Insaniyat N° 31 | 2006 | Religion, pouvoir et société | p.113-134 | Texte intégral
The Baba Merzoug black brotherhood : an assumed sainthood and a counterbalancing celebration Abstract : In general, the black descendents of former slaves emphasize the fact that they descend from Sidi B’llel or his children. It’s generally admitted to be the name of the celebration under study. From there, a foundation chart is attributed to this myth which harbours its origin; and is therefore a true “story”. The myth, as it is defined is true, because it concerns a sacred story, not only in its content but also due to the sacred force it puts into practise concretely. Key words : southern Tunisia - black brotherhood - religious celebration -sainthood - myth - allegiance rites - filial bond |
Salim KHIAT : Chargé de recherche au CNRPAH (Centre National de Recherches Préhistoriques, Anthropologiques et Historiques), Alger.
Introduction
Tout d’abord je tiens à exprimer mes vifs remerciements à l’AIMS (American institute for Maghreb studies) qui, par le biais du CEMAT (Centre d’études maghrébine à Tunis), m’a aidé dans la réalisation de ce projet de recherche par l’octroi d’une bourse dans le cadre des aides aux jeunes chercheurs maghrébins développant les thèmes transversaux. Comme terrain initiateur de la transversalité et qui recèlerait une forte mémoire de cette catégorie d’acteurs, la ville de Nafta se trouve à l’ouest du Jerid tunisien. A l’Est de l’Erg Oriental, elle est située à une distance de 80Km de la région de Oued Souf.
En concentrant le regard, notre démarche s’est lancée sur ce qui nous semble comme une étrange unité culturelle qui lie les Noirs du Nord à ceux du sud-est à des moments particuliers de leurs fêtes et de l’étonnante division qui les sépare lorsqu’il s’agit du rapport de ces deux populations à leurs ancêtres fondateurs respectifs. En effet, les noirs descendants d’anciens esclaves soulignent qu’ils sont de Sidi B’llel ou ses « enfants ». Consensuellement, c’est ce nom qui est donné à la fête au Nord. Ce lien doit être compris dans son principe et selon le code inconnu qui se cache derrière l’intention de vouloir être la progéniture de Sidi B’llel. La fondation est attribuée à ce mythe qui recèle l’origine, et donc la « vraie » histoire.
Le rite du sacrifice qui en est l’expression ne semble pas un attribut lié à Sidi B’llel. Il n’est pas non plus une propriété qui le vise directement. Les anciens esclaves d’Alger apparentent le taureau noir à Sidi Merzoug, l’esclave de Sidi Bû ‘Ali, le saint patron de la ville de Nafta.
La cosmisation légendaire rapportée par V. Pâques désigne Sidi Merzoug comme le « commissionnaire » de Sidi B’llel (p. 480). De la même manière que si on disait dans ce double jeu des mythes que Sidi Merzoug est l’« ombre » de Sidi B’llel.
Au Oued Souf, dans le Sud-Est algérien, les noirs descendants d’anciens esclaves aussi affirment d’autre part, qu’ils appartiennent à Baba Merzoug, et que ce dernier représente à leurs yeux l’ancêtre de tous les noirs. C’est à lui que sont dédiés les sacrifices et les cérémonies qui ont lieu le premier de Rabi’ El Awal de chaque année. Ce lien filial revêt une importance primordiale pour la communauté des noirs, même s’il ne correspond pas à une réalité historique, il semble s’inscrire profondément dans l’imaginaire du groupe comme une référence identitaire qui trouve sa justification à un triple niveau : symbolique, religieux et socio-ethnique.
Voilà donc une seconde figure emblématique, qui n’a pas d’autre histoire que celle qu’on raconte au Souf. Un corps mythique qui semblerait être « importé » de Nafta, de l’ancienne cité de Noé, selon un récit de fondation recueilli sur place, et qui devient, plus tardivement, un important centre de l’Ibadisme dans le Sud tunisien .
Voilà donc une tranche de vie que nous ramenons du XIIe siècle, d’une époque où Sidi Bû ‘Ali (né au cours de l’année 493 de l’hégire (1099-1100) et décédé le 20 cha’bâne 610 de l’hégire-1213-1214). Il s’établit en saint patron, ayant pour mission de combattre le Kharidjisme menaçant dans cette partie du Maghreb. Cette même tranche de vie serait à la base de la liaison entre le maître et son esclave, déployée dans toute sa rigueur comme histoire particulière par les Ouled Baba Merzoug de Oued Souf qui leur procure en terme de lignage une légitimité spirituelle.
S’agit–il de commémoration d’un évènement capté par la mémoire des ouaçfans du Nord en instaurant Baba Merzoug dans la strate des ancêtres ? Peut-on parler du « local » et du « général »[1] dans le jeu de polarité entre Sidi B’llel et Baba Merzoug ? Nous pouvons considérer toutefois, que les Noirs au Nord, à travers l’acte du sacrifice, renouent leur histoire avec celle de Sidi B’llel et par ce biais ils réveillent le sentiment de l’origine africaine qu’ils partagent tous. Ainsi, la mise à mort de l’animal réduit le temps matériel de la fête pour en revivre un autre temps dans lequel la communauté se sent réunie et enveloppée par la même force. Aussi, la victime accomplit la re-naissance de la collectivité, et par conséquent, le sang versé protègera l’assistance.
Du Mythe « importé » ou migratoire au mythe intégré localement, nous chercherons le sens qui fait que ce « culte du passé soit un abus (abuse) du passé » comme l’a écrit Moses I. Finley, en présentation de son ouvrage : mythe, Mémoire, Histoire (1981).
Que cherchent les noirs de Souf, comme ceux de Nafta, à exprimer à travers le récit et l’ensemble du discours symbolique mis en place lors de chaque fête ? Pour quel besoin ou à quel effet ?
Problématique
Le présent travail a pour objectif d’analyser dans le champ de la sainteté, de ces anciennes et nouvelles thèses, la production légendaire de cette catégorie d’hommes que l’hagiographie maghrébine présente de manière générale dans une posture de domestique « khedim » ou « ouaçif » dépendant de son maître, soumis à la volonté de son cheikh. A forte raison pour qu’elle l’imagine dans une position de faiblesse et sans pouvoir miraculé qui le placerait parmi les maîtres du sens. C’est aussi à leur encontre que la mémoire des parfaits et à travers les aînés qui leur réserve des rôles subsidiaires dans la pratique du renouvellement de l’appartenance au fondateur, les éliminant par conséquent du jeu de l’appropriation de l’espace. Ils sont aux yeux de ces monographies sans histoire qui les fixent comme une entité faisant partie du global. Cependant, notre étude vise à mettre en évidence les spécificités de la parole engagée comme premier mouvement bouclier qui préserve des risques de perte de privilèges de l’origine et l’évanescence identitaire. Une parole donc qui réhabilite a temporellement des séquences d’un passé, d’un rapport de domination initiale.
