Social structure of an illness and its relation to medicines. A dynamic integrated approach Abstract: For a sociologist, dealing with the social construction of an illness means analyzing the various social aspects surrounding man. Indeed, health and illness are very pertinent social facts for a sociologist revealing the social and cultural web since they are intricate with all aspects of our lives. So, in order to define and emphasize these dynamics a sociological analysis must include the different parameters involved in the procedure. Thus, socio- cultural, local and secular models, norms and categories must be taken into account in the process .And it is actually through this open and dynamic approach, that a sociological analysis relevant to health and illness can claim an autonomous and pertinent theoretical field of investigation and take part together with all the other social sciences to achieve a unitary and integrative vision. Kewords: medical anthropology - medicine - health behaviour - social integration. |
Ridha ABDMOULEH : Maître Assistant à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Sfax (FLSHS) Tunisie.
Introduction
Nous assistons de nos jours à un intérêt croissant accordé par les sciences sociales aux questions relatives à la santé et à la maladie. Cette réalité représente en soi un grand tournant ainsi qu’un acquis considérable. Car, en effet, parler de la santé et de la maladie au même titre que le médecin, il y a environ un demi-siècle, était presque de l’ordre de l’inconcevable. Désormais, des disciplines, comme l’anthropologie et la sociologie, ne cessent de s’affirmer, affichant leur volonté de s’impliquer davantage dans la pratique sociale contribuant ainsi à la compréhension et à la résolution des problèmes auxquels se heurtent les populations. Un champ de recherches et d’investigations consacré à la construction sociale de la maladie et de la santé a vu le jour. Malgré sa relation avec la médecine, un tel champ la déborde. Car, être malade ou en bonne santé ce n’est pas seulement un état biologique mais c’est aussi une réalité psychologique et sociale (O.M.S., 1985). C’est une manière d’être avec soi même et avec les autres qui nous est apprise par la société. En effet, c’est notre société qui fixe les normes de la maladie et de la santé, oriente nos conduites de soin, répartit les rôles et les statuts entre le malade, son entourage et le thérapeute (Stoetzel J., 1960). C’est également elle qui donne un sens à la maladie et détermine nos croyances et nos représentations à son égard. C’est à ce titre que la maladie et la santé constituent pour le sociologue et le psychosociologue des faits sociaux totaux. Vu l’imbrication de la santé dans tous les aspects de notre vie (alimentation, logement, environnement écologique, famille, mode de vie...) l’analyse sociologique devient alors révélateur de notre rapport à l’ensemble de la société. Cela a permis à la sociologie de montrer l’intérêt de son apport et d’affirmer en même temps son originalité. En ce sens, elle offre une lecture pertinente du réel, c'est-à-dire qui tient compte de la complexité des faits sociaux (ici la santé et la maladie) et de leur globalité, permettant ainsi au public une meilleure appréhension de leur réalité ainsi qu’une meilleure intégration sociale.
En dépit du développement de la sociologie de la santé, le poids de la médecine moderne (officielle) demeure très important et continue à marquer à des degrés différents l’analyse sociologique et à affecter pour ainsi dire l’identité de la sociologie de la santé. Grâce à ses acquis scientifiques et techniques, grâce aux atouts juridiques et politiques dont elle dispose, la médecine moderne exerce désormais un grand monopole sur le marché des soins. De même, en progressant, la médecine génère de l’espoir, secrète des mythes, crée des attentes et des besoins et pèse par conséquent d’un poids considérable sur les attitudes du public et sur la culture en général.
Outre son impact sur la construction sociologique, cette situation a eu des conséquences sur les attitudes des sociologues. En ce sens, elle a suscité diverses réactions, les a poussées, en quelque sorte, à se positionner par rapport à cette instance et à se poser des questions sur la fonction de la sociologie médicale et sur son propre rôle dans la société. Est-ce que son rôle consiste à renforcer et à légitimer le pouvoir médical ou, au contraire, à s’en démarquer? Ou, enfin, à l’intégrer au sein de son corpus au même titre que la médecine traditionnelle et les autres acteurs sociaux?
Quelles sont les conséquences de telle ou telle posture sur le contenu de la construction sociologique ? Comment est-ce que les différentes tendances se proclamant de la sociologie de la santé (et de la sociologie médicale en général) justifient-elles leur posture sociologique par rapport à la sphère médicale? Comment légitiment-elles leur champ d’investigation? Bref, qu’elle est la place des médecines dans la construction sociologique?
Au cours de cet exposé, nous tenterons de dégager la construction sociologique relative à la santé et à la maladie avec ses principales tendances. Dans le même temps, nous essayerons d’analyser les attitudes de ces différentes tendances face à la biomédecine (et aux médecines en général) et leurs catégories de savoirs en vue de marquer leur spécificité et fonder leur légitimité.
