Insaniyat N° 75-76 | 2017| Sur les réformes en Algérie| p. 67-89 | Texte intégral
Educational reforms in Algeria did they contribute to the formation of human capital? In an attempt to explain the formation of "human capital", the aim of this article is to identify educational reforms in Algeria and evaluate their impact on the formation of human capital. Various researches on the subject led us to determine the educational indicators that can generate human capital. For this, we are interested in the formation of general human capital because it is considered as source of specific capital at the level of the company but also as generator of economic growth. We believe, at the present time, that the education system in Algeria has enabled the formation of human capital but of which "all qualifications, experiences accumulated by an individual and which determine, in part, his ability to work or produce for himself or for others", seem insufficient in the professional environment of the employed. Keywords: Educational reforms - education indicators - educational effectiveness - human capital - education system - Algeria. |
Fatima NEKKAL, Université Oran2, faculté des sciences économiques, sciences commerciales et sciences de gestion, 31 000, Oran, Algérie.
Introduction
Pour répondre à notre problématique, nous allons nous intéresser, en premier lieu, aux réformes éducatives concernant l’enseignement primaire, moyen et secondaire, pierre angulaire de notre système éducatif car c’est à ce niveau que l’individu acquiert en tout premier lieu une formation initiale qui peut contribuer à la formation du capital humain. (Djistera Andrianasy, 2007), constate que, pour les pays émergents, la qualification de la main d’œuvre s’est améliorée grâce à l’enseignement primaire et secondaire.
Notre choix pour ce degré d’enseignement est motivé par le fait que l’Algérie soit encore trop loin des frontières technologiques et, qu’à ce stade, le plus important à faire à l’heure actuelle, est de se préoccuper de l’éducation nationale.
Les reformes éducatives engagées en Algérie
Djebbar Ahmed (2007) constate qu’une réforme apparaît impulsée par un pouvoir contrôlant un nombre important d'établissements et d'enseignants, que ce soit par des voies hiérarchiques, par un cadrage législatif, par des procédures d'homologation ou encore par des mesures d'incitation assorties de moyens financiers. Le porteur d'une réforme est donc, soit un ministère de l'éducation, soit, à la rigueur, une puissante commission scolaire, comme celle instaurée par le président de la république en 2000.
La 1ère réforme concernant l’enseignement supérieur en 1971
L'université algérienne a traversé un long parcours depuis sa création au lendemain de l'indépendance nationale. Son adaptation aux besoins de la société algérienne a été marquée par différentes réformes dont celle de 1971.
À la fin des années soixante, l'université algérienne, encore fragile, a connu une importante dynamique de croissance des effectifs d'étudiants. Leur nombre est passé de dix mille à vingt mille entre 1968 et 1970. Cet emballement des effectifs estudiantins a généré des contraintes multiples, tant sur le plan structurel que sur celui de l'assurance d'une qualité de formation et de son adaptation aux mutations du monde du travail.
À partir des années 1971/1972, l’algérianisation s'est généralisée à tous les programmes de sciences sociales, à fort contenu idéologique. Cette finalité s'est développée graduellement à toutes les autres sciences toutes disciplines confondues.
Les objectifs assignés à cette réforme étaient :
- * la formation de cadres immédiatement opérationnels ;
- * la diversification de profils de formation pour satisfaire l’ensemble des secteurs ;
- * la formation d’un plus grand nombre de cadre au moindre coût possible;
- * la formation de cadres responsables et engagés auprès de leur peuple et de la patrie.
Pour atteindre ces objectifs, plusieurs mesures ont été adoptées. Celles-ci ont touché essentiellement les programmes, les diplômes, les cursus, l’organisation générale des enseignements et de la pédagogie.
C’est ainsi que pour le seul mois d’août 1971, 22 décrets et 37 arrêtés ont été publiés, touchant l’organisation des diplômes, des options, des programmes, des horaires et enfin des modules (MERS, 1971). L’objectif attendu par cette refonte était la formation des cadres quantitativement et qualitativement liée à l’édification du slogan, idée précise qui voulait rassemblait le peuple autour du « socialisme ».
La seconde réforme a vu le jour lors du plan quadriennal 1974/1977, elle concernera l’éducation nationale.
