Insaniyat N° 12 | 2000 | Patrimoine(s) en question | p.129-148 | Texte intégral
Archives. A problematic question of patrimonialisation Abstract : Records do they make up a cultural patrimony ? If one sticks to the legal texts, the answer can only be positive. However, national records are never associated with a national cultural movement, even if by certain of their interventions (expositions and conferences), they try at the same time to remind decision makers of their national cultural and to have a place in the natural cultural landscape. |
Fouad SOUFI : Conservateur en chef aux Archives nationales, 31 000, Oran, Algérie
Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, 31 000, Oran, Algérie
C’est pratiquement un truisme de dire que notre société entretient des rapports difficiles avec son histoire. Il est tout aussi banal de dire et de décrire les graves dangers qui menacent notre patrimoine culturel, monumental et immatériel[1]. De la même manière, il n’y a rien d’original à montrer la place que tiennent les archives dans notre vie administrative et économique.
Et pourtant! “L’archive: trace brute de vies qui ne demandaient aucunement à se raconter…”, nous dit Arlette Farge[2], tient une place difficile à définir. L’équivoque, chez nous, n’est-elle pas à chercher dans le statut de l’écrit dans une société qui accepte ou qui affecte de croire en la toute puissance structurante de l’oralité ? Nous serions une société de l’oralité dans laquelle l’écrit exprimerait un rapport de force, sinon même de sujétion, entre celui qui l’émet et celui qui le demande ou le reçoit. L’archive, qu’on assimile rapidement et exclusivement au document écrit sur papier, est alors d’autant plus aisément détruite. L’archive, ce document sur papier, ne participe pas du mouvement de patrimonialisation qui permet aux autres supports du texte et de la pensée d’avoir les faveurs, réelles ou supposées, de l’Etat et de la société.
La question se pose alors de comprendre ce que cache ce mot? Comment sa réalité est-elle prise en charge? Comment s’organisent les rapports entre l’administration qui produit les archives et l’acte culturel qu’elles prétendent constituer? Comment se négocie la place des archives dans le patrimoine national?
Le sens du mot, la réalité de la chose.
Il y a la loi,
Les archives, dans leur sens commun, seraient cet amas de vieux papiers poussiéreux et inutiles que l’on garde plus parce qu’elles ne dérangent pas la vie quotidienne de l’administration que pour une hypothétique utilisation pratique. Certes, il y a ces documents qui servent à prouver des droits, mais les archivistes savent que même ces titres de propriétés sont souvent perdus de vue. Bon nombre de communes, de wilayas, d’entreprises publiques et de citoyens n’arrivent plus à reconstituer leur patrimoine (matériel et immobilier, s’entend ) faute de retrouver leurs documents.
Mais au-delà du sens commun, nous avons la chance de posséder une loi, sorte de loi organique, qui donne aux archives une définition juridique: la loi n°88-09 du 26 janvier 1988 relative aux archives nationales.
Selon, cette loi, “Les documents d’archives” (pas les archives) seraient “des documents contenant une information quels que soient leur date, leur forme, leur support matériel, produits ou reçus par toute personnes physiques ou morales et par tout service ou organisme public ou privé dans l’exercice de leur activité.”(art.2) Mais la loi va plus loin et précise que “les archives (pourquoi pas les documents d’archives?) Sont constituées par l’ensemble des documents produits ou reçus par le Parti, l’Etat, les collectivités locales, les personnes physiques ou morales de droit public ou de droit privé, dans l’exercice de leur activité, identifiés par leur intérêt et leur valeur, et soit conservés par leur détenteur ou leur propriétaire, soit transmis à l’institution d’archives compétente.”(Art.3). D’aucuns ont voulu lire par documents d’archives, les documents encore utiles à l’administration, un peu à la manière anglo-saxonne (les records), les archives étant alors les archives historiques. Mais il s’agit là d’un autre débat, même s’il faut souligner que cette distinction est en contradiction totale avec la loi qui ne pose aucune limite de temps au document d’archives. Ce qui compte, en fait, c’est la vision moderne et novatrice des archives qu’essaie d’apporter la loi. Moderne car elle insère la réflexion nationale sur les archives dans le débat qui a cours au niveau international dans le monde des archives. Novatrice, parce qu’elle essaie de faire un sort à l’image négative qu’ont les archives tant dans les structures administratives que dans la société [3]. Elle propose enfin une vision large et dynamique des archives et des missions des Archives Nationales.
Ainsi, la loi ne pose aucune limite ni de temps, ni de forme aux archives. Elle ne limite les archives, ni au document écrit, ni même au texte écrit fixé sur un support quelconque. Elle affirme le principe que tout est archive, tout est susceptible d’un traitement archivistique. Il est vrai, par contre, que la notion même de document n’est nulle part définie.
La problématique de cette loi est donc d’essayer de valoriser ces traces du passé que l’on nomme archives en montrant qu’elles s’inscrivent dans nos préoccupations d’aujourd’hui et que c’est aujourd’hui, au moment de leur naissance, qu’il faut les prendre en charge. Essayer, car on sait le décalage qui existe chez nous entre une loi et son application dans la vie quotidienne. Cette loi est suivie de trois décrets qui mettent en place l’institution chargée des archives et d’une vingtaine de circulaires destinées à expliciter ou faire appliquer tel ou tel principe, et telle ou telle pratique. Mais elle est surtout suivie d’autres textes de lois qui vont en limiter les effets et par des décrets qui vont se trouver en contradiction avec les principes qu’elle a édictés. Toutes ces contradictions peuvent être inscrites au registre de la force des traditions et du poids des idées toutes faites. Elles illustrent aussi la place que l’institution chargée des archives nationales n’a pu se faire dans le paysage institutionnel national. Elles sont un exemple du procès de fabrication bureaucratique d’une loi.
Mais il y a, en effet, certaines lois…
Cette loi et l’institution chargée de son application se trouvent donc face à d’autres lois, d’autres institutions qui interviennent sur le destin du document et des traces de notre passé.
Ainsi, dans la loi sur la protection du patrimoine culturel de 1998 qui introduit parmi les biens culturels mobiliers “les documents d’archives, le législateur a précisé: “y compris les enregistrements de textes, les cartes et autre matériel cartographique, les photographies, les films cinématographiques, les enregistrements sonores et les documents lisibles par machine.” Même si la répétition participe de la pédagogie, cette précision n’est jamais qu’une redondance qui montre qu’en fait le législateur fait l’impasse totale, volontairement ou pas, sur l’esprit et la lettre de la loi de 1988. Pourtant ces deux textes de loi ont été initiés par les mêmes structures du ministère de la culture et ont suivi le même parcours avant leur adoption par l’Assemblée Nationale. La même administration, le même circuit classique mais pas les mêmes personnes, probablement, ni les mêmes sources assurément! L’administration a-t-elle la mémoire courte? L’explication ne serait-elle pas tragiquement plus simpliste? Entre 1988 et 1998, les Archives Nationales ont changé de tutelle, passant du ministère de la Culture à la Présidence de la République[4]. Le ministère de la Culture ne se serait plus senti concerné par le sort des Archives Nationales. Le ministère, certes, mais les autres intervenants dans le processus de fabrication de la loi? [5]
Mémoire courte ou vision bureaucratique? Le Conseil national économique et social dans son “Avis sur le dossier relatif au patrimoine national” donné en 1996, se contente du texte élaboré par le ministère de la Culture. Il est fait l’impasse non seulement sur les archives nationales[6], mais également sur ce patrimoine historique et culturel de la guerre de libération dont la gestion est affectée depuis 1991 au ministère des moudjahine. On peut y lire que “le Patrimoine National englobe tout l’héritage historique et intellectuel que renferment les éléments du patrimoine (architectures, musées, ensemble de pièces archéologiques, arts, lettres et traditions populaires)”. Les archives nationales ne feraient donc pas partie du patrimoine? Mais le groupe de travail constitué par la commission “Population et besoins sociaux” du CNES exprime, en conclusion, tout de même quelques doutes: “le traitement de ce dossier sensible ne peut être limité à des avis concernant des textes juridiques conjoncturels, mais nécessite une étude approfondie de tout le Patrimoine National dans ses différentes dimensions. Cependant, la commission a donné son avis dans un premier temps en attendant une étude globale que nous espérons dans les plus brefs délais.” [7]
Mémoire courte également ou stratégie particulière chez ceux qui ont eu la charge de rédiger la loi relative au moudjahid et au chahid de 1991 (révisée en 1999) et qui créent “un patrimoine historique et culturel de la guerre de libération” qui se compose de :“toutes les archives, ouvrages, les effets, les documents, les registres, les écritures, les rapports, les déclarations militaires, les journaux individuels et collectifs, les revues de toutes sortes, les explosifs et tous les ouvrages audio-visuels ou écrits qui ont été réalisés entre le 1er novembre 1954 et le 5 juillet 1962 ”. Cette loi ne tient pas compte de la loi sur les archives et prétend confier à un département ministériel les documents concernant la période 1954-1962[8]. De la même manière, elle isole du patrimoine monumental national, les monuments relatifs à cette période en ne faisant aucune référence aux dispositions de l’ordonnance de 1967 relative aux sites et monuments historiques (ancêtre de la loi sur la protection du patrimoine culturel).
