Work organization and social relations in small and average Algerian firms. A socio anthropological approach Abstract: Based on field research and a monograph of a firm in Bejaia, assembling, commercializing, and installing cold storage, this article aims at analyzing the question of work organization and social relations in small and middle sized firms in Algeria, at a time when the country starts its transition from a directed economy where the public enterprise is the dominant industrial norm to a market economy which seems from now on to rehabilitate small firms. It’s a matter among other things of questioning the specific or dominant way of managing the employees and seeing if one is not witnessing an emerging process going towards rationalized management and modernization of human resources in small firms? Keywords: work - social relations - small and middle sized firms - contractors - collective action - rationalization. |
Mohamed MADOUI : LISE (CNAM-CNRS), Paris, France.
Introduction
Hier fortement décriée, la petite entreprise jouit désormais de tous les égards tant de la part des pouvoirs publics algériens que des institutions internationales (F.M.I., Banque mondiale, Union européenne, etc.) qui voient dans la petite organisation l’instrument privilégié de développement économique et de création d’emploi (Madoui ; Gillet, 2005). Dans cette phase de mutation et pour parler comme Michel Crozier (1979) ou Philippe Bernoux (2004), disons que la sociologie ne peut éviter la question du changement ou plutôt ne peut se passer de l’analyse du « processus du changement » dans le sens où ce n’est pas tant le changement en soi qui est important que la façon dont sont saisis ces changements au moment même où ils se produisent (Alter, 2000).
J’essaierai, pour ma part, d’illustrer ces mutations à travers l’action et le comportement socio-économique de deux figures « idéales typiques », emblématiques et caractéristiques de la « gouvernance à deux têtes» de la petite entreprise algérienne : le père (le patriarche) et le fils (ou les fils, les égaux). A la différence de la P.M.E. française fondée le plus souvent autour de la dynamique du couple (mari et femme avec parfois les enfants), la P.M.E. algérienne est quant à elle structurée autour les liens du sang (le père, les fils et parfois les cousins). Les épouses, les belles-filles ou les belles-sœurs sont généralement tenues en marge de la sphère productive et du processus décisionnel. La première figure de ce binôme de choc, le père, s’apparente davantage au pater familias, pour reprendre une expression de Michel Bauer (1993), qui voit dans l’entreprise le moyen de fournir du travail aux membres de sa famille d’abord, aux proches et aux autres membres de la communauté ensuite. Pour lui, la dimension altruiste et les finalités sociales de partage, de solidarité et de cohésion sociale priment sur la finalité purement économique. Dans ses premiers travaux d’anthropologie économique en Algérie, Bourdieu a déjà montré que la rationalité du calcul marchand en Kabylie n’est qu’un aspect d’une rationalité globale qui guide le « sens pratique » dans laquelle les biens symboliques ont la prééminence sur les biens matériels. Autrement dit, dans le cas que nous étudions ici, le père apparaît comme celui qui donne plus d’importance à l’accumulation sociale, ce qui ne veut pas dire qu’il se désintéresse complètement de l’accumulation économique et des richesses matérielles nécessaires à la subsistance du groupe. Néanmoins, la quête de la distinction sociale dans la bravoure et le savoir-être (honnêteté, loyauté, éthique et religiosité) lui apparaissent comme les plus importantes, ce qui nous amène à penser, n’en déplaise aux économistes, que les critères de valeur ne sont pas exclusivement économiques, ils sont aussi symboliques et relèvent du jugement et de l’appréciation d’autrui (sens de l’honneur, respectabilité, prestige social). Comme Alain Caillé (2000), nous considérons que l’agent peut être mû par des obligations collectives ou par un mixte d’intéressement et de désintéressement. Si l’entrepreneur algérien recherche la distinction sociale dans la bravoure et le savoir- être, c’est parce que la richesse matérielle est justement confisquée par le groupe. Etant jugé sur sa capacité à garantir la cohésion du groupe, l’entrepreneur est d’abord placé au service de la prospérité familiale et clanique.
