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Le premier siècle après Béatrice de Amin Maalouf : roman de science fiction ?

Insaniyat N°38 | 2007 | Le Local en mutation | p.73-89 | Texte intégral


Amine  Malouf’s  novel “The first century after Beatrice”  is it science fiction novel?

Abstract: This article aims at studying the generic adherence of Amine Malouf’s novel “The first century after Beatrice”. This tells the story of a world which preferred boys to girls and thus finished by leading humanity to destruction. The narrator Professor G., witnesses the events which humanity knew during a period, including the 21st century, during which women started disappearing because of a substance allowing only boys to be born. However this process once started is irreversible. The substance, at first considered as a medicine, changes following the public opinion, to a weapon capable of wiping out an enemy tribe or even another country, by simply limiting the number of women, thus that of births, and as a result people could disappear. Violence and hate increase incessantly over the years, and the world was only a vast field in which fear was alive everywhere like a tenacious weed, the fear of having your daughter carried off, of being alone or of disappearing.

This novel because of this scientific possibility which it develops, by it’s setting in the future, joins several novels belonging to a certain type namely science fiction. Therefore Amine Malouf’s novel will be analysed, broken down, each time trying to bring out science fiction characteristics which he retakes and adapts to defend female existence without which the world would risk chaos.

Keywords: Science fiction - reader - future - women - temporality.


Leila Dounia MIMOUNI : Chargée de Cours, Département des langues latines, Université d’Oran, 31 000, Oran, Algérie


 

Amin Maalouf[1] est un auteur prolifique de romans historiques, riches en développements thématiques traitant de problèmes d’identité, de société, de rapports humains… Le premier siècle après Béatrice ne fait pas exception, il traite du rapport qu’entretient l’humanité avec la femme et son image, avec la féminité.

Cependant, il possède un aspect qui le différencie du reste des romans du même auteur car c’est un récit situé dans le futur: le narrateur témoigne des événements qu’a connu l’humanité durant une période, incluant le XXIe siècle, pendant laquelle la femme commençait à disparaître à cause d’une substance permettant de donner naissance uniquement à des garçons. L’histoire est racontée par un ancien professeur en entomologie spécialisé dans l’étude des scarabées: Professeur G. Il parle de l’évolution d’un monde qui a fini par posséder un médicament permettant d’avoir des garçons plutôt que des filles, cependant, le processus, une fois entamé, n’était plus réversible. Le médicament se transforma, au gré de l’opinion publique, en arme capable de décimer une tribu ennemie ou même un autre pays, en limitant tout simplement le nombre de femmes, donc celui des naissances, et c’est ainsi qu’un peuple pouvait disparaître. La violence et la haine ne firent qu’augmenter avec les années, et le monde n’était qu’un vaste champ dans lequel grouillait la peur telle une mauvaise herbe tenace, la peur de se faire enlever sa fille ou tout simplement de disparaître.

C’est un roman d’une grande richesse du point de vue humain car l’auteur traite de la disparition des femmes, rappelant ainsi le rôle primordial que joue la féminité non seulement sur le plan de la survie de la race humaine mais aussi sur le plan de l’importance de son rôle en tant que compagne, en tant que présence.

Ce qui caractérise le roman de Maalouf par rapport à d’autres œuvres qui traitent du rôle important de la femme c’est le fait, d’une part, que les événements se situent dans le futur, et, d’une autre part, que l’élément responsable de cette disparition soit un produit de la science. Ces deux éléments font penser à un genre bien spécifique c’est-à-dire la science fiction.

La science fiction étant le seul genre qui, selon moi, situe le récit dans le futur tout en utilisant la science, ce récit semble se prêter alors, de prime abord, à cette brève définition du genre. Cependant est-ce pour autant que Le premier siècle après Béatrice se situe dans le champ de la science fiction? Est-ce qu’il obéît aux caractéristiques du genre?

Pour répondre à ces questions, je vais définir différents éléments et ce pour bien délimiter le champ des réponses. Je déterminerai ainsi les critères sur lesquels je me baserai pour savoir si Le premier siècle après Béatrice est un roman de science fiction.

I. La science-fiction: éléments de caractérisation

La science fiction, de manière générale, est considérée comme étant un genre assez récent, cependant, dans un effort de légitimation, mais aussi surtout dans le but de l’élaboration du genre, les instances critiques le font remonter, en passant par le mythe et la légende, à Gilgamesh, l’Histoire vraie de Lucien[2], puis au 17e siècle à Le Songe de Kepler[3], Histoire comique des Etats et Empires de la Lune (1657) et des Etats et Empires du Soleil (1662) de Cyrano de Bergerac car introduisant le thème du voyage dans la Lune. Pour passer, dans une époque plus récente, au Frankenstein ou le Prométhée moderne (1817) de Mary Godwin-Shelley, Le Docteur Jekyll et Mr Hyde (1885) de Stevenson, L’Eve future (1886) de Villiers de L’Isle-Adam, pour finir avec l’ensemble des oeuvres de H.G. Wells, de Rosny Aîné et de Jules Verne qui constituent, avec la grande évolution technologique et son entrée dans la vie quotidienne, le véritable commencement de la science fiction.

