Colonial policy and spatial practices: Constantine in the 19th C (1854 -1877) Abstract: This article expresses, through analyses of town council talks concerning questions of town production, how the civil authorities thought to make the colonial town from the Medina, by transforming it and adapting it to its needs. Keywords: council power - intervention strategy - Medina - Hygine and health - drainage - colonial town - realinement and survey planning. |
Badia BELABED-SAHRAOUI : Maître de conférences, Département d’architecture et d’urbanisme, Constantine. 25 000, Constantine, Algérie
Au XIXe siècle, la configuration spatiale de la médina apparaît comme un véritable obstacle à tout «progrès». Présentée comme étant la ville opaque, fermée, chaotique, insalubre, elle est rejetée par le pouvoir colonial qui procède à sa décomposition-recomposition.
Ce projet de décomposition – recomposition s’inscrit dans une longue durée et implique de multiples opérations d’expropriations, de réaffectations des constructions à d'autres usages, de découpages de la ville colonisée, de substitutions du tissu européen au tissu traditionnel par le percement et l’ouverture de rues, et d’articulation des places et des rues avec les effets de perspective et le principe de mise en scène des monuments.
Ainsi la ville ancienne subit des modifications spectaculaires à la manière de la métropole. La colonisation transfère une population hétéroclite qui ne cesse de revendiquer son lien à la France et de réclamer une politique d’assimilation. «Le paysage qui émerge des transformations haussmanniennes à Paris, dès les années 1860, devient la référence concrète de ce qu’il faut faire, et cette image de la ‘’modernité’’ séduit (….)»[1].
Ces expériences, importées dans un contexte tout à fait différent, reproduisent «le modèle», admiré comme symbole de supériorité qui convient à l’esprit dominateur, et s’inscrivent dans une logique de colonisation.
Mise en place du conseil municipal
La commune de Constantine, instituée par décret du 26 avril 1854, a été constituée le 18 juillet 1854, après que chaque membre ait prêté serment et placé le maire, le premier magistrat représentant le pouvoir exécutif, à la tête de l’édilité.
Tous les membres du conseil ont été nommés: le maire et les deux adjoints par décret impérial du 1er juillet 1854, et les neuf conseillers municipaux - parmi lesquels figuraient les représentants des musulmans - par arrêté du gouverneur général en date du 23 juin 1854.
On appliquait à ce territoire civil, au nom de l’assimilation à la métropole, par l’ordonnance royale du 28 septembre 1847 sur l’organisation municipale en Algérie,la loi française de 1837 sur les communes. Cependant, à la différence de la France, «les maires nommés de ces communes devaient être rétribués et la caisse municipale être alimentée principalement par des contribuables non citoyens»[2].
Le remplacement de cette administration s’effectuera après trois années d’exercice, conformément à l’ordonnance citée précédemment.
Mais c’est le 4 août 1867 qu’une première municipalité, élue par les assemblées électorales, est installée; toutefois le maire et les adjoints sont nommés par décret impérial.
En 1870, le nouveau conseil municipal (installé le 7 novembre) élira[3] à son tour le maire, les deux adjoints, et l’adjoint indigène. Cependant, la municipalité ne sera pas épargnée des secousses politiques qu’ont connues la France et l’Algérie[4] ; très tôt, elle sera remplacée (R 10, 12-12-1871)[5] par une autre municipalité où le maire et les deux adjoints français sont nommés par le président de la république (décret du 8 décembre 1871) tandis que l’adjoint indigène est nommé par arrêté du gouverneur général.
En 1874, de nouveau le maire et les adjoints seront nommés par décret du président de la république, en date du 16 mars 1874, sur proposition du ministre secrétaire d’Etat au département de l’intérieur et sur les propositions du gouvernement général civil de l’Algérie (R11, 5 mai 1874). L’installation de l’adjoint indigène est notifiée le 16 mai 1874 par arrêté du Gouverneur général (R11, 3 –07-1874).
En 1879 la nomination du maire et de son adjoint se fera par le président de la république, au gré des désirs exprimés par le conseil municipal (R17, 23 sep. 1879).
Depuis 1884, le maire et les deux adjoints seront élus par les conseillers municipaux [6].
Cependant il ne faut pas croire que les multiples remaniements de la municipalité, et le rattachement de tous les services administratifs civils au ministère de l’Algérie et des colonies à Paris ou au Gouverneur général d’Alger, aient modifié la gestion des affaires communales.
Stratégie d’intervention du conseil municipal
Le conseil municipal ne se préoccupait que des intérêts des «citoyens majorés» (Lyautey): «C’est aux Français qu’appartient, en tout et pour tout, la prépondérance; c’est lui qui doit profiter des avantages communaux, par préférence à tout autre, et si les étrangers veulent être traités sur le même pied, ils n’ont qu’à solliciter la naturalisation et supporter les mêmes charges publiques que nos enfants» (R35, 11-05-1896, p. 74).
Quant à la population indigène, elle n’était intéressante que dans la mesure où elle participait à réaliser les objectifs de la colonisation et du programme de la commune.
«Vous connaissez tous l’importance de cette population, le rôle économique qu’elle joue, sa participation aux industries locales, au commerce et à la production, et enfin son concours aux charges et revenus de la ville.» (R 35, 11 mai 1896, p.74).
Cette manière de s’occuper des intérêts de la majorité peut même être considérée comme le trait caractéristique de la ligne de conduite du conseil municipal.
La municipalité, concernée par la production de la ville européenne et de son expansion, imposait un programme d’action; celui–ci sera respecté, mais était parfois ralenti par des crises profondes (sécheresse, baisse de la production agricole, famine, épidémie de choléra) qui réduisaient forcément les revenus et compromettaient les travaux publics.
Elle instaurait également une méthode de travail qui consistait en la nomination de cinq commissions permanentes: budget, finances, instruction publique, Beaux-Arts, travaux publics, hygiène - salubrité, police, contentieux. Ces commissions avaient pour mission d’examiner préalablement des questions soumises au conseil (R8, 11-11- 1870).
Les premières délibérations du Conseil municipal concernaient les travaux de voirie : alignement et pavage des rues, et l’approbation de projets qui visaient l’amélioration immédiate des revenus de la commune tels que: marché aux huiles, foundouk, halles aux grains, marchés couverts en bois et boutiques.
Venaient ensuite les travaux d’adduction des eaux de Fesguia, d’accroissement du réseau d’égouts, de distribution du gaz et de l’électricité, de construction des écoles, travaux d’embellissement et d’aménagement des espaces verts, l’érection de bâtiments officiels et enfin la circulation aux abords de la ville qui devait être facilitée par la construction de ponts et routes.