La seconde figure de ce duo, le fils, incarne en revanche la volonté de changement et représente ainsi une sorte « d’homo oeconomicus » dans le sens, où contrairement à son père, ce sont les finalités purement économiques (la maximisation du profit et le développement de l’entreprise) qui guident son action. Ce qui l’anime, comme nous le verrons plus tard, c’est d’abord la question de savoir comment rendre l’entreprise compétitive et efficiente et comment extirper l’action économique de sa complexité sociale ou pour parler comme Polanyi comment opérer le désencastrement de l’activité économique de ses entrailles sociales, culturelles et cultuelles. Dit d’une autre façon, l’objectif du fils comme probable héritier est d’introduire des changements qui vont dans le sens de la modernisation de l’entreprise et de sa rationalisation en s’appuyant au passage sur les différents dispositifs mis en place par l’Etat pour sortir ces petites entreprises de l’emprise communautaire et de la logique de la reproduction simple des manières d’être et d’agir vers une logique plus productiviste et accumulativiste (programme de mise à niveau des entreprises, formation du personnel et des dirigeants, réductions des charges sociales sur l’embauche des publics en difficulté, etc.). Discours diffusé par ailleurs par les tenants du tout-marchant au niveau des institutions internationales (FMI, Banque mondiale, OMC, etc.) et relayé par les pouvoirs publics algériens au travers de nombreuses réformes qui vont toutes dans le sens de la libéralisation et de l’économie de marché sans toutefois tenir compte de la réalité sociale et culturelle de ces entreprises.
Monographie d’une entreprise de montage, de commercialisation et d’installation de chambres froides en Kabylie
Sur un plan méthodologique, outre les trente entreprises enquêtées dans le cadre de notre travail de recherche, mon travail s’appuie sur une observation non participante dans une petite entreprise de montage, de commercialisation et d’installation des chambres froides pour équiper des boucheries, des pâtisseries, des supermarchés et supérettes, etc., située dans la vallée de la Soummam (Béjaia). Soixante personnes dont une femme (secrétaire) travaillent dans cette entreprise ; elles sont recrutées essentiellement dans le cercle familial et villageois. Créée à la fin des années quatre-vingt, cette entreprise familiale a connu, cette dernière décennie, un développement non négligeable. L’entreprise est dirigée par le père et son fils technicien de formation (titulaire d’un BTS). Les locaux de l’entreprise se situent au rez-de-chaussée de la maison familiale et trois étages au-dessus vit toute la famille exceptées les filles mariées. La maison est très grande, elle a été construite dans l’objectif de réunir toute la fratrie, un symbole de cohésion. Les locaux servent à la commercialisation des produits ; quant à la fabrication et au montage des chambres froides, ils sont effectués dans une usine située à quelques centaines de mètres de la maison familiale et dont les locaux ont été loués par la mairie de Béjaia. Cette entreprise a été retenue par les pouvoirs publics pour faire l’objet d’une expérimentation de mise à niveau dont on parle beaucoup actuellement suite à la signature par l’Algérie des accords de libre échange avec l’UE.
Le fils aîné en particulier joue un rôle important. Titulaire d’un BTS, technicien en froid, il a finalement préféré travailler dans l’entreprise familiale dans la perspective de la relève du père qui est proche de la retraite, mais qui la repousse sans cesse. L’entreprise apparaît ainsi comme le lieu de production, mais aussi de confrontation et de négociation entre deux rationalités aux antipodes l’une de l’autre : une rationalité sociale qu’incarne le père de par son comportement patrimonial et une rationalité économique au travers de la dynamique entrepreneuriale qui anime le fils. Derrière ces deux figures, à priori d’apparence paisible -dans le sens où le conflit est géré de façon toujours souterraine-, se cachent pourtant de véritables enjeux à la fois économiques, sociaux, culturels et éthiques qui traduisent finalement les transformations qui travaillent en profondeur l’entreprise algérienne confrontée, si je puis dire, à la manière de Max Weber, à un processus de modernisation et de rationalisation. Le moment de la transmission de l’entreprise est particulièrement crucial car il pose la question combien sensible et importante : celle de l’indivision du patrimoine, de l’introduction du calcul et de l’autonomisation de l’individu dans une société qui a du mal à se débarrasser du poids de la contrainte sociale qu’exercent la communauté et le groupe sur l’individu.