I. La construction sociale élaborée à partir de la profession médicale
I.1. La conception parsonienne
Parsons conçoit la maladie comme une déviance sociale que la société doit contrôler et définit les rôles respectifs du médecin et du malade pour sortir de cette déviance. Le rôle de ce dernier se définit selon les critères suivants :
1) Le malade est exempt des responsabilités normales (selon la gravité de son cas).
2) Il ne peut pas s'en tirer seul par un acte de décision, de ce fait il n'est pas tenu pour responsable de son incapacité.
3) La maladie est indésirable et le malade doit souhaiter aller mieux, c'est une légitimation conditionnelle du rôle du malade.
4) Le malade doit rechercher une aide compétente et coopérer avec ceux qui ont la charge de soigner (Steudler F., 1972, 38).
Ce processus de contrôle social vise donc à isoler le malade du bien portant, le priver de ses droits individuels, renforcer la motivation du bien portant à ne pas tomber malade, et pousser enfin le malade vers les institutions de soins. En fait, le rôle du malade constitue un mécanisme qui contrôle la déviance de telle sorte que deux très dangereuses possibilités sont écartées : La formation d'un groupe de déviants et la reconnaissance de leur prétention à la légitimation (Freidson E., 1984, 232).
Quant au rôle du médecin, celui-ci doit rendre acceptable au patient ce que le médecin doit faire pour s'acquitter de sa fonction.
Le mérite de l'analyse de Parsons réside dans l'originalité de sa conceptualisation de la maladie et du rôle du malade, laquelle a donné lieu à beaucoup de recherches empiriques en sociologie.
Tout en reconnaissant les mérites de cette analyse, certains sociologues lui reprochent sa portée restreinte à savoir qu’elle est limitée à certains pays et cultures particuliers (l'Occident ici), pour qui le critère de la responsabilité du malade joue un rôle fondamental. Par conséquent, cette analyse exclut d'autres cultures auxquelles ce critère ne s'applique pas. De plus, elle se borne à une catégorie de maladies qui entraîne le recours au médecin. De ce fait, certaines maladies fonctionnelles mais fréquentes aujourd'hui sont exclues de l'analyse parsonienne (Steudler F., 1972, 38).
On peut lui reprocher également, de «confondre le plan d'analyse sociologique, des normes et des institutions et celui du vécu psychologique» (Herzlich C.L., 1969, 2).
Ainsi si l'analyse parsonienne est pertinente du point de vue sociologique, cependant, elle paraît moins adéquate quant à l'individu lui-même, malade dans la société, et échoue, du coup, à rendre compte de certaines de ses conduites et de ses attentes (Herzlich C.L., 1969). C'est le cas de certains malades chroniques, pour qui cette approche renforce leur rôle de déviant, les stigmatise et les rend déviants dans leur déviance.
Par ailleurs, on reproche à cette analyse d'être influencée par la vision économiste. En effet, en réduisant la déviance sociale à l'inactivité, l'homme est perçu comme un simple outil de production. «Le malade est considéré comme déviant parce qu'improductif». De ce fait, "tous les mécanismes afférents aux "rôles" du malade et du médecin auront pour but de réduire cette déviance et de réintégrer le patient dans les circuits et les échanges de la conformité qui globalement sont ceux de la recherche de l'acceptation des soins» (Herzlich CL, 1983, 194). Dans cette perspective, les conceptions et conduites profanes sont envisagées en termes de résistance par rapport aux soins modernes. La médecine est envisagée ici comme le représentant d'un savoir totalement bénéfique et objectif. Ce dernier critère (la prétention de la médecine à l'objectivité et à la vérité) a suscité des critiques adressées à la médecine ainsi qu'à l'analyse parsonienne. Plus précisément, on reproche à cette analyse d'avoir pris la médecine moderne pour modèle, voire norme, qui oriente l’analyse sociologique.
Pour construire la déviance sociale, Parsons part du diagnostic médical. Ce faisant, l'essentiel de l'analyse parsonienne consiste à identifier les paramètres psychosociologiques et organisationnels pour définir les processus de déviance et les obstacles ou facteurs pour s’en sortir. La sortie de l'état de déviance sociale résulte uniquement du recours à la médecine. Mais l'impuissance de la médecine à guérir un bon nombre de malades et à leur permettre pour ainsi dire d'échapper à la déviance sans parler des retombées négatives de certaines de ses thérapeutiques limite à son tour la portée sociologique de ce modèle dans la mesure où il ne rend pas pleinement compte du vécu du malade. De plus, cette idéalisation de la médecine rend l'analyse sociologique très dépendante de son objet d'analyse et en limite la pertinence ainsi que la portée théorique. Dans le même esprit, on reproche à l’analyse parsonienne sa tendance conservatrice voulant ou conduisant à renforcer le pouvoir politique et le monopole de l’institution médicale.