Cependant, la science fiction, à cette période, n’est pas connue sous ce nom, encore moins définie comme genre, on parlait de : roman scientifique (Rosny), scientifique romance (Wells), voyages extraordinaires (Verne), jusqu'à ce qu’enfin arrive Gernsback qui, après avoir parlé de scientification (1926), donne au genre son nom: science-fiction[4] (1929).

Ainsi, chacune des œuvres citées plus haut et bien d’autres s’inscrivent à leur manière dans ce genre, de part les thèmes qu’elles traitent tels que: le voyage dans la Lune ou sur d’autres planètes, le voyage dans le temps, les extraterrestres, les robots... Utilisant, dans l’ensemble, la science et la technologie comme moyen de réalisation de voyages ou de créations, et considérant la science comme étant l’emblème de lendemains prometteurs, ce qui fut le cas, du moins au début, pour certaines œuvres de Jules Verne (De la Terre à la Lune, Vingt Mille Lieues sous les mers, etc.).

Cependant, la science fiction glisse rapidement[5] de l’optimisme au pessimisme, des utopies aux anti-utopies, du scientisme à l’antiscientisme, vers la fin du 19e siècle avec Jules Verne (Face au drapeau, 1896), H.G. Wells ( Quand le dormeur s’éveillera, 1899); puis au 20e siècle, avec les guerres (Hiroshima) et le commencement d’une dépendance envers la science et le progrès (technofascisme), qui, au fur et à mesure, permettaient de réaliser les rêves et les désirs humains les plus fous, plus vite que la capacité morale humaine à en définir les conséquences (qu’elles soient positives ou surtout négatives), d’où la naissance d’une nouvelle angoisse sociale face à un futur incertain causé, non pas cette fois-ci par la peur d’une fin du monde prophétisée par la religion, mais par la science, et qui fut développée et exploitée par plusieurs auteurs tels que: Aldous Huxley ( Le Meilleur des mondes, 1932), George Orwell ( 1984, 1948), et bien d’autres.

Ensuite, la science fiction a pris plusieurs voies grâce à différents auteurs pour la plupart américains.

La science fiction est ainsi «moins un genre littéraire qu’un changement de genre perpétuellement renouvelé: au début, elle a l’air d’en appeler à l’illusion naïve comme le conte merveilleux; à la fin elle requiert la croyance, comme le mythe ou la légende. 2001: L’Odyssée de l’espace (A. C. Clarke) est un mythe racontant comment l’humanité a commencé et comment elle finira»[6]. Elle «prend ses racines dans les mythes, le folklore, la kabbale, l’architecture magico-religieuse»: la machine à remonter le temps serait «la mise au goût du jour de la croyance de la métempsycose, qui permettait aux âmes de transmigrer de corps en corps et, par conséquent d’une époque à une autre», ou encore le robot n’étant «que la version ‘‘machinisée’’ du Golem des cabalistes».«Toute la faune interplanétaire exhibée aujourd’hui par la SF» serait «issue des monstres mythologiques, des bestiaires et de la démonologie du moyen âge». La science fiction «devient ainsi une sorte de mythologie à rebours, une cosmogonie de l’avenir privée de signification religieuse»[7], mais gardant, souvent, une signification morale sur les conséquences possibles d’une science qui échapperait au contrôle humain;elle «devient un instrument d’une extrême souplesse, grâce auquel toutes sortes de fables politiques et morales, de contes de fées, de mythes peuvent être transposés et adaptés à des lecteurs modernes»[8].

La ‘science’ est l’outil de prédilection du genre car elle permet une extension, un prolongement de la réalité, donnant une impression de réalisme, introduisant «l’imaginaire dans le réel en anticipant sur les résultats acquis.»[9].

La science fiction«n’emprunte pas à la science ses seuls objets, mais essentiellement sa démarche, sa cohérence interne, son souci de comprendre, son désir fantasmatique du‘‘rien n’est impossible’’ (...), seule littérature à fantasmer sur l’objet technologique»[10], elle naît«des profonds bouleversements sociaux et technologiques de la fin du 19e siècle» étant«essentiellement un rêve de science, (...) une vision du monde»[11].

Certes la science fiction ne se base pas sur rien, et bien que s’étant ouvert un champ plus vaste, fertile à l’imagination, par le biais de la science et de la technologie, ce dernier n’est pas exploité à fond, car au lieu de créer, par exemple, des mondes nouveaux sur d’autres planètes, les textes ont un arrière-goût de déjà-vu, faisant plus allusion au monde ‘réel’; mais on ne peut pas dire pour autant que la science fiction se limite simplement à une imitation de monstres séculaires, car elle réussit à introduire le plus effrayant des extraterrestres, le plus horrible des cataclysmes dans le champ du possible et du plausible, et ce, tout simplement en extrapolant les innombrables possibilités qu’offre la science.