Toutefois, ce travail de recherche ne prétend pas à l’exhaustivité ni à la représentativité de toutes les situations que vivent les P.M.E. algériennes. Il permet, néanmoins, à travers l’analyse sociologique des rapports du père et du fils de saisir le processus de changement et les mutations que traverse la petite entreprise algérienne au moment même où se produisent ces changements qui augurent de nouvelles façons de travailler, de produire et d’introduire des pratiques d’innovation et de rationalisation. De la même façon, ce travail nous permettra également de rendre compte de l’organisation et de ce qui structure à la fois les relations de travail et les relations sociales dans ce monde encore méconnu et complexe de la petite entreprise algérienne. Cette complexité, si elle m’est un peu familière maintenant que je cumule une expérience de terrain au terme de mes différentes enquêtes (Madoui, 2003; 2004 ; 2005), n’est pas un exercice aisé. Pour comprendre l’organisation de la P.M.E. algérienne, il est nécessaire de prendre en compte à la fois l’environnement social et culturel dans lequel évolue l’entreprise, la stratégie ou les stratégies mises en œuvre par le ou les responsables (dans notre cas le père et le fils) et enfin les relations sociales et la façon dont les autres membres du collectif de travail agissent, interagissent ou réagissent à l’égard de l’attitude et du comportement du père et du fils et à l’égard d’un ensemble de règles souvent inscrites dans le registre du non-formel. Il s’agit de s’interroger entre autres sur les modes de recrutement et les formes spécifiques ou dominantes de gestion de la main-d’œuvre dans ces entreprises et voir si l’on n’assiste pas finalement à l’émergence dans ces structures d’un processus allant dans le sens de la gestion rationalisée et modernisée des ressources humaines ?
Le père, le fils et le mode de recrutement dans les P.M.E. algériennes
Pour le père, qui incarne ici l’ordre social établi, l’entreprise doit d’abord fournir du travail pour les frères, les cousins et les membres de la communauté plus ou moins proche (village, localité, région). L’attitude du père, le Cheikh ou Amghar en Berbère (terme qui signifie étymologiquement « vieux », « sage» et « homme puissant »), est un statut qui est réservé aux hommes occupant une position particulière dans leur groupe et possédant des qualités singulières. Il est attendu de lui un comportement à la hauteur de son statut, c’est pourquoi il fera toujours en sorte de tenir compte du regard d’autrui. Sa force, sa puissance ou sa richesse doivent d’abord servir les siens (son clan, sa famille, etc.). L’entreprise doit faire du profit certes mais dans la mesure où elle servira d’abord les intérêts du groupe. Dans la société algérienne qui demeure encore aujourd’hui fortement segmentaire, patrilinéaire et endogame, tout tourne autour du clan familial. L’attitude du père peut se résumer à cette règle segmentaire si bien et maintes fois décrite dans la littérature anthropologique et qu’illustre parfaitement le proverbe arabe « Moi contre mes frères, moi et mes frères contre mes cousins, moi, mes frères et mes cousins contre tout le monde ».
Dans une société algérienne où l’être prime sur l’avoir, on est plutôt défini par ce qu’on est que par ce qu’on a, on est jugé sur sa capacité à cimenter les liens sociaux, à venir en aide aux membres de son groupe et à redistribuer en faveur des pauvres et des nécessiteux. Tirer profit de son activité, faire du gain et devenir riche n’est en aucun cas illicite. C’est même un signe de grâce en Islam (Madoui, 2004). Avec son prestige matériel, l’entrepreneur doit mériter aussi la respectabilité de son entourage et cela il ne peut l’obtenir que par sa capacité à partager sa réussite avec le groupe (offrir du travail aux membres de son groupe, aide aux pauvres, dons pour la collectivité, construction de mosquées, de routes, etc.). Toutes ces dépenses ou tous ces dons, le cheikh ou amghar doit les assumer même au risque de se ruiner, s’il le faut. Il y va de son honneur et de l’honneur de sa tribu pour reprendre le titre de l’ouvrage de Rachid Mimouni. Nous pensons, à l’instar de Bourdieu, que l’honneur n’est pas un simple assemblage de traits culturels mais un ensemble d’idées et de valeurs qui guident l’action des individus et des groupes dans une société donnée, en l’occurrence, la société kabyle. S’inspirant de Marcel Mauss, il souligne que l’honneur peut s’analyser en termes de défis, autrement dit comme un système d’échanges impliquant la circulation des biens, des paroles et de la violence symbolique. Le don (par exemple donner du travail à un membre de la famille) véhicule en effet de la violence symbolique et du pouvoir dans le sens où ce don implique de celui qui le reçoit l’obligation de faire un contre-don qui prend la forme d’un don « de soi » en termes de subordination et d’assujettissement à l’ordre productif. « Nous sommes frères dans la mesure où la frontière entre moi, entrepreneur, et mon cousin, salarié, est respectée, chacun à sa place », me disait un des entrepreneurs Kabyle interrogé. On voit à quel point l’acte d’offrir un emploi à un membre de sa famille véhicule aussi un certain rapport de domination, de pouvoir et de subordination.