Mémoire courte ou stratégie particulière qui fait que le décret présidentiel du 29 octobre 1998, prenant appui sur l’ordonnance relative au dépôt légal de 1996 et celle relative aux droits d’auteurs, reconduisant les dispositions d’un décret de 1982, confie à l’Institut National de Cartographie, le dépôt légal et la conservation des documents cartographiques. Or, l’article 10 de la loi de 1996 sur le dépôt légal cite expressément les organismes chargés, pour le compte de l’Etat, de recevoir et gérer le dépôt légal : la bibliothèque nationale d’Algérie et le centre algérien de cinématographie. Aucun de ces textes ne vise les dispositions de la loi sur les archives nationales.
Donc, et en dépit des dispositions de cette loi - sauf forcer la lecture de son article 2 et à reconnaître que l’institution d’archives compétente, dont il est question, fait référence à n’importe quelle administration[9] - de nombreux documents d’archives, quel que soit leur support, mais parce qu’ils sont en relation avec l’histoire, parce qu’ils appartiennent au patrimoine historique national, sont confiés à des structures spécifiques, sans relation particulière avec les Archives Nationales. Par contre, la loi sur l’information (1991) et celle relative au système statistique (1996) se référent à la loi sur les archives nationales. Est-ce parce qu’elles gèrent des problèmes actuels?
Archives, document, trace [10]
Ne peut-on voir dans ce qui pourrait s’apparenter à une incohérence juridique, ce “processus de pensée” qu’évoque Paul Ricoeur: “qui de la notion d’archive rencontre celle de document, (et parmi les documents celle de témoignage) et de là, remonte à sa présupposition épistémologique dernière: la trace…” [11]
La trace…, après tout, “Les archives” écrivait Jacques Berque “c’est de plein droit tout ce qu’une société intentionnellement ou non, à court ou long terme, conserve de ses propres traces ”.[12] Conserver les archives – conserver ces traces - est un acte spontané, naturel d’abord, volontaire, culturel ensuite. Acte naturel car les archives sont le produit de l’activité même d’un organisme ou d’une personne physique ou morale et elles constituent la preuve de leur existence à un moment donné de l’histoire[13]. Par contre, les musées, les bibliothèques et les autres lieux de conservation de la mémoire (ces mnénopoles) appartiennent à l’ordre de la collection et du choix. Ils procèdent d’abord d’un acte culturel. Ils sont nés d’une volonté précise. C’est la conservation des archives au profit des générations futures, qui tient de l’acte culturel et qui fait rapprocher les archives et l’archivistique, des musées et de la muséologie, des sites archéologiques et de l’archéologie et enfin des bibliothèques et de la bibliothéconomie.
Peut-être faudrait-il chercher dans l’articulation nature-culture l’ambiguïté de la posture des archives dans l’Etat et dans la société, et la difficulté, pour les archives, de trouver leur place tant dans le paysage administratif que dans le paysage culturel. Mais en tant que trace de ce passé, elles sont également trace du futur en constitution. Le rapport du monument historique, du document archéologique à la culture est immédiat dans la mesure où il s’agit d’un rapport construit par le pouvoir politique, organisé et pris en charge (bien ou mal, peu importe) par l’Etat et accepté par la société. Le rapport de l’archive à la culture est médiatisé par la volonté ou pas du pouvoir politique d’en autoriser l’accès.
Et Jacques Berque et après lui Paul Ricoeur, puis Adi Ophir et, incidemment, Krzysztof Pomian renvoient à Michel Foucault.[14] “Par ce terme” écrit Michel Foucault, “je n’entends pas la somme de tous les textes qu’une culture a gardée par devers elle comme documents de son propre passé, ou comme témoignage d’une identité maintenue ;je n’entends pas non plus les institutions qui, dans une société donnée, permettent d’enregistrer et de conserver les discours dont on veut garder la mémoire et maintenir la libre disposition […] L’Archive, ce n’est pas ce qui sauvegarde, malgré sa fuite immédiate, l’événement de l’énoncé, et conserve pour les mémoires futures, son état-civil d’évadé ; c’est ce qui à la racine même de l’énoncé-évident, et dans le cas ou il se donne, définit d’entrée de jeu le système de son énonciabilité…”
Par delà ces négations, il faudrait lire, par glissement sémantique des archives vers l’archive, (mais sommes-nous encore sur le même terrain?), que nous sommes en présence de tout ce que nous révèle le passé, de tout ce qu’il nous a légué, mais dans la mesure où ces traces ont eu, pour ceux qui les ont produites et pour l’historien, qui les utilise, une signification. “N’est écarté de l’Archive que le matériau dépourvu de pouvoir de signification, le matériau qui ne porte pas de traces de la vie, du travail ou du langage humains” précise A.Ophir [15]. C’est ce qui fait dire qu’al Kitab al Aghani d’Abu-l-Faradj al Isphahani “tient pour l’archive des Arabes”
Dépasser (?) ainsi, les archives par l’archive, c’est alors rappeler les archives sont le reflet, in fine, de l’intérêt de l’Etat et la Société portent à leurs propres œuvres. Organiser les archives ou pas, les conserver ou pas, les rendre accessibles ou pas, d’une part et les formes d’organisation, les moyens de conservation et les modalités d’accès aux archives d’autre part, sont autant d’indicateurs de l’organisation d’un pays et des rapports qui se nouent entre l’Etat, le pouvoir politique et la société. Mais ce sont surtout des indicateurs de notre rapport à notre passé immédiat ou lointain. Ce lien ainsi construit, intentionnellement ou pas, avec cette partie de notre patrimoine, constitue un élément révélateur de la conception que nous avons de notre identité. Nous collectons ce que nous sommes, nous sommes ce que nous collectons.[16]
Nous collectons ce que nous sommes, nous sommes ce que nous collectons?
L’administration dans ses archives
On peut lire dans l’action de l’administration que nous avons décrite plus haut, une sorte d’émiettement de la mémoire et du patrimoine. Mais on peut la lire et la comprendre comme la volonté de confier à des institutions précises des documents qui exigeraient une prise en charge spécifique. On peut l’assimiler à une sorte de période transitoire au cours de laquelle l’administration, après quarante années d’oubli et de mépris de sa propre mémoire, se réveille brusquement et prend conscience des traces qu’elle a pu produire. Elle se donne alors les moyens juridiques pour tenter, dans un premier temps de prendre connaissance de ce qu’elle conserve tant bien que mal, puis d’y mettre un peu d’ordre avant de redonner à qui de droit la puissance de protéger et transmettre aux générations futures les traces de ses activités.
En fait, et c’est bien là le plus important, apparaît d’abord et avant tout la volonté de l’appareil d’Etat d’intervenir de façon particulière et précise dans un domaine qu’il s’efforce de gérer depuis 1971 et la promulgation d’une ordonnance qui avait institué le Fonds unique des archives nationales.
