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REGARD SUR LES FONDS D'ARCHIVES. HISTOIRE DE L'ALGERIE CONTEMPORAINE

1) Le fonds des Sections administratives spécialisées ou S.A.S.

Le centre des archives d'Outre mer / C.A.O.M d'Aix en Provence a mis à la disposition des chercheurs, depuis 1994, UN REPERTOIRE NUMERIQUE, réalisé par L. ESCANDE et T. FAUGERAS, comprenant une importante documentation émanant des S.A.S. Celles-ci ont été mises en place, au fur et à mesure de l'évolution des opérations militaires menées par l'armée française, au cours de la Guerre de libération.

Elles devaient pallier à la sous-administration générale de l'Algérie, et des campagnes en particulier, constatée par J. SOUSTELLE, lors de sa tournée dans les Aurès (19 - 21 février 1955)

Est-il nécessaire de rappeler l'important déploiement de forces armées dans le massif des Aurès, au lendemain du 1er novembre 1954 ? l'arrivée de 25° Division avec les bérets bleus dirigés par le colonel DUCOURNAU ancien de l'Indochine? Et des premières opérations / ratissages telles que «Véronique», «Violette»... qui ne parviennent pas à ramener l'ordre...

C'est pourquoi les premières S.A.S. seront installées dans les Aurès-Nemenchas, placées sous le commandement unique du général PARLANGE, dès le mois de mai 1955, juste après le vote de la loi instaurant l'Etat d'urgence (3 avril 1955).

Elles seront l'exemple qui illustre le mieux le début de la politique appelée par euphémisme LA PACIFICATION.

Il s'agit alors de confier à des officiers spécialisés dans les Affaires Algériennes, la mission de collecte du renseignement, de tout renseignement indispensable pour mettre fin aux agissements des militants de l'ALN-FLN.

Parallèlement, les S.A.S devaient remplir la plupart des tâches assignées à l'administration civile (état civil, assistance médicale, alphabétisation), comme devait le préciser la directive du 4 octobre 1955.

Dans la pratique, les officiers S.A.S. vont «doubler» toutes les institutions administratives, allant des Préfets, sous-préfets, maires... constituant une hiérarchie de contrôle, par l'intermédiaire des ECHELONS DE LIAISON de département ou d'arrondissement.

Toute S.A.S dispose aussi de personnel administratif, de troupes de troupes de protection et de surveillance (le MAGHZEN composé DE MOGHZENIS RECRUTES SOUS CONTRAT.)

L'inventaire réalisé par le CAOM (288 pages) concerne, à l'exception de quelques lacunes, l'ensemble de la documentation produite, au cours de l'exercice des S.A.S et des Echelons de liaison, pour les départements d'Alger, Constantine, Tizi-Ouzou (lacunes).

Seul le département d'Oran comporte d'importants déficits...

- Il est important de signaler au lecteur que les archives réunies au niveau du SERVICE CENTRAL DU PERSONNEL DES AFFAIRES ALGERIENNES est conservé par le service historique de l'armée de terre (le SHAT, Château de Vincennes, Paris).

Mais de nombreux cartons sont soumis à la règle qui interdit leur consultation avant le délai de 60 ou 120 ans.

Il va sans dire qu'ils concernent pour l'essentiel les fichiers des Moghzenis algériens, au service des S.A.S.

Sont consultables les dossiers relatifs à l'action économique et sociale, les travaux d'équipement, l'action sanitaire, l'aide alimentaire et vestimentaire, le contrôle administratif, plus précisément les regroupements de population les questions de pacification et d'action psychologique...

Ils représentent un intérêt indispensable à la connaissance du rôle joué par les S.A.S auprès des populations tant rurales qu'urbaines.

Une bonne partie des dossiers couvrent les opérations militaires, les journaux de marche, les listes des soldats de l'A.L.N arrêtés ou tués.

Enfin, il importe de signaler que ce fonds a récupéré une partie des archives détenues jusqu'au début de l'année 1954, par les anciennes communes mixtes, introuvables autrement ; il reste à souhaiter que les chercheurs et historiens algériens s'intéressent attentive­ment à ce fond et se mettent à la tâche. Aucune étude sérieuse de cette période tragique de la guerre de libération nationale ne peut faire l'impasse sur ces archives des S.A.S., dont le dispositif n'est réduit qu'en 1961, avant d'être transformé, par décret du 17 février 1962, en CENTRES D'AIDE ADMINISTRATIVE.

Le 19 mai 1962, sur ordre du Haut Commissariat de la République, les S.A.S. cessent toute activité...