Le fils, quant à lui, va tenter de bouleverser, non sans difficulté, cet ordre établi. Au recrutement sur la base familiale et clanique, il imposera des méthodes de recrutement basées sur les critères de qualification et de compétence. « Si l’on continue à travailler comme mon père et à recruter des personnes de la famille sans qualifications ni compétence, on va tout droit à la ruine. Par exemple, je ne peux pas confier un poste de comptable à mon cousin qui ne connaît rien à la comptabilité parce que tout simplement il est mon cousin. Il faut savoir ce qu’on veut. Mon père s’attache à son prestige social et se sent contraint de se conduire ainsi, moi je dis qu’il faut arrêter tout ça et de gérer de façon rationnelle l’entreprise et les salariés, sinon on finira tous un jour par déposer le bilan car la concurrence est maintenant très rude».
Le fils comme anti-thèse du père s’oppose à ce mode de recrutement trop centré sur la famille et le village et fera tout son possible pour amener son père à accepter quelques changements en matière de recrutement du personnel. Il a réussi par exemple à sous- traiter par un cabinet d’experts-comptables toute la comptabilité de l’entreprise, ce qui n’est du tout pour plaire au père qui se méfie de l’intrusion de « tiers » dans la gestion de l’entreprise. Mais pour le fils ceci est vital. De la même façon, il essaie depuis peu de faire admettre à son père la nécessité de recruter des opérateurs qualifiés et diplômés au lieu de se contenter de faire de la formation sur le tas qui coûte parfois plus chère que le recrutement d’un personnel qualifié.
Allant à contre-courant de la tradition familiale, le fils, va tenter d’introduire des procédures de recrutement fondées, non sur l’appartenance du candidat et ses qualités morales et éthiques, mais sur son savoir et son savoir-faire, ses qualifications et ses compétences. C’est un véritable défi qu’il lance au père qui assiste un peu trop méfiant à l’introduction par le fils de ce processus de rationalisation qui menace son propre pouvoir. S’il est fier du capital culturel de son fils (titulaire d’un BTS), premier diplômé d’une famille où le plus instruit ne dépasse guère le niveau du certificat d’étude, il s’inquiète en revanche du risque de voir son fils s’accaparer tout le pouvoir dans l’entreprise à des fins trop productivistes qui risquent de mettre sur la touche ses autres frères. Pour le père, le calcul rationnel, au sens de l’homo oeconomicus, peut nuire à la cohésion sociale du groupe et pousse vers des logiques trop individualistes, alors que lui voit dans l’égalitarisme des frères et des membres de la famille, le seul moyen de préserver cette cohésion. Il s’inquiète de la tentation individualiste qui anime son fils et qui risque d’entamer les liens sociaux d’entraide et de solidarité qui caractérisent sa communauté.
Le fils au travers de ses réseaux personnels, professionnels et associatifs (anciens camarades d’université qui occupent désormais des postes au niveau des collectivités locales et territoriales, collègues rencontrés dans le cadre associatif du patronat, etc.) va permettre peu à peu d’ouvrir l’entreprise familiale sur l’extérieur en la faisant bénéficier de son capital social. Si le père a dû batailler sans succès pendant des années pour obtenir un terrain pour implanter une autre entreprise de production de jus d’orange, le fils a réussi à obtenir en quelques temps ce terrain, grâce à l’une de ses connaissances (camarade de promotion) qui occupe un poste important au niveau de la direction foncière de la wilaya (préfecture). Tous les entrepreneurs que j’ai interrogés dans le cadre de cette enquête ont souligné le problème que pose la question du foncier en Algérie pour le développement de la petite et moyenne entreprise.
Mais le fils ne s’arrête pas là. Il va jusqu’à convaincre son père de l’utilité pour leur entreprise d’adhérer et d’introduire les normes ISO 9000 afin d’améliorer la qualité de leurs produits et gagner d’autres marchés.
« Nos produits sont reconnus et garantis par les normes ISO 9000. Notre entreprise a été retenue par les pouvoirs publics parmi les entreprises qui feront l’objet d’une expérimentation de mise à niveau dont on parle beaucoup actuellement notamment après la signature par l’Algérie des accords avec l’UE et l’OMC (gestion des RH, gestion comptable, production, fabrication, etc). Depuis que notre entreprise a commencé à s’agrandir et à prendre de l’ampleur, mon père est un peu dépassé par les mutations nouvelles que connaît l’organisation du travail et par conséquent il se sent un peu obligé malgré lui de céder un peu de son pouvoir à ses enfants « instruits » pour gérer un certain nombre de choses pour lesquelles il n’était pas préparé. Ça l’ennuie d’ailleurs. Il est un peu entre les deux : autant il est fier et content que l’entreprise se modernise (par exemple certification ISO 9000) autant il s’inquiète de la perte de son pouvoir. Lui, il a tout appris sur le tas, certaines choses lui échappent, en effet, et très souvent, d’ailleurs, on passe beaucoup de temps pour le convaincre d’introduire telle ou telle méthode d’organisation, tel ou tel changement.