En somme tous ces travaux, avant d’être approuvés, devaient être reconnus d’utilité publique. Toutefois si cette déclaration apparaît comme une simple formalité, elle était exigée par les autorités supérieures. Tout le processus de mise en place de la ville européenne, soumis à la déclaration de l’utilité publique, était entrepris au nom de l’hygiène et de la salubrité, et aisément facilité par la procédure de l’expropriation des indigènes qui procura les terrains nécessaires à la ville.
Hygiène et salubrité publique: une discipline d’intervention
Une des préoccupations majeures des conseillers municipaux était l’amélioration de l’hygiène et de la salubrité publique de la ville. Leurs délibérations témoignent de l’importance accordée à ce thème qui offre «quantité de possibilités d’intervenir dans différents aspects de la vie quotidienne, (...), et donc de légiférer en matière d’urbanisme, de marquer leur autorité sur l’aménagement des places et des rues».[7]
Les premiers soucis des responsables locaux de Constantine se traduisaient par une volonté d’entreprendre une vaste campagne d’assainissement de la ville[8], des établissements publics[9] et des maisons, par: l’élargissement et le pavage des rues, la réalisation d'un réseau de canalisations souterraines, l’approvisionnement en eau potable, et la transformation des constructions. «L’hygiène publique est ainsi fondée comme discipline et discipline d’intervention»[10].
La peur des épidémies avivait les préoccupations de salubrité et étendait des mesures de prévention aux habitations. Dès 1859, le conseil municipal constituait une commission des logements insalubres qui était chargée de signaler la malpropreté et d’indiquer les mesures indispensables d’assainissement des logements et des dépendances.
Par ailleurs, les médecins militaires et civils arrêtèrent, de concert avec la municipalité, les dispositions nécessaires pour les premiers secours (surveillance du Rhummel, des lacs du djebel Ouahch et Ain Fesguia, organisation «des corvées de salubrité», désinfection des égouts, les latrines…) et légalisèrent toutes les actions d’assainissement par l’élaboration d’un règlement sanitaire.
Pour faciliter l’amélioration de l’hygiène publique, en 1859 le prince Napoléon, ministre de l’Algérie et des colonies, invita les conseillers municipaux à se prononcer sur l’utilité de rendre applicable aux villes d’Algérie le décret du 26 mars 1852 concernant les rues de Paris et les dispositions de la loi du 13 avril 1850 sur les logements insalubres.
L’administration constantinoise saisit cette opportunité pour «se prononcer en faveur de cette double assimilation» (R3, 9–11-1859, p.116) et s’armer de moyens légaux pour appliquer, comme disait le maire «nos principes d’hygiène, fruits de la science acquise et de l’expérience européenne» (R5, 19-07-1865, p.39).
L’appropriation des biens
La décision de s’installer sur le Rocher, c'est-à-dire sur une ville qui a déjà consommé ses réserves foncières va provoquer une pression sur les biens immobiliers qui deviennent l’enjeu sur lequel vont se cristalliser les européens militaires puis civils.
Les transactions immobilières interdites[11] depuis la prise de la ville, mais contournées par le principe de rachat à rente annuelle et perpétuelle, sont régularisées par l’Etat à partir de 1844[12].
Tout un arsenal juridique[13] est mis en place pour créer les conditions nécessaires à la colonisation et permettre au pouvoir municipal d'acquérir légalement les biens des indigènes par concession des biens confisqués, par cession qui est une forme d’acquisition à l’amiable ou d’expropriation pour cause d’utilité publique.
Concession des biens confisqués par l’Etat
Dès l’installation de l’administration civile, le gouverneur général de l’Algérie a soutenu la commune par des concessions officielles[14]. Il a mis à sa disposition plusieurs maisons, mosquées et terrains pour être réaffectés après transformations à des services municipaux.
C’est ainsi que les édifices religieux[15] ont été cédés gratuitement à la commune par l’Etat et l’armée, pour servir de fourrière publique, de crèche, de dépôt au matériel pour les fêtes, de musée et de bibliothèque, d’école, aux soupes économiques ,… .
Ensuite pour pouvoir mettre en exécution le programme des travaux d’alignement, de régularisation de places, d’agrandissement et d’édification des établissements, le pouvoir municipal veut récupérer le maximum de biens. Il multiplie les demandes de concessions gratuites de terrains domaniaux,de maisons et de boutiques à l’Etat. Celui-ci a consenti la remise de tous les terrains provenant des maisons expropriées à l’autorité municipale avant la constitution de la commune; mais seulement après que celle-ci s’acquitte de la totalité des indemnités dues aux propriétaires (R1, 07-08-1855, 83r).
Toutefois pour répondre aux besoins urgents de la ville, l’empereur Napoléon III a signé, le 28-07-1865 (R5, 11-08-1865,42), un projet de concession gratuite à la commune de divers immeubles domaniaux, dont la superficie des terrains est évaluée à 3600.02 mètres carrés, destinés à la construction d’un collège communal, d’un théâtre et d’un marché couvert, et à la régularisation de l’alignement de la place Nemours.
L’acquisition des biens privés par expropriations
Les divers plans d’alignements, initiés par les différentes autorités qui ont gouverné la ville, ordonnent «un reculement» aux anciennes maisons et boutiques pour ouvrir et régulariser les voies, créer ou agrandir une place et dégager les abords d’un marché ou d’un édifice particulier. Le reculement des biens des indigènes entraîne l’accaparement et l’appropriation du foncier par la commune à l’amiable, c'est-à-dire de gré à gré ou par expropriation pour cause d’utilité publique en cas de refus de cession.
Ce deuxième mode d’appropriation a entraîné un programme d’acquisition important et permis la spéculation.
L’acquisition à l’amiable
Le maire est autorisé par le conseil municipal à négocier avec la population l’acquisition de terrains ou maisons nécessaires pour le percement et l’alignement des rues, et pour la construction des équipements programmés. Comme le conseil municipal a l’intention de regrouper les établissements publics, il prévoit, par l’achat, la réunion de parcelles contiguës[16] ou de la totalité de l’îlot[17] dans le but de disposer d’une surface plus convenable pour les constructions particulières. Il dédommage les nouveaux propriétaires qui tiennent les maisons à rente perpétuelle, puis il rachète les rentes aux arabes; une manière de supprimer l’indivision par la vente à capital.
En conséquence, le maire saisit les opportunités offertes par la population. Il échange une partie de maison qui obstrue la voie avec un terrain, achète un terrain qui ne peut être d’aucune utilité pour la commune en raison de son exiguïté mais le revend aux enchères, ou refuse l’acquisition d’une propriété alignée même si la majeure partie peut recevoir des constructions. Une opération jugée défavorable à l’intérêt communal.