Mais ce ‘possible’ et ce ‘plausible’ ne sont possibles que parce que ces texte de science fiction font appel à ce que Moskovitz nomme une«atmosphère de crédibilité scientifique» afin de «suspendre l’incrédulité du lecteur»[12]. Darko Suvin a d’ailleurs établi dans cette optique deux critères[13], sur la base desquels une œuvre peut être considérée comme étant de la science fiction:

- Le premier tient à la notion d’hégémonie: il faut que «l’élément spéculatif soit significatif, central et qu’il détermine, au sens fort, la logique de la narration»[14]. Si on applique ce critère au roman Le premier siècle après Béatrice, l’élément spéculatif serait cette possibilité de sélection sexuelle au niveau des naissances, c’est-à-dire la «substance». Le cataclysme, que connaît le monde décrit dans le roman, est en partie dû à un produit de la science. Bien que ce dernier ne soit pas décrit dans le cadre de son mécanisme, ceci n’entrave pas la logique du récit (le narrateur s’explique dans le texte par cette phrase: «Je ne voudrais pas me laisser entraîner dans une discussion trop technique; la biologie humaine n’est pas mon domaine, la pharmacologie encore moins; d’ailleurs, tout ce que je pourrais raconter ici existe, clairement exposé, dans les ouvrages des spécialistes.»[P.S.B.[15], p.77]).

- Le second rattache la science fiction au monde réel, il tient à la notion de «consistance du monde représenté dans l’œuvre (...). Inventer un moyen de transport instantané (...) dans un univers de conte, ce n’est pas spéculer »[16] car une spéculation doit prendre «corps dans un monde représenté qui ait la consistance, la cohésion des mondes mimétiques, afin que la distanciation, comme l’innovation, n’aient pas pour conséquence l’impossibilité d’“effets de réel”»[17]. Ainsi, en ce qui concerne le monde décrit dans le roman, en revenant au second critère de Suvin et en se référent à la définition de Butor: «On part du monde tel que nous le connaissons, de la société qui nous entoure. On introduit un certain nombre de changements dont on cherche à prévoir les conséquences.»[18]. La «substance» est utilisée dans un monde qui possède la cohésion des mondes mimétiques.

Le champ de la science fiction englobe aussi l’espace temporel, c’est-à-dire: le passé, le présent et le futur. Car bien que la science fiction soit la seule à s’intéresser à la dimension future, elle ne s’y limite pas pour autant, comme le signale Spinrad: «la SF, qui peut envisager tous les espaces, tous les temps (...), occupe tout le spectre des possibles»[19]. Elle peut s’intéresser: «au passé, tout comme le roman historique mais dans le cadre de l’uchronie[20] ou dans le cadre du voyage dans le temps», au présent «dans lequel peuvent surgir des restes du passé (Jurassic Park), l’ailleurs peut surgir (rencontres du troisième type), le futur peut nous contacter»[21] (les machines à voyager dans le temps).

Le futur, quant à lui, est l’un des traits spécifiques de la science fiction. Ce dernier représente ce qui n’est pas, et ce qui n’est pas encore connu, apportant avec lui l’idée du possible. Il «est à la fois gros du présent et du passé, et radicalement différent d’eux, laissant lorsqu’il s’actualise libre cours à l’inédit. C’est ce qui le rend problématique et angoissant»[22]. C’est cet aspect incertain du futur qui crée cette angoisse sur laquelle se base la science fiction pour développer tout ce qui semble, pour le moment, de l’ordre de l’impossible et de“l’impensable”, ouvrant un vaste champ du possible, ce qui est le cas, par exemple, avec l’un de ses thèmes les plus récurrents: les fins du monde. Ces fins du monde sont le résultat de la peur face à l’idée de sa disparition, de sa propre mort, c’est une angoisse qui reste «inscrite dans la mémoire culturelle de l’humanité»[23], dans«son inconscient collectif, modelé ou non par les religions (l’Apocalypse, l’Armageddon, le Déluge, etc.)»[24].

Jacques Favier propose plusieurs figures dans lesquelles il montre ce à quoi se trouve confronté le lecteur de textes de science fiction dont l’action se passe dans le futur, et ce, en plaçant ce type de récits sur un axe temporel. Dans le cadre de cette étude j’en utiliserai deux: Figure 1 et Figure 4. Commençons par développer la première figure:

Figure -1-: «Conflit des temps: futur virtuel et présent»

Dans cette figure, Jacques Favier tente d’expliquer ce à quoi est confronté le lecteur d’un roman de science fiction: «Le conflit, produit dans l’esprit du lecteur, entre la virtualité future d’un fait et sa représentation du passé se révèle être souvent à l’origine de l’abandon de la lecture (...) certains lecteurs ne peuvent se résoudre à faire le saut de l’imagination qui les placerait en N, à admettre le fait que le segment LN (incluant P) soit à la fois futur pour le lecteur et passé pour le narrateur»[25]. C’est ce qu’on a appelé dans le Dictionnaire Historique Thématique et Technique des Littératures: «la convention du “double futur”», «ce jeu de temporalité (…) consiste en ce que le narrateur est censé écrire dans le futur d’une histoire révolue pour lui, mais à venir pour le lecteur». Favier, cependant, indique que souvent le lecteur, dans le cadre de la compréhension du récit, n’a pas vraiment besoin de le situer dans une période précise.

On peut dire, pour conclure, qu’on ne peut parler de science fiction qu’à partir du «moment où s’élabore une conscience claire (...) de la réalité scientifique, afin que puisse se développer, avec sa logique propre, la notion et l’illustration du ‘‘possible’’, sur les modes de l’extrapolation, de l’anticipation.»[26], exploitant les différentes angoisses nées du rapport que l’humain entretient avec le passé, le présent, et surtout le futur. En fait, une histoire de science fiction, comme la définit Théodore Sturgeon, est «une histoire construite autour d'êtres humains, avec un problème humain et une solution humaine, et qui n'aurait pu se produire sans un contexte scientifique» (in mail).[27]

II. La logique du récit

Je vais me pencher maintenant sur plusieurs éléments qui participent la logique de ce récit de Maalouf. Une certaine logique est nécessaire dans un récit de science fiction. En développant ces différents éléments, je pourrai montrer comment cette logique s’organise afin d’éviter le rejet du lecteur face à l’aspect futuriste.

