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Plurilinguismes à l’école française : pour que les « allophones » ne rentrent pas dans l’ordre


Insaniyat N°77-78 | 2017 |Pratiques plurilingues et mobilités : Maghreb - Europe|p. 105 - 121 | Texte intégral


Mathieu MARCHADOUR: Université Rennes 2, PRFicsEA 7469, 35000, Rennes, France.


Introduction

Si un enfant plurilingue se développe et se structure par rapport et grâce à ses différentes langues, s’il se construit notamment par la place faite à, et les discours émis sur ses langues (Dollé, 2013, p. 63), il convient de s’interroger attentivement sur les positions que tient l’école française vis-à-vis de toute pluralité et hétérogénéité, notamment linguistiques, des enfants qu’elle reçoit et qu’elle souhaite éduquer, « élever », « cultiver ».

Si le terme d’ « élève » renvoie à cette idée de grandeur ou d’élévation, il semble important de considérer vers quoi les enfants qu’accueille l’école française seront « élevés », en se demandant quel rapport au pluriel et au divers, constitutifs de l’état de « sujet » (Fleury, 2015, p. 110), elle entretient, quelles valeurs elle véhicule. C’est ce rapport de l’école française au pluriel et à l’hétérogène des individus, sous sa dimension linguistique, que nous interrogerons dans cet article, en nous appuyant notamment sur un acte à la fois anodin et déterminant, la nomination. Acte anodin puisque permanent, la nomination est aussi déterminante dans la structuration des sociétés, en tant qu’elle est une puissance performative (Klinkenberg, 2011, p. 18), car c’est à travers les pratiques langagières que « les acteurs s’organisent et forment leurs schèmes de perception et de représentation » (Lahire, 2015, p. 34).

L’acte de nomination par l’institution scolaire française auquel nous nous intéresserons n’est pas anodin, il concerne l’ « autre ». Cet « autre » est l’ « allophone », et nous allons voir que si cette désignation renseigne peu sur les nominés (Rigoni, 2017, p. 49), elle dit beaucoup des nominateurs (Siblot, 2001, p. 15) et de l’institution, nominatrice et ordonnatrice.  Comme Michel Foucault affirmait que « c’est du fond même de la déraison qu’on peut s’interroger sur la raison » (1972, p. 369), nous pensons que c’est grâce à une étude attentive des discours sur l’ « autre » et de la désignation de l’ « étranger » que nous pourrons éclairer la conception du « même » d’une éducation dite « nationale », la norme implicite donc, et ainsi donner à voir certaines des valeurs voulues par un Etat et pour ses citoyens. 

Notre étude[1], qui s’inscrit dans une démarche sociolinguistique selon laquelle on étudie « la co-variance entre langue et société » (Bulot, 2013, p. 6), en empruntant une approche « ethnosociolinguistique de la complexité » (Blanchet, 2012), se penchera sur les discours de professionnels d’un collège français où sont scolarisés des élèves « allophones » « NSA »[2]. Nous verrons que les difficultés exposées par plusieurs de ces enseignants « ordinaires » face à des enfants désignés, par leur nomination, comme « extraordinaires », c’est-à-dire hors de la norme, ici linguistique[3], donne à entrevoir ce que semble encore être l’ordre scolaire français.

Cette exposition de ces situations scolaires françaises dans lesquels l’ « autre » et sa désignation nous font voir ce qui est sous-entendu et entendu par « même », du point de vue linguistique, seront éclairés par une décentration du contexte français vers le contexte algérien (algérois), qui consistera à montrer certains discours d’enseignants algériens sur ce que nous appelons un « plurilinguisme ordinaire », c’est-à-dire l’usage de différentes langues au sein d’un contexte scolaire « officiel ». Ce plurilinguisme est « ordinaire » non pas dans le sens où il ordonne, mais dans le sens où il n’est pas spécifiquement mis en avant par les enseignants interrogés comme une pratique surprenante, originale ou « extraordinaire ». Ces pratiques plurilingues ne sont alors extraordinaires que pour celle ou celui qui conçoit le monolinguisme strict comme une référence.