I.2. L’analyse illichienne
L’approche sociologique jugée en quelque sorte subordonnée à la médecine a provoqué une série de critiques de la part des milieux intellectuels au sein des sciences sociales et a amené le sociologue, entre autres, à réviser ses positions, sa posture épistémologique et enfin son attitude à l’égard du savoir et des normes médicaux. Cette position critique à l’égard de l’institution médicale est formulée d’une façon radicale par Ivan Illich. En effet, selon cet auteur l’extension du pouvoir médical dans la société constitue une source de maladie et d’iatrogénèse sociale et structurelle dans la mesure où cette médicalisation réduit l’autonomie de l’individu et du coup amoindrit sa réaction et ses résistances vis-à-vis de la maladie tout en causant des effets négatifs sur la santé (à causes de certaines thérapeutiques). Or, la santé selon Illich, «suppose une faculté d’assumer une responsabilité personnelle devant la douleur, l’infériorité, l’angoisse et finalement devant la mort..». En ce sens, elle doit s’intégrer au sein de la culture locale «qui confère au membre du groupe la capacité de faire face à leur fragilité (Illich I., 1975, 131). Par conséquent il existe, selon cet auteur, un échange dynamique entre la culture comme étant un mode de vie symbolique que le groupe humain invente et l’environnement sur lequel s’applique ce mode. Ainsi, en orientant le comportement, la culture détermine la santé. Mais c’est seulement en renforçant cette culture que l’homme trouve et préserve sa santé. Selon Illich, en s’accaparant de tous les aspects de notre vie au nom de la science et du progrès, en imposant un mode de pensée unique, l’institution médicale moderne fragilise les cultures locales ainsi que les modes de pensées et les pratiques qui les soutiennent. Dans cet esprit, l’auteur appelle à la nécessité des études sociologiques afin de prendre conscience de l’étendu des dégâts causés par la médecine moderne sur les différents aspects de la vie des gens et de sensibiliser l’opinion publique et le pouvoir politique afin de réduire et de contrôler le monopole de la médecine officielle. Cette attitude distante et critique à l’égard de la profession médicale a marqué (à différents degrés) l’ensemble des sciences sociales relatives à la santé et à la maladie et notamment la sociologie, la psychosociologie et l’anthropologie. Les travaux se proclament du courant antipsychiatrique (Cooper D.; Castel R.; Szarz…) expriment bien cette attitude critique à l’égard de l’institution hospitalière. A ce propos, en partant de l'hôpital (l'Asile), conçu comme une institution totalitaire, Goffman a analysé l’attitude des malades. Celle-ci se présente d'abord comme une résistance à cette institution dans le but de préserver son moi. Mais à terme, l'institution finit par imposer ses normes et ses buts, et exercer son emprise sur les malades, à un point tel qu’elle devient pour lui une sorte d’idéal (Goffman E., 1968).
I.3. La conception freidsonienne
Bien que moins radical, Freidson propose un nouveau mode d'analyse de la maladie qui se démarque de la médecine et de l'analyse parsonienne. Les raisons qui poussent cet auteur à ne pas se contenter des définitions de la médecine sont d'ordre épistémologique et historique. Selon lui, la sociologie de la connaissance doit demeurer extérieure à son objet d'analyse : la médecine comme créatrice des catégories de maladies. Cette distance se justifie d'autant plus que la médecine n'est pas tout à fait scientifique. En effet, selon cet auteur, l'histoire de la médecine nous montre «que bien des idées médicales d'aujourd'hui sur la maladie ne sont pas les mêmes que celles de la médecine "moderne" d'hier et que certaines idées de la médecine "moderne" de demain contrediront celles d'aujourd'hui», (Freidson E., 1984, 215). S'il est vrai que la médecine constitue la meilleure connaissance dont nous disposons aujourd'hui, Freidson pense qu’elle est loin d'être définitive et absolue.
L’autre raison (la plus importante selon cet auteur), qui justifie la distance du sociologue à l'égard de la médecine tient au fait que la réalité biologique de la maladie ne se confond pas avec sa réalité sociale. L'exemple qu'évoque Freidson est celui d'un médecin face à la magie noire. Car pour « le médecin, la magie noire ne peut pas être une explication valable des signes physiques manifestés par un patient lorsqu'il cherche la cause "véritable" de la maladie "réelle" afin d'être capable de la traiter effectivement, mais elle peut constituer une explication parfaitement appropriée du comportement social de l'individu si celui-ci y croit». Alors que le médecin peut se servir de la science médicale pour expliquer les signes qu'il désigne comme maladie, il ne peut pas analyser le comportement du patient en se référant à cette science. Inversement, « Le fait que la maladie diagnostiquée par le médecin existe "vraiment" ou non, son étiologie physique, et la manière de la soigner, sont des questions qui touchent très peu le sociologue, lequel s'intéresse à l'explication du comportement social» (Freidson E., 1984, 216-217). Ainsi selon cet auteur, il y a la maladie en tant que telle, puis l'idée qu'on se fait d'elle et la façon dont on se comporte à son égard. Un trouble biologique est toujours entouré d'une définition sociale, d'actes sociaux qui le conditionnent. Ce qui importe pour le sociologue, ce n'est pas la réalité objective de la maladie car «celle-ci peut ou non être réelle du point de vue biologique», mais son aspect social, le rôle du malade est pour sa part toujours vrai du point de vue social» (Freidson E., 1984, 217).