N’est-il pas étonnant que des noms comme celui de Sidi Merzoug et beaucoup d’autres saints-esclaves noirs que nous découvrons aujourd’hui soient effacés de la pratique historiographique2, et des paradigmes, peu nombreux, qui cristallisent l’histoire des saints–esclaves, au moment où ils étaient associés à ceux des « aqtabs » du singulier «qoutb » et donc, à des parfaits, comme Sidi Ahmed Tidjani, Sidi Moulay ‘Abdellah Es-Chérif de Ouazan, Sidi Cheikh, fondateur de cheikhiya, ou comme Sidi Bû’Ali En-Nafti diffuseur de la Sounna dans le Jerid tunisien. Dans cette ampleur différentielle et contradictoire, ni les voies du « qualificatif » de saint esclave, ni les réalités du « statut » ne sont bien connues. La figure archétypale de Seyidna Billel, El Habashi (Abyssinie) qui deviendra muezzin du prophète, et qui serait mort entre 638 voire 641 ou 642 à Alep, reflète quelque peu la « descente en enfer » de l’homme noir dans la chosification du système esclavagiste. Elle nous renseigne, d’autre part, sur les gradations qui peuvent faire l’objet de constructions référentielles : le passage du statut d’esclave, khedim, d’origine africaine et de peau noir, au rang de « Chérif » par sa proximité de la prophétie. Ces constructions représentent un modèle unique et irréversible.
Le discours codifié sur la sainteté des esclaves ou anciens esclaves, ne semble pas être intéressé par la question de l’origine de ces hommes, d’autant plus qu’il ne s’interroge même pas sur les itinéraires et les relations des « parfaits » avec le Noir dans leurs quête du capital symbolique.
Sans doute, c’est la vision barbare du noir africain et le paganisme par extension qui imputent à cette partie géographique son affirmation en tant que pôle de « savoirs » au même titre que le « Gharb » imaginaire.
Si le « Gharb » mythique, d’où venaient ces hommes en domestiques accompagnant leurs maîtres, comme c’est le cas de Baba Merzoug qui serait venu en « Khedim » chez Sidi Bû’Ali, ne rajoute rien pour le changement de leur statut, on peut penser qu’il n’aurait servi que de prétexte « calqué » sur le Gharb lui même objet de beaucoup d’attentes dans les hagiographies maghrébines.
Dès cet instant on peut se poser la question des fondements symboliques sur lesquels s’est construite la sainteté de ces noirs esclaves, et s’interroger sur les éléments qui renforcent le principe d’opposition entre deux types de sainteté, les enjeux et les sphères de la compétition entre les élus du Dieu .
C’est la sainteté de Baba Merzoug, « El Khedim » de Sidi Bû’Ali, qui sera analysée dans cette première partie en tant que rationalité mettant en jeu l’« itinéraire servile » du saint esclave comme moyen de reproduction du sentiment de « parenté » entre les deux institutions, et instaurant une histoire intuitivement3 commune aux noirs comme aux blancs. Elle est prise de ce fait comme un ensemble de mécanisme qui permet de saisir les stratégies de la reproduction de la sainteté de ce personnage noir en l’absence des voies cumulatives qui façonnent l’être saint et résumées dans la trilogie de M. Kerrou4, c’est-à-dire, une sainteté, par opposition à celle des Shorfa, qui serait construite sur des règles fondamentalement « terrestres » (comme réchauffer l’eau d’ablution, tourner la terre, éliminer les mauvaises herbes, ou du fait de boire le sang purulent du maître…), mais qui se placent au-dessus des préoccupations de la couleur de la peau et concurrencent la quête des sciences ésotériques et la maîtrise des connaissances, formant ensemble, dans la mystique, des « chemins vers Dieu ».
La seconde partie aura pour objectif de cerner dans la prospérité verbiale qui caractérise cette région, les tenants du « local » que représente la Dakhla de la confrérie Baba Merzoug distinctement du « global » reproduit dans celle de Sidi Bû ‘Ali En-Nafti. De même que nous tenterons de démêler ce qui s’offre à lire comme nécessité référentielle aux yeux de cette société, lui permettant de perdurer sa propre mémoire, dans l’équation maître–esclave, et à travers la compétition au pouvoir.
La fête est prise comme enjeu d’interaction réactivé à la cadence des rythmes et des danses extatiques. C’est pourquoi, il est question aussi d’appréhender dans la fête le genre et le type de croyances privilégiées qui participent ou non, à la refondation triomphante des temps où les deux saints formaient un seul corps.
C’est en nous penchant sur l’étude de la fête de la confrérie noire de Sidi Merzoug désignée par le terme de « Dakhla » - et par le biais de sa geste - que nous analyserons les finalités du rapport de « parenté » que cette institution tend à tisser avec la confrérie de Sidi Bû ‘Ali, tout en essayant de mettre en évidence les logiques spécifiques de la « Dakhla » qui structurent sa marche rituelle et ce qu’elle réunit comme moments.
En désignant Sidi Merzoug de « Adjemi », qui serait venu donc d’une terre « étrangère » à l’Islam, et donc ne parlant pas la langue arabe, et en donnant le titre de « Es-Sounni » et « En-Nafti » à Sidi Bû’Ali, l’enjeu, nous semble t-il, est de diviser entre deux catégorie de mémoire. Sur ce plan, cette répartition linguistique confirme la double distinction qu’il y a lieu de faire, d’une part, entre ce qui fait le Musulman, et d’autre part, pour caractériser les traits d’archaïsme qui définissent, dans ce cas là, le adjemi. De là, se dégage non seulement l’investissement dans la fabrication du statut de l’autre, qui n’exclut pas le calcul de l’ « étrangéité » des noirs à la langue arabe porteuse de la religion et de la Sounna que Sidi Bû’Ali avait la mission d’appliquer et de diffuser, mais aussi dans ces nuances, l’idée des temps reculés que suppose l’autochtonie qui est, selon J. Dakhlia, synonyme de brabar5.
La périodicité qui fixe la « Dakhla » et les étapes de son déroulement mettant en scène le « corps dansant » comme moyen de communication entre les groupes noirs et leur saint esclave, ainsi que les invocations compartimentalisées sont autant de stations qui feront dire la « distance » qui sépare entre les deux lieux sacralisés, et formant un discours par lequel s’exalte les idéalisations enfouies et / ou imaginaires.
Dans la prospérité verbiale
A côté des genres poétiques, les récitations de qâça’id religieuses (Safina), les psalmodies de versets coraniques, et des louanges au prophète, un autre flot verbal est entendu et que nous avons pu enregistré. Raconté avec fascination par les noirs de Nafta, il appelle à faire régner dans ce contraste noir et blanc une symbiose mystique.
Sidi Merzoug était khedim (domestique) chez Sidi Bû’Ali. Ils sont venus du Gharb, c’était son waçif. Un jour, des visiteurs sont venus rencontrer Sidi Bû’Ali. Alors il les invita d’abord à manger, et demanda à Sidi Merzoug de préparer un repas. Au moment où il a mis la marmite à bouillonner, il s’est rendu compte qu’il ne restait plus de bois. Alors il allongea ses pieds sous la marmite pour que le repas puisse cuire. Sidi Bû’Ali entra dans la cuisine et vit ce qui était en train de se produire, alors il dit à Merzoug : « Lèves – toi, un cheikh ne peut servir un cheikh ». De colère il lui donna un coup qui le fit s’envoler dans les airs. A ce moment là, la fille de Sidi Bû’Ali intervient en suppliant son père de ne pas l’envoyer aussi loin, et c’est grâce à elle qui le fit retomber là où il est maintenant.