Pour mener le projet de ville que la commune s’est imposé, celle-ci «se trouve dans la nécessité de désintéresser ces propriétaires» (R, 2-11-1857,178r) et accepte de traiter les acquisitions à l’aide des intermédiaires et des spéculateurs[18] qui manipulent les indigènes.
Mais l’examen des délibérations démontre malheureusement l’état de méconnaissance de la réalité immobilière et l’ignorance du statut de propriété, la nomination des agents cadastraux ne s’est faite qu’en 1868, et bien sur cela a favorisé les spéculations immobilières. Aussi, le règlement des dédommagements des particuliers passe par l’appréciation de la légitimité de la réclamation qui est basée, pour certains cas rencontrés, sur des témoignages et des souvenirs auprès des agents militaires et notables de la ville et non sur des documents concernant la propriété immobilière.
L’acquisition par expropriation
La mise en exécution du projet d’alignement et de nivellement entraîne le recours à l’expropriation pour utilité publique. Afin que la commune puisse ordonner les alignements, le Ministère a signé, le 15 Juin 1854, une première expropriation contre divers propriétaires de la rue Damrémont. Aussitôt que les formalités préalables à l’expropriation ont été remplies, le conseil municipal a autorisé le Maire à exécuter les travaux. (R 1,06-09 - 1854, 6v).
Depuis, d’autres expropriations ont été prononcées par l’Etat pour aider la commune fraîchement constituée à réaliser le projet de la ville coloniale. Un plan d’expropriation d’urgence de divers immeubles nécessaires à la construction des équipements est arrêté par le gouverneur général en 1868.
La commune, pour s’assurer de la propriété du sol destiné à achever les percements des rues, à recevoir des constructions et à servir de promenade publique à l’extérieur, a reconnu et approuvé l’utilité d’expropriation depuis 1857 (R 2, 11-11-1857,178r). En plus de cette opération d’expropriation qu’elle poursuit pour disposer du sol, elle a hérité d’une situation foncière anarchique et lourdement grevée d’abus d’autorité. Même si elle est régularisée par une série de lois foncières, les ressources budgétaires indispensables n’ont pas suivi et c’est ce qui explique la lenteur des régularisations des dédommagements de la population dont les évaluations sont faites par les propriétaires[19], les experts[20] et en dernier recours le tribunal.
Néanmoins devant l’urgence de l’achèvement des travaux en cours, le maire a traité avec les propriétaires du terrain à abandonner à la voie publique sur la base d’un prix préétabli par le conseil municipal. En cas de litige, des experts sont nommés pour l’appréciation de la valeur de la parcelle.
En 1863, suite à la demande du gouverneur général, le conseil municipal s’est prononcé favorablement sur l’utilité d’installer conformément à la loi du 3 mai 1841 un jury d’expropriation, garant de tous les intérêts, qui estimera les indemnités.
L’approbation de cette proposition est jugée comme «un pas de plus vers l’assimilation avec la métropole, assimilation que les corps constitués doivent appeler de tous leurs vœux, dans la mesure du possible et du développement progressif de l’Algérie» (R4,07-02-1863, 131r).
Services techniques et acteurs
Avant 1854, le champ de l’urbanisme, de l’aménagement, de la construction et de l'entretien des bâtiments était partagé entre le Génie militaire, le service des ponts et chaussées et le service des bâtiments civils. Au lendemain de la constitution de la commune et plus précisément à partir du 1er juillet 1854, le conseil municipal jugea nécessaire que la ville ait son architecte, mais en même temps il pensait que la création d’un service technique était prématurée. De ce fait il décida de confier provisoirement les travaux de la commune aux ponts et chaussées et aux bâtiments civils (R1, 14-08-1854, 5r).
En 1855, le conseil municipal constate que certaines missions relevant de la maîtrise d'ouvrage deviennent importantes, et réclame la constitution d’un service des travaux communaux ayant à sa charge les bâtiments civils et la voirie urbaine. Mais à cause des finances de la commune le conseil municipal ajourne la création du service et reconduit les services des ponts et chaussées et bâtiments civils pour les études (R1, 07–06–1855,71r).
Services de la voirie et de la police municipale
La gestion de l’espace public, c'est-à-dire l’exécution et le suivi des travaux recommandés par le plan d’alignement et de nivellement de 1850, a été confiée aux services de la voirie et de la police municipale (R1, 09 – 11 – 1855, 97 V). Il fait respecter le règlement de l’hygiène et de l’assainissement: alignements, pavage, éclairage, balayage et numérotage des rues, ouverture des boutiques, auvents et enseignes,… .
À la même période existait aussi un bureau de la police situé rue Damrémont[21]. Il effectua des missions d'ordre réglementaire, il fit accompagner la commission des logements insalubres par des agents qui notaient les travaux ordonnés et s’assuraient qu’ils avaient été exécutés.
Le service des travaux communaux
Le 12 novembre1860, le conseil municipal décide l’application des arrêtés ministériels des 8 sept. 1851 et 19 déc. 1856. Il approuve la constitution définitive d’un service les travaux communaux et la création d’un emploi d’ingénieur[22] des ponts et chaussées pour diriger et exécuter l’avenir des travaux urbains (R4, 8-02-1861, 35v).
Le service des travaux communaux, placé sous l’autorité directe du maire, centralise les activités de la ville et se divise en deux unités: voirie - bâtiments civils, et eaux–égouts.
L’unité voirie et bâtiments civils étudie les alignements les percements et les lotissements des terrains à bâtir, elle est également chargée de la construction et de l’entretien des bâtiments. Par contre celle des eaux[23] et égouts s’occupe de l’entretien du réseau d’assainissement (AEP et eaux usées). Les agents communaux conçoivent les projets d’établissement et de déviation des tronçons d’égouts suite à l’ouverture des rues et assurent le contrôle des travaux.
La nécessité de la bonne gestion et le besoin «d’introduire à Constantine le goût des belles constructions» conduisent le pouvoir municipal à approuver en 1866 la création d’un poste pour l’emploi d’un Architecte voyer qui a pour mission la direction et la surveillance des travaux communaux (R5, 17 mai 1866,71v).
À mesure que la ville se développe, l’architecte voyer[24] ne peut suffire seul aux travaux variés qu’exige le projet de la ville coloniale: le plan parcellaire, le plan général d’alignement et de nivellement de la ville, les plans de raccordement des rues de petite voirie avec la rue impériale,les plans de la place Nemours et du boulevard de l’est; les projets du marché couvert, du collège, du foundouq aux huiles, de la halle aux grains, du déblaiement du Coudiat–Aty, les études d’expropriation,… Pour cette raison l’administration communale fait appel à d’autres architectes pour les études.