2) Le fond des archives du Ministère de la Défense/France

Inventaire de la sous série IH du service historique de l'armée de terre, fonds de la X° Région militaire, réalisé par J. NICOL, Ph. SCHILLINGER et C. OBERT. Château de Vincennes. 1994.

En 1994, le Service historique des armées de terre ouvre ses archives concernant l'Algérie et couvrant la période allant de 1945 à 1967. C'est dire toute l'intérêt que revêt ce fond répertorié à travers 2 tomes et 629 pages.

Un 3° tome est en cours de préparation pour les Divisions et Commandements inter armées au Sahara, ainsi que le Service des Affaires sahariennes.

Les archives sont ouvertes à la consultation du public depuis juillet 1962, c'est à dire 30 ans après l'indépendance.

Ce sont en tout 3791 cartons classés et qui proviennent des divers cabinets de la Délégation Générale du Gouvernement Général. - du Commandement en chef des Forces armées en Algérie. - de l'Etat Major interarmées, corps d'armée, des divisions et secteurs.

La communication se fait par dossier et non carton, rendant par la même possible la consultation des documents autorisés et cependant classés dans un carton unique.

Caroline OBERT, l'un des auteurs de cet inventaire estime à 30% la proportion des dossiers soumis à une dérogation. (1).

Ces archives touchent à des domaines des plus variés, allant des écoutes de radio (ex de la voix des Arabes...) aux coupures de presse (ex celles des arrestations de Djamila BOUHIRED, Maurice AUDIN, Henri ALLEG, Yacef SAADI...).

De nombreux dossiers retracent l'activité des tribunaux relevant de la Justice Militaire (condamnations, exécutions, centres de détention...).

- Les analyses de situation, l'action psychologique et la Pacification occupent une bonne place au sein de ce fond (ex: le dossier 1h 1119. 1957-1959 porte comme indication : le cas de l'Aurès / Général PARLANGE, et cas du Dahra).

Cette partie du fonds recoupe avantageusement celui des S.A.S. signalé ci-dessus.

Elle renferme aussi des dossiers particulièrement intéressants tels que l'Affaire BELLOUNIS, celle qui se rattache au nom de Si Salah (colonel de la Wilaya 4).

- Les opérations militaires ont fait l'objet de comptes rendus, avec chiffres à l'appui pour les pertes humaines enregistrées, les listes de prisonniers, les documents récupérés (ex d'opérations telles que Pierres Précieuses, Turquoise, Emeraude, Jumelles...).

- Les dossiers des désertions des soldats français de souche / F.S.E, les Harkis, les Légionnaires sont tout aussi nombreux.

- Puis viennent deux séries de documents géographiques : une carte des mines posées tout le long du Barrage de l'Est, une riche collection de photographies aériennes des principales régions de l'Algérie.

- Une liste des journalistes accrédités alors en Algérie.

- Bien sûr les nombreuses visites de De GAULLE en Algérie ont fait l'objet de plusieurs rapports.

- La création de L'OAS en 1961 est suivie et analysée attentivement à travers divers rapports, de même que son évolution.

Voici, très brièvement exposés quelques points de repère sur cet important fonds d'archives de l'histoire contemporaine de l'Algérie, dont l'exploitation systématique ne manquera pas d'ouvrir des perspectives neuves et fécondes.

3) Le fonds «gouvernement général» : archives des cabinets des gouverneurs généraux. CAOM. réf. 1. cab à 18 cab. Inventaire réalisé par I. DION et D. DICK. 1994.

Ce fonds, comme son nom l'indique renferme les archives conservées par les divers cabinet des gouverneurs généraux et délégués généraux (à partir de 1958) qui se sont succédés en Algérie, depuis 1930.

Les chercheurs disposent par conséquent des précieux papiers de la haute administration qui dirigeait l'Algérie, tous communicables, à l'exception de quelques documents.

Il n'est donc plus permis d'ignorer la liste complète et l'ordre de succession des gouverneurs et délégués en Algérie.

Nous la reproduisons à toute fin utile.

-GOUVERNEURS GENERAUX EN ALGERIE 1930-1956

- Jules CARDE 1930-1935.

- Georges LEBEAU 1935-1940.

- Amiral JEAN ABRIEL 1940-1941.

- Général MAXIME WEYGAND 1941.

- Yves CHATEL 1941-1943.

- Marcel PEYROUTON 1943.

- Général GEORGES CATROUX 1943-1944.

- Yves CHATAIGNEAU 1944-1948.

- Marcel EDMOND NAEGELEN 1948-1951.

- Roger LÉONARD 1951-1955.

- Jacques SOUSTELLE 1955-1956.