A l’exception du motif, les noirs de la ville de Souf, au Sahara algérien, racontent dans la même structure l’histoire de Sidi Merzoug :
Sidi Merzoug était un khadim chez Sidi Bû ‘Ali, il était son waçif. Il avait comme tâche de chauffer de l’eau pour Sidi Bû’Ali pour que ce dernier puisse faire ses ablutions (woudho), et il travaillait aussi dans la palmeraie. Une fois, il s’est senti épuisé, alors il s’étendit sous un arbre fruitier ; mais sa pioche continue à tourner la terre et à nettoyer autour des arbres les mauvaises herbes. La fille de Sidi Bû’Ali avait l’habitude de ramener à Sidi Merzoug son déjeuner fait de pain, de lait et de dattes, à la forêt (el Ghaba). Ce jour là, surprise par ce qu’elle venait de voir, elle alla en faire part à son père. Celui-ci ne la croit pas, mais il décida au fond de lui de porter lui même le déjeuner de Sidi Merzoug. Le lendemain, il se rendit à la forêt, il trouva la palmeraie verdoyante, et la pioche (au pluriel) tournait la terre toute seule, et Merzoug dormait sous l’arbre. Alors Sidi Bû’Ali s’approcha de lui et le réveilla et lui dit : « Lèves – toi, un wali ne peut servir (yakhdem) un autre wali. Il lève sa canne, et poursuit en disant : « Là où la canne tombera, tu iras t’installer. Au moment ou Sidi Bû’Ali allait jeter sa canne, sa fille lui retient le bras, et c’est ainsi qu’elle ne fût pas jetée aussi loin.
Avant de dégager les principes qui structurent ces versions, nous pouvons ajouter que les noirs de Nafta comme ceux de Oued Souf, consacrent un autre moment décisif sous forme appropriative de la sainteté de Sidi Bû’Ali, en détournant la logique de la sainteté de celui-ci en faveur de Sidi Merzoug. Pour eux Sidi Bû’Ali aurait dit que :
Celui qui me rend visite (ziyara) et ne fait de même à Merzoug, sa visite (ziyara) ne sera pas acceptée.
L’articulation bipolaire dans ce récit et qui se joue autour de la « redevance » de l’un à l’autre confie à ce dernier une autonomisation de l’immense production ethnico–lignagère, ce qui nous conduit, pour bien comprendre cette individualité, à tester la fiabilité de l’appareil conceptuel déjà utilisé dans ce type de codage.
Plusieurs maillons qui constituent dans les traditions d’origine des groupes l’histoire du premier ancêtre, ne sont pas racontés, et dans le cas échéant, métamorphosés pour ne laisser que peu de trace. Le récit qui raconte l’histoire de Baba Merzoug est « solitaire » dans cette société, on ne trouve pas beaucoup de versions à ce sujet, et que si l’on se déplace vers le Souf dans le sud–est algérien. Comme si la restriction du champ de la mémoire équivalait à la limitation du nombre des versions par lesquelles se ferment toutes autres créations des mythes des origines et des lignages.
Il accorde à Baba Merzoug une sainteté « présumée » et un sharaf probablement contestable si l’on se base sur le schéma qui procure à l’« écrit »et à l’« écriture » une matrice identitaire qui servira à se démarquer de ce qui appartient à tous .
En effet, et à travers l’exemple de ce saint–esclave, la conception microcosme à laquelle obéit le récit qui raconte l’origine du saint–noir, ne repose ni sur la « géographie mythique », ni sur la « silssila » (l’arbre généalogique) qui fournit l’avantage d’appartenir à la chaîne prophétique. Son seul et unique prestige émane des limites de la donation de soi.
On ne connaît pas beaucoup d’exemples qui peuvent nous éclairer sur ce type de fondation et sur lequel se base l’origine des confréries noires. A Touggourt, au sud-est de l’Algérie, les noirs de T’massine n’hésitent pas à lier leur histoire à celle des Tidjani-s à travers les exploits de leur saint et où Sidi El Hadj ‘Ali T’massini6, esclave de Sidi Ahmed Tidjani, aurait bu le sang purulent de son maître, quand celui-ci était malade, après lui avoir appliqué la « Hejamma »7. Dans une autre aire géographique qui n’est pas très loin de la capitale, un autre récit fait apparaître la même situation de fait dans laquelle Sidi Bougarri l’esclave noir, aurait bu également la sueur et l’eau de douche de son maître Sidi Bellemou, saint patron de la zone composée d’arabophones et de berbérophones dans la wilaya de Boumerdès8.
L’espace du récit
La minutieuse lecture que fait Moussaoui A. de la notion de voyage et donc de la mouvance, étant un motif aussi bien dans la fête que dans les légendes, et celle de marfû’ (le soulevé) est doublement intéressante dans la mesure où l’endroit de pause/ de chute, ne constitue pas nécessairement une sortie à la découverte de l’univers, ni de la naissance de l’établissement9.
Il y a certes une action, mais dans le cas de Baba Merzoug, il s’agit plus d’expulsion, désignée par le terme local de R’mah du verbe jeter : Ramâ, et explicitée par l’acte du saint Sidi Bû’Ali par lequel il se débarrassa de sa canne, dans la deuxième version, fixant ainsi le lieu et le sol que Merzoug va occuper.
Naturellement cette expulsion comprend de la mouvance qui participe à la production de la sainteté de l’esclave noir, mais en revanche, elle inaugure un temps négatif par l’éloignement symbolique, instaurant ainsi, une rupture entre les deux hommes.
La rivalité, thème récurrent dit-on, passe pour une caractéristique la mieux partagée, et qui confirme la non cohabitation sur le même lieu de deux détenteurs d’un égal pouvoir.10
Alors quelle exception fait – on de notre légende ? Quelle est la signification de ce lieu d’établissement, et quel temps précis écrase- t-il sous le poids du motif qui attribue à Baba Merzoug une histoire de fondation ? Quels sont les enjeux et les finalités qui peuvent exister dans l’éloignement et la non cohabitation ?
Dans l’oralité des noirs de Nafta, Baba Merzoug est envoyé en l’air, pour qu’il « tombe » là où il est actuellement. Cet endroit est connu sous le nom de Derdjine, localisé dans le territoire occupé par les Ouled ‘Ali, qui fournissaient notamment le gros des métayers11.
Séparée de la zawiya de Sidi Bû’Ali12, cette localité constituait un centre doctrinal très puissant. Le kharijisme, et plus particulièrement l’ibadhisme avait une forte base à « Dardjine », représenté par son célèbre Abou El Abbas Ahmed Ben Saïd, Ben Souleiman, Ben ‘Ali, Ben Yekhlef Ed-Dardjini (VIIe siècle de l’hégire–XIIIe-siècle) qui diffusait sa doctrine, profitant de la richesse de ses parents jusqu’en Afrique sub- Saharienne et au Mali. Il fût décoré par le conseil des « Azaba » pour ses exploits et ses talents en matière de sciences religieuses13.