La 2ème réforme concernant l’instauration de l’école fondamentale applicable en 1980
Elle reposait essentiellement sur le passage de l’école classique à l’école fondamentale polytechnique. L’intention de cette réforme est d’intégrer les deux cycles primaire et moyen dans un seul cycle dénommé l’enseignement fondamental composé de trois paliers, trois ans pour chacun, d’une durée totale de neuf ans. Par ces réformes, dans les années soixante-dix, deux dimensions sont attendues.
La première dimension concernait la dynamique sociale, économique et politique conçue à cette époque. La priorité, était de concevoir un type d’enseignement visant « l’édification du socialisme ». Benarab Abdelkrim (1997) considérait que le système éducatif est intégré dans une approche d’ensemble de la stratégie de développement en Algérie qui a commencé en 1967, avec une succession de décisions telles que la charte de révolution agraire, la charte de la gestion socialiste des entreprises et la refonte de l’enseignement supérieur.
La deuxième dimension concernait une volonté de passage d’un système « colonisateur » à un système arabo-musulman. L’article 2 de l’ordonnance déjà citée, l’affirmait : « Le système éducatif a pour mission de s’inscrire dans le cadre des valeurs arabo-islamiques et de la conscience socialiste ».
La 3ème réforme concernant une refonte totale et complète de l’organisation scolaire et universitaire
À partir des années 2000, une nouvelle réforme devenait visible et impérative pour consacrer une certaine libéralisation économique s’appuyant sur une économie sociale de marché. Le Conseil National Économique et Social (CNES, 2000) en Algérie note qu’il résulte de cette situation :
- * une baisse des taux d’encadrement ;
- * un déficit en enseignants qualifiés ;
- * des programmes et des méthodes d’enseignement inappropriés, parfois désuets et ne répondant pas aux nouvelles réalités.
Cette nouvelle réforme a été entreprise le 13 mai 2000, après l’instauration d’une commission nationale de réforme du système éducatif. Cette dernière était chargée de procéder à une évaluation du système éducatif en vue d’en établir un diagnostic et de faire, en fonction des résultats, une refonte totale et complète de l’organisation scolaire et universitaire.
Le projet définit la vision de la nouvelle politique éducative, concernant d’une part les principes généraux, les objectifs, les stratégies et les échéanciers et d’autre part l’organisation et l’articulation des sous-systèmes, l’évaluation des moyens humains et, financiers et matériels à mettre en place.
Cette réforme a concerné, en premier lieu, les programmes scolaires, la durée de la scolarité de certains paliers, mais surtout, l’obligation de l’enseignement préscolaire à partir de 2008/2009.
Elle s’articulait autour de trois points importants :
- * la refonte de la pédagogie et des champs disciplinaires ;
- * la réorganisation générale du système de l’éducation nationale ;
- * la mise en place d’un nouveau système de formation et d’évaluation de l’encadrement.
La refonte de la pédagogie et des champs disciplinaires
À ce niveau, c’est surtout la méthode d’enseignement qui a changé, désormais, l’approche par objectifs fut abandonnée au profit de l’approche par compétence.
L’apprenant, par cette nouvelle méthode, pouvait accéder au savoir, savoir-faire, savoir-être pour mener à bien sa vie de tous les jours. De plus, des programmes de formation des enseignants étaient prévus pour la maîtrise de l’outil informatique et des nouvelles technologies de communication.
La réorganisation générale du système de l’éducation nationale
Avant cette réforme, le système était structuré en deux niveaux, le premier appelé l’école fondamentale (école primaire de 6ans plus cycle moyen de 3 ans) comprenait 9 ans d’études obligatoires ; le second niveau, le cycle secondaire comprenait, quant à lui, 3 ans.
Après l’adoption de la nouvelle refonte (2000), il a été décidé de distinguer l’enseignement de base obligatoire en deux phases distinctes : l’école primaire et l’enseignement moyen dont le cursus était de 9 ans de scolarité obligatoire. Dans un souci d’alléger les programmes, il a été fixé d’ajouter une année à l’enseignement moyen, alors qu’à l’inverse, pour l’école primaire, il a été procédé à une réduction d’une année en parallèle avec une généralisation progressive de l’enseignement préscolaire.