Le premier siècle après Béatrice est un récit à la première personne dans lequel le personnage principal témoigne des changements qu’a connu le monde à cause de la ‘substance’. Dans des romans de cette nature: «le récit n’est pas susceptible de vérification (…)le lecteur de ce type de roman est toujours conscient du fait que dans le cours de sa lecture il adopte le point de vue du narrateur, dont le savoir est nécessairement limité.»[28] C’est ce que remarque Friedrich Spielhagen quand il écrit que le savoir du narrateur doit de toute façon être confirmé, ce qui, selon lui, indique les limites de l’artificialité de ce type de récit: «“Du commencement à la fin, le roman à la première personne est une lutte pour l’authenticité.”».[29]

A. Maalouf, dans cet effort d’authenticité a, d’une part, développé ses personnages dans cette optique et a pris, d’une autre part, en considération deux catégories de lecteurs(les lecteurs du futur (fictifs), et ceux du présent (réels), et ce afin que le récit ait une certaine cohérence.

1. L’étude des personnages

Le récit étant un témoignage, il doit avoir une certaine cohérence interne qui permet d’éviter le rejet du lecteur. Ce dernier se met à la place du lecteur du futur, un futur cataclysmique, un lecteur fictif. Le lecteur ‘du futur’ connaît et maîtrise la plupart des paramètres de l’Histoire qu’“a vécu” le narrateur, tous les éléments cités dans le témoignage du Professeur G. peuvent être vérifiés. Cet aspect du récit qui renvoie à une ‘réalité’ future extérieure au texte, est très présent par le biais de la description physique (présente ou absente) des personnages:

Le narrateuret les personnages

Le narrateur ne se nomme pas et ne se décrit pas physiquement dans le texte parce que, comme il nous l’explique au début de son témoignage, «Mon nom, je le sais, a été mentionné dans les livres» (P.S.B., p. 9). Le texte qu’il rédige, s’il risque d’être publié, le sera avec en en-tête son nom, ce qui fait qu’il n’a pas besoin de le mentionner, encore moins de se décrire, car si le ‘lecteur futur’ ressent le besoin de connaître l’aspect physique qu’a le narrateur il peut facilement trouver une photo dans un livre d’histoire.

Les personnages tels que Pradent (personnage politique), le docteur Foulbot[30], Don Gershwin[31], ne sont pas décrits physiquement, parce qu’ils étaient des personnages qui avaient marqués l’“Histoire”, ayant, de façon directe ou indirecte, participé à l’évolution des événements; de ce fait si le ‘lecteur futur’ est intéressé par tel ou tel de ces personnages il n’aurait qu’à accéder aux livres relatant les événements de manière plus détaillée.

Tous ces éléments accentuent l’aspect de témoignage du récit lui donnant plus de “réalisme”, le fait qu’il ne décrit pas certains personnages (car déjà ‘présentés’ dans des ouvrages historiques) les relient à une réalité dans laquelle ils existent et restent comme référence d’une Histoire touchant un lecteur du futur[32].

Le personnage de Béatrice quant à lui joue un rôle important dans l’organisation d’un récit qui, sous la forme d’un témoignage, situe son action dans un temps représentant à la fois le passé pour le narrateur et le futur pour les lecteurs, car le narrateur ne cite pas de date précise.

Le narrateur prétextant son profond attachement envers Béatrice («Jusqu’à la cinquième année de Béatrice ¾ m’en voudra-t-on si je date ainsi les événements de la naissance de ma fille; j’ai mes raisons, que mes lecteurs indulgents ne manqueront pas de déceler; et puis, de toute façon, Béatrice est quasiment née avec le siècle, les historiens pointilleux n’auront qu’un infime réajustement à faire ¾» [ P.S.B., p.89]) écrit au grés de ses souvenirs reliant les événements à l’une des choses dont il se souvient le mieux c’est-à-dire les différents âges de Béatrice:

- « Dans mon souvenir, ce débat [plat survenu à la suite de l’apparition d’un rapport sur la diminution des naissances féminines] demeure lié à la naissance de Béatrice. Un nouvel âge commençait pour ma minuscule tribu mais peut-être aussi pour le reste de l’humanité.»(P.S.B., p. 68).

- « jusqu’à l’an cinq après Béatrice, les pays du Nord avaient assisté en spectateurs à la propagation du mal» (P.S.B., p. 89) et ce avant que n’arrive l’affaire Amy Random[33].

- «je recommande la lecture de la brochure publiée en l’an sept par les autorités européennes de Bruxelles» (P.S.B., p. 93): apparition des premières statistiques alarmantes pour le “Nord”.

- «Aux environs du huitième anniversaire de Béatrice» (P.S.B., p. 93), correspondant au moment où «cette réalité planétaire aux contours vagues mais menaçants était désormais présente dans les esprits; que beaucoup devinaient, de plus, l’ampleur des ravages déjà causés par la “substance” dans diverses contrées» (P.S.B., p. 94).

