain » qui ne détient le pouvoir exécutif et législatif qu’en principe, en fiction. Et même s’il a ces pouvoirs, il ne les a pas seul. Si les décrets tunisiens sont pris au nom du bey, ils sont élaborés, proposés et contrôlés par le pouvoir français en place. Il y a donc association et collaboration dans le protectorat entre les deux pouvoirs, le pouvoir indigène tunisien et le pouvoir français. Il y a toujours, dans ces cas, domination : une domination certes très peu sentie parfois, mais toujours déclarée.

En apparence donc, la Régence continuait à être dirigée par un prince souverain (le bey) mais le traité du protectorat restreignait considérablement son pouvoir.

Les textes établissant le protectorat français sur la régence étaient pour l’essentiel assez voisins de ceux qui devaient trente années plus tard instituer le protectorat français sur le Maroc. La plupart de juristes admettent en effet que formellement, la Tunisie n’a pas aliéné, en 1881, sa souveraineté interne. Le traité du Bardo, tout comme plus tard le traité de Fès pour le Maroc [7] , est un acte de droit international, passé entre deux États. Et si pour le Maroc les textes de 1912 ne prévoient pas le délai au terme duquel les droits protecteurs expireront ou se transformeront, le traité du Bardo est plus explicite.

Dans son article 2, il proclame en effet que : « S, A. le bey de Tunis consent à ce que l’autorité militaire française fasse occuper les points qu’elle jugera nécessaires pour le rétablissement de l’ordre et la sécurité de la frontière et du littoral ». Mais le même article précise ensuite que : « Cette occupation cessera lorsque les autorités militaires françaises et les Tunisiens auront reconnu d’un commun accord que l’administration locale est en état de garantir le maintien de l’ordre. ». Certes des limitations sévères sont imposées à la souveraineté tunisienne, mais même en ce qui concerne les rapports entre la Régence et les Etats étrangers, le bey n’abdique pas sa souveraineté internationale.

Par le décret du 9 juin 1881, complétant le Traité du Bardo, le bey s’est borné « à conférer au ministre résident de France à Tunis le rôle d’intermédiaire officiel et unique » dans les rapports avec les puissances amies. Il s’agit d’une simple délégation de pouvoirs, le bey n’a pas davantage renoncé à la faculté d’entretenir une armée même si celle-ci a un rôle symbolique.

La convention de la Marsa, conclue le 8 juin 1883, donne à la puissance protectrice le droit de promulguer les réformes. Il suffit de citer l’article premier qui disait : « Afin de faciliter au gouvernement français l’accomplissement de son protectorat, S, A le bey de Tunis s’engage à procéder aux réformes administratives, judiciaires et financières que le gouvernement français jugera utiles ». Cet article aurait pu servir de prétexte aux autorités françaises pour substituer à un régime de protectorat un régime d’administration directe. Cette deuxième convention contenait le mot « protectorat » et autorisait le gouvernement français à mettre son véto à tout acte émanant du bey susceptible de nuire à la bonne administration de la Régence.

Pour nombreux juristes, les conventions de 1881 et 1883 étaient, du point de vue juridique, des formules assez souples pour pouvoir fonder ultérieurement un régime d’autonomie interne.

Des liens très historiques

Les relations tuniso-françaises sont très anciennes, elles datent de 1577 sous Henri III qui voulait à cette date établir dans la régence afin d’« y tenir un ordre politique et de justice un consul pour la nation française ». Ainsi est appelé le petit groupe de commerçants qui avait l’avantage de loger au consulat même appelé dès lors le fondouk des Français, la France devient aussi non seulement protectrice des intérêts des français mais aussi des européens de la Régence.

En 1665, un traité qui précise que le « le consul de France résidant dans la ville de Tunis sera honoré et respecté et aura la prédominance sur tous les autres consuls ». En contrepartie la France reconnaissait deux principes : la Tunisie était indépendante à l’égard de l’empire ottoman et elle n’avait pas de comptes à rendre au dey d’Alger.

