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Langue française : vecteur d'employabilité et de développement ? Journée d'étude internationale, le Centre de linguistique appliquée (CLA) de l’Université de Franche-Comté, en partenariat avec le laboratoire ELLIADD et l'École doctorale LECLA, le 02 juin


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Le 02 juin 2022, le Centre de linguistique appliquée (CLA) de l’Université de Franche-Comté, en partenariat avec le laboratoire ELLIADD (Pôle Contextes, Langages, Didactiques) et l'École doctorale LECLA (Lettres, Communication, Langues), a organisé une journée d'étude internationale, avec comme intitulé « Langue française : vecteur d'employabilité et de développement ? » Réunissant des décideurs, des chercheurs et des praticiens, cette journée d’étude a permis aux participants de croiser leurs regards sur les atouts liés à la maîtrise de la langue française, en termes de compétences valorisables dans le milieu professionnel. Il s’agissait d’envisager les apports d’une telle maîtrise linguistique en termes d’amélioration qualitative des systèmes éducatifs et de développement. Nous dirons probablement un mot sur le concept d’employabilité avant de présenter un résumé de quelques communications, notamment celles ancrées sur des enquêtes de terrain.

Historiquement, le concept d’employabilité est apparu dans les sociétés anglo-saxonnes au début du XXe siècle. Il signifie : « l’ensemble des compétences et des conditions de gestion des ressources humaines nécessaires et suffisantes pour permettre au salarié de retrouver à tout moment un emploi, à l’intérieur ou à l’extérieur de l’entreprise, dans des délais et des conditions raisonnables » (Finot, 2000[1] ; Hategekimana et Roger, 2002)[2]. Cette définition met en avant de manière implicite les conditions d’émergence de l’employabilité qui est le plus souvent considérée comme une politique sociale des entreprises. Et même s’il n’existe pas de consensus sur la définition de ce concept, il renvoie à la capacité à être employé, capacité souvent traduite en probabilité pour un individu d’occuper un emploi (Cart et Toutin, 1998)[3]

Parmi les communications présentées, articulées dans leur ensemble autour de cette question d’employabilité, nous avons retenu celles d’Isabelle Bokhari (Université de Franche-Comté), de Thi-Cuc-Phuong Nguyên (Université de Hanoï-Vietnam) et de Racha Salem (Université d’Alexandrie-Égypte). 

Isabelle Bokhari, dans : « Langue française, notions de choix et d’utilité : le cas du Ghana », a présenté les résultats d’une enquête auprès d’étudiants ghanéens, ayant choisi le français à visée professionnelle comme domaine de formation, et ce, tout en précisant que les besoins dans cette langue, dans le marché du travail, sont encore limités. Le Ghana est un État anglophone de l'Afrique occidentale, entouré par trois pays francophones : la Côte d'Ivoire à l'ouest, le Burkina Faso au nord et le Togo à l'est. Les ghanéens ne parlent pas français, en revanche le capital symbolique (Bourdieu, 1982)[4] de cette langue connaît une croissance constante (Calvet, 1999, 2002)[5]. Les langues ghanéennes sont représentées par deux sous-groupes linguistiques importants : le groupe kwa et le groupe gour. Les langues du groupe kwa sont parlées surtout dans le Sud, alors que les langues du groupe gour sont employées dans le Nord. La langue anglaise est la langue officielle, bien qu’elle soit parlée par une très faible partie de la population, C'est la langue de l'État, par conséquent celle de la législation, de la justice, de l'Administration, de l'école, etc. Le français constitue une autre langue enseignée dans certains établissements. La question centrale soulevée est de savoir si le choix de la langue française pour les étudiants enquêtés constitue un atout pour l’employabilité ? La réponse finale reste quelque peu mitigée, dans le sens où la langue est assimilée par certains enquêtés à un outil dont la valeur est octroyée par la politique linguistique du pays. Pour d’autres, le français semble agir comme un levier pour l’employabilité. Cette communication nous renvoie à tous les travaux universitaires sur les langues étrangères et l’insertion professionnelle en Algérie des années 2000 et, entre autres, à l’étude de Cherfaoui, 2016[6] portant sur « les rapports entre langues et marché du travail en Algérie ». En se basant sur une enquête de terrain menée à Sonatrach et Sonelgaz. L’auteure s’interroge sur la pratique du français et de l’anglais comme facteur d’employabilité et d’insertion professionnelle. Analysant les pratiques linguistiques dans ces deux entreprises, elle souligne le rôle de ces langues dans le marché du travail. En dépit de nombreux textes réglementaires qui font obligation de l’utilisation de la langue arabe, dit-elle, le français reste la langue de travail, suivi par l’anglais. Elle conclut en disant que le degré de maîtrise de ces langues représente un critère essentiel pour trouver un emploi et accéder au monde du travail.

La communication de Nguyen Thi Cuc Phuong vice-Rectrice (Université de Hanoï, Vietnam) porta sur « la professionnalisation des licences en langue française et leur impact sur l’employabilité ». Les licences en langue française sont dispensées dans les 5 universités au Vietnam. Elles connaissent des difficultés de recrutement d’étudiants durant ces dernières années pour plusieurs raisons : diminution du nombre d’apprenants du français aux écoles primaire et secondaire, priorité de l’anglais sur le marché du travail, conscience relative du rôle d’une langue en matière d’employabilité, etc. L’employabilité, dit-elle, « ce sont toutes les compétences requises de la part des étudiants au Vietnam, pour qu’ils puissent s’intégrer le mieux possible dans le monde professionnel. Ce sont les compétences qu’ils doivent acquérir dans le cadre de leur formation en termes de savoir-faire, de savoir-être, de connaissances, qui leur permettent tout de suite de s’ajuster au marché de l’emploi. L’étude menée montre que l’insertion des étudiants vietnamiens qui apprennent le français et espèrent trouver un emploi correspondant, est moins assurée. Cette étude confirme les résultats de l’enquête réalisée par Duy Su Nguyen (2010), selon lequel si après leur sortie de l’université beaucoup d’étudiants vietnamiens ont pu trouver un emploi en relation avec leur formation initiale, depuis vingt ans les choses ont changé. Désormais, les politiques linguistiques qui consistent à accorder une priorité aux étudiants des spécialités scientifiques et techniques, semblent défavorables pour les étudiants de langue.