- «l’échec initial de la campagne lancée par le Réseau en l’an treize, sur le thème: “Le Nord est sauvé, sauvons le Sud”.» (P.S.B., p. 99).

- «une vraie et belle fille de quatorze ans» (P.S.B., p. 111), date du sommet organisé par le Réseau, dans lequel étaient réunis les représentants des pays du monde, et à la suite duquel tous ces pays se sont engagés à réagir pour stopper le fléau.

- «C’est en l’an vingt du siècle de Béatrice, en juillet (…) que fut annoncée (…) la mort du maître de Rimal, Abdane» (P.S.B., p. 134), période à laquelle commença la montée inexorable de la peur et de la rage.

- «m’expliqua que notre fille avait, à vint-cinq ans, besoin de vivre pleinement avec un homme» (P.S.B., p. 147); «Aucun de nous quatre ne se doutait qu’elle était déjà enceinte. Je devais l’apprendre des semaines plus tard» (P.S.B., p. 147), événements coïncidant avec le début d’une dangereuse convoitise envers femmes.

Il apparaît donc que le narrateur utilise les différents âges de Béatrice comme, en quelque sorte, unique datation, l’une des seules autres datations reste assez floue: « C’est au Caire que tout a commencé (…) il y a quarante quatre ans (…) il suffit de dire que c’était au voisinage de l’année aux trois zéros [avant ou après l’an 2000? Et de combien d’années?] » (P.S.B., p. 12). Ainsi, il inscrit le récit dans une certaine atemporalité, donnant au récit une valeur morale plus profonde, applicable à toutes les périodes, ou presque, car bien que la datation soit floue, en faisant un calcul plus ou moins précis, il n’y a que quelques années de marge.

C’est ainsi qu’il a recours à plusieurs éléments qui permettent la compréhension pour éviter un rejet de la part du lecteur. Ce dernier est dans un processus assez complexe que l’auteur doit prendre en considération: le lecteur du présent, tout en se mettant à la place d’un lecteur du futur censé connaître déjà une partie de l’Histoire, a besoin qu’on lui raconte les événements dés le début.

L’auteur utilise dans ce but différents stratagèmes:

1. Afin d’entretenir l’existence, bien que virtuelle mais vitale (pour une certaine logique du récit), d’un lecteur du futur, l’auteur: n’a pas, par exemple, donné de description physique de certains personnages ( aspect que a déjà été développé précédemment); il a marqué l’existence de cette catégorie de lecteurs soit en s’adressant à eux: «J’avais dû effectuer (…) un déplacement d’une toute autre nature, qui doit paraître dérisoire aux yeux du lecteur d’aujourd’hui» (P.S.B., p. 125), soit en indiquant qu’ils avaient la possibilité d’accéder à certaines informations par eux-mêmes: «Je ne voudrais pas alourdir ces souvenirs de chiffres qu’il serait aisé de retrouver dans les manuels; à ceux que de telles données intéresseraient, je recommande la lecture de la brochure publiée en l’an sept par les autorités européennes de Bruxelles sous ce titre mi-poétique, mi-apocalyptique, mais qui produisit son effet: “… et tout est dépeuplé”» (P.S.B., p. 93).

2. Ensuite l’auteur a dû, sans pour autant perturber le déroulement du récit, décrire et narrer les événements pour un lecteur “néophyte”. C’est ce qu’il tente de faire soit de manière directe: «Avant de m’attarder un peu plus sur le rôle que je me suis retrouvé en train de jouer, je devrais peut-être dépeindre un peu mieux, pour ceux qui n’ont pas connu cette époque, le climat qui s’était installé.» (P.S.B., p. 93); soit en justifiant cela par un désire personnel: « Mais c’est sur l’ “image” que je dois, l’espace de quelques paragraphes, fixer mon regard. Chacun aujourd’hui peut voir comme moi à quoi le monde s’est mis à ressembler, rien de ce que je pourrais décrire n’est inconnu, rien ne surprendra; mais telle est la tâche absurde que je me suis fixée, témoin, peintre légiste, greffier des épilogues» (P.S.B., p. 142).

En appliquant ces différents éléments sur la figure 1, j’ai établi deux schémas: le premier selon les indications du narrateur et le second selon les historiens de son temps avec deux catégories de lecteurs ceux de 1992, l’année à laquelle le livre a été édité, et ceux de 2007 (que nous représentons):

 

Ce schéma, a été établi en se basant sur la datation donnée par le témoignage du narrateur, c’est-à-dire au moment où tout a commencé selon lui («C’est au Caire que tout a commencé (…) il y a quarante quatre ans (…) il suffit de dire que c’était au voisinage de l’année aux trois zéros. J’ai écrit “commencé”? Commencé pour moi, je voulais dire (…) Mais je me place ici du strict point de vue du témoin: à mes yeux la chose est née quand je l’ai rencontrée pour la première fois.» [P.S.B., p. 12]). De ce fait, son départ pour le Caire coïncide avec le moment de lecture L2, c’est un événement qui pour nous se produit à la même période («au voisinage de l’année aux trois zéros» [P.S.B., p. 12]) rentrant dans le domaine du vérifiable et faisant peut être perdre au texte un peu de son impacte sur le lecteur. Il reste cependant futur pour L1 demeurant dans le domaine du possible et gardant ainsi tout son effet angoissant.