Hussein ben Ali a eu souvent recours aux bons services d’un certain captif français au nom de Reynaud et les relations entre la France et la Tunisie s’en ressentent avantageusement. C’est ainsi que le bey en question comble d’honneurs le vicomte d’Andrezel, envoyé gracieux de Louis XV en 1728, et signe avec la France un nouveau traité d’amitié. Le bey Hamouda, accomplissant une tournée à l’intérieur du pays, prend dans son escorte et sous sa protection la savant voyageur Desfontaines, le deuxième français qui, après Peysonnel, avait été autorisé à parcourir la Régence. Quelques années plus tôt, en 1776, le prince de Listenac est venu, à la tête d’une escadre, rendre visite à Ali bey. Il est salué par une salve de vingt-neuf coups de canon, rendus coup sur coup. La France peut signer dès lors avec la régence tous les traités particuliers utiles aux deux pays sans y référer au Grand sultan.

En 1846, Paris accueille la première ambassade tunisienne venue en France. La prestigieuse délégation comprend Ahmed Ibn-Abi Dhiaf, secrétaire du bey et Kaireddine. Durant la visite, Ibn Abi-Dhiaf est l’objet des égards de Guizot qui demande à l’interprète Desgranges de fournir à son hôte toutes les explications qu’il souhaite pour écrire le récit du voyage beylical. Dès cette époque naît et se développe l’idée d’une sorte de protectorat, et les responsables tunisiens s’habituent peu à peu à considérer l’influence de la France prédominante comme quelque chose de normale voire nécessaire.

Le traité signé le 12 mai 1881 au palais du Bardo entre les deux pays, comporte la reconnaissance partielle d’une particularité qui empêche de confondre la Tunisie avec la Métropole. Il y a en effet des degrés de dépendance et le protectorat connaît une dépendance atténuée.

Forme tempérée de la colonisation, le protectorat n’est pas la plus répandue.

Dans ce régime de protectorat pratiqué par la France, la fiction d’un État subsiste. S’appliquant généralement aux pays qui constituaient des unités politiques ayant eu des relations internationales, le protectorat tient compte de ce passé et cherche même à le renforcer. Le régime protectoral instauré en Tunisie est un véritable désaveu de la constitution tunisienne. Tous les droits de l’homme, les droits du citoyen élaborés par cette constitution y sont bafoués. Le Tunisien n’avait pas les droits du citoyen. Au lieu et place de l’égalité, le protectorat a instauré une société à double vitesse séparant la communauté tunisienne de la communauté française. Les lois appliquées aux Européens étaient généralement différentes des lois appliquées aux Tunisiens. Les deux communautés n’étaient pas soumises de façon égale au fisc. Les Tunisiens payaient plus d’impôts. Bien plus, cette inégalité existait aussi au niveau de l’affectation du budget. Environ 90% du budget provenait de ce qu’on appelait la population indigène. L’essentiel des dépenses était consacré au paiement des fonctionnaires coloniaux et à la construction d’une infrastructure nécessaire correspondant aux besoins de la colonisation. La discrimination existait aussi dans la fonction publique, l’exemple le plus frappant est celui de Salah Ben Salah [8] . Le système colonial en Tunisie a aussi violé le principe du droit à la propriété garanti par la constitution de 1861. Ainsi une bonne partie des terres collectives (les terres des tribus) a été confisquée au profit du domaine colonial. De même une partie des terres Habous consacrée aux œuvres religieuses et à l’utilité publique a été confisquée au profit de la colonisation. L’inégalité, la discrimination sont des verrous sociaux. Sans leur éclatement, tout progrès vers la démocratie est exclu, et toute application de la constitution tunisienne dans ce contexte est impensable.

Ainsi dès le début de l’installation française en Tunisie, une liaison et des rapports incestueux et paradoxaux entre la constitution locale et le pouvoir protectoral vont voir le jour. L’absence de la première dévoile le manque de volonté de la République pour éclairer et émanciper ces populations autochtones et pointe l’incompatibilité des deux systèmes. Pour les Tunisiens la question de l’application de la constitution tunisienne est indissociable de celle de leur exclusion dans la gestion de leur pays. Tout progrès de la première signifie le recul de la deuxième. Mais au lieu de maintenir la constitution tunisienne dans le pays, le système colonial en Tunisie a instauré une inégalité légale, ce qui montre ces limites démocratiques et son incapacité à répondre aux attentes de la population.

La contradiction entre cette constitution locale et ce régime colonial est porteuse de nouveaux rapports conflictuels entre la régence et le protectorat et les hommes politiques tunisiens ont réussi à rendre cette question transparente. Il n’est pas donc étonnant de voir que le premier parti politique tunisien a pris le non de parti Destour (parti constitutionnel). L’appellation constitution (Destour) est tout un programme [9] .