En ce qui concerne nos produits, nous fabriquons et commercialisons des éléments frigorifiques (produire du froid) ; on équipe des boucheries, des pâtisseries, les supers marchés, les petites boutiques, etc.
Ces produits ont été déjà commercialisés au niveau national par des entreprises publiques, et, après la privatisation, les entreprises privées ont pris le relais. Et à Béjaia, on était parmi les premiers dans ce secteur, et, aujourd’hui, nous sommes leader sur le plan régional. Nos acheteurs sont essentiellement des particuliers (des petits commerçants) de la région et on commence à peine à voir arriver d’autres commandes d’autres régions que la nôtre. Nous sommes en train de construire une nouvelle unité de production compte tenu du développement de notre marché.
Les machines, nous les importons de l’étranger. La maintenance des appareils de production, nous l’assurons nous-mêmes (moi-même il m’arrive souvent de mettre ma blouse bleue pour aller dépanner une machine). Il faut tout faire ici, non seulement les contrats de maintenance sont chers, et, en plus, vous n’êtes pas sûrs d’avoir des gens compétents. La responsabilité technique de la fabrication est assurée par mon frère ».
Il a réussi également à confier la sous-traitance de toute la comptabilité de l’entreprise à un cabinet d’expertise-comptable appartenant à l’une de ses anciennes connaissances. Si le père est plutôt fier de l’introduction des normes Iso 9000 dans son entreprise, il voit d’un mauvais œil, en revanche, ce pouvoir que son fils est en train de prendre et dont le comportement trop « rationaliste » l’inquiète sérieusement.
Des relations de travail et de gestion de ressources humaines empreintes d’un formalisme très réduit
Les relations de travail dans les P.M.E. algériennes à l’instar sans doute des P.M.E. françaises, telles qu’elles ont été analysées par Benoît Lepley (1998), se caractérisent par un formalisme extrêmement réduit. Les relations entre employeurs et employés sont généralement basées sur la proximité, la confiance et l’interconnaissance puisque l’ensemble des salariés provient des villages avoisinants où « tout le monde connaît un peu tout le monde ». Ainsi, l’appartenance à un même territoire (même village, même localité ou même région), la connaissance du candidat à l’embauche et de sa famille ou des réseaux familiaux ou de sociabilité auxquels il participe ont une importance capitale dans les pratiques de recrutement qui prennent souvent le pas sur les critères de sélectivité basés sur la qualification ou la compétence (Baranger, 1995). Dans un contexte de chômage endémique (près de 30% de la population active) qui frappe essentiellement les régions rurales comme la Kabylie, les entreprises disposent d’une offre de travail abondante et bon marché. C’est pourquoi, les salariés sont peu regardants sur les conditions de travail, car, le plus important est déjà d’avoir un emploi stable et un salaire plus ou moins correct. Les rapports de travail et au travail sont empreints d’une véritable personnalisation ; le patron connaît chaque salarié : sa famille, son histoire, ses conditions sociales, son niveau de vie, la réputation de sa famille, etc. La relation employeur-employé repose sur une logique de don/contre-don : l’employeur donne du travail, offre la sécurité de l’emploi et vient en aide à ses salariés en proie à des difficultés sociales (avance sur salaire, heures supplémentaires, emprunt, embauche d’autres membres de la famille, etc.) et en contrepartie les salariés adoptent un comportement de loyauté et ferment les yeux sur leurs conditions de travail.
Les avantages dont ils bénéficient sont très souvent réduits au minimum légal tant en matière de rémunération qu’en matière de congés, de licenciement ou du respect de la durée légale du travail fixée à 37,5 heures par semaine en Algérie. La plupart des petites et moyennes entreprises ne respectent pas cette règle. Les entretiens que nous avions eus avec certains salariés des entreprises enquêtées laissent entendre que le seuil des 50 heures par semaine est largement atteint quand il n’est pas carrément franchi.