De la même manière, les termes et l’esprit de la loi de 1988 montrent que celle-ci est encore plus audacieuse que la loi sur la protection du patrimoine. De plus et en dehors de quelques aspects qui participent de la conjoncture politique des années 1980, elle va au-delà de ce que peuvent espérer encore aujourd’hui beaucoup de documentalistes-archivistes enfermés et isolés dans leurs salles d’archives dans les ministères et dans les wilayas. Elle s’inscrit surtout en contradiction totale avec la pusillanimité actuelle de l’administration. Pourtant, directeurs d’administrations centrales ou d’entreprises nationales, walis, secrétaires généraux de wilaya, chefs de daïra, tous ceux qui nous ont fait l’honneur d’un entretien, insistent d’une seule voix sur l’importance des archives non seulement comme outil pour la bonne gestion (la bonne gouvernance) mais aussi pour l’histoire et la sauvegarde (la construction) de l’identité nationale. Il ne saurait être question de mettre en doute leur sincérité. Au contraire, leur conviction n’est pas de simple circonstance (le hasard d’une rencontre avec l’archiviste)[17]. Mais la dictature du quotidien, celle de l’immédiat, s’imposent pour justifier le décalage entre l’intention (toujours bonne) et l’action (non moins acceptable). Il n’en demeure pas moins que dans l’œil de l’administration, le présent ne supporte pas vraiment le passé et le mépris qui s’affiche fièrement ne sert peut-être qu’à masquer la méfiance à l’endroit de documents que l’on n’a pas produit soi-même. Seule alors la destruction sert à vaincre tout à la fois la méfiance envers le passé et les incertitudes face à l’avenir. Sur le terrain, l’archiviste doit toujours justifier la pertinence de ses actions et leur utilité. Françoise Durand-Evrard le montre bien: “si un directeur d'action sociale n'a pas à expliciter longuement l'impact de sa politique, l'archiviste risque de démontrer que son lecteur coûte à l'administration son poids d'or, s'il se place sur le seul plan d'un service réglementaire qui collecte, classe et communique des documents à 1200 lecteurs par an.”[18] Combien de service d’archives en Algérie reçoivent 1200 lecteurs par an?
La conservation des archives, comme partie du patrimoine de l’administration et de l'entreprise, concerne tout le monde, tous ceux qui vivent de et par l’administration ou l'entreprise. Les archives sont placées devant une contradiction difficilement dépassable. Bien que pur produit de l’activité de l’Etat et de ses institutions, elles appartiennent à la longue durée quand seul le présent compte pour l’administration. N’ayant pas de rapport avec le quotidien puisque confinées dans l’ancien, les archives se trouvent exclues du cadre de la réflexion sur l’administration et des principes qui président à la prise de décision et à l’action. Inutiles, elles peuvent être détruites. Cette terrible logique, qui justifie les éliminations sauvages, finit par porter atteinte au patrimoine historique national. Elle prive l’Etat de la nécessaire accumulation des connaissances qu’il se devrait d’avoir de la société (en dehors des chiffres) tout en remettant en cause le droit des citoyens a être informé. Elle prive la société d’un moyen de contrôler l’Etat dans ses œuvres. Par contre, elle permet à l’administrateur de se substituer à l’archiviste dans la constitution de ce savoir d’Etat, que deviennent les archives historiques, en décidant de ce qui doit être éliminé. C’est ainsi que naissent ces mauvaises légendes, d’abord celle du secret que contiendraient ces archives, mais aussi celles qui décrètent que l’on retrouve tout aux archives même le document personnel que l’on n’a pas su conserver. Ces mauvaises légendes, cette part exagérée accordées aux archives dites secrètes, desservent les Archives, elles n’aident pas à la compréhension de leur rôle. Alors, écartées du débat sur le patrimoine culturel, les archives- en tant qu’institution et en tant que source- ne sont pas plus impliquées dans les débats sur la réforme de l’administration et de l’Etat et elles ne trouvent pas finalement de place dans les débats sur le système national d’information.
Ainsi, lorsque l'ancien président du Conseil de Privatisation déclare: “avant de songer à la privatisation d'entreprises, la première opération à effectuer est de recenser tout un patrimoine inutilisé mis à la disposition d'entreprises vivantes ou liquidées. Ce patrimoine est constitué de plusieurs millions de m2 nus ou bâtis, plusieurs dizaines d'unités constituées fermées, des équipements divers ayant trait en particulier au BTP. La cession de ce patrimoine peut être génératrice de recette...”[19], il dit certes une vérité simple, mais trop simple. La richesse d'une entreprise ne saurait se limiter à ce qui est traduisible immédiatement en monnaie sonnante et trébuchante. Dans le monde d'aujourd'hui, cette richesse se situe non seulement dans l'expérience irremplaçable de ceux qui font l’entreprise et la font vivre (bien ou mal, c'est un autre problème), mais également dans sa connaissance du terrain. Cette connaissance, cette information puisqu'il s'agit de cela, est fixée dans ces archives. Quel est alors le prix de cette information? Quel est le prix d’un dossier d’archives d’une entreprise? Rien de plus que ce qu’il faut investir pour le reconstituer ! En fait, est fixée dans les archives, une tranche de vie, celle vécue par notre pays depuis 1962 et dont il faudra bien écrire l’histoire un jour… Encore faudrait-il qu’un archiviste, que les Archives Nationales, en assure la collecte. Encore faut-il que les archivistes eux-mêmes en comprennent l’importance. Encore faudrait-il enfin que ces archives soient prises en charge.
L’archiviste en quête d’identité
Pour que l’archiviste puisse se tourner vers ce type de document d’archives, il lui faut d’abord régler un propre problème de fond : qui est-il ? Quel est son rôle ? Les textes de la fonction publique sont clairs : il n’existe pas d’archivistes. Le terrain est occupé, en majorité, par un corps hybride appartenant aux corps communs des administrations et vague copie nationale des records managers : les documentalistes-archivistes. Avec eux, mais bien moins nombreux, les conservateurs des bibliothèques et archives qui relèvent des corps des travailleurs de la culture. Deux formations différentes, deux centres d’intérêts différents qui peuvent avoir des conséquences sur la pratique archivistique chez nous.
L’absence de toute formation en histoire des documentalistes-archivistes a des conséquences précises. Elle rend délicat leur rapport aux archives historiques; elle confirme que leur rôle est de traiter les archives administratives. Elle les place dans un lien quasi-exclusif avec l’administration. Et c’est à eux qu’est confiée la tâche de préparer les documents pour l’historien de demain. Il leur revient pourtant de participer (si peu, d’ailleurs) à la prise de décision sur le sort de ce savoir historique d’Etat que sont les archives. Mis sous pression par leur administration qui ne sait régler autrement son éternel problème de place, ils ne trouvent qu’une seule solution : éliminer. C’est dire combien cette quête d’identité est encore dans ses balbutiements chez nous. Elle se pose surtout au niveau des Archives nationales et des archives des wilayas d’Alger, Constantine et Oran. Elle fait l’objet de grands débats dans d’autres pays.[20] Et il est ancien.
Déjà en 1965 puis en 1970, Yves Pérotin, dans deux articles percutants avait décrit la crise que connaissait la profession en France[21]. L’affaire dite des “ archives interdites ”[22] montre que trente années plus tard les problèmes ont peut-être changé de nature mais la question essentielle reste posée : quel est la place d’un archiviste dans l’appareil d’Etat et quel rôle peut-il assumer?
Françoise Durand–Evrard, qui revendique le statut d’indien de la culture, montre bien les contradictions : “ Nous appartenons certainement à ce monde culturel dans lequel nous nous sentons un peu mal à l'aise parce que notre patrimoine est d'un accès difficile, parce que son impact culturel n'est pas une évidence, parce qu'enfin à côté de celle des musées, des monuments historiques et du livre, notre clientèle, malgré sa formidable explosion, reste bien maigre dans l'audimat de la culture. ”[23] Non seulement on ne visite pas les archives comme on peut visiter les musées, mais également les archives elles-mêmes ne sont pas toutes accessibles. De plus la pratique quotidienne (en France mais en Algérie aussi) fait que: “nous sommes obligés de nous focaliser sur l'utilité administrative ‑ dont nous aurons à rendre compte tout de suite et bien avant la valeur historique ‑ alors que cette utilité n'est, en fait, que résiduelle ” constate-t-elle. Et nous avec elle, alors même que nous avons appris à mettre sur le même plan la recherche administrative et la recherche historique et que nous sommes tout autant persuadés que l'histoire est le véritable enjeu de notre métier. Les archivistes en sont convaincus qui estiment que leur mission fondamentale est de transformer en bien culturel ce qui est à l’origine un document administratif, alors même qu’ils savent, comme le note F. Durand-Evrard que “dans notre pratique archivistique quotidienne, l'histoire en effet n'est pas prioritaire…”
Au Canada, la mission des archivistes est de “préserver la mémoire collective de la nation et du gouvernement canadien, collaborer à la protection des droits et contribuer à l'enrichissement du sentiment d'identité nationale ”. Louis Garon montre que ce n’est qu’au bout d’un pénible cheminement, après de nombreuses occasions ratées, que les Archives du Québec ont pu faire la synthèse entre la vision culturelle et scientifique des Archives et la vision administrative [24]. La loi, votée en 1983, entérine ces nouvelles dispositions. Les principaux archivistes suisses se demandaient encore en 1985 dans une brochure si les archives étaient un luxe ou une nécessité ?[25]
Archives et patrimoine
Ce débat sur l’identité prend son plein sens dans les rapports que les archives (personnel, document et bâtiment) entretiennent avec le patrimoine culturel national et dans la place qui est accordée aux archives dans les débats sur le patrimoine chez nous et ailleurs.