L’inégalité n’est pas seulement politique [10] et économique, elle s’étend au statut des personnes, à leurs droits civils. Le régime colonial en Tunisie applique deux lois, deux droits. Les Tunisiens s’y voient appliquer un statut notablement inférieur à celui des Français de Tunisie et sont soumis à un régime administratif plus rigoureux. Ils ne peuvent pas se prévaloir des libertés reconnues par la loi française. C’est le cas du droit syndical, pourtant reconnu en France depuis 1884 mais toléré en Tunisie qu’après la Seconde Guerre mondiale. Ce qui est licite en France est en Tunisie tenu pour un délit justiciable des tribunaux, poursuivi et sanctionné sévèrement par des amendes et/ou d’emprisonnement.

De plus quelques-uns des principes, que la France tient depuis le XVIIIème siècle des Lumières pour élément constitutif de son identité et de sa construction, ne sont pas respectés comme par exemple celui de la séparation des pouvoirs chère à Montesquieu.

De même en ce qui concerne le travail, si la France a aboli le régime de la corvée, elle le maintien sous le nom de travail forcé. Rémunérations et salaires sont en Tunisie bien inférieurs à leur niveau dans la métropole. Les Tunisiens n’ont pas, par le libre jeu des facteurs économiques, qu’une part réduite du profit tiré de la mise en valeur de leurs propres ressources naturelles.

Comme on l’a démontré, la colonisation française fut un acte de puissance, un acte d’exploitation et de domination. Elle a mis en relation deux peuples que tout sépare. Différents contacts sont mis en place, contact de la métropole avec une population tribale où un droit national entre souvent en opposition avec un droit local fondé sur les coutumes et la religion, une loi écrite contre-culture orale, liberté contre autorité, invention contre tradition. Autant de faits qui sont la cause de heurts dans les relations qui s’établissent entre Français et Tunisiens dans la régence depuis 1881.

La suspension de la constitution par les autorités françaises, puis l’instauration du protectorat et la réduction de la souveraineté tunisienne, ne semble pas affecter le caractère intangible de la constitution selon les spécialistes du droit constitutionnel. La constitution demeure vivante et valable même après sa suspension unilatérale. C’est en tout cas le résultat de la consultation juridique donnée le 11 juillet 1921 par deux professeurs de droit à la faculté de Paris à des représentants du parti constitutionnel [11] .

L’épopée coloniale en Tunisie au nom des valeurs universalistes et des Droits de l’Homme va permettre à la France de diffuser ces principes et vouloir au nom du devoir des races supérieures de civiliser les races inférieures, de conquérir des nouveaux territoires. Et à chaque mouvement de colonisation, on trouve cette quête d’un destin universel capable de promouvoir le modèle français par définition unique, universel et supérieur. C’est parce que la France postule l’égalité des hommes qu’elle a, plus que l’autre, le droit de coloniser le monde.

Comme on peut le constater, à l’inégalité économique s’ajoute une inégalité culturelle et juridique. C’est la France qui apporte ses valeurs en Tunisie, inculque ses idées et impose ses lois, propage sa culture avec son système d’enseignement. La réciproque n’existe pas, car la France n’emprunte guère aux autres civilisations. La politique coloniale fut donc en contradiction totale avec les principes de la jeune constitution tunisienne. Les hommes politiques tunisiens vont brandir, dans leur lutte contre la présence étrangère en Tunisie et la France coloniale, les valeurs de la France révolutionnaire et sa constitution de 1791.

Paradoxalement, ce sont les héritiers de la IIIème République, défenseurs acharnés de l’État de droit, qui vont empêcher la mise en vigueur de la constitution tunisienne, désavouant ainsi la dimension universelle des principes de 1789. C’est aussi au nom de cette universalité mutilée que le régime du protectorat va être combattu par les sujets tunisiens.

Pendant la période du protectorat, la France occupante a toujours affirmé que son droit est laïc alors que celui de la Régence découle de la religion, il en est même originaire. Le principe de la séparation des pouvoirs fortement établi par les protecteurs est ignoré chez les protégés. Les textes tunisiens sont jugés imprécis et de tradition orale, ils laissent aux juges la plus grande liberté d’appréciation.

Pour les Français, les préoccupations des Tunisiens ne dépassent point la famille, les cousins, les pâturages, les bêtes et le village. Le sentiment qui domine est la vengeance dans un cycle qui rend le Tunisien esclave de son honneur et de sa quête permanente à la vengeance.