L’enseignement secondaire, pour sa part, restait inchangé du point de vue de structure, mais une réduction des filières fut observée. Le processus de mise en place de cette réforme s’est achevé en 2007/2008 avec la sortie de la promotion des bacheliers issus du nouveau système. Les résultats de cette réforme apparaissaient favorables sans pour autant susciter un grand emballement surtout dans le domaine de l’élévation du niveau scolaire et l’amélioration des capacités d’assimilation des élèves.
La mise en place d’un nouveau système de formation et d’évaluation de l’encadrement
La question des méthodes de formation et d’évaluation a suscité moult débats au sein du monde scolaire, élèves, familles, pouvoirs publics et corps enseignant. Des mesures ont été proposées et appliquées concernant la formation des enseignants tous cycles confondus. Plusieurs possibilités ont été proposées, à savoir la poursuite des études à l’université, la formation à distance ou alternée par le biais de nouvelles technologies et des stages bloqués.
Cette nouvelle réforme va toucher également l’enseignement supérieur à partir de 2003 appliquée en 2004. Elle a été traduite principalement par l’application progressive du LMD.
En outre, nous remarquons que la réforme éducative en Algérie se base essentiellement sur des principes définis par la constitution algérienne comme suit :
- * la garantie du droit à l’enseignement ;
- * la gratuité de l’enseignement « l’enseignement est dispensé gratuitement dans tous les établissements d’éducation et de formation et les frais d’entretien et de fonctionnement de ces établissements sont à la charge de l’état et des collectivités locales »[1];
- l’obligation de l’enseignement pour une période de 9 ans ; « Tout Algérien a droit à l’éducation et à la formation. Ce droit est assuré par la généralisation de l’enseignement obligatoire d’une durée de neuf ans pour tous les enfants âgés de six à neuf ans révolus. »[2];
- * l’égalité des conditions d’accès à l’enseignement fondamental et post fondamental est garanti et gratuit à tous les niveaux quel que soit l’établissement public fréquenté ;
- * l’enseignement est assuré en langue nationale « arabe » à tous les niveaux ;
- * l’enseignement d’une ou de plusieurs langues étrangères est organisé à partir du primaire selon des décrets ministériels.
Ces trois derniers éléments constituaient également le socle de l'École fondamentale en 1980.
Ces réformes ont-elles contribué à la formation du capital humain en Algérie ?
La formation du capital humain au niveau de l’éducation nationale est un des objectifs à réaliser par la communauté d’éducation et d’enseignement. Une nécessitépour acquérir un capital humain « minimal » selon le choix délibéré ou imposé à la personne afin d’accéder à une formation professionnelle ou à un enseignement supérieur ou même à un poste de travail.
Mais avant tout, comment peut-on définir le capital humain ?
Becker Gary (1964) distingue deux sortes de capital humain. Le premier concerne la formation générale (general human capital) « acquise dans le système éducatif fournie par l’état, elle permet au travailleur d’acquérir les connaissances et compétences restées attachées à lui, et qui seront mises en valeur dans sa formation professionnelle et au niveau de son travail».
Le second, par contre, est lié à la formation spécifique (firm-specific capital) « du travailleur faite au niveau de l’entreprise et qui a pour objet d’augmenter sa productivité dans l'entreprise qui l'a formé ».
Lucas Robert (1988) quant à lui, s’intéresse à l’origine du capital humain et ses externalités. Pour lui, son origine réside dans le temps de formation nécessaire à l’acquisition de ce capital humain, et sa conséquence sur la productivité du travail. Il démontre qu'il existe deux sources d'accumulation du capital humain : l'éducation et l'apprentissage par la pratique. Son analyse rejoint ainsi celles de Mankiw, Romer et Weil (1992) et de Barro (1991).
Dans une même perspective, Pierre-Yves Hénin et Pierre Ralle (1994) soutiennent que le capital humain engendre de fortes externalités positives lorsqu'il est possible de communiquer et d'interagir avec d'autres personnes présentant le même niveau de connaissance, appelé « des externalités de réseau ».
Spence Michael (1973) juge que les études ne sont pas un investissement pour augmenter le capital humain mais un simple moyen de sélection « des travailleurs les plus productifs et non d’augmenter leurs productivités ».
En définitive, dans un contexte d'accentuation de la poursuite des études, il déclare que « la théorie du capital humain reste pertinente pour analyser la demande d'éducation et justifier une relation positive entre l'éducation et les salaires, entre éducation et emploi, entre éducation et formation professionnelle et éduction et croissance économique ».