Le bureau d’hygiène
Enfin, le bureau d’hygiène, dirigé par un médecin, se consacre à la sécurité, l’hygiène et la santé publique des habitants de la commune. Il établit le règlement sanitaire de la ville par la proposition d’un cahier des charges que le conseil municipal approuve, il contrôle tous les travaux des constructions nouvelles, de transformation et de réparation et veille à l’application et au respect des conditions imposées par le dit règlement. Il s’occupe plus particulièrement des évacuations des eaux pluviales et usées, des fosses d’aisance (établissement et vidange). Il inspecte les habitations en intégrant ces agents dans la commission d’insalubrité et donne son avis sur les demandes d’autorisation de construire.
Projet de restructuration: ouverture et alignement
Constantine emprunte, à la métropole, les méthodes Haussmanniennes pour remettre en ordre son tissu urbain. Cette opération de régularisation s’effectuait, au nom des impératifs sanitaires et des besoins de la circulation, par un instrument efficace qu’est la ligne droite. Celle-ci «met son accent triomphal, dominateur, régulateur, à la manière antique; elle exprime le besoin de l’ordre et de classement que systématisera Descartes, et ce désir de perspective “à perte de vue” d’évasion qui aboutira, le siècle suivant, aux compositions de Le Nôtre ‘’qui ne pouvait souffrir les vues bornées’’, soulignait le Mercure galant » [25].
En effet «la bataille de la ligne droite contre la courbe», comme le disait Jacques Berque, était programmée, préconçue selon des plans d’alignements et de nivellements. Elle était menée par des opérations de percement, d’ouverture et de raccordement, dont la dénomination est très significative.
Plans d’alignements et de nivellements
Des alignements partiels
La première phase de l’implantation coloniale sur le Rocher s’était manifestée sous forme d’expropriation des maisons et palais appartenant aux Turcs, et de réaffectation de certains bâtiments à d’autres usages.
Ainsi les premiers alignements partiels ne se font qu'en vertu d'autorisations spéciales. Les rectification et percement de rues étaient élaborés par l’armée et obéissaient surtout à des préoccupations sécuritaires:«dégager les grands édifices…de façon à leur donner un aspect plus agréable à l’œil…et une défense plus aisée dans les jours d’émeutes... Assurer la tranquillité par la création de grands boulevards qui laisseraient circuler non seulement l’air et la lumière, mais les troupes et, par une ingénieuse combinaison, rendaient le peuple mieux portant et moins disposé à la révolte».[26]
Les ingénieurs appliquaient difficilement les règles du schéma-type des établissements militaires sur un terrain au relief compliqué: la reconstruction de la muraille et des portes [27], la liaison de ses divers équipements du pouvoir (casbah, conseil de guerre, hôtel de la division, chefferie du génie militaire, intendance,...) avec la Place d’armes (place Nemours), et le tracé régulier des rues.
Avec l’accroissement de la population européenne, les Français, ne pouvant se satisfaire des occupations ponctuelles, décidèrent le partage de la ville. L’ordonnance du 9 juin 1844 divisait Constantine en deux parties, l’une dans la partie haute réservée exclusivement aux Européens alors que l’autre, dans la partie basse aux Arabes, par la future rue Caraman.
Cette bipartition confirmait le maintien des Français sur le Rocher et mettait à leur disposition la moitié d’un site construit pour la création de leur quartier intra muros.
Premier plan d’alignement et de nivellement (1850)
En 1849, la ville de Constantine fut élevée au rang de chef-lieu de préfecture; une année après, en 1850, un premier plan d’alignement et de nivellement de la ville fut produit par une commission spéciale constituée d’ingénieurs des Ponts et Chaussées et des militaires. Sitôt terminée, l’étude fut mise à exécution. Par ailleurs, en avril et juin 1850, des arrêtés préfectoraux ordonnaient les expropriations nécessaires pour l’ouverture des rues projetées.
Dés l’installation de la municipalité, le préfet remit l’étude au conseil municipal qui l’examina et l’adopta dans la séance du 27-11-1854 (R1, p. 21).
Le plan d’alignement[28] proposait l’ouverture d’une nouvelle voie dénommée rue de France (partant de souk EL Rezel en ligne droite à travers les vieux quartiers jusqu’au ravin), le percement de la rue Desmoyen, constituée par deux impasses : l’une montant de la rue Caraman et l’autre descendant de la rue Damrémont, des rues Cahoreau et Varna et l’alignement et le nivellement des rues Damrémont, Grand, du 26ème de ligne, la Tour, Leblanc, Rouand et Perregaux.
Il dégageait et nivelait les places des marchés (place Négrier, Rahbet Es Souf, place des chameaux) et améliorait leur accessibilité. Il classait les rues en grandes et petites voiries. Les rues Rouand, Perregaux, Caraman jusqu’à la rencontre avec la rue de France, et celle de Constantin ou Grand, faisaient partie de la première catégorie.
Les rues de grandes voiries avaient une largeur de 7 m, elles étaient bordées de part et d’autre de trottoirs de 1 m, alors que celles de la petite voirie ne présentaient que 5 m de large.
Le plan projetait un pont, vers l’extrémité de la place El kantara, qui était déplacé par le conseil municipal vis-à-vis du débouché de la rue Rouand et dans la suite de la rue Perrégaux.
Le pouvoir civil approuva un plan global qui insérait les différents alignements partiels, améliorait la communication et la liaison des points névralgiques et proposait des axes pour une éventuelle extension. Le conseil veillait sur la régularité du tracé des rues: «ne pas briser l’alignement de la rue, (…) l’alignement doit être en une ligne droite dans toute son étendue» (R1, 27-11-1854, p.22).
Dans leur quartier, les Français orientaient les rues, de la Brèche vers la partie septentrionale, et les reliaient entre elles par des rues transversales. Ils tentaient de dessiner l’échiquier en surimposant le nouveau réseau viaire à l’ancien (rue, ruelle, impasse) et en éventrant la ville précoloniale. Toutefois les contraintes du site, la double inclinaison nord – sud[29] , est – ouest, rendaient difficile l’application de la trame orthogonale et le respect de l’organisation type des villes coloniales avec une place d’armes centrale réunissant les équipements.