Le problème mérite d’autant plus d’être soulevé que les rapports entre archives/ culture d’une manière générale et archives/patrimoine d’une manière particulière, ne sont pas évidents. L’administration a des positions incohérentes (aux yeux de l’archiviste) peut-être mais précises. Les services d’archives de wilaya ont pour mission première de prendre en charge les archives administratives alors même qu’ils conservent des documents réputés anciens. Les Archives Nationales ne sont pas non plus invitées à participer aux commémorations du mois du patrimoine qu’organise chaque année le ministère de la Culture. Entre le 18 avril, journée mondiale du monument, et le 18 mai, journée mondiale des musées, gageons qu’il n’y aura pas, avant longtemps, une journée mondiale de l’archive ou des archives.
Les travaux menés en France sur le patrimoine n’offrent pratiquement pas de place aux archives. Ni Françoise Choay, ni André Chastel, ni Jacques Andrieux[26] ne leur réservent d’espace. Aucun des deux numéros que la revue française, Le Débat, consacre au patrimoine, en 1991 (n°65) puis en 1994 (n°78), ne les interroge[27]. Dominique Poulot, seul, dans Monde arabe contemporain, Cahiers de recherches (1998), numéro sur Patrimoine, Identité, Enjeux politiques, signale “aux origines de la tradition patrimoniale française, à côté des Musées, des Bibliothèques, les Archives: cette triade des Lumières selon la formule d’Andréa Emiliani,” écrit-il[28]. Et Odile Krakovitch, dans sa critique du texte de K. Pomian, sur les archives paru dans Les Lieux de mémoire, véritable monument coordonné et mis en œuvre par Pierre Nora, montre bien toute la difficulté que l’on rencontre en France notamment lorsque l’on évoque la question des archives.
Sauf à être heureusement contredit, aucun fonds d’archives n’est classé patrimoine de l’Humanité par l’Unesco[29]. Les Archives ne se visitent pas, elles ne se donnent pas à voir. Elles participent de l’ordre du secret et de la poussière et non du beau. Arlette Farge montre comment ce goût de l’archive est intimement personnel.
Les archives participeraient, donc, du patrimoine que l’on ne voit pas. Elles relèvent du non-spectacle, de l’invisible dont on connaît l’existence, et surtout la présence, mais que l’on ne maîtrise pas à cause de leur relations prétendument intimes avec le pouvoir politique. En conséquence de quoi, elles sont isolées, circonscrites dans un lieu plus ou moins bien défini, plus ou moins bien contrôlé. Alors la question se pose aux archivistes qui sont chargés de fonds historiques: comment, à partir de notre activité culturelle (les expositions d’archives principalement), marquer notre part dans la vie culturelle nationale ? Comment également gérer nos rapports avec le pouvoir politique qui seul peut autoriser et favoriser l’ouverture des archives et donner un sens au message que le document ainsi exposé se doit de transmettre? Une exposition d’archives du XVIIè-XIXè siècles pose problème déjà par rapport à l’intitulé du fonds d’archives. Ce fonds est dit ottoman, appellation non contrôlée et très controversée; il avait été appelé arabe et turc. Le baptiser Fonds de l’Etat d’Alger met le doigt sur le problème des rapports qu’entretenait Alger avec la Sublime Porte: simple wilaya de l’Algérie de l’Ouest comme l’écrivent les historiens turcs[30]? Régence comme l’ont décrite les historiens français ? Ou Etat (national ou pré-national) comme le défendent certains historiens algériens? Une exposition d’archives de la période coloniale ne peut avoir pour d’autre objet que la dénonciation du fait colonial lui-même tout en présentant les différentes formes prises par le combat mené par les différents courants du mouvement national. Ces archives, à l’ère du parti unique, ont fini par illustrer ce que fut le pluralisme politique durant la période coloniale.[31]
Derrière le problème du statut que les archives peuvent prétendre dans notre patrimoine national apparaît très vite celui de la patrimonialisation de notre histoire nationale.
Une société en quête de droit et de passé. “ Le mirage des archives ”.
Les archives vivent depuis la fin des années 1980, comme l’ensemble des structures administratives du pays, mais plus durement ressentie, une situation inédite qu’il a fallu prendre en charge et à laquelle il a fallu apporter des réponses précises et immédiates. Les changements politiques et économiques que le pays a vécu, et vit encore, ont entraîné une formidable explosion de demande (exigence?) de droit, accompagnée d’une, non-moins importante, demande (exigence ?) d’histoire.
Les archives se sont retrouvées face à une société en quête de droit. L’augmentation du contentieux civil et administratif a nécessairement entraîné un recours aux archives conservées dans les dépôts publics. Cette demande de droit concerne tous les domaines de la vie.
Bien qu’étant convaincu que les archives ne sont pas utiles et que les archivistes sont en général des fonctionnaires dont l’administration n’a plus besoin, le citoyen estime de son bon droit d’y retrouver les documents qu’il recherche, tous les documents quelle que soit leur nature juridique. Il y aurait comme un décalage persistant entre la perception des archives dans la société et le rôle que l’on veut parfois leur faire jouer dans les rapports entre l’administration et les administrés.
On a assisté, cette dernière décade, à l’élargissement du public. Les archivistes se trouvent à faire face à de nouvelles contraintes. Ils se doivent alors de répondre aux nouveaux besoins d’un public aussi diversifié que peut l’être une société. Alors même que ces besoins s’expriment en terme d’exigence, l’image, que le public a des archives, demeure archaïque. Et pourtant le mirage des archives joue à plein. Habitué à entretenir des relations avec l’administration et le chercheur (lire l’historien), l’archiviste s’est vu confronté à un nouvel usager qui occupe de plus en plus de place et de temps : le citoyen en quête de droit et d’histoire.
Certes, les demandes de recherche dans les archives des centres dits d’hébergement durant la guerre de libération nationale étaient déjà fréquentes. Des documents d’archives antérieurs à 1962 et considérés comme caducs et administrativement morts, ont été réactivés pour faire valoir des droits. Ainsi un banal dossier de carte d’identité établi entre 1954 et 1962 prend une toute autre allure lorsque le citoyen, qui le réclame, espère découvrir, à travers la photo,le père qu’il n’a jamais connu. Le document change alors de statut. De la même manière, les transformations dans le domaine de l’agriculture, la libéralisation des terres agricoles a vu s’amplifier les demandes d’anciens titres de propriétés. Les recherches généalogiques se sont multipliées alors qu’elles ne concernaient jusqu’à présent que des Européens.
La demande sociale d’histoire s’exprime de deux façons. D’une part l’historien universitaire n’est pas le seul sur le terrain de l’écriture de l’histoire. Il doit faire face à forte concurrence de la part d’autres universitaires dont les sociologues, les géographes les anthropologues entre autres mais aussi les journalistes, les politiciens etc. D’autre part, un fort mouvement associatif a puissamment investi le champ de l’histoire. Au nom de la lutte contre l’oubli et de son corollaire le devoir de mémoire, des associations sont fondées autour d’un personnage historique (L’Emir Abdelkader, El Mokrani, Boudiaf…), autour d’un événement (le 8 mai 1945, 1er Novembre, le 11 décembre)… On aurait pu attendre de la conjonction de ces deux éléments, et grâce à la place qu’occupe l’histoire dans notre quotidien, un positionnement plus important des archives dans la société. Il n’en a rien été. Cette recherche éperdue de la Vérité Historique, à laquelle des institutions officielles ont été associées, a vite conduit à la contamination du discours historique par la politique et l’idéologie. Contre l’histoire officielle de l’Etat, la société en est arrivée à produire et à chercher à imposer sa propre mémoire, sa propre vision de l’histoire. Et ce débat (?) ne s’embarrasse guère de l’archive. La relecture du livre suffit. Ainsi, un article d’Ech Chihab, du Bulletin du Comité de l’Afrique française ou de L’Echo d’Oran un rapport de police, un passage d’Ibn Khaldun, une pièce d’archives, se trouvent placés au même niveau de prise en charge par la recherche historique et ce qui en tient lieu. Cette disqualification des archives est accentuée par la priorité donnée à un pan particulier de notre histoire, les aspects politiques de la période 1954-1962. Des fonds d’archives se retrouvent alors, orphelins, abandonnés, sans lecteurs. Ce qui accentue les risques d’élimination sauvage. In fine, c’est l’introduction des archives contemporaines dans notre patrimoine culturel qui est mise en cause. Ce sont également les efforts pour dégager les investissements financiers nécessaires pour mener à bien une politique nationale de conservation des archives qui sont remis en cause. On croît avoir tout expliqué en parlant d’oralité tant la charge symbolique des archives est difficilement mesurable. Par contre, sitôt intégré dans un site urbain, le bâtiment d’archives devient un point de repère qui rend l’archive visible.