Toutes choses égales par ailleurs, tous les pays de l'OCDE cherchent à faire en sorte que tous les jeunes entrent dans la vie active avec un capital humain minimal acquis pendant les années de scolarité obligatoire.
Les théories de croissance endogène mesurent l’éducation en termes de flux de capital humain pouvant générer des externalités positives dans la sphère éducative et productive. Ils estiment certains indicateurs que nous citons comme suit :
- * les taux bruts de scolarisation ;
- * le temps de formation nécessaire à l’acquisition du capital humain ;
- * les taux d’inscription de l’enseignement supérieur ;
- * les dépenses consenties en matière d’éducation ;
- * les infrastructures publiques établies par l’état.
Comment ont évolué les principaux indicateurs de formation du capital humain initial [3]en Algérie ?
Évolution des Taux bruts de scolarisation
L’UNESCO (2009) appréhende « le TBS comme le total des inscriptions dans un niveau spécifique d’éducation, sans distinction d’âge, exprimé en pourcentage de la population officiellement scolarisable au même niveau pour une année scolaire donnée ».
« L’objet recherché par son calcul est de montrer le niveau général de participation à un niveau donné d’éducation. Il indique la capacité du système éducatif à inscrire les étudiants d’un groupe d’âge particulier. Il peut être aussi utilisé conjointement avec le taux net de scolarisation pour mesurer l’importance de la scolarisation des enfants ayant dépassé ou n’ayant pas encore atteint l’âge officiel d’entrée à l’école ».
L’UNESCO (rapport 2010 sur l’éducation pour tous) indique qu’au niveau mondial, « les taux de scolarisation dans le primaire passent de 82% en 1999 à 87% en 2007, ceux des pays développés de 80% à 86% ».
En Algérie, après la dernière réforme, des taux de scolarisation à l’école primaire, entre 2007 et 2009, sont de 95% et entre 2007-2010, à plus de 100% (tableau 1). Cela implique que dans une même classe, il puisse exister une catégorie d’enfants plus jeunes grâce à une dérogation d’âge.
Aussi, le TBS pour le préscolaire en Algérie passe de 4% en 2003 à 84% en 2010. L’afflux des parents pour cette éducation à leurs enfants peut être encouragé par les effets positifs sur un plan de préparation à l’école primaire. Les données de la banque mondiale enregistrent un taux brut de scolarisation au primaire égal à 118.74% et au secondaire égal à 99.86% en 2015.
Au niveau national, l’élévation du taux de scolarisation peut s’expliquer par l’application des politiques éducatives adoptées par l’Algérie se basant sur la démocratisation de l’éducation, après l’indépendance. Le slogan « l’école pour tous » était généralisé partout dans le pays, sans distinction de statut social (graphique 1).
Graphique 1 : Les taux bruts de scolarisation
Source : Statistiques du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique 2014.
La comparaison des taux de scolarisation entre plusieurs pays nous fait constater que l’Algérie est au-dessus de la moyenne des pays africains d’une part, et d’autre part, le taux net de scolarisation dans le secondaire est presque dans la même ligne continue que celui du primaire, ce qui n’est pas le cas ni pour le Maroc ni pour l’Afrique en général (tableau 1).
Ainsi, nous notons que les taux nets de scolarisation entre le primaire et le secondaire se sont maintenus autour de 95%, de même pour la Corée du sud ; par contre pour la France et la Finlande, ils ont diminué de 4% chacun. Pour le Maroc et l’Afrique du Sud, ils ont baissé de 40% chacun. Cependant, le TBS de l’enseignement supérieur en Chine, pays émergent, ne dépasse pas les 17% pour une période de dix ans, entre 2000 et 2011. Sa politique de démocratisation de l’éducation concerne en priorité le primaire.
Tableau 1: Moyenne des taux de scolarisation entre 2000-2011 en Algérie en comparaison avec d’autres pays
Sources : Calculs faits par l’auteur à partir des statistiques nationales et base de données de l'Institut des statistiques de l'UNESCO, mars 2012, la revue Perspectives économiques en Afrique, Données de la banque mondiale 2012.