La relativisation des théories médicales modernes et les limites de la médecine ont eu pour corollaire la revalorisation des conceptions profanes. Celles-ci retrouvent alors une positivité et un rôle dans le processus de la construction sociale de la maladie. Mais, vu le poids de la médecine moderne (surtout dans les sociétés industrielles) dans la détermination du processus du diagnostic, d'étiquetage de la maladie et les conséquences que cela entraîne dans la vie du malade, l'étude de ses significations aura lieu à partir de la médecine elle-même. Ainsi, dans l'analyse de Freidson, la médecine devient alors l'objet privilégié qui lui permet d'accéder à la carrière et à la conduite du malade. Dans cette perspective, elle cesse d'être considérée comme représentant d'un savoir unique et absolu pour devenir une profession issue du social, s'exerçant dans le social et produisant du social. Freidson accorde un intérêt très particulier à cet aspect, car, selon lui, le savoir médical n'est pas une simple lecture mais un processus de construction de la maladie en tant que situation sociale imprégnée par la déviance. Ce processus de construction sociale de la maladie se laisse constater aux stades du diagnostic et de la thérapeutique. En diagnostiquant la maladie, le médecin joue un rôle social et modifie le comportement du malade en lui donnant un nouveau statut. A son tour, l'institution de soins possède sa propre organisation (dans le travail, le traitement, le rapport entre médecins, etc.) qui module l'existence du malade. D’une manière générale, la médecine détient un rôle social : celui du contrôle de la maladie. Ainsi dans la mesure où la médecine est accréditée par le pouvoir et dotée d'un dispositif juridique, ce rôle de contrôle social a donc des origines et des implications politiques.
La médecine joue également un rôle moral, car elle évalue, normalise, découvre et maîtrise l'indésirable. Par conséquent, la pratique médicale ne saurait en aucun cas être neutre, mais dépend de la société qui l'adopte. En somme, l'analyse de Freidson s'intéresse à la façon dont la médecine crée la possibilité sociale de se conduire en malade et donne un statut aux différents aspects du comportement social. (Freidson E., 1984, 212). Autrement dit, cette analyse s'intéresse à la médecine comme étant une pratique sociale et productrice des catégories sociales de santé et de maladie. L’essentiel de l’analyse freidsonienne consiste à étudier le processus qui fait que le médecin crée la possibilité sociale de se conduire en malade et fixe les différents aspects de la vie du malade.
II. La construction sociale de la maladie élaborée à partir des représentations et des conduites sociales profanes
II.1. L’apport de la psychosociologie et de la sociologie
A force de focaliser l'attention sur la production des catégories de malades par la médecine, l’approche freidsonienne a tendance à négliger l'étude des usagers de la médecine eux-mêmes, leurs conduites, leurs représentations et leurs attentes. Bien que Freidson accorde une importance aux conceptions profanes (et à l'intérêt de la collectivité en général) et a même conduit des recherches dans ce sens (Freidson E., 1970), néanmoins la dimension profane n'a pas fait l'objet de l’attention qu'elle mérite. Cela s'explique, d'une part, comme nous l'avons souligné précédemment, par le poids de la médecine sur les parcours thérapeutiques et les carrières des malades lesquels intéressent particulièrement le sociologue. D'autre part, les aspirations profanes sont, en quelque sorte, considérées comme subordonnées à la médecine, c'est-à-dire englobées dans la pratique de la médecine libérale. C'est ce que pense Freidson, pour qui la nature de la médecine en tant que profession consultante l'oblige à prendre en considération les représentations et les attentes du public. Malgré sa pertinence, cet argument ne justifie pas la négligence de l'étude des conduites des usagers. En effet, il y a des pays et des régions où les soins ne sont pas assurés essentiellement par la médecine libérale, mais plutôt par la médecine publique. Cette dernière n'obéit pas aux mêmes critères que la médecine libérale vis-à-vis des usagers. En outre, il y a des médecines parallèles -savantes ou populaires- qui déterminent ou influencent les attitudes face à la maladie et les conduites de soins appropriées. Par conséquent, l'étude de la dimension sociale de la maladie, faite uniquement à partir de la médecine libérale, ne rend pas compte (ou peu) du profane. Même dans une société où domine la médecine moderne à caractère libéral, la maladie n'est pas uniquement l'affaire de la médecine. En outre, il y a des maladies qui ne conduisent pas forcément chez le médecin et font l'objet d'automédication ou tout simplement ne sont pas considérées comme des maladies (ou des vrais maladies). Même en se rendant chez le médecin, la maladie reste avant tout l'affaire du malade. Celui-ci a un vécu, une expérience et une interprétation spécifique de sa maladie lesquels peuvent déborder l’étiologie médicale moderne (Abdmouleh R., 1990, 1993, 2006). Donc cette construction profane a sa logique propre qui est indépendante des modèles médicaux.