Signification symbolique et visibilité des archives.
Une société de l’oralité? Quand le mythe veut faire l’histoire
Les archives sont la mémoire de la Nation, nous dit-on. Mais dans le même temps, il est affirmé que nous appartenons à une société orale. La démonstration s’appuierait a contrario sur la sacralisation de l’écrit. Ce sont les sociétés orales qui accordent pareil statut au document écrit.
Ce mythe, (n’est-ce pas plutôt un cliché, une idée toute faite et acceptée sans critique ?) qui veut structurer notre histoire, a été accrédité par quelques juristes coloniaux dont Louis Milliot lorsqu’il évoquait l’état quasi- inorganique[32] de l’Algérie avant 1830: une administration réduite à sa plus simple expression et dont la finalité serait de pressurer la population. Cette administration a existé. Pelissier de Reynaud rapporte dans ses Annales algériennes[33], “qu’aucun ordre ne fut donné aux fonctionnaires indigènes ; On agit comme s’ils n’existaient pas, aussi ne sachant à qui s’adresser, ils abandonnèrent le service sans en faire la remise, emportant ou faisant disparaître presque tous les registres et les documents les plus précieux. ” Beaucoup de documents de l’administration deylicale jonchaient les rues de la Casbah et “ des soldats allumaient leurs pipes avec les papiers du Gouvernement” [34]. Les autres documents d’Etat dont ceux des beylics d’Oran et de Constantine et ceux des biens wakfs furent récupérés par le Service des Domaines[35]. Ils constituent le Fonds d’archives de l’Etat d’Alger dont il a été question plus haut.
Mais par delà de cette petite histoire des heurs et malheurs des archives d’Etat et des archives semi-publiques antérieures à 1830, ce qui importe c’est surtout que la croyance très forte et largement répandue que l’écrit occupe une place seconde dans les rapports entre l’Etat antérieur à 1830 et la population, ainsi que dans les rapports entre les différents segments de la société pré-coloniale. C’est bien là un mythe qui veut faire l’histoire et qui sert à justifier aujourd’hui le sort réservé aux archives et leur problématique patrimonialisation.
Oralité ? Absence de pratiques scripturaires? Houari Touati nous montre “comment dans le cadre du Xe siècle musulman, Muqaddasî [ordonne] le programme de vérité de sa géographie, de manière différentielle, autour de ces trois sources constitutives du témoignage que sont la vue, l'ouïe et l'écrit. Mais là où Polybe fait une concession à ce qu'il appelle le “ savoir livresque ”. H. Touati explique que “Muqaddasî pense en termes de place et de statut de l'écrit. Pour lui, l'écrit ne se limite pas aux trésors des bibliothèques; il englobe aussi les archives. Il est donc connaissance livresque et archivistique.” Ibn Hawqal, poursuit H. Touati, fait de même“nous avons relevé des observations comme celle‑ci : “J'ai compulsé les contrats intéressant la Palestine et la colonie du Jourdain à l'époque d'Abû'1‑Misk Kafûr. Les fonctionnaires nommés par lui dans les années 948 à 950 jusqu'aux années 959‑960, avec un régime de terre tantôt libre tantôt contractuel, étaient [suivent trois noms] ”[36]. Nous sommes certes au Moyen-Orient dans ce qu’il est convenu d’appeler l’Age d’Or mais qu’en est-il du Maghreb?
Les travaux de Belkacem Saadallah sur l’histoire culturelle de l’Algérie, parce qu’ils s’inscrivent dans la longue histoire des Ulama du Maghreb, commencée quelque part vers le XIe siècle, et reprise par El Hafnawi au début du XXe siècle, montrent combien l’on n’a jamais cessé d’écrire même en ces temps difficiles, paraît-il, pour la science que furent les XVIe-XIXe siècles. Mais encore? Jacques Berque et après lui Houari Touati ont su redonner vie au Maghreb intérieur et plus particulièrement à l’Algérie née du Maghreb central. Ils ont montré combien les nawazil, les orf, les traités de hisba[37], les contrats, les écrits des fuqqaha, des ulama, des cadis, des lettrés, ont façonné le pays[38]. Ils ont montré comment et combien l’écrit circulait, comment et combien l’écrit construisait et charpentait le lien social. La lecture du Kitab al Mi’yar dans lequel Ahmed El Wancharisi avait recueilli moult actes et fatwas sur divers sujets est éloquente.
Dans son ouvrage sur la Chrestomathie arabe[39], Louis Bresnier, professeur d’arabe dans l’Alger du début de l’occupation coloniale, disciple de l’orientaliste Sylvestre de Sacy, cite de nombreux actes qu’il analyse du point de vue de la langue, de la grammaire et de la syntaxe, mais qui nous illustrent si besoin est, la place de l’écrit et démonte la thèse d’une société orale. Tous ne sont pas datés, hélas, tous ne sont pas antérieurs à 1830, non plus. Reste à savoir où se trouvent les originaux! Mais ce qui importe c’est que l’on peut découvrir autant des documents d’Etat que des actes relatifs à des individus. L’on peut retrouver entre autres, la reproduction d’un acte notarié datant de 1616, établissant que le Hamma de Constantine était devenu un bois sauvage, des actes de hobous de 1619 et 1662, des actes de mariage et de divorce de 1804, un acte de vente (1758), un acte de dépôt d’une somme d’argent (1812), ainsi qu’un rapport d’un espion espagnol au dey Hussein sur le bruit de l’expédition française daté de la mi-mai 1830, rapport accompagné de journaux et un rapport du bey Hassan d’Oran au dey Hussein sur la prise dans “la grande mer [l’océan] par le raïs Ali el Bouzarry’y de trois navires chrétiens.” Louis Milliot, soi-même, recherchait, en Kabylie, les Kanuns berbères qu’il publiait régulièrement dans la Revue algérienne et tunisienne et Hespéris[40]. Il avait fini par en trouver un rédigé non plus en arabe mais en français!
Inexistence d’archives d’Etat? Il est difficile d’admettre que tout Etat quelque peu organisé et quelle que soit sa nature, ne conserve pas certaines sources indispensables à la bonne marche de son appareil administratif : traités, actes de propriétés,… Les archives de l’Etat d’Alger ont existé, elles ont été conservées, le travail d’Abdelmajid Témimi en a apporté la démonstration si besoin est. Avant lui Devoulx dans la Revue Africaine en avait montré la richesse[41]. Elles sont consultables aux Archives Nationales à Alger. Au niveau des hautes sphères de l’Etat d’Alger moderne, avec celui de Mas Latrie[42], l’ouvrage classique d’Eugène Plantet présente, en partie et pour ce qui était conservé à Paris et à Marseille, les correspondances des deys avec Marseille, la Provence, le royaume de France et les Etats du Languedoc[43]. Reste à savoir où se trouvent les originaux, c’est-à-dire ceux établis à Alger. Louis Bresnier en avait montré, malgré lui, la réalité pour l’Etat deylical. Mais qu’en était-il pour les périodes précédentes?
Il est vrai que contrairement aux pays européens, les Etats zianide et hafside (pas plus que ceux qui ont façonné le Maroc d’aujourd’hui), puis après eux l’Etat du Dey n’ont pu opérer leur conversion d’Etat notaire qui enregistre, en Etat archiviste qui conserve les documents et ouvre la voie à une histoire nationale.