« Pour moi, l’essentiel est de travailler …que je fasse 45 heures par semaine ou 50 heures, ça n’a pas d’importance, l’essentiel est que je gagne ma croûte et que je fasse vivre mes enfants, le reste je m’en fous. Je fais confiance au patron qui est quelqu’un de bien…il y a des périodes où nous travaillons plus parce que la commande est importante, de même, pendant les périodes creuses, il nous laisse partir avant l’heure, voilà c’est tout…» (45 ans, salarié dans une P.M.E. agro-alimentaire, employant 77 personnes).
Cela montre en effet que les dispositions légales ou conventionnelles en matière d’horaires de travail ou de représentation des salariés ne sont pas rigoureusement appliquées. Les salariés eux-mêmes ignorent leurs droits et jusqu’à la durée du travail hebdomadaire légale. Ici, on ne compte pas ses heures, nous dit cet autre salarié de 36 ans, le contester c’est aller à l’encontre du contrat moral passé avec le patron : celui-ci en « donnant » du travail, offre une stabilité d’emploi à toute la famille puisque la plupart des salariés permanents sont entrés très jeunes et y restent jusqu’à leur retraite. Ce sont ensuite leurs enfants qui prennent la relève pour se former sur le tas. L’entreprise comme espace de production joue également un rôle de socialisation familiale comme l’a déjà montré Annie Lamanthe (2001) dans une étude qu’elle avait consacrée aux trajectoires de petites entreprises provençales qui transforment des fruits et légumes de la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’au milieu des années quatre-vingt. Comme le souligne ce salarié, on travaille de père en fils dans ce type d’entreprise familiale :
« Mon père a déjà travaillé dans cette entreprise agro-alimentaire, il est maintenant à la retraite…c’est moi qui prend la relève et j’espère travailler jusqu’à la retraite. Ici on se connaît tous et ça m’évite d’aller chercher du travail en ville à Béjaia, Alger ou ailleurs ».
Il n’est pas étonnant que les salariés adoptent à l’égard de leur entreprise et de leur patron une attitude de loyauté et finissent par s’identifier eux-mêmes à cette entreprise. La durée du travail ou les questions de rémunération apparaissent ainsi comme des détails dans une société où la parole et le sens de l’honneur guident l’action des individus qui adhèrent, en fin de compte, aux objectifs de l’entreprise, de leur entreprise. Cette volonté de rester entre soi et de recréer une forme d’unité et d’organisation qui s’apparente à une famille, avec ses propres codes, sa propre hiérarchie et ses propres normes reviennent sans cesse dans le discours de la plupart des petits entrepreneurs algériens.
Le syndicat c’est moi ou l’impossible action collective dans les P.M.E. algériennes
Il y a dans les P.M.E. algériennes enquêtées une absence totale d’action collective pour la raison toute simple que l’identification forte à l’entreprise et le recrutement familial et/ou clanique empêche toute action collective qui va dans le sens de la défense des intérêts des travailleurs. L’encastrement de la relation professionnelle dans des relations sociales fortement imprégnées de la logique de don/contre-don laisse peu de place à l’action collective. Si les individus n’agissent ensemble que dans la mesure où ils forment un corps (Reynaud, 1982), il est certain que dans le cas de l’entreprise que nous avions observée, les salariés comme les patrons se sentent portés par des intérêts communs : les premiers en continuant à travailler et à s’assurer un salaire pour eux et leur famille et les seconds en perpétuant l’entreprise dans le temps. Les uns et les autres, par un jeu conscient ou inconscient, acceptent de faire des compromis. Les salariés passent sous silence leurs revendications (salaires, conditions de travail, hygiène et sécurité, etc.) et en contrepartie le patron leur procure la sécurité de l’emploi.
« Je ne vous cache pas que le plus souvent je suis obligé de faire du social c’est-à-dire d’embaucher, parfois malgré moi, tous les laissés pour compte de ma propre famille, de mon village. Qu’est ce que vous voulez ? C’est comme ça. Sinon je passerai pour le traître de la famille celui qui se détourne du clan. D’ailleurs, ceci me coûte parfois cher, dans le sens où je prends des personnes qui n’ont rien à voir avec le métier qu’on fait. Je m’investis beaucoup dans leur formation au départ. On essaie effectivement d’aider ceux qui ont besoin de travailler (pères avec familles nombreuses, etc..) davantage dans notre village, c’est humain, puisque je reçois beaucoup de parents qui me demandent gentiment si je pourrais employer leurs enfants, etc. » (entrepreneur 55 ans, patron d’une entreprise de fabrication d’éléments de cuisines, Béjaia).