Tout en se situant dans la tendance freidsonienne, une nouvelle approche s’est constituée notamment en France, axée sur l'étude les représentations de la maladie et de la santé (Herzlich C.L., 1969, 1983, 1984, 2001, 2003;d’Houtaud A., 1976, 1997, 2003; Corin E., 1985; Renaud, M., 1985; Pierret J., 1984, Jodelet D., 1982; Loux F., 1976, 1983; Saliba J., 2003; Carricaburu D. et Menoret M., 2004….). Son mérite est de montrer la pertinence des représentations profanes en tant que révélatrices des conduites et des valeurs sociales. A travers ces représentations, c'est le rapport de l'individu à la société et à la culture qui est appréhendé. En ce sens, la maladie est étudiée comme un fait psychosocial. Comme le souligne Herzlich, bien que le fait d'être en bonne santé ou malade «est une expérience individuelle qui ne peut être partagée... Pourtant nous savons que l'incommunicabilité est déjà un rapport aux autres ; on est malade ou bien portant pour soi, mais aussi pour la société et en fonction de la société» (Herzlich C.L., 1969, 13). Autrement dit, «les troubles peuvent être là, mais c'est ce que nous autres, êtres sociaux, pensons et faisons à leur égard qui détermine le cours de notre vie». La maladie a donc «une définition sociale et est entourée d'actes sociaux qui la conditionnent » (Freidson E., 1984, 214-215). Si notre rapport à la maladie et aux médecines est un rapport au social, il est aussi un rapport au culturel dans la mesure où chaque médecine transpose ses propres valeurs culturelles (Sendrail M., 1980). En outre, le mérite de cet auteur est de démontrer que les discours et les représentations profanes relatifs à la santé et à la maladie sont des entités autonomes. Ils ne sont, en aucun cas, réductibles aux concepts pathologiques de la médecine moderne, ni un appauvrissement de ceux-ci. Inversement, la médecine est moins indépendante du discours profane. Car les attentes et les représentations des usagers pèsent sur la médecine. Ce poids s'exerce par le biais de plusieurs instances comme les associations de malades qui entretiennent des rapports étroits avec les mouvements politiques et sociaux (le cas des écologistes, par exemple) pour tenter de faire valoir les aspirations des usagers de la médecine et de la science en général. Les combats menés par ces différentes instances contre les O.G.M. (organismes génétiquement modifiés) en sont un exemple. Dans cette perspective le malade n'est pas considéré comme un objet ou un sujet passif. Car, d'une part, il participe à la construction sociale de la maladie (qui intéresse le sociologue et le psychosociologue) et d'autre part, il contribue, plus ou moins activement selon la nature de la maladie au processus de soins (surtout dans le cas des maladies chroniques). La preuve aussi de l'autonomie des représentations et du discours profanes, c'est qu'ils sont souples, cohérents et dynamiques. Dans cet élan, ils intègrent des éléments biologiques, spirituels, des notions traditionnelles et modernes. A ce propos Herzlich met l'accent sur l'homologie entre le discours «moderne» et le discours «traditionnel». Cela se justifie d'une part par le fait que les représentations sociales et les croyances traditionnelles dans les pays non occidentaux «ne se fondent pas sur la connaissance scientifique, mais sur la pratique sociale et les règles de conduite qui s'y rapportent» (Herzlich C.L, 1983, 24) et d'autre part, par le fait que les représentations modernes peuvent être ordonnées selon le schéma élaboré par Marc Augé, lequel se base sur les trois logiques : de référence, de différence et de l’événement (Augé M., 1983). Ces mêmes représentations (modernes) ressemblent aussi au schéma de pensée circulaire constaté par Sindzingre, où un même élément peut être utilisé tantôt comme valeur causale et productive d'un événement spécifique, tantôt comme une interprétation reconstituante du passé (Sindzingre N., 1985) Cette logique existe aussi dans les sociétés modernes où le même principe peut être à la fois la cause spécifique et l'élément sur lequel se fonde une interprétation globale (le cas du mode de vie, de l’environnement écologique...).
Cela dit, la démarche poursuivie par l’approche sociologique française conçoit les représentations et le savoir profanes comme des entités autonomes où s'interpénètrent, de façon complexe, des éléments de catégories biologiques, sociales et éthiques. Avec le développement des théories médicales modernes qui font intervenir divers facteurs en interaction (tels que les facteurs psychosomatiques, environnementaux, sociologiques), cette pensée dynamique est de plus en plus affirmée.