Quant au quartier arabe, il relevait de deux principes contradictoires: celui de conserver son irrégularité c’est-à-dire «reconnaître la nécessité de ne lui porter aucune perturbation et de maintenir les rues dans leur largeur actuelle» (R1, 27-11-1854, p.22) et celui d’en faire une partie utile. Jugée très tôt indispensable, l’autorité civile poursuivait ses intérêts au-delà même de la ligne séparatrice des deux secteurs, ordonnée en 1844, pour arriver aux marchés (Rahbet Es Souf, place des chameaux,) et au Foundouk Ez-zit.
Malheureusement en 1856, plusieurs erreurs furent constatées dans le nouveau plan de Constantine. Un début de corrections fut, certes, apporté par Mr Etau Daubiny, agent du service des Ponts et Chaussées, mais le conseil municipal jugea préférable, dans la séance du 06-08-1856 (R2, p.107), de confier le travail au service de topographie[30] qui prévoyait de l’achever en neuf mois[31].
Ce n’est qu’en 1860 que le plan parcellaire[32] de la ville fut terminé (R4, 22 –11-1860, p.26).
Vérifié sur terrain en 102 jours (R4, 28-02-1861, p.37) et reconnu exact par M. Moreau, agent de service topographie, il fut approuvé par le conseil municipal lors de la séance du 09-05-1861 (R4, p.46).
Néanmoins, le fait, que la ville n’était pas dotée d’un levé topographique, n’a pas handicapé les opérations d’alignement et de nivellement, ni paralysé l’exécution des travaux de voirie.
Deuxième plan d’alignement et de nivellement (1877)
Le deuxième plan d’alignement et nivellement (fig. n° 1) de la ville de Constantine fut réalisé par les services des travaux communaux en 1876, signé par l’architecte voyer E. Petit, et approuvé par le conseil municipal le 27 mars 1877.
Il fut présenté en 5 feuilles, à l’échelle 0,002 pour 1 mètre, sur lesquelles étaient indiqués le système viaire, les places et les alignements projetés. Etaient également mentionnés les portes, la muraille, et l’occupation des différentes parcelles: maisons, équipements du pouvoir militaire, du pouvoir municipal, du départemental, équipements cultuels: mosquée, zaouia, cathédrale, synagogue, équipements scolaires et équipements projetés, le théâtre et la préfecture.
CONSTANTINE : Plan d’alignement et nivellement -1977 -
Sur le plan, étaient signalés les points trigonométriques, les noms des rues et des places, les numéros des maisons et les arrêtés pour les parcelles ayant subi un alignement.
Toutes les modifications et observations apportées par la commission chargée d’examiner les plans et approuvées par le conseil, figuraient, telles que: la suppression de certaines rues projetées, le percement ou le prolongement de nouvelles rues et le maintien des passages couverts.
Le plan d’alignement et de nivellement synthétisait l’effort de la colonisation depuis 1837. Il réunissait tous les travaux de voirie programmés par les plans partiels et le plan d’alignement et de nivellement de 1850, et exécutés par le Génie militaire ou les Ponts et Chaussées, de même que les alignements projetés par la commune.
Il proposait d’arrêter définitivement les alignements; de nombreuses éventrations étaient programmées dans les îlots traditionnels et, de cette façon, la transformation du quartier arabe était plus spectaculaire.
En fait, les alignements ponctuels de plusieurs maisons dans le quartier arabe, et plus précisément dans la Souika, commencèrent à partir de 1851. Vraisemblablement quand des améliorations devaient être apportées, la commune obligeait les propriétaires à se conformer au règlement sanitaire.
Logique du tracé
Les logiques des tracés militaire et civil sont différentes mais complémentaires. Si le premier tracé obéissait à des préoccupations relationnelles et sécuritaires, le second faisait place aux préoccupations économiques et spéculatives.
Les plans avaient pour objectifs d’améliorer les voies de communications urbaines, de briser l’isolement des quartiers et de faire disparaître les quartiers insalubres. Ainsi la rue est née de la nécessité de mettre en relation tous les points névralgiques de la ville, de relier les grandes entrées et la place Nemours à la Casbah ou au palais, la halle aux grains avec la gare, et d'assurer une meilleure accessibilité des équipements et de les isoler à la fois.
L’ouverture de la rue devenait «encore plus indispensable sous le rapport stratégique que sous ceux de la salubrité et de l’embellissement et de son utilité pour les habitants»[33]. Elle suscitait de la spéculation sur «les maisons tombant dans la voie» et sur les terrains riverains.
L’opportunité du percement de la rue et de son tracé était guidée par la nature juridique du sol et les intérêts de la commune. On gommait une rue et on la remplaçait par une autre, on la déclassait en réduisant sa largeur, dans le but d’éviter les expropriations. La place Nemours était agrandie, en faisant «reculer le bâti suivant la ligne nouvelle», parce que le terrain est domanial; la rue X était proposée pour ‘’ouvrir une façade au terrain communal qui en recevra une plus-value qui en dédommagera la commune de ses travaux’’ (R13, 28-11-1876).
En effet, la commune cherchait à amortir les indemnités que lui imposaient les expropriations, elle découvrait une nouvelle source de revenus en vendant des terrains nécessaires au commerce après les avoir allotis au mieux de ses intérêts. Cet argumentaire ne peut être mieux pris en charge que par le tracé de la rue.
En présence du programme d’action que le conseil municipal s’est imposé pour les divers travaux et qu’il a entrepris, il est de son intérêt de chercher les moyens susceptibles d’augmenter les revenus de la commune. Mais cela serait exagéré de croire que n’importe quel plan de ville pouvait devenir pour la commune une source de revenus directs. Tout dépendait de la conception du plan dans la formation ou la régularisation d’une cité; cela dépendrait encore de la distribution des eaux, du gaz, de la construction des chaussées, des trottoirs, des égouts et les expropriations. Ces dernières sont autant de charges qui pesaient et qui pouvaient compromettre la santé financière de la commune.
Pourtant, malgré «les sacrifices apparents, ces villes deviennent florissantes, leurs ressources augmentent, leurs budgets s’équilibrent, et la moindre colonie, informe bourgade d’abord, se transforme en opulente agglomération. Quel est donc le secret de cet épanouissement? Comment ces dépenses, engendrées par les théories des niveleurs et des hygiénistes, se résument-elles bientôt en un accroissement de richesse publique? C’est que la production et la consommation se sont développées en raison progressive des travaux exécutés, c’est que le chiffre des populations s’est accru, c’est que tous les articles de revenus ont eu une expansion parallèle[34].