L’Algérie a réussi en un temps limité à généraliser l’accès à l’éducation. La Banque mondiale annonce des taux bruts de scolarisation au primaire qui passent de 94% à la fin des années 1980 à plus de 113% en 2010. Ceux de l’enseignement secondaire brut passent de 30% à 95% pour les mêmes années.
Ces taux de scolarisation se sont beaucoup améliorés et avoisinent ceux des pays développés. Cela peut s’expliquer par la pertinence des politiques éducatives adoptées par l’Algérie, après l’indépendance.
À un niveau transitoire entre l’enseignement secondaire et l’enseignement supérieur, il est impératif, pour les jeunes étudiants d’aujourd’hui, d’acquérir les compétences et les qualifications demandées au niveau du marché du travail. Les possibilités de formation dans différentes disciplines de l’enseignement supérieur leur permettent d’en obtenir.
En Algérie, les effectifs inscrits sont passés de 820.079 étudiants en 2001 et à 1250000 en 2012. La hausse des effectifs scolarisés est due, d’une part, à l’accroissement d’une population jeune et, d’autre part, à une amélioration significative des taux bruts de scolarisation. La croissance des effectifs est d’autant plus significative que l’on se déplace vers le sommet de la pyramide du système éducatif (graphique 2).
En effet, les établissements d’enseignement supérieur ont réussi, dans un contexte parfois difficile, à satisfaire les besoins de l’économie nationale en cadres, à construire un corps d’enseignants universitaires national suite à la réforme de 1971. Depuis lors, l’université a connu des réformes « mineures » concernant, soit l’organisation pédagogique pour faire face aux flux de plus en plus importants de nouveaux bacheliers, soit les contenus des cursus universitaires pour se conformer au niveau des connaissances dans les domaines de la science et de la technologie. Les effectifs ont alors augmenté considérablement et d’une manière constante sauf durant la période 1992-1995 qui correspond à un moment où l’Algérie s’est trouvée dans une situation financière très délicate.
«Cette progression a été accompagnée par le développement d’un vaste réseau universitaire composé de 60 établissements d’enseignement supérieur dont 27 universités implantées dans 41 wilayas en 2001 » (Zinedine ; Berkane,2007). L’enseignement supérieur en Algérie est fortement subventionné, 98% des dépenses proviennent du budget de l’État afin d’assurer l’égalité d’accès à tous les universitaires. Le baccalauréat donne automatiquement le droit à une place à l’université avec tous les avantages qui en découlent.
Graphique 2 : Taux brut de scolarisation de l’enseignement supérieur
Source : Banque mondiale et du MESRS, 2012.
Le taux d’inscription dans l’enseignement supérieur n’a pas cessé d’augmenter depuis dix ans, passant de 16,03% en 2001 à 30,76% en 2010. En moyenne, sur la période 2008-2010, il s’élève à 30,8% et à 34.59% en 2014.
« Il est supérieur à ceux des pays du benchmark ayant un PIB par tête inférieur à celui de l’Algérie (Vietnam, Indonésie, Maroc), similaire à celui de l’Égypte, mais inférieur à la Tunisie (34%). La moyenne des pays du benchmark ayant un PIB entre 10000 $ et 20000 $ est de 54% », selon le rapport présenté par NABNI en 2013, (Tableau1).
Évolution du temps de formation nécessaire à l’acquisition du capital humain
Il est mesuré par le nombre d’année de scolarisation qu’un élève a pu passer durant sa scolarisation. Ce niveau d'éducation peut être, soit assimilé au niveau de troisième année secondaire « terminal » dont l’objectif est de préparer l'élève à entrer directement dans la vie active ou de le préparer à l'enseignement post-secondaire.
Par hypothèse de travail, nous avons pris le nombre d’élèves qui ont eu leur baccalauréat ou brevets d’enseignement moyen (tableau 2). Cela implique que tous les élèves ayant réussi au baccalauréat (BAC), sont considérés comme des élèves ayant achevé l’enseignement secondaire et ceux qui ont eu leur brevet d’enseignement moyen (BEM) ont achevé l’enseignement moyen.