Terrains d’étude, méthodologie et corpus

Les enquêtes de terrain ont été mises en place par le biais de deux méthodes scientifiques, l’observation participante et les entretiens semi-directifs. Préalablement à la réalisation des entretiens, nous avons effectué des périodes d’observation participante au sein d’une classe dite d’UPE2A (Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) NSA, à Rennes, et au sein de différents cours dans un collège privé de la périphérie algéroise. Si l’observation des séances d’orthophonistes n’a pas été possible en France, secret professionnel oblige, plusieurs orthophonistes algériennes nous ont proposé et autorisé à assister à certaines de leurs séances de soin. Ces observations menées avant la mise en place des entretiens avec les orthophonistes nous ont permis d’affiner certaines questions prévues dans les entretiens, et d’en établir de nouvelles, notamment en notant les stratégies développées par mes interlocuteurs algérois.

Quant au corpus de notre recherche, il est constitué de 46 entretiens semi-directifs :

  • 10 entretiens avec des enseignants et des membres du personnel (une infirmière et une psychologue) d’un collège français classé en Réseau d’éducation prioritaire (REP)[4] dans lequel sont scolarisés des enfants dits « allophones NSA ».
  • 13 entretiens avec 12 orthophonistes françaises (un entretien a été mené deux fois, à un an d’écart, avec la même orthophoniste, FO3 et FO13) à Rennes et dans sa proche périphérie, auprès d’orthophonistes exerçant en libéral.
  • 13 entretiens à Alger et dans la périphérie algéroise, avec 12 orthophonistes exerçant dans un cadre hospitalier ou en libéral, dont 2 entretiens avec la même orthophoniste (AO8 et AO13) à un an d’écart.
  • 10 entretiens avec des enseignants d’un collège privé de la périphérie algéroise.

Enseignants français « ordinaires » et élèves  « allophones » : difficultés ressenties et besoins exprimés

Les extraits d’entretiens utilisés ici sont issus de dix entretiens semi-directifs avec des enseignants « ordinaires » d’un collège français de différentes matières qui ont des enfants « allophones NSA[5] » en « inclusion » dans leurs classes. Certains de ces enseignants nous ont fait part de difficultés et de manques, notamment de formation et d’accompagnement. Cette expression d’un besoin de formation des enseignants par rapport aux enfants « allophones » rejoint de récentes enquêtes (Rigoni, 2017) qui indiquent, à la fois, un manque de formation et d’aide aux enseignants quant aux « problématiques migratoires et aux relations interculturelles » notamment (Rigoni, 2017, p. 48), et un manque de possibilités de faire appel à des traducteurs professionnels pour des familles ou enfants parlant peu ou pas du tout le français, donc de donner de l’espace, du temps, des moyens, bref de la valeur au sens large, aux plurilinguismes des citoyens.

Voici quelques-uns de ces témoignages[6] faisant état de difficultés et de questionnements face aux élèves « allophones » « NSA » :

« Le fait d’avoir un élève à gérer eh ben je peux faire comme je fais en cinquième […] mais à quatre je trouve que c’est infiniment plus compliqué / moi je me sens démunie / réellement / et moi ça me fait de la peine pour eux quoi / vraiment / j’ai l’impression de gâcher du temps / vraiment » (F1, 2017, p. 69-72).

« Pour le moment j’ai pas de retour / donc je reste un peu toute seule avec mon problème » (F1, 2017, p. 75-76).

« Cette année j’ai découvert avec l’UPE2A NSA que du coup y’en a beaucoup qui n’ont pas été scolarisés et qui ont un niveau vraiment très faible et là c’est vraiment très compliqué au niveau de l’inclusion / ils peuvent pas suivre / du tout / ce qu’on fait / en sixième ça va mais ceux qui arrivent en quatrième c’est très dur quoi » (F2, 2017, p. 30‑33).

« Là j’en ai quatre dans une classe / et en inclusion dans la classe / et j’ai aussi le groupe classe à gérer / en même temps / donc c’est quasiment impossible en fait » (F6, 2017, p. 44-45).

« J’ai beau essayer de leur faire faire des choses c’est très compliqué parce que comme ils ont pas été scolarisés antérieurement ils ont aucune autonomie / face à ce que je leur demande / et même les dessins géométriques pour eux c’est extrêmement compliqué / et même tenir une règle ils savent pas / il faut que je leur explique absolument tout / donc il faudrait que je sois tout le temps avec eux » (F6, 2017, p. 47-51).