Si pour dégager la construction sociale de la maladie certains travaux se sont axés sur les représentations profanes, d’autres se sont basées quant à eux sur les conduites et les trajectoires thérapeutiques des malades. Une telle orientation est justifiée entre autres par le souci de mieux appréhender la réalité sociale étudiée. C’est le cas des études portant sur conduites des soins, et qui font intervenir divers acteurs et agents impliqués dans le processus de soin, de prise en charge et d’encadrement du malade (médecins, infirmiers, guérisseurs, organismes d’assurance, entourage du patient…). Au lieu d'un individu abstrait (en train de contempler le monde ou pratiquer l'interférence), nous verrons un homme impliqué dans le monde où il vit. A la place d'un homme qui agit sur le monde pour le maîtriser, et le dominer, nous verrons plutôt un être humain qui essaie de comprendre le monde qui l'entoure et tente de concilier ses désirs, ses connaissances, ses moyens et ses contraintes. A la place d'un homme résolument rationnel, nous verrons un homme à la fois rationnel et rationalisant (Beauvois J.L., 1984, 1987). Cette orientation ne constitue nullement une remise en question du statut des représentations. Mais elle est envisagée plutôt comme une consolidation de celles-ci. Car si les représentations sociales sont révélatrices de nos conduites, à leur tour, ces dernières peuvent nous aider à mieux comprendre le statut des représentations et des croyances qui les sous-tendent (Moscovici S., 1961; Kaes R., 1968; Beauvois J.L., 1984; Flament C.L., 1987; Jodelet D., 1996). Ainsi, ce sont tantôt les représentations et les croyances qui orientent la conduite c’est le cas des recours spontanés effectués chez le médecin ou chez le guérisseur, et qui sont dictés notamment par la suspicion, voire même par la ferme conviction que la maladie est causée bel et bien par un sortilège ou esprit maléfique, tantôt, c’est la conduite qui précède le processus cognitif. C’est le cas des recours désespérés ou forcés aux guérisseurs effectués par des personnes s’y déclarant auparavant hostiles et se définissant comme des gens «civilisés», «rationnels» et «modernes» qui amènent certains d’entre elles à réviser leur attitude vis-à-vis des guérisseurs (surtout lorsque l’expérience se révèle positive) ainsi que vis-à-vis de la maladie. L’action devient alors une source d’inspiration, de justification et de légitimation des représentations et des croyances (Abdmouleh R., 1990). Mais au delà de cette diversité (qui est en soi une source de richesse) et quelque soit l’approche utilisée, les études à caractère psychosociologique ont eu le mérite de revaloriser les pratiques et les conceptions profanes. Cette dimension exprimée à travers un discours où se mêlent arguments scientifiques et éléments magico-religieux, constitue au fond un révélateur du vécu du malade et de son rapport à la société et à la culture. Du coup la construction sociale profane de la maladie trouve sa cohérence, sa rationalité et sa crédibilité.
II.2. L’apport de l’anthropologie
Dans cet esprit se situent également les travaux menés dans le cadre de l’anthropologie et plus précisément au sein de l’anthropologie de la maladie. Cette approche privilégiant les aspects sociaux et culturels de la maladie constitue une réaction vis-à-vis de l’ethnomédecine qui met l’accent sur l’efficacité technique de thérapeutiques traditionnelles empiriques et néglige les pratiques à caractères spirituels et symboliques jugés irrationnels. Ainsi par rapport à cette orientation ethno-médicale, l'anthropologie de la maladie se veut plus holiste et globalisante (Augé M., 1986). Sa problématique est de dépasser le postulat biomédical (qui sépare l'homme, sa maladie et le médecin), pour intégrer la maladie à son support (l'individu, le groupe…), à son contexte (histoire de l'événement, conjoncture de la maladie: (Sindzingre N. et Zempleni A., 1982) et affirmer ainsi la solidarité entre ordre biologique et ordre individuel et social (Benoist J., 1966; Augé M., 1986). Tous les travaux menés dans cet esprit ont un point commun : s’interroger à partir de l'avènement de la maladie et des rituels et symboles qui l'accompagnent, sur les rapports d'implication et de complémentarité entre religion, symbolisme, représentation du monde, du corps, de l'individuel et du social. (Lévi-Strauss C., 1958; Augé M., 1983; Evans-Pritchard E.E., 1977; Zempléni A., 1973; Fainzang S., 1986; Laplantine F., 1986).
II.2.1. Dimension sociale de la maladie et de la cure: La médecine traditionnelle comme instance intégratrice
Un des mérites incontestables des recherches anthropologiques est d’avoir articulé entre les conceptions de la maladie et les pratiques des soins traditionnelles. En ce sens, elles ont mis l’accent sur l’efficacité symbolique et sur la dimension collective qui sous-tendent le dispositif thérapeutique traditionnel, marquant par la même sa spécificité et ses mérites par rapport à la biomédecine. En effet, autant l’action de la biomédecine est limitée à l’approche organiciste et individuelle de la maladie, et tend à isoler le patient de son cadre social, autant la thérapeutique traditionnelle est orientée vers une dimension symbolique visant l’intégration de celui-ci au sein de son entourage et de sa communauté (Collomb H., 1975; Abdmouleh R., 1990, 2006). La maladie en plus d’être un désordre biologique est envisagée comme un désordre individuel et social. C'est le signe d'un malaise entre l'individu et la société, lequel se traduit en termes de sorcellerie et de possession. Comme le souligne Marc Augé, l'attaque du sorcier signifie en quelque sorte un rappel à l'ordre. Elle suscite une redéfinition de la personne individuelle,renvoie à un code de déchiffrement des symptômes et met en cause une ou plusieurs dimensions sociales pertinentes (Augé, M., 1983). Cette mise en cause, cette interpellation du social s'observe à travers le processus de diagnostic divinatoire ayant pour but d'identifier l'agresseur et le motif de l'agression. Le plus souvent la maladie renvoie à des conflits, et à des tensions sociales (Kaday-Talle, 1985). Dans cet esprit, Evans-Pritchard met l’accent sur la dimension sociale de la magie, suscitée selon lui par une situation concurrentielle et conflictuelle et de vengeance (Evans-Pritchard E.E., 1977). Ce sont ces critères qui rendent pertinents le diagnostic des guérisseurs et leur intervention.