Conclusion
Ces transformations spectaculaires qu’a subies la médina sont l’œuvre de l’autorité communale qui a su imposer, sans difficulté et à travers un argumentaire hygiénique, tout un programme de reconstruction de la ville, issu d’un plan préétabli. Ce dernier n’a pas cessé d’être appliqué chaque fois que l’occasion s’en est présentée ou qu’un propriétaire a été conduit pour une cause quelconque, à demander son alignement et son nivellement.
En effet, l’acte d’alignement et de nivellement était une opération de ce qu’on appelle aujourd’hui «faire la ville sur la ville». Il se décomposait en une série d’actes articulés qui vont du tracé de la voie au remembrement à la viabilisation des parcelles (canalisations d’eau potable, évacuation des eaux usées, éclairage) et à la construction d’immeubles à usage d’habitation et d’équipements. Tous actes confondus, guidés par le souci de régularité et d’hygiène, et ce par inspiration du talent des ingénieurs et d’architectes, sont cependant menés avec rigueur, rationalité, autorité avec un acteur principal qui orchestre la production de la ville, qui est à la mesure de ses intérêts.
En définitive, la ville produite par les Français, pour les Français d’abord et les autres Européens met en exergue les dispositions générales, logiquement conçues, bien qu’onéreuses dans leur ensemble, qui sont parfaitement applicables avec l’aide d’initiative privée ou publique, pourvu que l’on définisse une politique de la ville et des stratégies conséquentes.
Registres de délibérations du conseil municipal (R.D.C.M.) consultés et conservés au siège de l’A.P.C. de Constantine:
-R.D.C.M. N° 1, du 18-07-1854 au 25-03-1856.
-R.D.C.M. N° 2, du 27-03-1856 au 22-01-1858.
-R.D.C.M. N° 3, du 08-02-1858 au 02-08-1860.
-R.D.C.M. N°4, du 02-08-1860 au 13-05-1864.
-R.D.C.M. N°5, du 04-06-1864 au 29-05-1867.
-R.D.C.M. N° 6, du 04-08-1867 au 19-02-1868.
-R.D.C.M. N° 7, du 18-04-1868 au 19-05-1869.
-R.D.C.M. N° 8, du 02-06-1869 au 28-12-1870.
-R.D.C.M. N° 9, du 16-01-1871 au 09-11-1871.
-R.D.C.M. N° 10, du 12-12-1871 au 22-10-1873.
-R.D.C.M. N° 11, du 10-11-1873 au 30-12-1874.
-R.D.C.M.N° 12 du 12-02-1875 au 17-02-1876.
-R.D.C.M. N° 13 du 28-03-1876 au 02-02-1877.
-R.D.C.M. N° 14 du 06-02-1877 au 21-12-1877.
-R.D.C.M. N° 15 du 28-12-1877 au 29-11-1878.
-R.D.C.M. N° 16 du 03-12-1878 au 13-08-1879.
-R.D.C.M. N° 17du 16-08-1879 au 09-05-1880.
-R.D.C.M. N° 18 du 08-05-1880 au 28-12-1880.
-R.D.C.M. N° 19 du 04-11-1881au 04-10-1881.
-R.D.C.M. N° 20 du 08-10-1881 au 09-05-1883.
-R.D.C.M. N° 21 du 12-05-1883 au 13-09-1883.
-R.D.C.M. N° 22 du 28-09-1883 au 10-07-1884.
-R.D.C.M. N° 23 du 28-07-1884 au 23-02-1885.
-R.D.C.M. N° 24 du 27-02-1885 au 28-10-1885.
-R.D.C.M. N° 25 du 30-10-1885 au 27-09-1886.
-R.D.C.M. N° 26 du 27-09-1886 au 02-08-1887.
-R.D.C.M. N°27 du 10-08-1887 au 09-03-1888.
-R.D.C.M. N° 28 du 13-03-1888 au 27-10-1888.
-R.D.C.M. N° 29 du 05-11-1888 au 04-09-1899.
-R.D.C.M. N° 30 du 11-09-1889 au 15-07-1890.
-R.D.C.M. N° 31du 27-08-1890 au 04-11-1891.
-R.D.C.M. N° 32 du 09-11-1891 au 22-02-1893.
-R.D.C.M. N° 33 du 01-03-1893 au 21-08-1894.
-R.D.C.M. N° 34 du 01-09-1894 au 21-02-1896.
-R.D.C.M. N° 35 du 28-02-1896 au 04-09-1896.
-R.D.C.M. N° 36 du 23-09-1896 au 14-04-1897.
-R.D.C.M. N° 37 du 27-04-1897 au 09-12-1897.
-R.D.C.M. N° 38 du 15-12-1897 au 28-07-1898.
-R.D.C.M. N° 39 du 30-08-1898 au 07-09-1899.
-R.D.C.M. N° 40 du 28-09-1898 au 18-06-1900.
-R.D.C.M. N° 41du 27-06-1900 au 08-02-1901.
-R.D.C.M. N° 42 du 09-02-1902 au 27-07-1901.
-R.D.C.M. N° 43 du 09-08-1901 au 13-01-1902.
-R.D.C.M. N° 44 du 16-01-1902 au 05-07-1902.
-R.D.C.M. N° 45 du 08-07-1902 au 26-12-1902.
-R.D.C.M. N° 46 du 21-01-1903 au 09-07-1903.
-R.D.C.M. N° 47 du 09-07-1903 au 28-10-1903.
Notes
[1] Léonardo, Bénévolo, La ville dans l’histoire européenne, Paris, éd. du Seuil, 1993, p.226.
[2] Ageron, Ch –Robert, Histoire de l’Algérie contemporaine, Alger, 10ème éd., éd. Dahlab, 1994,que sais – je? , p.22.
[3] L’élection des maires et des adjoints par les conseils municipaux a été autorisée par un arrêté préfectoral du 19 octobre 1870, article 12.
[4] Constantine vivra au rythme de Paris et d’Alger: 1870 effondrement de l’empire, guerre de Prusse, insurrection de la commune de Paris (1871), explosion de la rue algérienne,mouvement antimilitariste, insurrection des musulmans.
[5] Registre de délibération du conseil municipal n°10.
[6] Le décret, du 7 avril 1884, autorise au maximum 6 conseillers municipaux à condition de ne pas dépasser le quart total du conseil. Mais ils ne peuvent pas participer à l’élection du maire et des adjoints.
[7] Jacques, Heers, Espaces publics, espaces privés dans la ville, Paris, éd. du CNRS, 1984, p.84.
