Insaniyat N°49 | 2010 | Savoirs et dynamiques sociales | p. 07-08 | Texte intégral
Le présent numéro Varia d’Insaniyat regroupe un certain nombre de contributions différentes qui tentent de cerner des réalités en mettant en œuvre des outils théoriques et méthodologiques. Cette livraison comporte un intérêt multiple allant d’un éclairage sociohistorique aux différentes formes de socialisation. Les auteurs de ces articles questionnent le point de vue des acteurs afin de mettre en évidence les stratégies individuelles et familiales face à différentes situations ; leurs savoir-faire et leurs expériences quotidiennes, issus de leur vécu, sont bien entendu pris en ligne de compte par l’analyse.
Mustapha Haddab tente de revisiter l’œuvre d’Ibn Khaldoun, en mettant en exergue le statut épistémologique sur lequel ce penseur fonde sa réflexion qui lui a permis de produire un savoir et un discours scientifiquement féconds. Pour l’auteur, Ibn Khaldoun, avec son savoir encyclopédique s’est intéressé à plusieurs domaines de l’activité sociale, politique et intellectuelle de son époque, en particulier les antagonismes entre les deux univers citadin et rural notamment « sur l’acquisition des savoirs en corrélation avec l’état de la société ». Considéré, par certains, comme un véritable précurseur de la science sociale, l’auteur de la moqadima a étudié « el ’Umran », comme l’expression de la structuration-destructuration de l’ordre social dans les États médiévaux de cette partie du monde.
Concernant l’organisation sociale, il est important de signaler que d’autres formes organiques de sociabilité ont émergé dans le contexte actuel[1]. Ainsi, Hichem Hacherouf abordant le mouvement associatif dans la région de Béjaia, note que contrairement à l’espace citadin, le milieu rural se distingue par un dynamisme associatif remarquable. A cette dynamique institutionnelle se superposent des parcours individuels de jeunes qui essaient d’affronter la vie en mettant en œuvre plusieurs stratégies en vue de satisfaire leurs besoins (emploi, logement, mariage…). Ces pratiques ne s’accomplissent pas sans heurter, souvent, « les intérêts parentaux qu’ils soient familiaux ou individuels, d’autorité ou de norme, économiques ou culturels ». C’est ce que tente de dévoiler Mohand Akli Hadibi en adoptant l’analyse de récits de vie de jeunes d’un village de la vallée de Soummam ayant rompu leur scolarisation à un âge précoce.
Quant à l’apprentissage « lire, écrire et compter », élément fondateur dans toute socialisation moderne, il est mis en avant par Abdelkader Kelkel. Ce dernier essaie de dresser un tableau de ces savoirs en Algérie depuis l’époque précoloniale jusqu’à l’heure actuelle.
De son côté, Moncef El Mahwachi fait une lecture des fonctions des rituels et des symboles dans les sociétés locales qui tendent de consommer des technologies modernes. L’auteur explique, pour sa part, que cette pratique s’enracine de plus en plus chez les populations du Sud, au risque « d’élargir les cas d’aliénation ». L’adhésion aux nouvelles valeurs engagées par la rationalité technique et le pragmatisme triomphant, contraignent les populations locales, surtout celles qui se sentent exclues du nouveau circuit de consommation à « recourir dans leurs pratiques culturelles à "l’irrationnel" comme espace de défoulement et de protection d’un certain équilibre "psychologique" menacé par des profonds et rapides changements ».
Pour sa part, Daha Chérif Ba revient sur plusieurs aspects de la vie militaire, politique et sociale de l’époque, à travers une monographie historique. Les populations tâchent d’adopter plusieurs stratégies pour répondre à l’hégémonie économique et la puissance militaire de l’époque et éviter, ainsi, le chaos. Qu’ils soient prisonniers ou soldats dans ces présides espagnols, ils endurent des conditions difficiles ; ils n’avaient le choix que de subir l’épreuve de déserter les lieux, parfois, en se faisant maure ou chrétien pour les prisonniers musulmans.
En fait, analyser, identifier les causes, rendre compte des multiples interférences propres aux groupements humains et produire du savoir à partir de diverses perspectives de recherche en contextualisant les visées méthodologiques et les corpus, constitueront un souci perpétuel pour les chercheurs en sciences sociales et humaines. Ce numéro, à l’instar des précédents, s’inscrit dans cette finalité.
Le Comité de rédaction
Notes
[1] Voir Mouvements sociaux, mouvements associatifs, Insaniyat N° 8, mai–août 1999 (Vol. III, 2), Éditions CRASC.