Pourtant, entre cette production d’archives d’Etat et la naissance d’une pratique archivistique qui à son tour aurait donné naissance au patrimoine écrit, et à une mémoire patrimoniale, il n’aura même pas manqué ce passage nécessaire, ce relais, que fut l’érudition qu’avait connu l’Europe au XVIe siècle et dont Mabillon est le plus célèbre représentant. Robert Brunschvig signale qu’Ibn Qonfoud avait puisé dans les Archives d’Etat ses données pour écrire son histoire de la dynastie hafside.[44] Ibn Khaldun et plus tard, bien plus tard Abu Ras avaient eu également accès archives d’Etat.
Atallah Dhina et Ch. E. Dufourcq, dans leurs travaux respectifs mais complémentaires, avaient présenté des actes de la Chancellerie tlemcénienne[45]. Mais, les changements brusques et brutaux du cours de l’Histoire ont fait le reste et provoqué la disparition des archives d'Etat. Reste surtout à éviter que les documents d’aujourd’hui ne connaissent le même sort. Et l’une des actions essentielles aujourd’hui est d’assurer à ces archives, un lieu où elles peuvent être préservées des actions négatives de l’homme et de la nature.
Le bâtiment comme lieu de rassemblement de notre mémoire. Quand le bâtiment fait les archives.
La consécration d’un lieu de préservation pour les archives n’est pas un acte neutre. Ouvrir des locaux ou construire un bâtiment pour les archives ne peut relever de la simple contrainte administrative ou économique. Consacrer, dans une administration et une entreprise, un espace donné à la conservation des archives s'inscrit en fait en droite ligne dans les principes de la bonne gestion et dans les rapports que responsables et employés se doivent avoir avec leur outil de production et leur cadre de vie. En d'autres termes, le sort que l'on réserve aux archives est la traduction directe du lien personnel que l'on a avec son outil de travail. La consécration d'un espace aux archives ne peut être un acte neutre.
Entasser les archives pêle‑mêle sous les escaliers, dans des toilettes, désaffectées ou pas, dans des placards aérés ou pas, dans des caves, des greniers, des garages, etc., les solutions étant en nombre infini, révèle assurément d'un dysfonctionnement dans le processus de gestion de l'organisme. Ce dysfonctionnement a des conséquences sur la transmission et la conservation de ce que l'on appelle aujourd'hui ‑sous d'autres cieux‑ la mémoire de l’administration, la mémoire de l'entreprise.
Cet état de fait peut montrer, qu'à un moment donné, une rupture est intervenue dans la gestion. Cette rupture a pu prendre plusieurs formes et avoir plusieurs origines : départ d'un responsable, difficultés financières, changement d'objectifs, changement de siège, etc. Ces formes importent peu. Cette rupture exerce des effets immédiats sur les documents produits par les organes de l'administration et de l’entreprise. Ainsi, il a été estimé, à un moment donné, moment lui‑même déterminé autant par les responsables que par les circonstances qui les dépassent, que tels ou tels types de documents d'archives ne peuvent plus servir, n'ont plus aucun intérêt pour l'organisme concerné ou pour eux. La question qui mérite d'être posée est de savoir par qui et comment est défini cet intérêt, à partir de quels critères ? Ces questions mériteraient un débat, mais dans le fond, ce qui aura favorisé l'abandon des documents d'archives aurait surtout pour cause essentielle, leur non‑insertion dans la bonne gestion (le management dit-on). La situation faite aux archives ne procède pas de la conjoncture qu'elles vivent, bien ou mal, mais de la structure même du cadre de gestion de nos administrations et de nos entreprises. Ce qui est en cause, c'est tout à la fois la circulation de l'information dans les administrations et les entreprises et la vision que la direction, les cadres et les employés ont de leur outil et de leur lieu de travail.
Les études sociologiques[46] sur la culture d'entreprise et les liens du personnel avec leur entreprise laissent apparaître, pour les cas étudiés, qu'une certaine ambiguïté règne dans les liens qu'ont développé et qu'entretiennent les salariés avec leur entreprise avec en prime, des différences de ton chez les interviewés, selon leur position au sein de l'entreprise. Cette attache ou absence d'attache détermine à son tour le rapport qu'ils entretiennent avec leur propre passé dans leur entreprise et la situation des archives de celle‑ci. C'est, quelque part, cette alchimie qui détermine le prises de décision dans le domaine des archives et le sort qu'il leur est réservé au sein de l'entreprise.
Mais il y a plus. Longtemps les Archives nationales ont vécu à l’ombre de la Bibliothèque Nationale. Il faut dire que, alors que celle-ci trônait fièrement Boulevard Franz Fanon à Alger avec vue sur la baie, les Archives Nationales, héritières putatives du Service des Archives du Gouvernement général, essayaient de faire leur place à la fois dans les couloirs et les alvéoles du Palais du Gouvernement et sous les monumentaux escaliers de l’Esplanade, rue du 24 Février. Les archives dans les trois principaux services "départementaux " n’étaient guère plus visibles. L’occupation de son Bâtiment par des services administratifs, l’administration comme la nature ayant horreur du vide, n’avait pas permis aux archives de la wilaya d’Alger d’apparaître dans le paysage urbain algérois. A Constantine, le stockage des archives dans des salles dans les sous-sols d’un immeuble préfectoral du XIXe siècle, avant leur déménagement dans un bâtiment réhabilité à leur profit, illustrait plus vrai que nature l’idée négative que le commun a des archives. A Oran la situation est certes plus enviable matériellement. Les normes internationales de conservation matérielle des archives avaient été appliquées. Mais intégrées dans le nouvel Hôtel de Préfecture, les Archives n’étaient pas, et ne sont toujours pas, pour autant plus visibles.
L’inauguration du Centre des Archives Nationales en 1988, dans un quartier pourtant plutôt isolé- Les Vergers, disait-on- dans la banlieue de la capitale, va bouleverser la vie même des Archives en Algérie. Ce bâtiment devenu monument national est l’œuvre du premier algérien diplômé d’architecture : Abderrahmane Bouchama. On doit à cet architecte notamment Dar al Hadith de Tlemcen (1937), les Instituts Islamiques et la Cour Suprême. Abderrahmane Bouchama ne verra pas son œuvre mais il a fait inscrire les Archives dans le paysage urbain de la capitale et dans les repères géographiques de ses habitants[47]. Le chauffeur de taxi sait situer désormais les Archives. Le réseau des autobus vers la ville de Birkhadem comporte désormais non seulement un arrêt Archives mais aussi un itinéraire Birkhadem par les Archives alors même que le site abrite des institutions nationales autrement plus prestigieuses et plus connues. Et les archivistes n’ont plus besoin de la Bibliothèque nationale pour s’installer dans l’imaginaire des profanes et asseoir leur identité et leur spécificité.
Conclusion
Le débat sur la patrimonialisation des archives nationales est à inscrire autant dans le cadre de la place de l’histoire scientifique dans notre pays que dans le cadre de la mise en œuvre d’un système national d’information au bénéfice des structures de l’Etat et du citoyen[48].
S’il y a urgence à protéger le patrimoine né hier,(tout le patrimoine quel qu’en soit le producteur), c’est aujourd’hui qu’il faut prendre des mesures pour conserver ce qui constituera le patrimoine, demain.
Plus que jamais, l’archiviste situe son action sur ses deux fronts traditionnels: celui de la culture et celui de l’administration. Plus que jamais, les Archives avec et sans majuscule, se trouvent être une institution centrale et marginale tout à la fois et que l'on traite comme marginale tout en en appelant à sa place centrale. Sauf que la donne a changé. Les Archives Nationales risquent de se retrouver fors dépourvues face au développement grandissant de l’utilisation des nouvelles technologies. Il s’agit aujourd’hui de concilier l’objectif fondamental de prise en charge, de façon toujours plus performante, des intérêts et des besoins documentaires de l’Etat, de la Société et du citoyen avec la construction de la mémoire de l’Etat et de la Société, avec la protection de ces traces qui s’impriment aujourd’hui et qui sont le patrimoine national de demain. Plus que jamais ce sont les traces de l’histoire du pays qui s’écrit aujourd’hui qu’il faut garantir aux générations futures. Dans ces moments de désengagement de l’Etat, les Archives Nationales se devraient non seulement d’être à l’écoute et d’intervenir mais aussi être associée à la sauvegarde de cette expérience unique que nous avons vécue. C’est cet effort de patrimonialisation qui est aujourd’hui problématique.