[8] Au nom de l’hygiène, des améliorations furent apportées dans les quartiers, par la restauration des fontaines publiques, la réparation des embranchements d’égouts et la création de 111 urinoirs publics: 29 dans le quartier Européen et 82 dans le quartier indigène (R5, 14-07-1864, p. 6). Mais, plus tard, certains élus s’opposèrent à la «ville–urinoir», objectant que, les urinoirs étant forcément malpropres et insalubres, il fallait se conformer aux règlements d’hygiène et établir les urinoirs là «où l’utilité en sera reconnue afin de ne plus permettre que chaque coin de rue, chaque trottoir ou chaque maison soit un urinoir public» (R17, 9-04-1880, p.84).
[9] Plusieurs projets furent présentés à la municipalité par ses services techniques dans le but «d’assainir certains bâtiments communaux». Les exemples de l’asile et de l’école des sœurs illustrent ce cas : dans le premier édifice, E. Petit, architecte voyer, proposait de remplacer le carrelage en briques par un asphaltage, système recommandé pour des raisons hygiéniques (R14, 22-08-1877, p.72); alors que pour le second, il exigeait un agrandissement pour lui procurer «le jour et l’air qui lui manquent» (R13, 16-08-1876, p. 25). Cette opération nécessitait l’acquisition d’un terrain situé rue Caraman, contigu à l’école des sœurs; l’architecte proposa de supprimer une série de voûtes au-dessus de la rue Caraman «pour donner de l’air au quartier et pour la rectifier de l’alignement» (R13, 16-08-1876, p.26).
[10] Roncayolo, Encyclopédia universalis, 1995, C.D.Rom.
[11] 1837: interdiction totale des transactions immobilières;
1842: un arrêté du 11 janvier lève l’interdiction des transactions immobilières, mais seulement entre indigènes;
1844: l’ordonnance du 9 juin 1844 interdit toutes transactions dans le quartier indigène l’art.5 précise qu’«aucun Européen ou Israélite étranger ne peut s’établir ou devenir locataire, propriétaire ou détenteur d’immeuble à quelque titre que se soit, dans les quartiers indigènes ».
[12] De 1844 à 1856 la population européenne s’élevait à 8290 personnes et les transactions sur les immeubles urbains étaient égales à 233 (Source : T.E.F.).
[13] Le gouvernement français a mis en place une série de lois foncières, l’ordonnance du 1er octobre 1844, l’ordonnance du 26 juillet 1846, la loi du 16 juin 1851, le décret du 2 avril 1854, Le décret du 21 février 1859, le décret du 14 juin 1859, le Sénatus-consulte de 1863 et enfin la loi Warnier de 1873, pour répondre aux besoins les plus pressants des européens et surtout leurs permettent la liberté des transactions immobilières.
[14] Les biens ont été d’abord confisqués, par l’administration française à l’ancien pouvoir beylical par l’arrêté du 8 septembre 1830. Ce dernier stipule que: «toute maison, magasins, boutiques, jardins, locaux et établissements quelconques occupés précédemment par le dey, les beys et les turcs sortis du territoire et de la régence d’Alger ou gérés pour leur compte, ainsi ceux affectés à quelque titre que ce soit à la Mecque et à Médine, rentreront dans le domaine public et seront régis à son profit».
[15] Le conseil municipal a voté la remise de ces édifices religieux pour les affecter à d’autres fonctions:
- la mosquée de Sidi Chaldi pour en faire une fourrière publique (R1, 9oct 1854, 9r);
- une mosquée et boutiques, situés rue des mouches, pour servir de dépôt au matériel pour les fêtes (R1, 9oct 1854, 9r);
- la mosquée Sidi Affar affectée en un établissement de crèche (R2, 11-02-1857, 132r);
- la mosquée Sidi Makhlouf remise par l’armée pour établir un musée et une bibliothèque (R1, 8-05-1855, 62r). Sa démolition pour l’édification d’une nouvelle école destinée à l’enseignement primaire a été décidée en 1856 (R2, 11-11-1856, 123r);
- la mosquée Sidi Kafsi, dont l’offre de concession a été faite par le préfet, pour l’établissement d’une nouvelle école israélite (R1, 6-02-1856);
- la mosquée Sidi Tlemçani a fait l’objet de trois délibérations. Elle a été d’abord affectée au bon pasteur le 12-02-1857. Quand cet établissement a été transféré hors ville, le CM a voté l’aménagement des fourneaux économiques à l’usage des classes pauvres (R3, 11-02-1858, 6v), puis la création de crèche (R3, 9-11-1859, 115r);
- La mosquée de Sidi Derrer a été proposée pour la création d’un établissement de soupes économiques (R3, le 9-11-1859, 115r).
[16] En 1859, le conseil municipal vote l’achat d’un terrain, situé rue Rouand contigu au foundouq des M’zabites (R3, 5 mai 1859, 81r). La réunion des deux parcelles destinées à la construction du foundouq aux huiles forme plus de 700 mètres carrés. En attendant l’édification de cet établissement économique, il approuve la location de la propriété communale de gré à gré (R3, 6 février 1860, 137r).
[17] Toujours en 1859 le conseil municipal vote l’acquisition de l’îlot compris entre les rues Sittus, Sauzai, la tour et le boulevard de l’ouest affecté à de l'hôtel de Ville (R3, 11-01-1859). Il autorise le maire à négocier l’acquisition de tous les immeubles compris dans l’îlot en 1863 (R4-7-02-1863, Acquisition de la maison Sérés, 130v). La construction ne débutera que 36 années après, c'est-à-dire en 1895 pour s’achever en 1902.
[18] L’exemple de Mr Chaume est très marquant à ce sujet. Chaume est parmi les Européens qui se sont établis dans la ville juste après la conquête militaire. Son nom apparaît dans plusieurs P. V. de délibérations en 1857, 1858, 1860. Il est propriétaire d’une maison à l’angle des rues Sauzay et Desmoyen, dans ces mêmes rues il possède un immeuble en co-propriété avec les domaines et Joly Brésillon; il est propriétaire avec Joly Brésillon d’une maison à la rue Richepause place Négrier. Il propose de céder à la commune la portion de l’immeuble qui tombe dans l’alignement des rues Sauzay et Desmoyen en échange d’un local des pompes ainsi que la petite portion de terrain provenant de l’acquisition de la famille Brattani Bey, laquelle se trouve en dehors de l’alignement de la rue Desmoyen. «Moyennant cet échange M. Chaume se chargerait de désintéresser le propriétaire de maison qui forme étranglement […]». (R2, 28 Décembre 1857,185r).
[19] Au début de l’opération, les propriétaires sont nombreux à évaluer et proposer les indemnités en tenant compte d’un terrain nu ou construit. Ils négocient le prix du terrain, la démolition, l’enlèvement des matériaux, et les frais des travaux de reconstruction. Le prix du mètre carré d’un terrain situé dans telle rue Sérigny en 1858 est fixé à 50 francs par le marché foncier parallèle (R3, 7-6-1858,28v).