Si le Français se juge libre, responsable de ses actes, le Tunisien au contraire n’admet pas en cas de faute qu’il est coupable, c’est « la volonté de Dieu » disait-il à chaque fois. Souvent la faute n’entraîne pas sanction dans la mesure où elle était voulue par Dieu, la notion de mektoub, c’était écrit.

La France protectrice prétend depuis la mise en place du régime de protectorat en 1881, imposer son esprit juridique au travers des magistrats français (avocats, tribunaux, lois…). Une volonté qui ne laisse pas de place ni aux lois ni à la constitution tunisiennes. Voilà ce qui fait la spécificité du fait colonial en Tunisie, sur quelles bases se sont établies, puis consolidées et organisées, en un système cohérent et durable, les relations franco-tunisiennes dans le système protectoral [12] .

La France a supprimé la constitution et le droit tunisiens pour les remplacer par une juridiction française. Elle a maintenu dans l’ancienne Régence de Tunis la fiction de la souveraineté beylicale, ce qui dispense son budget de la charge d’importantes infrastructures publiques. Dans le même temps, les autorités françaises se réservent le pouvoir de décisions dans les domaines stratégiques. La Régence de Tunis, un protectorat français qui apparait sur le plan géographique, comme un espace de prolongement territorial de l’Algérie voisine au statut juridique totalement différent.

Voir ne pouvait que nous enorgueillir cet enrichissement réel des chantiers de l’histoire du droit colonial qui se met en place. Mais il ne saurait nous faire oublier tout ce qu’il reste encore à réaliser. Les nouvelles générations d’historiens et de chercheurs de tous bords doivent s’y atteler en tenant compte des impératifs de dialogue avec les autres sciences sociales, d’utilisation de nouvelles sources, mais également d’ouverture vers les périodes les plus contemporaines. Ils doivent travailler la main dans la main avec des chercheurs de l’autre rive de la Méditerranée pour réécrire cette histoire coloniale commune tout en établissant un réel comparatisme avec les autres modèles européens voire mondiaux.

Sources

Archives diplomatiques centre de la Courneuve 3, rue Suzanne Masson 93120, la Courneuve.

Les archives diplomatiques françaises, documents conservés aux Archives diplomatique, séries Tunis, nous ont été très utiles pour enrichir nos recherches. Elles sont reparties en trois rubriques : correspondance politique, correspondance commerciale et documents et mémoires.

La correspondance politique fut pour nous la rubrique comportant les documents les plus intéressants ; nous avons pu consulter les volumes du n° 57 qui se rapportent à avril 1881 date de la pénétration des troupes françaises en Tunisie, au n° 92 datant de décembre 1886.

Cette documentation comporte :

Mémoires et documents-supplément Afrique à Tunisie, archives du Ministère des A E: correspondance politique 1871-1896 série C.P.C sous série Tunisie, correspondance politique et commerciale 1897-1918 série C.P.C sous série Tunisie, affaires diverses politiques 1815-1896 tome IV sous série C.P.C série Tunisie, volume de 6(1881) à 12 (1885).

Des rapports adressés au Quai d'Orsay par certains ambassadeurs français, notamment ceux accrédités à Londres, Rome et Berlin au sujet des attitudes des gouvernements Anglais, Italien et Allemand vis à vis du protectorat Français en Tunisie.

Archives diplomatiques : affaires diverses politiques MNESYS 74 ADP

Inventaire de la Série-Sous Série-Tunisie

3-1860 -1869

4-1870-1878

7-1881

8-1882

MNESYS 205 CP COM Tunisie

2-Résidence générale, organisation, attributions du Résident Général-1885-1888/1889-1891

6-Protocole, colonie française et français en Tunisie, juin 1890.

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NOTES

[1] Le 12 mai 1774, Louis XVI notifiait au bey de Tunis son avènement au trône de France. Et dès le 3 juin la même année M. de Saizieu, consul de France à Tunis, s’empressait de faire renouveler le traité de paix et de commerce conclu en septembre 1770 entre Louis XV et le bey Ali. Il convenait de maintenir entre la Régence et « l’empereur de France » cette politique de « bonne voisinage » et de « bon correspondance » aux « maximes » en vigueur depuis plus d’un siècle, in Saidi, H. (2003), Rapports colons-colonisés en Tunisie (1880-1919). L’exemple de Dar El-bey (Enfidha), Sousse, éd. Farjallah, p. 59.