Orientation bibliographique
Outre les ouvrages et articles cités dans le corps du texte, on se pourra se référer utilement à:
Archive (L’).- Traverse n° 36 1986 en particulier: André, Jacques: de la preuve à l’histoire. Les archives en France; Merlot, Michel: Des archives considérées comme une substance hallucinogène.
Babelon, Jan-Pierre et Chastel, André: la notion de patrimoine. Revue de l’Art, n°49, 1980
Barret-Kriegel, Blandine.- La défaite de l’érudition.- Paris, P.U.F.1988
Béaud, Olivier.- Les archives saisies par le droit.- Genèses, n°1,
Certeau, Michel de .- L’écriture de l’histoire.- Paris, Gallimard, 1975
Couture, Carol: Les fonctions de l’archivistique contemporaine.- Québec, P.U.Q., 1999
Delmas, Bruno: Communication écrite et gestion des archives aux XIXe et XXe siècles. Réflexion sur la situation française.- Revue Maghrébine de Documentation, n°3, 1985
Delmas, Jean-Loup.- L’élargissement de la notion de source.- in L’histoire et le métier d’historien en France 1945-1995.- Paris, MSH, 1995
Dreyfus, Michel.: Du côté des archives L’histoire en France La Découverte coll. Repères
Duchein, Michel: Etudes d’archivistiques, 1957-1992.- Paris, A.A.A., 1992
Duclert, Vincent: Les historiens et les archives. Introduction à la publication du rapport de Philippe Bélaval sur les Archives nationales. Genèses, n°36, 1999
Farge, Arlette: Des lieux pour l’histoire. Paris , Seuil, 1997. La Librairie du XXe siècle.
François, Etienne: Les “trésors” de la Stasi ou le mirage des archives. Autrement n°150/151, 1995
Jimmerson, Randall C.(ed. ) : American Archival Studies. Reading in Theory and Practice.- Chicago, SAA , 2000
Krakovitch, Odile: Des archives pour quelle histoire ? (Le débat n'est pas clos), Gazette des archives, n° 96 , 1977.
Krakovitch, Odile: Les " archives historiques " : grandeur ou décadence ? Gazette des archives, n° 125‑126, 1986.
Les lieux de mémoire,.- Paris, Gallimard, 1997. Coll. Quarto, 3 tomes
Musées, nations. Après les colonies Ethnologie française, 1999, n°8
Passés recomposés. Champs et chantiers de l’histoire.- Autrement n°150/151, 1995
Pratiques algériennes des instruments de recherche. Alger, Publication des Archives Nationales d’Algérie, n°7, 1997
Pratique (La) archivistique française.- Paris, Archives Nationales, 1993
Salomoni, Antonella: Un savoir historique d’Etat: les archives soviétiques.- Annales HSS, n°1, 1995
Notes
[1]- La presse nationale rapporte régulièrement les graves atteintes au patrimoine monumental.
[2]- Farge, Arlette.- Le goût de l’archive.- Paris, Seuil, 1989. Librairie du XXe siècle, p.12.
[3]- Il est vrai que certaines références qui participent plus du champ de la politique que de celui de l’archivistique sont complètement dépassées. D’autre part la question nouvelle des archives électroniques devra être prise en considération.
[4]- En fait, les Archives nationales, en tant qu’institution nationale, font régulièrement l’aller-retour entre le ministère chargé de la Culture et la Présidence de la République : 1971, 1984, 1988, ...
[5]- La nécessité d’une nouvelle loi sur la protection du patrimoine avait été recommandée lors d’un conseil interministériel le 24 octobre 1995 consacré à “ l’examen du dossier relatif à la protection et à la mise en valeur du patrimoine culturel national présenté par le ministre de la culture.. ”. Sur les quatre recommandations, seule celle relative “à la consolidation du dispositif juridique” a connu une suite; mais toujours rien sur les archives nationales. Cf El Moudjahid du 25 octobre 1995
[6]- Qui appartiennent de par une loi, au domaine national.
[7]- On peut consulter cet avis dans le Journal Officiel n°40, du 9 juin 1998 (deux années après). Toutefois la presse, en son temps, avait rapporté quelques échos de ce débat. Cf. entre autres: El Moudjahid du 31-12 1996, El Watan du 31-12-1996 et Horizons du 2-1-1997.
[8]- Cette loi a été révisée en 1999 mais pas pour ce qui concerne notre objet, qui n’a été affecté que par des changements de forme.
[9]- Pareille lecture constituerait un véritable coup de force. La compétence de l’institution est territoriale. Il s’agit bien de ces structures verticales chargées des archives relevant administrativement ou pas directement de l’institution chargée des archives nationales et non pas ces structures horizontales créées (heureusement!) par les administrations centrales.
[10]- Ricoeur, Paul.- Temps et Récit.- Paris, Seuil, coll. Points. Tome 3.- p.212.
[11]- Ibid.- p.212
[12]- Berque, Jacques.- in Préface: Les Arabes par leurs archives XVIe-Xxe siècles. Colloque Paris, avril 1974. Paris, CNRS, 1976
[13]- Les administrateurs aiment à rappeler modestement que les hommes s’en vont mais que l’administration reste”… Certes. Mais l’administration peut disparaître, et l’histoire a enregistré la mort de nombreux Etats. Seules restent les archives… Et lorsque celles-ci se perdent volontairement ou pas, c’est le souvenir même, qu’un Etat a pu exister, qui s’estompe. L’exemple des archives du royaume des Zianides est à ce sujet effarant!
[14]- Foucault, Michel.-L’archéologie du savoir.- Paris, Gallimard, 1969. Paul Ricoeur in Temps et récit, tome 3, se réfère surtout à Heidegger et à Jacques Le Goff et relève chez Michel Foucault “l’opposition entre la continuité de la mémoire et la discontinuité de la nouvelle histoire documentaire”. Nous n’avons pas pu avoir accès à son dernier ouvrage: La Mémoire, L’histoire, L’oubli.- Paris, Seuil, 2000. Jacques Berque (op. cité) et Adi Ophir (Des ordres dans l’archive, Annales ESC, n°3, 1990), citent la même définition que donne M. Foucault de l’Archive. K. Pomian (Les archives in Nora, Pierre: Les lieux de mémoire. Les France.- Paris, Gallimard, 1997. Quarto, tome3 ) évoque en note, sans plus de précision, un débat de philosophes.
[15]- Ophir, Adi.-article cité.- p.737
[16]- Kaplan, Elisabeth .- We Are What We Collect, We Collect What We Are. Archives and the Construction of Identity.- The American Archivist, Volume 63, number 1, spring-summer 2000.
[17]- Depuis 1993, la plupart des ministères ont mis sur pied une structure d’archives et beaucoup de wilayas ont construit un bâtiment ou ouvert des salles d’archives. C’est ainsi et cela mérite d’être signalé, depuis 1994, avec le concours de la fonction publique, les Archives Nationales ont pu procéder au recrutement au profit de l’administration, de près de 800 documentalistes- archivistes, diplômés des Instituts de Bibliothéconomie.
[18]- Durand-Evrard, Françoise.- Les Indiens de la culture.- La Gazette des Archives, n°164, 1994.
[19]- Le Quotidien d’Oran, 4 janvier 2 000
[20]- Contre l’avis de certains de mes collègues, je maintiens que le débat sur l’identité des archivistes dans le paysage administratif national n’est pas ouvert. Une tentative amorcée en 1978 par Mohamed Touili, alors directeur du Centre national des études historiques , chargé des archives nationales, avait alors abouti à un seul point, la catégorie des archivistes- historiens n’existe pas. Cf. Soufi, F. l’archive et la quête d’histoire, communication aux journées d’études de Constantine sur “la socio- anthropologie”.- Oran, CRASC, 1997
[21]- Pérotin, Yves.- Les greniers de l’Histoire et les récoltes excédentaires La Gazette des archives, n° 50, 1965 et Les archivistes et le mépris La Gazette des Archives, n°68, 1970. On peut lire un avis olus nuancé : Collier, R..- Les archives et le pessimisme.- La Gazette des Archives, n°76, 1972. Yves Pérotin avait réalisé en 1964 un rapport sur la situation des archives en Algérie.