Or, l’extinction de l’Ibâdhîsme à Nafta est consécutive à l’activité missionnaire du santon de la ville, Sidi Bû’Ali. Il fût envoyé par Ibn Tûmert pour lutter contre l’Ibadhisme qui manifestait l’ambition d’installer un Imamat dans la région, et d’établir le sunnisme14. On le surnomma Sidi Bû’Ali Es-Sunni, pour ses victorieuses campagnes de guerres, qui ont fini en coalition avec les Fatimides par exterminer ce courant.
L’on se rend compte à travers ces récits, que ce n’est pas l’exclusion de Baba Merzoug qui est contestée par ces noirs de Nafta, en recevant le fameux coup, même si elle est implicitement désagréable, mais c’est plutôt l’histoire de Derdjine qui est énergiquement refoulée jusqu’à « ne plus en parler ». Ils sacrifient cependant toute l’épaisseur scientifique de Derdjine, en enfonçant ses capacités prospères dans les limites de la perte. Car le fait d’appartenir et de lier ses origines à une religion combattue, est plus qu’un retour à la Jâhiliyya, bien que ce type d’inversion n’est pas antérieur à l’islam, bien que les noirs évitent d’être taxés d’un hérétisme dont il est l’enjeu. Par conséquent, il n’est pas souhaitable à leurs yeux de s’auto-condamner et de faire subir à leur propre mémoire religieuse l’isolement des vaincus.
La localité fût rebaptisée unanimement Ghabet ech- shorfa, jusqu’au Souf dans le Sahara algérien. Le récit s’achève en fournissant une issue démarcative à l’impasse du rapport causal entre Derdjine, l’espace presque maudit, et l’ibadhisme, comme théologie « étrangère » au sunnisme, en ajoutant le topos toujours mis en rappel, par lequel la ziyara de Sidi Bû’Ali est liée à celle de Baba Merzoug ; ce qui laisse entendre que la négation de l’espace « infidèle » s’est transmise par le rattachement à une sainteté qui incarne la religion dominante et ouverte sur les systèmes des croyances, dont la ziara se trouve bénie. Cette dernière sera interprétée comme la clef de voûte nécessaire à l’appropriation de la sainteté de Sidi Bû’Ali qui renforcera ainsi la légitimité du « lien » que tente la confrérie noire de tisser avec celle des descendants de Sidi Bû’Ali.
Comme dans tous les types d’hagiographies, notre légende réactive son message mobilisateur qui tient de la capacité de croire aux risques de la désobéissance presque divine « dharba rabaniya » (coup divin) et les châtiments que peut infliger le saint à celui qui ne se plie pas à sa prétendue recommandation. Sa fonction première est de réguler le lien qui unifie les deux hommes et de réajuster dans un style ordonnateur l’équilibre des pouvoirs de chacun d’eux. Du coup, le message efface la « distance » entre les deux lieux sacrés, impliquant la « ziyara » en tant qu’expression rituelle et symbolique, dans la matérialisation du rattachement initial.
La fête de Baba Merzoug
La célébrité de la grande fête de Baba Merzoug, atteignait beaucoup de cœurs de la population de Nafta approchée pour la première fois lors de notre enquête. Les Nafti affirment qu’ils connaissent cette tradition animée par les noirs, en établissant un parallélisme indifférencié entre les formes festives de la région. Autrement dit, la fête de Baba Merzoug n’a rien d’exclusive. Elle est organisée « kifna h’na » (comme nous pareil) pour reprendre l’expression de cet entourage majoritairement composé de blancs. Ce qui laisse entendre, implicitement, que l’intégration des noirs dans la société ne fait aucun défaut, et par conséquent, elle est acquise. Aussi, la commémoration de Baba Merzoug est ressentie aussitôt comme « faisant partie de la maison » à Nafta. Delà, il fallait être prudent devant cette mémoire personnelle qui, en investissant dans le religieux, pouvait s’élargir pour parler au nom du collectif. Est-ce parce que c’est l’autre qui fait la fête ? Ou est-ce l’unité et l’homogénéité de la société qu’on vise à mettre en branle ?
Quoiqu’il en soit, et pour éviter tous les risques d’appréhension de la mémoire nous avons choisi de restituer la fête le plus objectivement possible au sens où elle représente une activité reproductrice de sens. Et pour cela, tout le monde est d’accord sur l’appellation de « Dakhla »15 pour désigner la grande fête de la confrérie noire de Baba Merzoug, mais seuls les noirs restent persuadés du contenu et du sens relationnel qui existe entre le récit de « pacte » et le mode de fonctionnement de la fête.
Sur le terrain, cette dernière est un moment propice pour une telle « propagande » et c’est à l’occasion des « ziyara-s » au sanctuaire de Baba Merzoug que se déploie le caractère de sur–imposition idéologique de l’équilibre entre les deux saints, et s’exprime plus exactement la « sainteté partagée ». De la même façon que se re-distribue le « shérifisme de proximité », étant donné que Sidi Bû’Ali est le dernier maillon de la chaîne prophétique. Profitant de cette mobilisation, cette logique est prise en charge par le saint-serviteur lui même, et à ce propos, les noirs racontent que : « lorsqu’un individu, ou un groupe d’individus, fait la ziyara à Sidi Bû’Ali et n’en fait pas de même à Baba Merzoug, celui-ci le poursuit en rêve, et parfois il ne pardonne pas, il prend sa vengeance par lui même ». Plusieurs de nos ancêtres, nous dit un joueur de Benga16 : « … ont vu des cailloux survoler à la poursuite des acteurs de la trahison du pacte ».
L’introduction du rêve, ou le châtiment visionnaire dépend, comme l’explique R. Bastide, dans certaine mesure du degré d’intégration à la société17. Il est régulateur dans ces situations narratives, de même qu’il focalise la force et le pouvoir de Baba Merzoug en le dotant d’une Baraka qui serait de l’ordre de la justice exemplifiée.
Rites d’allégeance ou la fête à deux temps
Nous avons dit à deux temps, tous simplement pour respecter l’idée de jumelage entre deux ziyara-s, celle des Marazigs18 qui se rendent chez les ‘Alwiyas19 , ce qui nous permet d’expliquer à travers les rites, auxquels ils participent, la pratique d’allégeance de ces groupes noirs. Il est à noter, que nous ne pouvons quantifier le nombre exact de la population en question. Les rites devenaient le moyen explicatif d’une conjointe pensée d’allégeance et d’affiliation, selon laquelle les hommes noirs prononcent manifestement leur allégeance au saint Sidi Bû’Ali au même moment qu’ils célèbrent la fête de Baba Merzoug. Mais, c’est les femmes de non noirs qui signent le commencement des relations symboliques avec les groupes noirs, s’engageant dans un sens religieux à faire la « ziyara » à Baba Merzoug, de telle manière que la fête déborde son cadre pour couvrir plusieurs motifs de célébrations allant du succès au baccalauréat, circoncision, mariage, enfantement, construction de maisons, jusqu’aux imprévus qu’on peut classer dans la catégorie de la maladie.
La Dakhla proprement dite de Baba Merzoug a lieu annuellement le quarantième (40e) jours de l’été, bien après la Dakhla de Sidi Bû’Ali, qui prend effet le douzième (12e) jours du douzième (12e) mois de l’an hégirien. Elle s’étend sur quatre jours et elle est précédée d’une autre Dakhla en honneur de « Lala Gandwa » la sainte patronne des noirs de Tozeur et à laquelle les noirs de Nafta participent.