[2] D’après l’historien Doumerc Bernard de l’Université de Toulouse le Mirail, la pensée et les écrits d’Ibn Khaldoun, homme de cour et homme de lettres du XIVème siècle, ont été découverts par l’Occident au XIXème siècle, même si les philosophes des Lumières s’y étaient déjà intéressés. Dans le contexte de la colonisation, on a fait de son Kitab al’Ibar (le Livre des Exemples), un précieux manuel permettant de mieux comprendre le Maghreb et ses tribus. Il a ainsi été traduit en français par le Baron de Slane, entre 1862 et 1868, à la demande du ministère de la Guerre. En 2006, à l’occasion du six-centième anniversaires de sa mort, une nouvelle édition, proposée par Chedaddi A., est l’occasion de le redécouvrir dans toute sa complexité.

[3] « Manière de voir », in le Monde diplomatique n° 168, 2005.

[4] Le statut d’indigènes est antérieur à la IIIème République, puisqu’il entre officiellement dans le droit français en février 1862 au sujet de l’Algérie, jugeant les populations locales comme différentes des « Français de France ». Donc des « nationaux » sans « citoyenneté » ; en d’autres termes des « sujets français ». Mais par les réformes de 1865, ceux-ci pouvaient accéder à la citoyenneté française, ce qui fut généralisé pour les Juifs en 1870 par le décret Crémieux. Autant de situations juridiques que la IIIème République va modifier jusqu’à en effacer tout souvenir, avec les réformes ségrégationnistes de 1889. Voir le Code de l’indigénat.

[5] Discours de Jules Ferry à la Chambre le 28 juillet 1885.

[6] (Montagnards berbérophones du Nord et du Nord-Est) qui avaient, en 1878, pillé un navire français sur les côtes non loin de Tabarka, et qui avaient depuis lors, été la cause d’un bon nombre d’incidents frontaliers.

[7] Le traité du 30 mars 1912 est signé par le sultan Moulay Hafid et M. Regnault, ministre de France à Tanger au nom du gouvernement de la République française et du gouvernement de Sa Majesté chérifienne.

[8] Pendant une longue période, les Tunisiens titulaires de diplômes d’ingénieur obtenus en France ne trouvaient pas de postes à leur retour à tel point qu’en 1928, un ingénieur ayant fait l’école des mines de Paris, Salah Ben Salah, originaire de Moknine (170 kms environ au sud de Tunis), dût immigrer en France pour trouver du travail.

[9] Ces revendications sont résumées dans un éditorial célèbre du journal Le Tunisien sous le titre « Notre programme », le 7 février 1907, et s’inspirant nettement des principes révolutionnaires de 1789. Un autre texte-clé de l’histoire du mouvement national, la Tunisie martyre, paru à Paris en 1920, est également significatif. C’est un ouvrage en langue française attribué à Abdelaziz Thaâlbi. Or ce dernier ne pratiquait pas le Français. Le véritable auteur, le principal en tous cas, est un jeune avocat nommé Ahmed Assakka qui vivait à Paris. L’ouvrage a été rédigé à partir de rapports provenant de Tunisie. Sa mouture finale s’inspire, là aussi, des idées révolutionnaires de 1789. Il fustige les abus commis par la France en Tunisie tout en louant le pays des libertés et de l’égalité. Il revendique aussi une constitution pour la Tunisie. Cité par Mahjoubi, A., in « Les idées de la révolution française et le mouvement national tunisien », conférence donnée en juin 1989 à l’UTIT – Paris, lors du bicentenaire de la révolution de 1789.

[10] Parler d’inégalité politique est en vérité un euphémisme puisqu’elle implique qu’il y ait deux partenaires alors qu’on ne reconnaît pas à la Tunisie l’existence politique, qu’elle est considérée comme un simple laboratoire d’action et de décision politique, n’ayant donc aucune part aux décisions la concernant qui sont prises en dehors d’elle et en son nom.

[11] Cité par Belgacem, B. (2005), in L’immigration et les discriminations en débats, ouvrage collectif sous la direction de Saidi, H., Lille, éd. La Voix du Nord, p. 88.

[12] Voir notre ouvrage intitulé Rapport colons-colonisés en Tunisie 1880-1919. L’exemple de Dar Elbey (Enfidha), 2003, Sousse, éd. Farjallah.

 

 

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