Ce schéma, quant à lui, a été établi selon la datation des “historiens” («les historiens font remonter la genèse du drame bien plus haut dans le temps » [P.S.B., p.12]), le début des événements remonterait alors soit aux alentours de L1 (appartenant ainsi à la même période), soit bien avant, entrant de ce fait dans le cadre du passé et précédant ainsi les deux moments de lecture (L1, L2).

Le lecteur se trouve donc confronté à un fait qui, bien que précédant ou débutant à un moment de lecture (L1, L2), reste futur pour lui et passé pour le narrateur, connaissant ainsi le conflit indiqué par Favier.

Je vais maintenant m’intéresser à un autre cas de figure. La Figure 4, tel qu’il a été établi par J. Favier, représente les quelques cas où il arrive que P atteigne le moment de la narration, N, ou même le dépasse:

 

Cette figure représente le cas «de nombreux récits en forme de journal, où le narrateur de scènes successives (A1, A2, etc., An) aboutit à la mention ou à la description de l’état des choses dans le présent de la narration (c’est-à-dire en N), puis à des spéculations sur les développements probables de la situation (au-delà de N)»[34], ce qui nous renvoie directement à ce corpus.

Ces deux cas de figures montrent la complexité et la spécificité de certains textes de science fiction. Il faut ajouter que la science fiction bien que pouvant «raconter n'importe quoi [35] (...) ne peut pas le raconter n'importe comment ! Elle est tenue de rendre plausible (attention : je n'ai surtout pas dit possible !) l'aspect imaginaire du récit»[36], et pour cela elle n’utilise pas à profusion, comme on a tendance à le croire, le futur mais les temps du passé, car d’une part «si l’avenir peut paraître très réel dans la bouche d’un prophète, le passé tel que le décrit un historien ou un chroniqueur, apparaît, lui beaucoup plus convaincant, par la simple vertu des témoignages laissés»[37], ce qui est le cas dans ce récit de Maalouf ; d’autre part «l’usage de ce passé de narration constitue un ancrage dans le temps qui confère une apparence d’authenticité à des faits imaginaires »[38]. Cependant, et pour en finir avec l’aspect temporel des récits de science fiction: «Comme la lourdeur du passé-dans-le-passé gêne souvent, on a évidemment recours à des palliatifs classiques (des adresses au lecteur). Or, ces procédés sont particulièrement fréquents en SF, car les conditions à l’extérieur de P sont déjà imaginaires, alors qu’elles ne le sont pratiquement jamais en romanesque classique»[39].

Ainsi en appliquant la Figure 4 sur ce corpus j’obtiens la figure suivante :

Le schéma 5 semble être le plus adéquat pour représenter ce qui arrive dans ce récit : le narrateur raconte les événements du passé, et passe à ce qui se passe dans le présent de la narration c’est-à-dire ‘N’ (« Mais c’est sur l’ “image” que je dois, l’espace de quelques paragraphes, fixer mon regard. Chacun aujourd’hui peut voir comme moi à quoi le monde s’est mis à ressembler » [P.S.B., p. 142]), puis spécule sur son propre avenir vers le moment ‘P1’ («Un jour prochain, je ne reviendrai pas de ma promenade. Je le sais, je l’attends, je ne le redoute guère. Je partirai par quelques sentier familier (…) Soudain, épuisé (…) mon cœur se mettra à hoqueter (…) Et, en quiétude, je fermerai les yeux» [P.S.B., p. 157]).

III. Conclusion

Le premier siècle après Béatrice est un très beau roman d’amour dédié à la femme. Dans cette œuvre, Amin Maalouf, en abordant la possibilité de la disparition de la femme, nous met face à un monde sans féminité, un monde violent, froid et surtout profondément désemparé.

Cette possibilité, l’auteur la développe dans le futur, un aspect nouveau de l’œuvre de Amin Maalouf qui m’a poussé à me demander si Le premier siècle après Béatrice pouvait appartenir à la science fiction? J’ai donc commencé par définir la science fiction afin de délimiter le champ dans lequel pouvait être inclut ce roman de Maalouf.

La science fiction est un genre qui utilise non seulement la science pour développer différentes possibilités dans le futur et réaliser les désirs les plus fous, mais utilise aussi la littérature pour prévenir des conséquences désastreuses d’une science sans éthique. C’est un genre qui se base en grande partie sur le mécanisme de lecture, et c’est dans le but d’éviter le rejet du lecteur que deux critères restent indispensables: il faut que, d’un coté, l’objet spéculatif soit central et qu’il détermine en grande partie la logique de la narration, et d’un autre, qu’il soit matérialisé dans un monde qui possède la cohésion des mondes mimétiques. Dans Le premier siècle après Béatrice, l’élément spéculatif qu’est la substance détermine la logique du récit car sans lui rien ne se serait passé. Quand au monde décrit dans l’œuvre c’est un monde qui a emprunté à la réalité une grande partie de ses éléments constitutifs.