Les étapes de cette dernière célébration sont d’une manière générale, identique à celle qui commémorent et nomme Baba Merzoug.
Le mercredi est principalement réservé à l’accueil solennel et rythmé des groupes noirs venant de Gafsa, Gabès, Kebili, Oum el ‘Araïs, et surtout de Tozeur, en reprenant l’expression du M’qadem de la zawiya de Baba Merzoug. Ils se réunissent à la place du rendez-vous invoquant le prophète et les saints de la région et font référence au « cheikh » Baba Merzoug à chaque intervalle.
La cérémonie des ‘Alwiyas, étudiée par Karamti .Y20, commémorant l’évènement de la mort de Sidi Bû’Ali, assassiné par l’un des ibâdhîtes, Ibrahim An-Nakhîli, à laquelle nous n’avons pas assisté, mais qui nous interpellait sur ce qui semblait immédiatement intraduisible et de cibler le jeu de miroir de bipolarité dans la Dakhla des Marazigs. Elle nous a été décrite, cependant et après plusieurs vérifications, dans toutes ses phases et ses mobilités. Le point chaud qui caractérise son univers, c’est celui où s’arrête le cortège et qu’on nomme la place du Souk « Rahbat-Es-Sûg » et qu’on dit mystique. Les noirs exploitent, eux aussi, ce lieu dans les rituels de la Dakhla de Baba Merzoug. L’endroit en lui-même, constitue une voie de carrefour qui donne sur la zawiya de Sidi Bû’Ali et un peu à gauche en direction de la zawiya de Baba Merzoug. Mais est essentiellement un espace sacré que les gestionnaire de la zawiya de Sidi Bû’Ali abordent en progressant sous les tensions des danses extatiques. Ces limites sont déterminées par un étendard que tiennent les responsables de la Dakhla et qui l’utilisent comme moyen pour conserver l’assemblage de la vague des danseurs, qui sont, immédiatement, libérés à l’arrivée de la zawiya du saint patron.
Il est clair ici, qu’il est nullement cité que les membres de la Tariqa Al-‘Alwiya de Sidi Bû’Ali, font une seconde « halte » au sanctuaire de Baba Merzoug et à aucun moment, ils lui rendent une ziyara.
En regardant l’effervescence des noirs, –termes qu’on retrouve dans beaucoup d’écrits, désignant le commencement de l’incontrôlable–, le cortège avance le premier jour jusqu’à ce qu’il atteigne le « Haouch Ed-Diwan », la maison collective qui se trouve dans le quartier des « shorfa-s » construit sur les hauteurs de la ville de Nafta. Une « Nouba » est jouée à l’entrée du « Haouch ». A l’intérieur de cette espace plus au moins large s’étend une cour remplie de sable. Les noirs se constituent en un grand cercle, dans lequel on accède sans chaussures, en signe d’un remplissage de sacré. Les joueurs de chkecheks qui sont des castagnettes métalliques, forment le chœur et au centre nous trouvons un autre petit groupe qui tape sur le Binga, un instrument à percussion, écoutant la seule personne au centre qui chante et donne le premier mot.
Selon la tradition, les Noirs exécutent sept (07) tours ; ce qui est ici synonyme d’un temps d’invocation, plus que de parcours, et dans lequel on joue ce qu’ils appellent la « S’nanniya », terme plus proche pour désigner les commandements et les actions du prophète : es-Sounna, mais qui renvoie aussi aux saints modèles, diffuseurs du code islamique comme : Sidi Abdelkader el Djillali, Sidi Brahim ,(…) que les gnawa du Maroc désignent du nom de « As-Salihin » et que les Noirs appartenant à la confrérie de Sidi Bllel au nord de l’Algérie insèrent dans la catégorie des « S’mawiyin-s ».
La règle veut que l’invocation de ces hommes soit intercalée de formules élogieuses destinées à Baba Merzoug. Elle est argumentée par le statut central qui lui est attribué par ces Noirs parmi les saint hommes, et justifiée par sa fonction clef que traduit l’expression mûfteh qul sûg, clef de tous les marchés. Sa connotation est ici un alibi pour amener les esprits à comprendre son pouvoir indéfini en déjouant les activités humaines dans les souks. Les transes violentes, assimilées à une forme de négociation, ne deviennent joyeuses et apaisées qu’à l’appel de Baba Merzoug. Ce dernier apparaît comme une tierce entité dont la mission serait d’établir l’équilibre et d’interrompre la durée du mal. En tant que tel, Baba Merzoug serait le désenvouteur de ces relations « conflictuelles » avec l’invisible.
Au niveau des rituels de possession, les Noirs de Nafta utilisent le fer ou ce qu’ils appellent « El Hadida » pour exorciser et rendre à l’état normal les comportements violents et inhabituels, lors de la Dakhla de Baba Merzoug. D’apparence, c’est une pierre ponce noire, qu’on broie avec de l’eau de fleurs et qu’on donne à boire au malade possédé.
Au deuxième jour, les membres de la confrérie de Baba Merzoug annoncent le commencement de la ziyara et le départ vers le sanctuaire de leur saint, en jouant une Nouba à la sortie du haouch, après avoir décoré le bouc noir.
La victime est ornée d’un miroir rond accroché au front et de deux pendentifs dorés. On le tient au bas du ventre avec une ceinture en tissu de couleur rouge et blanc. Le miroir est défini comme un récepteur qui capte les différentes « maladies » symbolisées de la société lors de la procession-quête que les Noirs effectuent deux mois avant la Dakhla. Outil magique, ce miroir permet à ces maladies symboliques de glisser à l’intérieur du corps de la victime qui devient le réceptacle et le moyen de « vol » après le sacrifice par lequel se réalise l’accomplissement collectif.
Le cortège avance progressivement et fait une première halte à la zawiya de Sidi Bû’Ali, le lieu du premier établissement des deux saints, lieu de l’élection du personnage Baba Merzoug et de la fondation du « lien » mythique entre Sidi Bû’Ali et Baba Merzoug. Les Noirs ne se font pas accompagner du bouc noir dans cette marche mélodique vers la zawiya de Sidi Bû’Ali. Ils le maintiennent à l’intérieur du haouch jusqu’à ce que la ziyara à Sidi Bû’Ali approche à sa fin.
C’est à l’extérieur de la zawiya du saint patron que les Noirs intensifient le rythme vocal et musical. Les danses et les fumigations recouvrent le lieu de ce monument de « qualité ». Une « Baraka » attribue à l’itinéraire servile de Baba Merzoug et à ses gestes banals, au plan terrestre, un contenu mystique qui mérite d’être fêté. En somme, cette couverture religieuse apparaît soutenir l’objectif de jumelage entre les deux saints, elle est visible au moment où un groupe restreint de représentants de la confrérie noire accède à l’intérieur de la zawiya de Sidi Bû’Ali pour effectuer le changement de tissus qui couvrent le sanctuaire du fondateur. Cette procédure s’appelle El-keswa en terme local de l’arabe kassa qui signifie vêtir. Le sanctuaire est vêtu alors d’un drap de couleur verte à connotation paradisiaque très souvent présent dans le Coran. L’acte de changer témoigne aussi de l’élection du saint Nafti parmi les amis de Dieu et prédit sa place auprès des salihinn-s. Peu après la récitation de la Fatiha, le groupe composé de « l’Ukil » de la zawiya et de son Mqadem, ainsi que des personnes noires âgées, ressort pour ordonner la marche vers la zawiya de Baba Merzoug.