C’est toujours le dirigeant qui définit les projets stratégiques de son entreprise, fixe les salaires et organise les emplois du temps. Les salariés n’ont d’autre choix que d’adhérer, bon gré mal gré, à ces orientations. Les échanges entre l’employeur et le salarié se réduisent le plus souvent à entretenir des relations chaleureuses dans une perspective de quête d’épanouissement personnel au travail. Ce « bonheur au travail » pour reprendre le titre de l’ouvrage de Baudelot et al (2003) a un prix : celui d’accepter des conditions de travail, de salaires et d’autres avantages nettement limités par rapport à ce qui se pratique dans les grandes entreprises. Dans les petites entreprises algériennes, les relations sociales se réduisent à une multitude d’arrangements interpersonnels et informels qui privilégient d’abord l’entretien de la relation de proximité avec l’employeur au prix d’une certaine passivité des salariés. Dans ce contexte, il est difficile de parler d’action collective des salariés ; la forte personnalisation des rapports employeur-employé et l’encastrement de la relation professionnelle dans un ensemble de relations extra-professionnelles et sociales rend toute action collective difficile à construire (Lepley, 2000). Le rapport de force est en faveur de l’employeur qui, du fait de son caractère paternaliste et de son pouvoir discrétionnaire, impose des régulations sociales implicites et personnelles dans l’objectif d’avorter toute forme d’action collective des salariés. Par ailleurs, profitant de la rareté de l’emploi et d’un taux de chômage excessif qui frappe essentiellement les populations jeunes et moins qualifiées, les entrepreneurs imposent ainsi à leur main-d’œuvre des régulations sociales qui les mettent dans des situations de forte dépendance. Il faut rappeler ici l’importante contribution des P.M.E. algériennes à l’insertion des publics en difficulté (faible niveau scolaire, voire parfois même analphabètes). Le processus de privatisation des entreprises publiques algériennes entamé à la fin des années quatre-vingt, a entraîné un mouvement massif de licenciement qui a touché essentiellement les personnes les moins qualifiées. L’accès à la petite entreprise privée artisanale, de service ou de production devient donc le seul moyen pour ces populations de se réinsérer sur le marché du travail. La multiplication des mesures d’incitation financière en faveur des entreprises qui embauchent des chômeurs a amené les P.M.E. algériennes à insérer ou réinsérer ces publics en difficulté dans une perspective opportuniste de d’abaissement des coûts salariaux.
Combien de fois, en effet, n’avions-nous pas entendu de la bouche des entrepreneurs, qu’ils maintenaient certains emplois uniquement pour éviter de licencier un personnel ancien et loyal. « Finalement je fais beaucoup de social…je vous assure que des fois je me trouve avec 10 personnes en plus dans mes ateliers et ça me coûte de l’argent. Eh bien, je les garde parce que le père, le frère ou le mari vous pleure en disant que si elle est licenciée on aurait de véritables problèmes à nourrir des familles nombreuses, eh bien ça me touche, et je les garde…qu’est ce que vous voulez. Ceci dit, il y a des moments où, malheureusement, je suis obligé de le faire dans des moments graves, notamment, quand la confiance que j’accorde à quelqu’un de mes salariés prend un coup » (Entrepreneur, 58 ans, patron d’une entreprise de textiles).
Dans ces P.M.E. qui reconnaissent la légitimité des contraintes sociales et communautaires, le licenciement est une procédure qui est extrêmement rare. Même dans des situations où le salarié n’est pas très efficace, on ne se sépare pas de lui comme ça. On essaiera toujours de lui aménager un poste sur mesure en l’affectant sur des tâches qui requièrent beaucoup moins de technicité et de savoir-faire (chauffeur-livreur, gardien de nuit, etc.). Le licenciement intervient uniquement dans des situations où le contrat de confiance est rompu (cas de vol, de sabotage ou de manquement grave au travail) comme l’illustre bien les propos de cet entrepreneur :
« La dernière fois où j’étais amené à licencier un employé qui travaillait comme gardien de nuit surveillant les locaux et le matériel de l’entreprise, compte tenu des tentatives de vols répétées, c’était exactement à cause d’un manquement grave au travail… une fois, en faisant une ronde, la nuit, pour voir si tout va bien, j’ai trouvé le salarié en personne avec d’autres copains à lui en train de se saouler… . J’ai réussi à entrer à l’intérieur des locaux sans qu’il s’en rende compte. Finalement je le payais pour passer du bon temps et c’est comme ça que j’ai décidé de me séparer de lui.»