J’ai ensuite abordé la logique du récit englobant tous les éléments qui ont permis d’éviter le rejet du lecteur :

  • Les personnages: le fait que certains personnages ne sont pas décrits dans le roman a renforcé l’effet du réel, le récit s’adressant à des lecteurs du futur, ces derniers n’avaient qu’à consulter les livres historiques; quant au personnage de Béatrice, le narrateur a utilisé ses différents âges afin de dater les événements donnant ainsi au récit un aspect partiellement atemporel, accentuant de ce fait l’angoisse du lecteur.
  • L’image d’un lecteur virtuel, car l’auteur a dû prendre en considération deux catégories de lecteurs: les lecteurs du présent (réels) et les lecteurs du futur (fictifs); le lecteur du présent, tout en se mettant à la place d’un lecteur du futur censé connaître déjà une partie de l’Histoire, a besoin qu’on lui raconte les événements dés le début.

Il s’avère ainsi que la science fiction tente, dans la plupart des cas, de créer un effet de réel. Cet effet de réel recherché a été, certes, énormément conforté par l’aspect homodiégétique du récit, mais il l’a été aussi par le rapport entretenu par le narrateur avec le lectorat, le rôle que jouaient les personnages dans cette ‘plausibilisation’ du récit, le fait de traiter de la disparition de la femme… Tous ces éléments combinés entre eux ont permis d’éviter le rejet du lecteur et ont, de ce fait, accentué l’angoisse véhiculée dans l’œuvre, cette angoisse qui n’aurait pu être développée que dans le cadre du futur.

Ainsi, pour conclure, et en se basant sur la présence des différents éléments caractéristiques de la science fiction (l’élément spéculatif, la consistance du monde représenté dans l’œuvre, la temporalité) dans cette œuvre, l'apparaît que Le premier siècle après Béatrice rentre dans le cadre de ce genre qu’est la science fiction.

Bibliographie

Dictionnaires et encyclopédies

Dictionnaire Historique Thématique et Technique des Littératures, Librairie Larousse, 1989.

Encyclopaedia Universalis, 1996.

Ouvrages

Boutinet, J.-P., Anthropologie du projet, Presses Universitaires de France (P.U.F.), 1990.

Butor, Michel, Essais sur les modernes, Editions de Minuit, Paris, 1964.

Guiot, Denis; Andrevon, J.P. et Barlow, G.W., Le Monde de la Science-Fiction, M.A. éditions, 1987.

Revues

Favier, Jacques, «Les jeux de temporalité en science-fiction», in Littérature, n° 8, Décembre 1972.

Glowinski, Michal, «Sur le roman à la première personne», in Genette, Gérard (dir.), Esthétique et Poétique, Editions du Seuil, 1992.

Guiot, Denis, «Faire de l’uchronie», Mouvance, n° 5 - Juillet 1981.

Pereira, M., «Le fil de l’imaginaire», in Le Courrier de l’Unesco, Novembre 1984.

Sitographie

Les articles suivants se trouvent sur ce site: http://www.quarantedeux.org/archives_stellaires/roger_bozzetto/ecrits.html

Bozzetto, Roger, «Lucien de Samosate, ce n'est pas (encore) de la fiction à visée spéculative l'Histoire vraie ou l'imaginaire ludique et gratuit d'avant la fiction spéculative», Première version du texte : Change, nº 40, mars 1981, pp. 55-67 (numéro spécial "Science-Fiction & histoires").

Bozzetto, Roger, «SF et expérimentations formelles:Formes et registres modernes de l'imaginaire» ; Première publication : l'Obscur objet d'un savoir. Université de Provence, 1992, pp. 211-212 & 223-235.

Bozzetto, Roger, «Kepler, naissance de la visée spéculative fondée sur la science au sens moderne du terme: Kepler et Le Songe où l'invention de la fiction spéculative à caution scientifique».

Bozzetto, Roger, «La littérature de S-F: recherche critique désespérément».


Notes

[1] Amin Maalouf est un auteur libanais né en 1949. Après avoir fait des études d’économie et de sociologie, il devient journaliste. Il se consacre maintenant à l’écriture. Ses principales œuvres sont: Les Croisades vues par les Arabes (1983), Léon l’Africain (1986), Samarcande (1988), Le Rocher de Tanios (1993)…

[2] Cependant, dans le cas de l’Histoire vraie de Lucien, Roger Bozzetto remet en question (dans son article «Lucien de Samosate, ce n'est pas (encore) de la fiction à visée spéculative: l'Histoire vraie ou l'imaginaire ludique et gratuit d'avant la fiction spéculative») le rapport qu’entretiendrait cette œuvre avec la science fiction.

[3] Consulter pour plus de détails l’article de Roger Bozzetto: «Kepler, naissance de la visée spéculative fondée sur la science au sens moderne du terme: Kepler et Le Songe où l'invention de la fiction spéculative à caution scientifique».

[4] Gernsback, cependant, «en refermant la SF dans la notion de genre, lui assigne un rôle précis,celui de ‘‘prophétiser’’ le futur en mettant l’accent sur la science de demain, rôle qu’elle va traîner comme un boulet à partir de l’après-guerre» (Guiot, Denis, «Avant-Propos», in Le Monde de la Science-Fiction, p. 8), car, comme on le verra ensuite, «‘‘La’’ science-fiction, loin de se ramener à un genre homogène (...) s’éparpille en une multiplicité de courants, tendances et genres divergents» (in Dictionnaire Historique Thématique et Technique des Littératures) englobant et traitant différents thèmes, n’ayant parfois aucun but prophétique.

[5] Ce fut le cas en Europe, vers la fin du 19e siècle et au début du 20e (plus précisément à la fin de la première guerre mondiale), mais aux Etats-Unis le changement d’attitude face à la science ne s’opéra qu’après la deuxième guerre mondiale suite aux drames d’Hiroshima et de Nagasaki.