A la limite qui marque la fin de l’espace sacré de la zawiya de Sidi Bû’Ali et le début du parcours qui mène à la zawiya du saint esclave, le cortège musical s’arrête pour accueillir l’animal sur une nouba qui sera définie comme une matrice autour de laquelle gravitera l’ensemble imaginaire. Cette même Nouba marque le temps de passage vers un autre ordre religieux.
Il faut souligner qu’ici, l’extériorité de la victime noire à la pensée mystique que représente Sidi Bû’Ali, est prise comme un indice d’espacement entre les deux genres musicaux, et par conséquent, entre deux types de ziyara. Elle est entendue comme un trait distinctif entre l’Islam savant et l’Islam populaire. Cet écart est bien représenté physiquement sur le sol, fixant l’emplacement territorial de la zawiya monument de Sidi Bû’Ali21 et l’infime coupole de Baba Merzoug, modestement construite22 .
Soulever la question de l’autorité, non pas au sens fondateur23, mais au sens où elle est génératrice d’inégalités et de différences entre les deux institutions, c’est implicitement, ouvrir une parenthèse sur ce qu’on ne dit pas, c'est-à-dire, les sources de revenus nécessaires au fonctionnement des zawiya-s. A ce sujet, le Mqadem de la confrérie noire n’hésite pas à faire savoir la dimension sociale de l’institution qu’il gère et le rôle du religieux qui permet d’en récolter un bon nombre de dons qui, semble t-il, suffisent largement, par la Baraka du saint, à nourrir les initiés et fidèles. Par ailleurs, aucun mot n’est prononcé sur les aides de l’Etat et si elles existent, c’est considéré comme de l’argent d’aumône, de dragage. Ainsi, la fête fait passer son message à travers lequel elle dénonce les enjeux politiques auxquels la zawiya de Sidi Bû’Ali prend part dans ces relations avec le pouvoir central, et dévoile la gestion du confort qui se cache derrière le « sacré ». A ce titre, un non-averti peut appréhender la face cachée de ces espacements sociaux et religieux entre le gestionnaire noir de la zawiya de Baba Merzoug à travers sa modeste tenue blanche et celle plus brillante et plus parée du gestionnaire de la zawiya de Sidi Bû’Ali. De ce point de vue, on peut penser qu’en l’absence d’intérêt et de contact avec le pouvoir central, la zawiya des Noirs de Nafta, souffre globalement de la marginalité qui pèse lourdement sur son mode d’organisation et de la disqualification qui l’empêche d’améliorer son statut que la société blanche définit comme patrimoine local. Du coup, l’on comprend que c’est la légèreté de la littérature hagiographique de cet acteur noir, par opposition aux écrits fort éloquent et en abondance qui nous fournissent, en langue arabe, les diverses définitions de ce qui sont les shorfa et par quoi est faite la sainteté, qui crée cette indifférence et justifie son exclusion du domaine culturel.
Cette réalité « déséquilibrée » rejoint les passages de Moussaoui .A. lorsqu’il fait une re-lecture à F.A. Isambert, abordant notamment, la première propriété qui fait de la fête, une occasion non pas pour l’effacement des « barrières sociales » mais le moment de leur résurgence24.
Cependant malgré ces différences, qu’elle soit sacrée ou séculière, la fête de Baba Merzoug tente toujours et partout de diffuser un attachement au « pacte » prononcé par le saint de la ville. Elle essaye à chaque occasion d’interpréter rituellement la possession de la clef de la « bienveillance » et de la « Baraka » des deux maîtres.
C’est cette perception qui guide le cortège des noirs à mettre le cap sur le lieu qui compose sa propre mémoire après avoir accompli la première étape du « pacte ». La première formation de ce cortège, et à sa tête le bouc noir, arrive devant la zawiya du cheikh produisant des airs musico-religieux propres à cette station, jusqu’à ce que s’attachent les deux formations. A ce moment là, un groupe de partenaires religieux au Moqadem Nes noirs entre dans l’unique grande salle où se trouve le saint esclave pour changer le drap qui couvre sa tombe. Ils passent la nouvelle keswa, puis prononcent la Fatiha et des prières. Une fois dehors, la formation musicale aborde une composition calquée sur la Chahada qui fait le musulman : (Es’lam ‘alik ya Baba Es-ch’hadou n’la illa) et de là, on donne le signal d’abattre la victime. Sa mise à mort serait de l’ordre de la renaissance collective.
A l’intérieur de l’enceinte de la zawiya du cheikh, on fait cuire le foie de l’animal pour le distribuer aux invités, mais avec l’accroissement de la foule, le Moqadem des waçfan25 avait pris la décision de compléter le manque avec de la viande de ‘alouch et du berchni (chevreau) qu’il acheta à cet effet avec l’argent des dons.
Ce rituel révèle une ligne d’opposition si on le compare aux pratiques rituelles au nord de l’Algérie et au Maroc, où les anciens esclaves noirs utilisaient de la viande pour venir aux besoins de l’esprit « Jennari » qui oblige le possédé ou le gnawi, ayant atteint son « hal » à la manger crue.
S’agit–il d’une opposition d’apparence du cru et du cuit ? Où est-ce un mythe de cuisine qui se cache dans les tréfonds de ces rituels 26?
Ce moment est fort attendu par les noirs de Nafta, car il représente le passage vers l’émotionnel que provoquera « El-hami », terme local qui signifie le chaud et renvoie dans ce contexte, à une série d’invocations qui impliquent l’enclenchement des danses de possession dans plusieurs groupements.
C’est une masse énergétique qui se dégage notamment quand la formation musicale fait intervenir la célèbre « Baba’aliya »-notre père Ali. Son impact dépasse notre imagination, puisque dans ces groupements on observe des « Taïbinn-s » et des « Mahmoulinn-s » qui sont loin d’être des scènes hystériques, mais plutôt chargées de sens.
Pour faire ramener ces « envies »-khatar–la formation musicale enchaîne en invoquant Baba Merzoug, étant donné qu’il représente la clef de tous les « Sûg-s » et donc la clef de tous les envoûtés, en même temps qu’on fait circuler la solution préparée .
Au soir du même jour, c’est le haouch qui devient, à une échelle moindre, le théâtre de ces incarnations d’êtres surnaturels. Aucune forme de ségrégation n’est affichée, au contraire tout le monde, femmes, hommes, jeunes filles, jeunes garçons, blancs et noirs dansent l’ivresse pour Dieu et pour le saint esclave « makhmûrinn-s »27 jusqu’à l’aube.