Cela justifie le nombre d’années passées dans l’enseignement moyen ou secondaire et supérieur. La durée est entre 11 ans et 13 ans d’années d’études pour les bacheliers et entre 8ans et 10 ans pour les élèves ayant réussi au brevet d’enseignement moyen. La durée de scolarité peut changer car elle est conséquente à la réforme éducative de chaque période d’enseignement. Nous relevons que 43% d’élèves scolarisés ont passé au moins entre 12 ans à 13 ans d’années d’études et 46.50% entre 8 ans et 10 ans, à condition qu’ils n’aient jamais doublé durant leur cursus scolaire, (Tableau 2)
Tableau 2 : les taux de réussite au Brevet d’enseignement moyen et au Baccalauréat
Source : Statistiques du ministère de l’éducation nationale et du ministère de l’enseignement supérieur, 2014.
Évolution des dépenses consenties en matière d’éducation
Gary Becker considère que les dépenses de formation aident à constituer un capital humain au même titre que les dépenses d’investissements des entreprises qui conduisent à la création de capital physique. En Algérie, les dépenses publiques d’éducation sont assurées pour une grande part par l’État et, dans une moindre mesure, par les collectivités locales.
En effet, et à l’exception des dépenses liées au gardiennage et à l’entretien des écoles primaires assurées par les communes, l’État prend en charge la quasi-totalité des dépenses du personnel pédagogique, administratif, technique et de service des trois niveaux d’enseignement. La totalité des dépenses d’équipement et des dépenses à caractère social (interventions publiques) sont à la charge de l’État, de même que les dépenses de fonctionnement des établissements d’enseignement moyen et d’enseignement secondaire général et technique.
Les communes financent la totalité des dépenses relatives au fonctionnement des écoles primaires (maintenance, eau, gaz, électricité, téléphone, fournitures de bureau et pédagogiques, produits d’entretien,...). Les wilayas prennent en charge les grosses réparations des établissements d’enseignement moyen et d’enseignement secondaire général et technique. (MEN, 2014). Pour faire aboutir les projets visant à améliorer l’enseignement, l’État algérien a consacré des budgets très importants au secteur de l’éducation nationale.
Le taux du budget de l’État réservé à ce secteur est passé de 11,1 % en 1963 à 17,5 % en 2011 dont 80% des dépenses sont consacrés à la couverture des salaires des fonctionnaires du secteur selon les statistiques du ministère de l’éducation nationale. Ainsi, les dépenses consacrées à l’éducation nationale entre 2000 et 2010, passant à 154758160 de dinars à 437566167 milliers de dinars, ont augmenté d’environ 34 % entre les deux dates, (Graphique 3).
Graphique 3 : Évolution du budget du fonctionnement
et d’équipement de l’éducation nationale
(en milliers de DA)
Source : des statistiques du ministère de l’éducation nationale (2012) et de la banque mondiale (2014).
Ces tendances se reflètent aussi bien dans les dépenses de fonctionnement que dans les dépenses d’équipement qui ont augmenté de 80% en termes réels. La hausse des dépenses de fonctionnement s’explique par l’augmentation des salaires du recrutement de nouveaux enseignants plus qualifiés au primaire et au premier cycle du secondaire, justifiant d’un Bac + 4 au lieu d’un Bac + 2.
Aussi, la répartition des dépenses est restée pratiquement la même, les quatre cinquièmes étant consacrés au budget de fonctionnement, (Graphique 2).
Dans l’ensemble, la priorité accordée à l’éducation nationale dans le cadre du budget national n’a pas changé. Cependant, la part du budget de fonctionnement de l’éducation nationale qui représentait environ 18% en 1980 a évolué à 23,50% en 2007 puis seulement à 13,76% en 2010 du total des dépenses de fonctionnement de l’état. Par contre, celle du budget d’équipement, est passée de 1% en 1980 à 4,41% en 2010 (graphiques 4 et 5).
Exprimées en proportion du PIB hors hydrocarbures, les dépenses publiques d’éducation ont représenté une proportion approximativement constatée de l’ordre de 10%. La répartition des dépenses a basculé en faveur de l’équipement, plus du quart du budget de l’éducation lui étant consacré en 2006, contre plus du cinquième en 2000.
Graphique 4 : part du budget de fonctionnement Graphique 5: part du budget d’équipement
(en % du budget de l'État) (en % du budget de l'État)
Source : Statistiques du ministère de l’éducation nationale (2012) et de la banque mondiale (2012).