La confiance tout comme la réputation ne s’achètent pas et ne se vendent pas. Ce sont des biens non marchandisables et qui jouent pourtant un rôle capital dans les réseaux sociaux et les relations de travail dans les P.M.E. algériennes. L’action économique est encastrée dans la complexité sociale (Granovetter, 2000); toute personne désirant obtenir et garder un emploi est soumise à cette épreuve de confiance et de réputation. Ce qui compte me dit l’un des entrepreneurs interviewés, ce n’est pas de savoir « qui est celui en face de moi ? En référence à l’individu, à son savoir et à son savoir-faire mais bien de qui est-il ? Toute la différence est là, c’est-à-dire à quelle famille appartient-il ? Le fait de savoir à quelle famille il appartient suffit pour l’entrepreneur de l’engager ou non. C’est une question de confiance. La personne qui n’est pas digne de confiance ou qui a trahi la confiance est définitivement mise à l’écart de l’entreprise et sa réputation et même celle de sa famille y prennent un coup ».
Ce type de comportement ne peut se comprendre qu’à partir de l’aspiration des entrepreneurs à « l’économie de la grandeur », au sens de Boltanski et Thévenot, c'est-à-dire au prestige social et à la réputation qui sont des valeurs fondamentales. La confiance tout comme la réputation et l’honneur agissent, ici, comme une « forme d’organisation sociale » et symbolique au sens que lui donne Karpik (1989) qui permet des échanges qui ne seraient pas autrement possibles dans le cadre de marchés formellement organisés.
Sur les trente P.M.E. investiguées, aucune ne dispose d’un syndicat de travailleurs. Les entrepreneurs interviewés ne ressentent pas la nécessité de doter leur entreprise d’un syndicat. « A quoi cela servira-t-il si ce n’est pour envenimer les relations de travail dans mon entreprise ? », m’avait confié un jeune entrepreneur dans le bâtiment. Le patron, le « pater familias » veille sur ses employés comme il veille sur ses propres enfants qui, à leur tour, ont le sentiment que l’introduction du syndicalisme au sein de leur entreprise nuirait énormément à leur organisation.
Sur cette question des syndicats, le père et le fils sont sur la même longueur d’ondes. Il faut rappeler que les syndicats en Algérie dans les années du « socialisme triomphant » sont associés, dans l’imaginaire social, à de véritables courroies de transmission chargées de relayer le discours dominant (pouvoir) dans les différentes couches sociales et tout particulièrement des travailleurs. Les organisations syndicales, l’unique syndicat UGTA, sont perçues comme étant le relais du politique au sein des entreprises et c’est la raison pour laquelle il y a une sorte de méfiance à leur égard.
Conclusion
En Algérie, le désengagement et la suppression des monopoles étatiques a eu pour conséquence un effet positif sur la création de petites et moyennes entreprises au cours de ces quinze dernières années, ce qui va placer à nouveau l’entrepreneur comme le deus ex machina de la modernisation et du développement économique de l’Algérie. C’est sur ces petites entreprises que repose, désormais, l’espoir de créer de l’emploi et de produire de la richesse. Cet article met justement le doigt sur les modalités de recrutement, de gestion des ressources humaines et de relations sociales dans ces petites organisations qui obéissent fortement comme on vient de le voir à une logique de « l’entre soi » où il est très difficile de distinguer la sphère du travail de la sphère domestique.
Ces liens s’observent notamment à travers l’importance des réseaux d’entraide familiale et les relations de travail sont « encastrées » dans des structures sociales fortement imprégnées par la primauté du groupe et de la famille. Pour des raisons de confiance et pour éviter tout comportement opportuniste, les relations personnelles priment sur les relations bureaucratiques et le recrutement se fait très souvent dans le cercle restreint de la famille et, dans une certaine mesure, en s’appuyant sur un ensemble de relations et de réseaux (recommandations, connaissances proches, relations, etc.). Soucieuses de leur indépendance, ces petites et moyennes entreprises sont majoritairement hostiles à la présence en leur sein de toute forme de contre-pouvoir syndical. Toutefois, l’arrivée de nouvelles générations de chefs d’entreprises mieux formés a permis d’introduire, malgré de fortes résistances, de nouvelles techniques de production, de gestion et de commercialisation qui témoignent d’un processus de modernisation et de rationalisation de ces entreprises.
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