[22] - Sur les remous provoqués en France par la parution du livre de Sonia Combe : Archives interdites. Les peurs françaises face à l’histoire contemporaine.- Paris, Albin Michel, 1994.cf. Duclert, Vincent : Les historiens et les archives.- Genèses, n°36, 1999
[23]- Durand- Evrard, Françoise.- Op. cité.
[24]- Garon, Louis.- Des archives gouvernementales aux archives nationales du Québec: de l’indifférence aux luttes de pouvoir.- Archives, vol.18, n°4, mars 1987
[25]- Archives : luxe ou nécessité. La situation et les tâches des archives en Suisse. Berne, 1985.
[26]- Choay, Françoise .- L’allégorie du patrimoine.- Paris, Seuil, 1992; Chastel, André: La notion de patrimoine.- in Les lieux de mémoire.- Paris, Gallimard, 1997. Quarto 1; Babelon, Jean-Pierre et Chastel, André.- La notion de patrimoine.- Revue de l’Art, n°49, 1980; Andrieux, Jean-Yves (dir.) .- Patrimoine et société.- Paris, Presses Universitaires de Rennes, 1998. Mais également: Guillaume, Marc .- La politique du patrimoine.- Paris, Ed. Galilée, 1989; Leniaud, Jean-Michel.- L’utopie française. Essai sur le patrimoine.- Paris, Mengès, 1992.
[27]- Leniaud, Jean-Michel .- La mauvaise conscience patrimoniale.- Le Débat n° 78, 1994 en critiquant “ l’élite éclairée de fonctionnaires (...) qui cloisonne en infimes cellules administratives, totalement étanches les unes par rapport aux autres, les différents aspects du patrimoine ” cite les archives.
[28]- Poulot, Dominique.-L’histoire du patrimoine: un essai de périodisation.- in Andrieux, Jean-Yves (dir.): Patrimoine et société.- Op. cité. -p. 22
[29]- En 1987, était annoncée la découverte, lors de fouilles archéologiques en Syrie, de 11000 documents attestant de la réalité de l’existence du royaume de Shubbat Ellil (entre 1740-1725 av. J.C.). Des documents du royaume de Mari mis au jour en 1933 l’évoquaient. Ces documents relèveront-ils du Patrimoine Universel ?
[30]- Cf Kuran, Ercument: Histoire de l’Algérie d’après les Archives turques, Yasiçi, Nesimi : Quelques réflexions sur les publications concernant l’histoire de l’Algérie.; et surtout Binark, Ismet L’importance des archives ottomanes du Premier ministère du point de vue des ressources historiques de l’Algérie.- in: Colloque international sur les archives concernant l’histoire de l’Algérie et conservées à l’étranger (16-19 février 1998).- Publication des Archives nationales d’Algérie, n°08, 1998. Algérie de l’Ouest lire bien sûr, Algérie qui se trouve à l’Ouest.
[31] Il faudrait peut-être cesser de croire que nous portons tout le chagrin du monde et voir celui des Belges. L’exposition “Exitcongomuseum” du Musée Royal de l’Afrique centrale de Tervuren par le malaise et les polémiques qu’elle a provoqués montre que la société belge n’a pas réglé ses problèmes avec son histoire coloniale. Pas plus que la société française avec sa guerre d’Algérie.
[32]- Milliot, Louis.- L’organisation administrative et politique de l’Algérie.- in: Initiation à l’Algérie, Paris, Maisonneuve, 1957
[33]- Pelissier de, Reynaud.- Annales algériennes.- Alger, Bastide, 1854
[34]- Esquer, Gabriel.- Les commencements d’un Empire. La prise d’Alger 1830.- Paris, Larose, 1929. Sur ce point précis outre Esquer, il faut de se référer à l’ouvrage de Victor Nettement: Histoire de la conquête d’Alger.- Paris, 1856, ainsi qu’aux trois volumes de Pelissier de Reynaud.
[35]- Un arrêté du 7 décembre 1830 qui remet aux domaines les revenus des établissements affectés à la Mecque et à Médine et aux mosquées, fait obligation aux muphtis, cadis, ulémas et autres préposés jusqu’à présent” de remettre “ au directeur des domaines les titres et actes de propriétés, les livres registres et documents qui concernent leur gestion… ”
[36]- Touati, Houari.- Islam et voyage au Moyen Âge. Histoire et anthropologie d’une pratique lettrée.- Paris, Seuil, 2000
[37]- Cf par exemple Talbi, Mohamed.- Quelques données sur la vie sociale en Occident musulman d’après un traité de Hisba du XVe siècle.- Arabica, septembre 1954. Ce traité est celui de Muhamad b. Ahmedb.Qasim b. Sa’id al ‘Uqbani al Tlimsani (m. en 1467) et concerne Tlemcen et le Maghreb..
[38]-Référence immédiate: Berque, Jacques.- L’intérieur du Maghreb.- Paris, Gallimard, 1975 et Touati, Houari.- Entre Dieu et les hommes. Lettrés, saints et sorciers au Maghreb.- Paris, EHESS, 1994.
[39]- Bresnier, Louis.- Chrestomathie arabe. Lettres, actes et pièces diverses…Alger, Bastide, 1867. 2e édition.
[40]- Dans l’article, publié in Hespéris, tome VI, 1926, 4ème trimestre, et intitulé: Les nouveaux Qanoun kabyles, Les livrets de réunion des villages de Tassasft-Guezra et d’Ighil Therfiwin, Louis Milliot, du haut de sa chaire, fait d’une pierre deux coups: d’une part il met en avant l’utilisation de la langue française, pour la première fois, dans ce type de ce document, d’autre part, il fait la démonstration du nécessaire rétablissement de régime de l’indigénat.
[41] Devoulx archiviste des domaines avait traduit et publié dans le Moniteur Algérien entre le 10 juin 1852 et le 25 janvier 1853, le Daftar Tachrifat, registre découvert dit-il dans le palais du Dey et chez les principaux administrateurs. Le professeur Moulay Belhamissi en a fait une étude critique.
[42]- De Mas Latrie, L.: Traités de paix et de commerce et documents divers concernant les relations des Chrétiens avec les Arabes de l’Afrique septentrionale au moyen âge.- Paris, Plon, 1866
[43]- Notre collègue Omar Hachi avait publié: Lettres de Hussein Pacha, dey d’Alger (1819-1823) conservées aux Archives Générales de Tunisie.- Alger, Direction des archives, s.d. multigr.
[44]- Brunschvig, Robert.- La Berbérie orientale sous les Hafsides des origines à la fin du XV e siècle.- Paris, Maisonneuve, 1947. 2 tomes.
[45]- Dhina, Attalah.-Les Etats de l’Occident musulman aux XIIe, XIVe et XVve siècle. Institutions gouvernementales et administratives Alger, OPU/ENAL, s.d. Dufourcq, Ch. Emmanuel: L’Espagne catalane et le Maghreb aux XIIe et XIVe siècles.- Paris, PUF, 1966 et surtout sa thèse complémentaire: Recueil de documents concernant les relations des pays de la Couronne d’Aragon avec le Maghrib (1212-1223).- Sorbonne, 6 vol. Il est bien évident que la recherche historique, dans notre pays, sur cette question et cette période a quelque peu progressé tant en langue arabe qu’en langue française. Toutefois si la thèse de Bouziane Derradji a été éditée à Alger et celle de Djamel Souidi à Paris. Quid de celles des autres, A. Khélifa M. Dahmani etc.?
[46]- Culture d’entreprise Actes des journées d’études organisées par le CRASC.- Oran, CRASC, 1998.
[47]- Des wilayas ont édifié un centre d’archives quand d’autres ont lancé un programme de construction. Si certains de ces bâtiments ont été logés à l’intérieur de cités administratives, d’autres (comme à Tlemcen et à Aïn Témouchent entre autres) ont des sites propres. En tout état de cause l’impact tant sur la population que sur les pouvoirs publics, n’en est que plus positif.
[48]- Cf. sur ce point: Le système national d’information. Etat actuel et perspectives. SNI 2.- Actes du Séminaire CERIST 21-22 juin 1999 principalement: Badjadja Abdelkrim: Méthode d’élaboration d’une politique nationale de gestion des archives. L’expérience algérienne; Dahmane, Madjid: Le SNI entre le pré-requis des modèles et l’aléa de l’empirisme; Soufi, Fouad:L’archive, les Archives Nationales et le SNI.Du bon usage du texte.