- MINISTRE RESIDENT

- Robert LACOSTE 1956-1957.

- DELEGUES GENERAUX

- Raoul SALAN 1958.

- Paul DELOUVRIER 1958-1960.

- Jean MORIN 1960-1962.

- HAUT COMMISAIRE.

- Christian FOUCHET 1962.

Signalons par ailleurs, que des dossiers sur les NOTABILITES MUSULAMNES DU DEPAR­TEMENT DE CONSTANTINE, figurent dans ce fonds également.

Ounassa TENGOUR

PROST, Antoine.- Douze leçons sur l'histoire. –

Paris, Seuil, 1996.- Coll. Points

Douze leçons, certaines classiques mais non moins novatrices et incontournables sur la profession, les faits, la critique, les questions et les concepts, d'autres qui renouvellent la pratique historienne et im­posent de nouvelles exigences dans le traitement même de ces questions en introduisant des réflexions sur le temps, la compréhension, l'imagination, les rapports avec la sociologie, le statut de l'histoire sociale. Mais l'histoire c'est également une mise en intrigue, un récit. L'histoire s'écrit.

Chacune de ces douze leçons est illustrée de textes d'historiens, de sociologues, d'anthropologues d'hier et d'aujourd'hui, Allemands, Américains, Anglais et bien sûr Français.

La réflexion, en France, sur l'histoire a ceci de particulier que régulièrement un ouvrage, et un bon, est publié par un historien, qui fait le point à la fois sur sa propre pratique de l'histoire et sur le mouvement d'ensemble qui agite la communauté historienne en France. Elle a ceci d'important que chaque essai fait tout à la fois le bilan critique des expériences précédentes et propose de nouvelles voies de recherches et de nouvelles méthodes d'approche.

C'est dire la richesse de ces "douze leçons sur L'histoire" à la lecture desquelles nous invite Antoine PROST. L'auteur est connu pour sa monumentale thèse sur "les Anciens Combattants français" (1977) mais aussi et entre autres sur l'histoire de l'éducation et de l'enseignement (1982 et 1992).

A. P. montre la position privilégiée de l'histoire en France comme l'illustre le succès des revues spécialisées (600 000) exemplaires contre (30 000) au Royaume Uni. «Et quand le président MITTERRAND déclare qu'un peuple qui n'enseigne pas son histoire est un peuple qui perd son identité", A. P. explique que l'important n'est pas que cette affirmation est fausse, mais que c'est un point de vue couramment admis. Il est un consensus autour de la fonction identitaire de l'histoire. Or, nous dit A. P. "Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne, affirment un très vigoureux sentiment d'identité nationale alors que l'enseignement de l'histoire y tient une place marginale, voire inexistante". L'enseignement de l'histoire est "un enjeu politique majeur" et le rapprochement avec notre situation est inévitable.

L'histoire et son enseignement ainsi positionnés, A. P. nous présente les historiens et les pôles de production des travaux historiques en France, les frontières entre ces trois institutions (Université, E.H.E.S.S. et Fondation nationale de Sciences Politiques) si elles sont bien réelles, elles ne sont pas hermétiques. Pour notre auteur, «l'histoire est une pratique sociale tout autant que scientifique et que l'histoire que font les historiens, comme leur théorie de l'histoire, dépendent de la place qu'ils occupent dans ce double ensemble, social et professionnel

Face à l'enracinement personnel, face aux poids des engagements et de la personnalité de l'historien, A. P. estime que "plutôt que d'objectivité, mieux vaudrait parler d'impartialité et de vérité. Or elles ne peuvent qu'être laborieusement conquises par la démarche de l'historien. Elles sont au terme de son travail, pas à son commencement. Ce qui renforce l'importance des règles de la méthode".

Si les règles de la méthode renvoient aux historiens positivistes l'esprit critique des sources, le rapport particulier au document, s'imposent à tous et tout est dans le questionnement.

L'esprit critique d'un historien, ses fondements et ses limites, s'exercent pour A. P. par et dans les questions : pas de faits sans questions et apparaissent alors les limites de l'histoire méthodique (appelée aussi positiviste).

Mais alors qu'est-ce qu'une question historique ? Une question historique doit être pertinente et légitime et s'il ne peut y avoir de question sans document, il n'y a pas davantage de documents sans question. De plus, toute question est posée de quelque part et chaque époque a ainsi imposé ses points de vue à l'écriture de l'histoire.