Notons qu’à partir de 2006, l’enseignement supérieur devenait une priorité de la politique d’éducation. À cette date, plus de la moitié du budget d’équipement a été consacrée à l’enseignement supérieur, contre un quart en 2000. La proportion des dépenses de fonctionnement du supérieur a également progressé pour représenter environ un quart du total des dépenses de fonctionnement du secteur de l’éducation. À partir de cette date, les dépenses de l’éducation nationale sont devenues conséquentes et ont occupé une des places prioritaires du budget de l’État.
Cependant, une question reste posée ; sont-elles utilisées dans une logique de performance ?
Pour répondre à cette question, nous devons passer à l’évaluation des indicateurs éducatifs.
L’évaluation des principaux indicateurs éducatifs en Algérie est-elle performante ?
Évaluation des taux de scolarisation
Pour les trois cycles de l’éducation nationale, ils avoisinaient les 100% par contre, ceux de l’enseignement supérieur arrivaient à une moyenne de 30% mais n’ont pas cessé d’évoluer depuis dix ans, passant de 16,03% en 2001 à 30,76% en 2010 et à 34, 59% en 2014.
En moyenne, sur la période 2008-2010, ces derniers s’élevaient à 30,8%. Ils étaient supérieurs à ceux des pays du benchmark ayant un PIB par tête inférieur à celui de l’Algérie (Viet Nam, Indonésie, Maroc), similaires à celui de l’Égypte, mais inférieurs à la Tunisie (34%). Ces taux restent encore insuffisants mais en progression continue.
Mais quoique qu’il en soit, le nombre de diplômés universitaires en Algérie ne dépassait pas les 3,4% en 2000 et 5,4% en 2010 (graphique 6). Ce taux reste en deçà de celui du Maroc (6%), celui de la Tunisie (6,2%) et celui de l’OCDE (14,50%).
Graphique 6 : Diplômés du supérieur âgés de 25 ans et plus entre 2000 et 2010
Source : Sunita et Zaafrane, 2011.
Ces chiffres nous laissent penser que bon nombre d’étudiants en Algérie ne terminent pas leurs études supérieures.
Toute chose égale par ailleurs, l’évaluation des taux de scolarisation ne peut impliquer automatiquement l’impact du capital humain véritablement associée à une acquisition des connaissances.
Dans une étude élaborée par l’université Jiao Tong de Shanghai (2012) concernant le classement des 500 meilleures institutions d’enseignement supérieur, seules les universités de deux pays de la région MENA figuraient parmi les 500 du Jiao Tong/Shanghai, à savoir l’Arabie Saoudite avec trois universités et l’Égypte avec une université, mais aucune université algérienne n’y apparaît.
Évaluation du temps de formation nécessaire à l’acquisition du capital humain
Il est mesuré par le taux d'achèvement de l'enseignement secondaire et moyen. C’est un des indices valorisant le bon fonctionnement des systèmes éducatifs. Mais l’observation factuelle dans de nombreux pays en développement confirme un constat : l’augmentation du capital humain de la main d’œuvre mesuré par le nombre moyen d’années de scolarisation ne semble pas avoir le même résultat d’un pays à l’autre sur la productivité du travail. (Caselli ; Esquivel ; Lefort 1996). Le bilan fait par Nabni « bilan et situation en 2012 » a démontré que les résultats à quelques tests internationaux témoignent d’une faible qualité du système éducatif en Algérie.
En effet, les résultats de l’Algérie au TIMSS en 2007 pour des élèves de 4ème année ont été très médiocres. Seuls 2% des élèves atteignent le niveau II, alors que dans les pays de l’OCDE, le taux est de 68% pour Singapour ou 44% pour l’Italie. Seulement 33% des élèves atteignent le niveau IV alors que pour les pays de l’OCDE les taux dépassant 90%.
Évaluation des dépenses d’éducation
Les chiffres du ministère de l’éducation nationale montrent que le coût de la scolarisation d’un élève dans les premier et second cycles a enregistré une augmentation à trois reprises durant la dernière décennie. En 2000, ce coût était de 14258 DA. S’agissant du deuxième cycle, le coût de la scolarisation de chaque élève qui était de 30990 DA en 2000 est passé à 76103 DA en 2010 alors que celui de l’efficience tend vers zéro. (Graphique 7).