Le langage de la possession exprime encore une fois un vécu social contesté et soulève la dimension psycho-sociologique de la maladie et de la cure. Il serait une sorte de cri d'alarme adressé par ces "possédés" à la société afin qu'elle leur trouve une solution.
Si la maladie fonctionne comme un signifiant social, une sorte de signal d'alarme ou une remise en question d'une situation sociale explosive, la cure constitue alors une tentative qui vise à supprimer ce désordre social, à réconcilier le malade avec son entourage et à mettre fin à cette tension. Par conséquent, l'entourage du malade est impliqué et mobilisé dans la procédure de la cure. Comme le constate Levi-Strauss, la cure shamanique est le résultat d'un consensus où participent trois éléments :
- Le Shaman «qui éprouve des états spécifiques de nature psychosomatique».
- Le malade «qui ressent ou non une amélioration».
- Le public qui participe lui aussi à la cure et dont «l'entraînement qu'il subit et la satisfaction intellectuelle et affective qu'il ressent détermine une adhésion collective» (Levi-Strauss C., 1958, 197).
Cette cohésion sociale est renforcée par l'effet cathartique des cérémonies d'exorcisme. En outre, elles constituent pour les malades et son entourage un lieu privilégié de dépaysement et de rencontre. Car elles leur permettent d'établir des réseaux d'amitiés et d'échanger des informations et des tuyaux sur leurs maladies et les thérapies. En ce sens, ces lieux et ces cérémonies aident les patients à socialiser leur maladie et à échapper à la marginalisation ou à l'exclusion sociale (Abdmouleh R., 1990). En agissant sur la dimension psycho-sociologique de la maladie, la médecine traditionnelle contribue à apaiser le conflit qui oppose l'individu à sa communauté tout en lui offrant l'occasion de s’y réintégrer. Force est de constater que le guérisseur joue un rôle «d'équilibreur social». A ce propos Levi-Strauss postule que pour chaque société le rapport entre les conduites normales et les conduites spéciales est un rapport de complémentarité. Il s'ensuit que «Les formes de troubles mentaux caractéristiques de chaque société et le pourcentage des individus qui en sont affectés, sont un élément constructif de type particulier d'équilibre qui lui est propre». (Levi-Strauss C., 1983, XXI). C'est ainsi que nous saisissons la dimension symbolique et collective de la médecine traditionnelle et son apport à l'équilibre social. Ce fait a incité sociologues et anthropologues à resituer le débat sur la culture et ses formes symboliques au sein des sociétés occidentales. Selon Jacques Saliba «Il s’agit de rendre à celle-ci toute sa rationalité, dans le lieu même où domine la conception matérielle et technique du monde. D’autant plus que cette approche unidimensionnelle des faits sociaux est au coeur même des crises qui traversent notre modernité» (Saliba J., 2003).
C’est notamment cette volonté de réconcilier l’aspect technique avec l’aspect symbolique, et de saisir la réalité dans sa globalité, y compris dans les sociétés modernes et contemporaines, qui a conduit les anthropologues à orienter leur investigation sur des faits quotidiens et actuels (Augé M., 1997; Bouvier P., 2003). Les travaux menés sur les itinéraires thérapeutiques se situent bien dans cette perspective. Ils ont le mérite «d’étendre l’investigation aux pratiques réelles face à des offres de soins multiples, non nécessairement concurrentielles ou alternatives» et de briser cette dichotomie entre le traditionnel et le moderne, contribuant du coup à l’émergence d’un pluralisme médical et d’une anthropologie plus ouverte sur le monde contemporain. (Hours B., 2003). Une telle ouverture est justifiée notamment par la généralisation de la biomédecine un peu partout dans le monde (selon l’objectif fixé par l’O.M.S. depuis les années 1980). En même temps, elle a poussé l’anthropologue à reconsidérer ou à réhabiliter la position des divers acteurs impliqués dans le monde de la maladie et des soins (tels les infirmiers, les médecins, le malade et son entourage..) quelques fois banalisés par la pratique culturelle et la tendance cognitiviste (axés sur les représentations). L’analyse de la dimension sociale de la maladie passe par la prise en compte du pluralisme médical, par la diversité des acteurs et donc par l’intégration de cette nouvelle dynamique qui caractérise les sociétés contemporaines (Retel-Laurentin A., 1983, 1987). Les recherches relatives au Sida reflètent bien une telle dynamique. En effet par sa dimension épidémiologique, cette maladie a permis de constituer autour d’elle les recherches sur la problématique de l’infortune, sur les stratégies préventives, sur les représentations de la vie et de la mort, ainsi que la capacité et le fonctionnement des structures de soins. En agissant ainsi, et comme le souligne Bernard Hours, «l’anthropologie médicale y a gagné en pertinence et en ouverture» (Hours B., 2003).