La présentation de Racha Salem (Université d’Alexandrie-Egypte) La langue française en Égypte, entre les cursus académiques et les exigences professionnelles présenta un état de la situation actuelle de la langue française dans les institutions ainsi que sur le marché du travail. Elle proposa en outre quelques solutions susceptibles de faire de l’université un vrai développeur des compétences professionnelles nécessaires. Pendant longtemps, affirme l’auteure, la langue française était utilisée par certaines classes sociales étant donné qu’elle était enseignée uniquement dans les écoles privées. En 2018, le Ministère de l’Éducation a lancé une nouvelle stratégie éducative visant l’intégration de la langue française dans les écoles publiques afin d’élargir son usage. En ce qui concerne l’enseignement supérieur, les filières francophones sont présentes dans la majorité des universités égyptiennes. Cependant, les cursus académiques employant la langue française sont dans la plupart bornés aux études littéraires et linguistiques. Ce qui cause un décalage entre les besoins du marché du travail et les études universitaires. La valorisation du français comme langue utile sur le marché du travail et outil des échanges économiques et des affaires a été rendue nécessaire dans le sens où L'Égypte compte près de 160 filiales de sociétés françaises qui emploient plus de 30 000 personnes. Dans son article sur l’Egypte, Mohaya Zaytoun (2010)[7] met l’accent sur le dysfonctionnement dans la relation de l’enseignement supérieur au monde du travail. En Égypte, dit-il, les caractères du système d’enseignement égyptien révèlent ses insuffisances du point de vue de sa relation au développement et au monde du travail. Rappelant quelques études consacrées à ce sujet il évoque le problème du chômage des diplômés » et qui est devenu un véritable phénomène de société. Ce phénomène constitue la manifestation majeure de l’écart entre la demande du monde du travail et l’offre en main d’œuvre. En revanche, ajoute-t-il, la volonté de changement est réelle. Il cite, à ce propos, l’exemple du secteur touristique qui a connu un fort regain d’activité. L’investissement hôtelier et touristique a gagné en importance et de nouvelles zones touristiques ont été développées. En conséquence, la structure de la demande en main d’œuvre a elle-même changé, faisant appel à un nombre croissant de personnel dans ce secteur. Le système éducatif a su s’adapter à cette nouvelle demande, développant de manière significative les établissements de premier et de second cycle d’enseignement secondaire spécialisés dans l’hôtellerie et le tourisme. Une faculté de tourisme et d’hôtellerie a été créée et de nombreuses facultés et instituts supérieurs ont ensuite fleuri dans ce domaine. 

In fine, quelle est la réponse apportée et/ou à apporter à la question de savoir si la langue française constitue un vecteur de l’employabilité ? Autrement dit, la connaissance du français à travers le monde, fait-elle partie des compétences requises dans les offres d’emploi ? Quels sont les secteurs et les profils qui la valorisent ? Les entreprises tiennent-elles comptent de ce critère, au moment d’embaucher un collaborateur ou une collaboratrice ? Pour quels types de postes ? Les enquêtes menées aussi bien au Vietnam, en Égypte, au Maghreb et ailleurs n’ont pas permis d’y répondre. Certes, les débats et synthèses ont porté sur des analyses fines des différentes situations sociolinguistiques et professionnelles. Par ailleurs, un apport considérable de données a également permis de dégager quelques tendances, conduisant à l’élaboration de nouvelles hypothèses de recherche, en matière de langues étrangères et d’employabilité, pour le futur proche.

Aïcha BENAMAR

Notes 

[1] Finot, A. (2000). Développer l’employabilité. Paris : Insep Consulting Éditions, p. 101.

[2] Hategekimana, R. et Roger, A. (2002). Encourager les salariés à développer leur employabilité : une réponse à des préoccupations stratégiques des entreprises. Actes du XIIIème congrès de l’AGRH, Tome 2, p. 205-218.

[3] Cart, B. et Toutin, M.- H. (1998). La production d’adaptabilité : les modalités de construction de l’expérience professionnelle. In Travail, Compétences et Adaptabilité, Stankiewicz (dir.), Paris : L’Harmattan, p. 137- 140.

[4] Bourdieu, P. (2001). Langage et pouvoir symbolique. Paris : Seuil.

[5] Calvet, L.- J. (1999). La guerre des langues et les politiques linguistiques. Paris : Hachette Littérature.

Calvet, J.- L. (2002). Le marché aux langues. Les effets de la mondialisation. Paris : Plon.

[6] Cherfaoui, F.- Z. (2016). Langues et marché du travail en Algérie : cas de la Sonatrach et de la Sonelgaz Synergies Algérie. Synergies Algérie, (23), 111-119.

[7] Zaytoun, M. (2010). L’Égypte. In Boutros Labaki, Enseignement supérieur et marché du travail dans le monde arabe. Presses de l’Ifpo, (26), 119-148.

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