Graphique 7: Efficience et coût par élève en Algérie(USD)
Source : Statistiques du ministère de l’éducation nationale, 2012.
Nos calculs révèlent un coût par diplômé très élevé témoignant d’une faible efficacité du système éducatif. Chitour Elias, (2012) économiste, a fait remarquer que les faibles performances sont à rapprocher du coût d’un diplômé rapporté au PIB par habitant, qui s’élevait à 594% en 2010 à comparer avec une moyenne de 38% pour l’OCDE. Cet effort budgétaire masque une grande inefficacité du système éducatif. Autrement dit, le pays aurait pu faire autant avec des moyens plus faibles.
Conclusion
Les réformes du système éducatif en Algérie ont permis une formation initiale du capital humain, (scolaire et universitaire) mais dont la connaissance des savoirs reste insuffisante au niveau du monde du travail. Nemouchi Farouk, cite qu’ « En matière de taux de scolarisation et le nombre d'ingénieurs et de scientifiques, l'Algérie occupe respectivement la 58ème et la 43ème place.
En revanche, pour les indicateurs d'ordre qualitatifs, les résultats sont : qualité de l'enseignement primaire : 96ème place, qualité de la formation supérieure : 117ème place, partenariat industrie-université en recherche développement : 119ème place, capacité d'innovation : 125ème place, internet à l'école 125ème place. Ces résultats indiquent que l'Algérie occupe un rang plus qu'honorable en termes de massification de l'enseignement alors que pour les critères relatifs à la qualité du système éducatif et son incidence sur l'innovation technologique et la compétitivité économique, elle accuse un énorme retard.
Ces résultats contrastés pourraient suggérer l'idée selon laquelle il existe une antinomie entre démocratisation et qualité de l'enseignement. Cette manière de poser le problème occulte les causes profondes de l'inefficience du système de formation et de son incapacité à constituer un capital humain qui stimule la croissance économique. Le mauvais classement de l'Algérie dans le domaine de l'enseignement et de la maturation technologique met en évidence la faiblesse structurelle de la compétitivité des entreprises et montre que non seulement la distance qui sépare l'économie algérienne de la frontière technologique est considérable, mais qu'elle reste éloignée du niveau requis pour amorcer une politique de rattrapage et d'assimilation des technologies existantes ».
Et ce n’est point l’expérience passée qui est à blâmer, mais ce sont les réformes de l’éducation et avec elles la qualité de l’enseignement et les profils de formation qui n’arrivent pas toujours à se mettre aux diapasons et répondre aux exigences des technologies nouvelles qui, à chaque fois, s’avère très en avance pour le marché algérien et compliquées pour les compétences nationales…. Le comment transmettre et pourquoi apprendre sont des leitmotiv qui animent non seulement les pédagogues, mais interpelle aussi les pouvoirs publics pour qu’ils prennent en compte dans leurs stratégies les vrais besoins d’une éducation qui assurent un capital humain en mesure, d’abord, de s’adapter aux temps des défis technologiques et d’innover pour que le pays soit au diapason avec son temps et répondre, ensuite, aux exigences d’une économie dont le poumon est et reste là.
La comparaison avec les pays du Golfe et le syndrome hollandais[4] ne peuvent convaincre ni dans le domaine de la théorie ni dans celui de l’évolution des réalités économiques ici et là-bas.
Mais reste que « l’investissement en capital humain ne serait vraiment rentable que par la conjonction de circonstances politiques, économiques et sociales propices » (Diebolt, 2001) qui fructifient le potentiel existant et ouvre les esprits de chaque génération sur les défis du savoir.
Ainsi, lorsqu’il s’agit d’investir dans la mise en place d’un système éducatif performant, il n’y a pas une seule « bonne façon » de faire. Tout ce qui est requis c’est une volonté de savoir quand le changement est nécessaire et une volonté de réfléchir au meilleur moyen de le faire.
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Notes
[1] Décret n° 76-6 de l’ordonnance 1976.
[2] Algérie : rapport national sur le développement de l’éducation, Genève 8-11 2004.
[3]Le capital humain initial sous-entend ici la formation initiale scolaire
et universitaire
[4] Maladie hollandaise ou syndrome hollandais, ou encore malédiction des matières premières) est un phénomène économique qui relie l'exploitation de ressources naturelles au déclin de l'industrie manufacturière locale.