Conclusion
Au sein de la sociologie de la santé et de la maladie, nous avons dégagé, schématiquement, deux types d’analyse: celle effectuée à partir des pratiques et normes médicales, et celle faisant référence aux représentations et conduites profanes.
Pour ce qui est de la première, y figure l’analyse de Parsons et celle de Freidson. Quant à l’analyse parsonienne, celle-ci s’identifie à la vision biomédicale et envisage la maladie (déviance biologique) comme une déviance sociale. Ce faisant l’essentiel de cette approche consiste à identifier les paramètres sociologiques qui permettent d’analyser les processus et les mécanismes de cette déviance et les solutions pour s’en sortir. Dans cette démarche, les comportements profanes sont envisagés le plus souvent de manière péjorative, c’est-à-dire en termes de résistance à la médecine et au progrès. Une telle orientation rend l'analyse sociologique très dépendante de son objet d'analyse et limite du coup sa portée théorique. Ce constat a persuadé tout un courant sociologique de prendre du recul vis-à-vis des catégories de savoir élaborées par la biomédecine. C’est ainsi que Freidson a procédé à la redéfinition de la perspective sociologique. Ce qui importe pour le sociologue ici, ce n'est pas la réalité objective de la maladie, mais son aspect social et ses implications sur le malade et la société. Bien que l’analyse freidsonienne se réfère aux catégories de savoir biomédicales, elle ne lui est pas subordonnée. Les considérations d’ordre historique et épistémologique évoquées par maints auteurs à l’appui de cette thèse ont persuadé le sociologue (ou du moins un courant sociologique) à ne plus percevoir le savoir et les normes de la médecine moderne comme des entités et des catégories absolues, mais plutôt comme une construction relative qui, tout en s’inscrivant dans le social, produisent du social. Au sein de cette perspective, une autre approche a vu le jour notamment en France, mais qui se réfère plutôt aux représentations et aux conduites profanes vis-à-vis de la santé, de la maladie et des faits avoisinants (tels le corps, la mort, ou l’handicap). Ainsi, tout en prenant en considération les paramètres de la biomédecine, la construction sociale de la maladie élaborée par cette tendance la déborde et l’englobe au sein d’une approche ouverte à la société et à la culture. Ces études sont marquées également par l’empreinte de l’anthropologie dans la mesure où elles se veulent holistes. Dans cet esprit, elles abordent les aspects en question comme des faits sociaux ou des faits totaux à partir desquels le sociologue tente de reconstituer le tout. L’ambition de ce système d’interprétation est de rendre simultanément compte des aspects physiques, physiologiques, psychiques et sociologiques des faits étudiés (Lévi-Strauss C.L., 1983). De même, elles montrent que les attitudes et les conceptions profanes relatives à la maladie, à la santé et aux modèles thérapeutiques sont révélatrices de notre rapport à la société et à la culture. Enfin, c’est aux anthropologues que revient le mérite de décoder le discours profane, de le lier à son référant social et culturel, d’articuler entre la dimension sociale et symbolique de la maladie et la cure, et d’offrir ainsi une approche intégratrice des faits sociaux.
A noter que les approches critiques vis-à-vis de la médecine ne constituent pas son rejet, mais traduisent une volonté d’opter pour une vision complexe et globale des faits étudiés permettant d’intégrer dans leur analyse l’ensemble des acteurs et des paramètres impliqués dans le processus de la santé de la maladie et des soins. En agissant de la sorte, ces approches se sont permises d’insérer au sein de leur corpus aussi bien les représentations et les conduites profanes que le discours et les normes véhiculés par les différents types de médecines (moderne et traditionnelle). En diversifiant leurs registres d’analyse, elles ont pu saisir la complexité de la réalité sociale étudiée, et, par la-même, elles ont enrichi et légitimé leur portée théorique ainsi que leur rôle dans la société.
Enfin, c’est bien grâce à ces approches tout à la fois critiques et ouvertes à l’ensemble des apports et des courants scientifiques et culturels que la construction sociologique de la maladie a constitué son champ théorique propre et a renforcé sa crédibilité et sa richesse tout en permettant à la sociologie de la santé de revendiquer un espace pertinent et autonome.
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