[6] In Encyclopaedia Universalis, 1996.

[7] Pereira, M., «Le Fil de l’imaginaire», in Courrier de l’Unesco, Novembre 1984.

[8] Butor, Michel, Essais sur les modernes, Paris, Editions de Minuit, 1964, p.229.

[9] Butor, Michel, op. cit., p.224.

[10] Guiot, Denis, «Science», in Le Monde de la Science-fiction, M.A. éditions, 1987, p. 198.

[11] Ibid.

[12] Cité dans l’article de R. Bozzetto: «Lucien de Samosate, ce n’est pas (encore) de la fiction à visée spéculative: l’«Histoire vraie» ou l’imaginaire ludique et gratuit d’avant la fiction spéculative», Première version du texte : Change, nº 40, mars 1981, p. 55-67 (numéro spécial "Science-Fiction & histoires"); http://www.quarantedeux.org/archives_stellaires/roger_bozzetto/ecrits.html.

[13] Darko Suvin (Pour une poétique de la SF, Presses de l'Université du Québec, 1977)«à l'aide d'instruments conceptuels empruntés aux formalistes russes — de Chlovski à Bakthine — à une sociologie teintée de marxisme, et à une théorie de la distanciation qui provient de B. Brecht, a construit des critères de définition de la SF — “dans la jungle des genres”. Il tient compte du type de distanciation (estrangement) par rapport au monde du quotidien (le "zéro world"), du projet qui motive la distanciation, et qui doit avoir une visée "cognitive", le tout avec l'exploitation d'une idée neuve, d'une innovation (le "novum"). Critères multiples et convergents : seule la conjonction des trois définit la construction littéraire de type SF.» (Bozzetto, Roger, op. cit., 1981). Il faut cependant ajouter qu’« À moins de considérer que ces critères théoriques, élaborés dans le corpus de la SF issue de la veine utopique, prolongée par la perspective technologique — de More à Gernsback —, s'ils sont parfaitement adéquats pour les ouvrages qui se situent dans cette perspective, se trouvent quand même inopérants ailleurs » (Bozzetto, Roger, op.cit., 1981).

[14] Bozzetto, Roger, op.cit., 1981.

[15] Le premier siècle après Béatrice, coll. «Le Livre de Poche», Editions Grasset & Fasquelle, 1992.

[16] Bozzetto, Roger, op. cit., 1981.

[17] Ibid.

[18] Butor, Michel, op. cit., pp. 225-226.

[19] Spinrad, Norman, Science fiction in the real World, Southern Illinois UP, 1990, p.33; cité dans l’article de R. Bozzetto: «La littérature de S-F: recherche critique désespérément».

[20] «L’uchronie change la corde lisse d’un temps linéaire en une corde à nœuds historiques altérés dont seront issues les réalités déviantes», «mais pour qu’il y ait uchronie, il faut que le nœud altéré soit l’œuvre du hasard, c’est-à-dire non une manipulation due à un quelconque voyageur temporel» (Guiot, Denis, «Faire de l’uchronie», in Mouvance, n°5, Juillet 1981).

[21] Bozzetto, Roger, «La littérature de S-F: recherche critique désespérément».

[22] Boutinet, J.-P., Anthropologie du projet; Presses Universitaires de France (P.U.F.), 1990, p. 64.

[23] Andrevon, J.-P., «Catastrophes, cataclysmes et fins du monde», in Le Monde de la Science-Fiction, M. A. éditions, 1987, p. 48.

[24] Ibid.

[25] Favier, Jacques, «Les jeux de temporalité en science-fiction», in Littérature, n° 8, Décembre 1972, p.55.

[26] Bozzetto, Roger, «SF et expérimentations formelles: formes et registres».

[27] J’ai réussi à contacter M. Denis Guiot (cf. bibliographie) par voie d’internet, et nous citons quelques extraits des mails.

[28] Glowinski, Michal, Sur le roman à la première personne, in Genette, Gérard (dir.), Esthétique et Poétique, Editions du Seuil, 1992, pp. 232-240.

[29] Spielhagen, Friedrich, «Der Ich-Roman», chapitre de ses Beiträge zur Theorie und Technik des Romans, repris dans Zur Poetik des Romans, Volker Klotz (éd.), Darmstadt, 1965, p. 157; cité dans Sur le roman à la première personne, Glowinski, Michal, op.cit., p. 240.

[30] Le docteur Foulbot est celui qui, en commercialisant la «substance», fut en quelque sorte le responsable direct de sa propagation à travers le monde.

[31] Don Gershwin est l’avocat qui, grâce à un procès, a permis le déclenchement d’une suite d’autres procès causant la faillite des sociétés pharmaceutiques qui produisaient la «substance».

[32] Je développerai plus loin la confrontation lecteur du futur / lecteurs de 1992 et de 2007.

[33] L’un des premiers procès attentés contre les sociétés pharmaceutiques qui ont commercialisé la substance.

[34] Favier, Jacques, op. cit., p.56-57.

[35] C’est l’auteur qui souligne.

[36] Extrait des mails de Denis Guiot.

[37] Favier, Jacques, op. cit., p.53.

[38] Ibid., p.54.

[39] Ibid., p.56.

 

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