[20] Nous ne pouvons affirmer à quel service appartiennent les experts. Mais dans la ville de Paris, ville qui fait exception à la loi commune car elle est soumise à l’autorité de l’Etat, l’expertise est traitée par les inspecteurs et les commissaires voyers du bureau de la grande voirie dépendant de la direction des travaux publics. Ces experts «connaissent les aspects fiscaux liés aux droits de voirie, conseillent l’administration dans les traités amiables avec les particuliers sur les affaires d’expropriations, et participent au débats devant les jurys». Mais à partir de 1859, la mission d’expertise est exercée par les architectes voyers qui estiment les biens à exproprier. p 25 Les voyers au XIXe siècle et la naissance de la ville moderne Lutetia non urbs, sed orbis Bernard Landau, in Des architectes au service de la ville l'exemple des architectes voyers de Paris de 1895 à nos jours, association amicale et professionnelle des architectes voyers de la ville de Paris, les Ed. Générales Pampelune (Espagne) 1998.
[21] Le local, dont le bail de location expirait le 1er Août 1858, était jugé insalubre et le conseil décida de le transférer rue Madrier (R3, 10-02-1858, 5v).
[22] Le conseil municipal accorde une indemnité à l’ingénieur de la ville De La Loriais (R5, 19-07-1865, 40r).
[23] Le service des ponts et chaussée a été chargé des eaux et égouts jusqu’en 1870. Il établit les bornes fontaines en ville et construit les bassins des squares. Mr Schérer, ingénieur des ponts et chaussées, est l’auteur du projet des fontaines monumentales (R8, 27 mai 1870, 121r).
[24] Nous mentionnons les principaux acteurs, architectes et ingénieurs, impliqués dans le projet de la ville et durant la période qui intéresse notre recherche. Les dates signalées correspondent à des dates de règlement d’indemnité, de signature de rapport ou de projets.
Architectes de la commune
-1857 - Gouret, architecte voyer; 1865 - Mouren, architecte; 1867, 1874, 1876, 1876, 1877: - E. Petit, architecte voyer;
1868 - Mr Rémond, architecte d’arrondissement, Meister, architecte ; 1872 - Meister, architecte voyer ; 1878 - Martin, architecte ; 1879 - B. Allargé, architecte; 1881, 1883: -Ballargé, architecte voyer chef de service; 1883 - 1895, 1902 - Pierre Arbuix, architecte chargé des Bâtiments; 1887, 1890 - Famelart, architecte voyer; 1902 - Ollier, architecte chargé des alignements.
Ingénieur de la commune
-1865 - De la Loriais, ingénieur.
Architecte du département
-1850- Aubert, architecte en chef des bâtiments civils; -1857-1859 - Mœurs, architecte en chef des bâtiments civils.
Ingénieurs des ponts et chaussées
-1849 - Coumes, ingénieur en chef; 1852- De Lannoy, ingénieur ordinaire; 1854 -Delannoy, ingénieur en chef; 1854 - Lebiez, ingénieur ordinaire, Paulmier, ingénieur ordinaire; 1861 - Tostain, inspecteur général; 1867, 1869 - Menard, ingénieur; 1870, 1874 – Lebiez, ingénieur en chef, Shérer, ingénieur ordinaire; 1879 - Garchet, ingénieur civil, Pelletreau, ingénieur ordinaire, Lebiez, ingénieur en chef; 1888, 1890 - Pelletreau, ingénieur en chef, Daujon, ingénieur ordinaire; 1889 – Godart, ingénieur en chef; 1890 – Pelletreau, ingénieur en chef, Daujon, ingénieur ordinaire, Souleyre ingénieur ; 1903 - A. Guérin, ingénieur ordinaire.
[25] Gaston, Bardet, cité par Michel, Ragon, Histoire mondiale de l’architecture et de l’urbanisme modernes: idéologies et pionniers 1800-1910, Belgique, éd. Casterman 1986, p. 95.
[26] Haussmann, cité par M. Ragon p.96
[27] Bab el djabia et bab el oued ont été obturées et entre les deux la porte vallée a été percée. Porte d’el kantara à été refaite, in Berthier et Chivé, Constantine son passé et son centenaire, Constantine, ed. Braham 1937.
[28] Reconstitution d’après les délibérations du conseil municipal (registre n°1), Michèle, Biesse-Eichelbrenner Constantine la conquête et les pionniers et le plan d’alignement et de nivellement de 1876 (en 5 feuilles ech. 0,002 pour 1 mètre).
[29] Le point le plus élevé du Rocher se trouve à 664 mètres et le plus bas à 534 mètres vers la pointe de Sidi Rached.
[30] Mr Claude Massot, chef du service de topographie, proposait:
- Devoir faire précéder le levé du plan d’une triangulation dont les points seraient très rapprochés (250 points trigonométriques); la rétribution serait fixée par le nombre de points;
- Levé du plan sera fait à l’échelle 1/200, avec tous les détails;
- Les géomètres chargés du levé du plan seraient tenus de fournir indépendamment du plan de détail, un plan d’ensemble à l’échelle 1/2000, la rétribution pour le levé du plan sera fixé par parcelle, chaque maison ou emplacement formerait une parcelle;
- Total opération évalué à 5.500.00 fr.;
Les géomètres qui pourraient concourir à cette opération seraient Ausset, Peladan, Charité.
[31] En 1858, le dit service n’avait effectué que le tiers du levé. Aussi deux militaires furent mis à la disposition de Mr Giron, géomètre chargé du levé (R3, 9-08-1858, p.46). En 1859, suite à l’abandon de l’exécution du plan de la ville par Mr Giron, le levé a été confié à MM. Zagrewski et Sibily, géomètres civils employés au Génie, à raison de 5 francs la parcelle pour un délai de 6 mois (R3, 15 – 04 -l 1-859, p.81).
[32] Six feuilles à échelle 0.002 mille/m, un plan général à l’échelle 0.0005 et un autre plan à l’échelle 0.005 p.m.
[33] M. Ragon, op. cité p.96
[34] Il en sera ainsi de Constantine, une population de 10.000 européens et de 25.000 indigènes, comptés fiscalement et légalement pour un huitième de leur nombre, forme un effectif contributif de 13.000 individus qui produisent déjà 800.000 francs de recettes ordinaires au budget de la commune. R.D.C.M.N°47, 1903, souligné par nous.
* Cette étude a été réalisée à partir de l’exploitation des registres de délibération du conseil municipal de la ville de Constantine.