Rites culinaires. De l’implicite dans la nourriture communielle
La nourriture constitue également un temps de fête, et dans ce cas là, un discours dans la Dakhla de Baba Merzoug. On présente aux invités dans ce troisième jour, après la prière du vendredi, dans de grands plats plus au moins larges appelés « gas’âa », de la « Zoumita » en forme de voûtes, qui est à base de semoule, donc de couleur blanche initialement et qu’on fait bouillir dans l’eau et du sel avec un peu de gras, dans l’une des deux grandes marmites en cuivre rouge jusqu’à ce qu’elle devienne molle. Puis on la recouvre de corète « M’loukhiya » appelée aussi « Keblou » et au nord de la Tunisie « Es-chrifa » la noble. On verse une grande quantité de poudre de corète dans la deuxième marmite en cuivre, au-dessus d’un feu de braises, comme dans les foyers domestiques. La longueur du temps de cuisson va donner à cette préparation, de couleur verte ressemblant au « héné », une couleur plus noirâtre.
Ce plat est donc fait dans un esprit dualiste présentant le noir au dessus du blanc, il le couvre, comme l’avait fait autre fois Baba Merzoug en couvrant Sidi Bû’Ali de la hantise de son « inhospitalité » à laquelle pouvaient croire ses invités, lorsqu’il a mis ses pieds dans le feu comme seule alternative pour sauver la parole – l’invitation de son maître.
La nourriture passe pour une carte maîtresse qui va déjouer le poids du verbe, par le visuel qui est la « zoumita », rééquilibrant et inversant ainsi la balance de la « grandeur ». Cette dernière est même symbolisée par le « cuivre rouge » qui fût probablement une matière de valeur au XIIe siècle.
Lorsque nous comparons la « zûmita » de la Dakhla de Baba Merzoug au « Doghnou » qui est à base de riz, de petit lait, de sucre, aspergé d’eau de fleur, et qui est servie dans des pots en poterie aux invités, après le sacrifice du taureau noir, dans le Diwan de Sidi Bllel et dont l’usage est scrupuleusement observé chez les Gnawa du Maroc28, nous voyons qu’ils n’ont de commun que la blancheur du riz ou de la semoule, qui peut être un prolongement d’éléments dominants de la nourriture communielle africaine, qui considère le riz, le sorgho, l’orge, le maïs, comme des produits qui relient la nature à la culture.
Pour qu’on ne s’éloigne pas du sujet, sans pour autant prétendre résoudre la problématique des équations : grillé/bouilli, sucré (lahlou)/salé, ou celles qui prennent le feu comme signe symbolique : cru/cuit, feu purificateur, feu sexuel, feu infernal, …Les waçfan de Nafta, et à travers le contraste et le symbole double de la corète « noirâtre » chargent la moitié visible du symbole à la fois d’une dimension « cosmique » comme le dit Paul Ricoeur, d’une dimension « onirique » et enfin « poétique »29, comme dernier langage au recouvrement de la sainteté de l’esclave-disciple.
L’élément du « cuivre rouge » fait partie de cette imagination symbolique, même si sa valeur matérielle est en deçà du prestige mémorial. Sa multiplication métallique et la similitude des formes dont l’un représente Sidi Bû’Ali et l’autre Baba Merzoug, synthétisent la fabulation de l’équilibre, tout en dénonçant le déséquilibre religieux et social. On peut penser que la reproduction du lien lignager auquel aspirent les waçfan-s de la confrérie de Baba Merzoug est également une mémoire culinaire et métallurgique30 qui vient justifier l’ordre de la sainteté de Baba Merzoug et qui sert à redéfinir le cycle imposant des démarcations hiérarchisantes.
Le dernier jour au soir, c’est la « lilla de Bori » qui évoque une trame de génies et un ensemble de rites et de danses de possession violentes contrairement à ceux de la soirée d’« el hami », qui tendent plus vers les transes illuminées .
Dans cette soirée, les Noirs se fixent sur un temps spécifique comme s’ils étaient transportés vers un autre univers plus familier qui traduit une sorte d’attachement à un terroir culturel et à une géographie d’origine, à cette Afrique effacée de l’imaginaire. On pourrait dire qu’en se téléchargeant vers un autre espace–temps, les Noirs de Nafta exposent les éléments constitutifs de l’identité. A travers les symboles, la communauté noire relit les pages de son histoire et refonde, ainsi, son rapport au passé, par le biais du système des croyances et la compétition des pouvoirs qui se traduisent par les différentes manipulations d’objets comme : le percement des joues à l’aide d’aiguilles, aspiration de braises de feu à l’intérieur de la bouche, ou encore les tours miraculeux qui attribuent aux possédés le pouvoir de transformer l’eau potable, au milieu de la cérémonie, en une boisson sirotée ou gazeuse. On fait aussi danser les bougies allumées ou on arrache du Jawi (benjoin) des murs du « Haouch Diwan » et/ou on le fait ramener du ciel.
Ces gestes miraculés qui nourrissent la mémoire visionnaire des Noirs sont très répandus dans cette région et l’on ressuscite, jusqu’à présent, le célèbre duel qui opposa un vieux possédé de la communauté noire au roi des Djins lors d’une « Lila de Bori »31. « Notre père » nous raconte le fils du précédent M’qadem « avait vu lors d’une pareille Lila de danse de possession, un vieux qui lançait des flammes de ses mains sur le roi des djinns qui, trouvait des difficultés à repousser » (…).
La « Lila du Bori » représente ici un jeu de puissance, les hommes possédés sont classés suivant une grille de pouvoir: la violence corporelle et les inimaginables manipulations de feu, d’animaux, d’objets en métal et d’autres conduites immatérielles placent le sacré dans une posture irréprochable et impressionnante.
Quant à la problématique qui nous intéresse, nous constaterons, que la soirée de « Bori » est un élément marqueur non pas d’un retour aux pratiques païennes au sens de résistances aux répressions idéologiques et d’une épisode de la persécution, mais d’un temps qui a peu à peu absorbé l’ensemble des « traditions » de la société « haoussa » dont le rite est issu32, faisant ainsi perpétuer ce passé dans le présent par la grâce de ce qui n’appartient pas à tous les Naftis, et de ce qui constitue une réserve pour leur être ensemble et qui nourrit leur mémoire collective.
Cette soirée est entendue donc comme étant un aspect mythique de la mémoire des waçfanes, et peut se voir aussi comme une combinaison entre la vocation initiale et finale de la fête. En reprenant l’expression de J. Dakhlia au regard sur ‘aâchoura 33 qui permet de mieux remonter à une antériorité dans les croyances et la vraie foi, qui est d’ailleurs plus impérieuse que le souci de respecter l’historicité d’une durée fût-elle le sultanat et le règne de Sidi Bû’Ali .
Au nord de l’Algérie, on accède à cette catégorie d’invocation au moment ou le m’aâlem-joueur de l’instrument appelé Goumbri-exécute le bordj-un chant de : bori bori mana n’dabou. Il représente les génies des Ouled Haoussa. Les possédés reconnus par leur incarnation de cette entité réclament dans la transcendance des cravaches « Boullala »34 en plusieurs paires, pour se flageller le dos nu, la tête, les bras et au niveau des cuisses.
S’agit-il d’un « tri » stratégique opéré exclusivement pour démontrer un mythe impérial africain, représenté par l’empire haoussa qui surpasse dans le temps le règne religieux et politique de Sidi Bû’Ali ? Où est-ce une ré-interprétation de l’histoire de la déportation forcée des esclaves dans laquelle la manipulation des cravaches est le symbole d’un traitement abusif et correctionnel auquel étaient soumis les anciens esclaves noirs ?