Le temps de l'histoire nous interpelle un peu plus. Il est nous dit A. P. «la substance même de l'histoire» et le premier travail de l'historien est la chronologie quand le second est la périodisation. Cette leçon mériterait un traitement particulier par les questions essentielles qu'elle soulève en liaison avec notre propre histoire. Notre société fonctionne sur la base de deux calendriers, le calendrier hégirien pour les affaires religieuses et institutionnelles (la date officielle des lois est celle du calendrier hégirien), et le calendrier grégorien pour la vie quotidienne. La question se pose de savoir quand le calendrier grégorien a commencé à gérer notre temps.

La question de la périodisation n'est pas encore tranchée. Depuis toujours les historiens, chez nous, se sont insurgés contre cette cou­pure ternaire du temps historique (Antiquité, Moyen-Age et temps modernes) : le Moyen-âge étant considéré comme un âge d'or et non de ténèbres.

A. P. va plus loin. Ce qui l'intéresse, c'est de montrer la pluralité des temps. Le travail sur le temps «n'est pas seulement une mise en ordre, ni une structuration en périodes. C'est aussi une hiérarchisation des phénomènes en fonction du rythme auquel ils changent

Si le temps est le principal acteur de l'histoire, les concepts, par leur polysémie et leur plasticité, peuvent conduire à l'anachronisme, hantise et risque majeur pour l'historien. Or la question de l'utilisation de concepts empruntés aux sciences sociales pose au moins celle du rapport que l'histoire entretient avec celles-ci. Ce débat, quand il existe chez nous, est et reste très marginal par rapports aux grandes questions qui agitent le monde des historiens ; ce qui rend la lecture de ces «douze leçons» encore plus nécessaire. L'absence d'un véritable débat sur les concepts que l'histoire emprunte aux autres sciences sociales, explique et renforce le splendide isolement académique des travaux de nos historiens. Ces travaux sont perçus comme une pratique empirique où le «raisonnement naturel» domine. Pourtant, on peut constater que de plus en plus nos historiens s'appuient sur la typologie et la quantification avec plus ou moins de conviction et de bonheur (N. Saîdouni, M. Kaddache,H. Remaoun, M. Ghalem, O. Tengour, A Hellal, M. El Korso, pour ne citer que les plus connus).

Mais dans ses rapports avec les autres sciences sociales, «l'histoire importe mais n'exporte pas», «l'échange de concept est à sens unique, elle «reprend à son compte toutes les questions des autres disciplines» et finit parfois par jouer, en France en particulier, «le rôle de carrefour des sciences sociales». Alors, historiciser les concepts, c'est montrer l'écart entre la réalité et la chose dite, le concept n'en étant que la représentation ; c'est également montrer leur épaisseur sociale et les changements qu'ils subissent à travers le temps, «l'historisation des concepts permet enfin à l'historien de saisir la valeur polémique de certains d'entre eux». A. P. donne l'exemple du terme «cadre», on pourrait donner celui de «travailleur» longtemps usité chez nous.

L'histoire est un métier qui peut être pratiqué comme une aventure personnelle «tous les efforts de l'historien pour se mettre par la pensée à la place d'autres n'empêchent pas, en effet, qu'il reste lui-même... il repense, il reconstitue dans son esprit l'expérience humaine collective dont il fait l'histoire... Quoi qu'il fasse, l'historien ne sort pas de lui-même»

L'histoire c'est aussi une mise en intrigue et une narration, un récit et un discours. L'histoire s'écrit. L'auteur en démonte les mécanismes en nous mettant en garde : «l'histoire ne cesse de jouer sur la continuité des sens des mots.» On peut dire juste avec des mots faux : en utilisant des mots d'aujourd'hui l'historien certes se fait comprendre mais le danger de l'anachronisme le guette d'où le nécessaire commentaire. Le pire exemple chez nous, est le pseudo-débat qui secoue de temps à autres nos historiens sur la présence ottomane : colonisation ou pas.

La fonction sociale de l'histoire reste ambiguë, ses rapports à l'identité et à la mémoire se posent mutadis mutandis de la même manière dans beaucoup de pays de civilisation et de culture différente. La question de l'extériorité de l'historien reste entière et A. P. est convaincu que «toutes les méthodes ne se valent pas... Sinon l'historien est condamné à produire un texte littéraire.» L'essentiel est dans la méthode d'administration de la preuve, l'histoire exige des raisons et des preuves. C'est aussi ce qui fait que l'histoire n'est pas et ne peut être réduite, ni se mettre au service de la mémoire. Et c'est bien la douzième leçon : «elle doit
certes accepter la demande de mémoire mais pour la transformer en his­toire. Si nous voulons être les acteurs responsables de notre propre avenir nous avons d'abord un devoir d'histoire.
»

auteur

Fouad Soufi

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