De notre point de vue, le culte du « Bori » dans cette soirée est plus qu’un référent culturel. Il apparaît comme une modulation qui va du langage « commun » exprimant le besoin de construire et d’appartenir à une histoire, au langage « privé » dévoilant une mémoire de tradition inhérente à un terroir, celui des origines, et qui est considéré comme héritage personnel et familial.
Bibliographie
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Références en langue arabe
بجيّة، صالح، الإباضية بالجريد، تـونس، 1967.
عوض، محمد خليفات : نشــأة الحركة الإباضية، 1978.
Notes
[1] Cette formule est de Jacques Berque citée dans l’avant propos de l’ouvrage intitulé : Espaces maghrébins : Pratiques et enjeux, Alger, Ed. ENAG/ URASC, 1989, p. 14.
2 Dans ce domaine nous avons enregistré une absence presque totale de documents relatant les histoires de vies de saints esclaves, ce qui nous amène à nous poser la question de « l’écrit » et de « l’écriture », non pas comme une performance, mais plutôt comme une noblesse d’appartenir à un « tarikh », et source d’une aliénation. Voir, Dakhlia, J., L’oubli de la cité : la mémoire collective à l’épreuve du lignage dans le Jerid tunisien, Paris, Ed. La découverte, 1990, p. 30.
3 Fox, Robin, Anthropologie de la parenté. Une analyse de la consanguinité et de l’alliance, Paris, Ed. Gallimard, 1972, p. 91. Voir également : Radcliffe-Brown, A. R., Structures et fonctions dans la société primitive, Paris, Ed. Minuit, 1968, p. 78.
4 Kerrou, Mohamed, L’autorité des saints : perspectives historiques et socio – anthropologiques en Méditerranée occidentale, Paris, Ed. Recherches sur les civilisations, IRMC, 1998, p. 22.
5 Dakhlia, Jocelyne, Op. cit., p. 61.
6 La zawiya de Sidi Al Hadj Ali T’macini se situe dans la commune de Tamaleht daïra de Touggourt. Elle a été fondé en 1217 h. (Manuscrit des Tidjani de la dite commune) p. 27.
7 La « hedjama » est une forme traditionnelle de poseur de ventouses procédant par des incisions au niveau de la nuque et des mollets.
8 Voir la thèse de Magister de : Bouzid, Meriem, Noms des M’qamet-s et problématique de l’appropriation de l’espace et du discours, université d’Alger, 1994.
9 Moussaoui, Abderrahman, Logiques du sacré et modes d’organisation de l’espace, Thèse de doct, EHESS, Paris, 1996, p. 98 et 119.
10 Moussaoui, A., Ibid, p. 120.
11 Dakhlia, Jocelyne, Op. cit, p. 62.
12 Environ 02 kilomètres.
13 إرجــع إلى : عوض خليفات، محمد، نشــأة الحركة الإباضية. 1978 . ص. 17 . أو : صالح بجيّة : الإباضية بالجريد . تـونس، 1967.
14 Brunschvig, Robert, La Berbérie orientale sous les Hafsides. Des origines à la fin du XVe siècle, Paris, Ed, Librairie d’Amérique et d’Orient : Adrien – Maisonneuve, 1947, T. 2, p. 321.
15 La « Dakhla » est la nuit de noce, ou la célébration nuptiale. Elle est aussi appelée nuit de « D’khoul » dans d’autres régions pour désigner la consommation de l’acte sexuel.
16 « Benga » est un instrument à percussion, un tambour moyen et de forme cylindrique. Les musiciens jouent d’un côté avec un « gouss » (un bâton arqué à l’extrémité) et avec la main de l’autre.
17 Bastide, Roger, Le rêve, la transe et la folie, Paris. Ed, Flammarion, 1972, p. 16.
18 Ce nom est donné aussi à une catégorie de nomades connue pour leur couleur foncée de visage, constituant une tribu du Nefzawa méridionale, et caravaniers réputés. Voir, Louis, André, Nomades d’hier et d’aujourd’hui dans le sud tunisien, Aix en Provence, Ed. Edisud & Monde Méditerranéen, 1979, p. 16.
19 Se dit des affiliés à la confrérie de Sidi Bû’Ali, très nombreux en Tunisie et dans la partie qui s’étend de l’Est jusqu’au sud-est de l’Algérie.
20 Karamti, Yassine, La ville, les saints, et le Sultan : Etude sur le changement social dans la région de Nafta au XIX e et XXe siècles. Thèse de doct. EHESS, Paris, 1998.
21 A tel point que même le président Bourguiba faisait des visites fréquentes à cette zawiya mausolée. Son rapport au pouvoir central ainsi que les richesses croissantes des habous, constituaient des répondants aux besoins de rénovation de cette institution qui conserva un style architectural arabo-islamique comme témoin nostalgique et mémoire historique. Voir : Karamti, Yacine, Op- cit, p. 271.
22 Cette édifice ne bénéficie même pas d’une clôture qui protégerait la zawiya des formes de profanation : chiens, drogués, buveurs d’alcool …
23 Kerrou, Mohamed, L’autorité des saints : perspectives historiques et socio-anthropologiques en Méditerrannée occidentale, Paris, Ed. Recherches sur les Civilisations. IRMC, 1998.
24 Moussaoui, A., Op. cit, p. 123.
25 Voir notre article : « Attributs, histoire occulte et légende noire », in Journée d’étude de CNRPAH. Récits et histoire, Alger, Oct. 1997.
26 Lévi-Strauss, Claude, Le cru et le cuit, Paris, Ed. Plon, p. 114.
27 « Makhmour » ou « t’khamar ». Pl – « Makhmûrin –s » catégorie locale qui caractérise la transe dont les transformations se rapprochent de l’enivrement et de l’état d’ébriété. Il désigne cette faculté d’unification qu’enseigne la mystique dans la quête de la vérité.
28 Lahlou, Diouri-Abdelhaï, Nourriture sacrificielle des gnawa du Maroc,p. 12. Inédit.
29 Ricoeur, Paul, in L’imagination symbolique, Durand, Gilbert, Paris, Ed. P.U.F, 1964, p. 13.
30 Associer le métal au groupe de lignage est une pratique courante, et la poésie populaire peut en fournir des exemples comme celui que nous avons récolté, et dans lequel les oncles paternels sont comme de l’or, on les comparant aux oncles maternels qui sont comme de l’argent.
31 Au Fezzan, les noirs de Murzuk déclarent qu’ils ont les mêmes chants, et donc les mêmes génies ou bori mais que les « meilleurs chants » sont ceux de Benghazi (…) et ceux de Traghen ou de Sebha sont considérés comme « moins forts » que ceux de Murzuk. Voir : Pâques, Viviana, L’arbre cosmique dans la pensée populaire et dans la vie quotidienne du Nord–ouest africain, Paris, Ed. Institut d’ethnologie, 1964, p. 570.
32 Monfouga, Jacqueline-Nicolas, Ambivalence et culte de possession : contribution à l’étude du Bori haussa, préf, Bastide, Roger, Paris, Ed. Anthropos, 1972, pp.11-57.
33 Dakhlia, Jocelyne, Op-cit, p. 85.
34 La boullala est faite des nerfs de bœuf et avec le sexe du taureau noir. Voir : Pâques, Viviana, Idem, p. 595.