Je demande à cette enseignante ce qu’elle pense de cette « inclusion » d’élèves « allophones » au sein de sa classe « ordinaire » Elle répond :

« Pour moi c’est une mauvaise idée dans le sens où j’ai pas le temps de m’en occuper / y’a des fois où je prends le temps mais dans ces cas-là c’est au détriment de la classe / faut être honnête / et je pense qu’au contraire / enfin je me mets à leur place et je me dis / quand je suis un cours et que je ne comprends rien et que je suis censé comprendre ça me rend complètement dingue / […] j’ai l’impression que je les abandonne en fait / je les abandonne la plupart » (F6, 2017, p. 59-69).

Au-delà de l’exposition de ces difficultés, plusieurs enseignants interrogés m’ont fait part, lors des entretiens, d’un sentiment de besoin de formation ou d’accompagnement quant aux problématiques que soulèvent ces enfants « allophones » :

« Il manque cet accompagnement pas seulement linguistique mais plus général / moi je pense que on sous-évalue l’altérité / mais l’altérité de façon générale / c’est-à-dire qu’on se confronte à des façons de vivre en société qui sont différentes des nôtres et je pense que du coup les codes ne sont pas les mêmes / qu’ils ne disposent pas des nôtres mais que pour autant nous on n’a pas non plus les leurs / et que du coup je pense qu’il y a un moment où on a du mal à être efficace / à cause de cette altérité qu’on sait très très mal gérer / à l’éducation nationale / mais pas que j’imagine qu’ailleurs c’est pas forcément » (F1, 2017, p. 198-204).

« Je pense qu’il faudrait justement qu’il y ait le moins d’implicite possible / pour ces élèves là pour leur faciliter la tâche au maximum / et là je suis pas sûre que ce soit vraiment ce qu’on fasse » (F1, 2017,
p. 223-225).

« Ils ont pas eu les codes du collège depuis la sixième quoi » (F5, 2017, p. 100-101).

«  Il a pas […] le mode d’emploi pour fonctionner dans les écoles » (F7, 2017, p. 194‑195).

« Je pense qu’on devrait encore plus travailler en équipe / je veux dire en équipe de maths mais aussi en équipe en général pour décortiquer […] ce que veulent dire les mots des consignes » (F6, 2017, p. 289-292).

« même pour des élèves francophones je pense qu’en termes de compréhension des textes de tout ça / je pense qu’on travaille pas assez le vocabulaire en classe / et quelles que soient les disciplines hein là je suis en train de / de me reposer plein de questions là-dessus / c’est mon nouveau champ de bataille / trouver des petits biais pour / je pense qu’il y a une lacune en termes de vocabulaire simple des fois / mais vraiment » (F3, 2017, p. 214-218).

Puis de façon plus nette, cette dernière enseignante évoque, elle aussi, cette idée de la réduction des implicites évoquée par sa collègue :

« Je pense que les collègues dans toutes les disciplines déjà prendraient le temps d’expliquer les mots dans leur discipline ce serait déjà énorme quoi / mais je pense qu’on s’en rend pas compte / parce qu’il n’y a pas de formation » (F3, 2017, p. 223-225).

Réduire les implicites en explicitant les évidences, c’est aussi ce que préconisait Claude Mesmin, déjà en 1995, à propos des enfants qu’elle qualifie de « migrants », en écrivant dans « Psychothérapie des enfants de migrants » : « je reste persuadée […] que l’énoncé des représentations des différents acteurs éducatifs, que l’explicitation de leurs mondes, peut être une solution » (1995, p. 21).

La réduction de ces évidences et de ces implicites serait à faire non seulement par rapport aux enfants récemment immigrés et ne parlant pas français, mais aussi par rapport aux enfants nés en France et n’ayant connu que la scolarité française, pour qui les codes sont, peut-être parfois, devenus « acceptables », « évidents » ou « normaux », mais pas pour autant compréhensibles. On voit alors, à la lumière de ces témoignages, que les problématiques soulevées par les élèves « allophones » sont d’ordre linguistique, mais pas seulement. C’est d’ailleurs ce que cache la nomination d’ « allophone » : elle laisse entendre que les élèves « allophones » ne sont « autres » ou « spécifiques » que par leur non-(encore) francophonie. Or, nous l’avons dit, aux problématiques de cette non-francophonie s’ajoutent différentes particularités très déterminantes, dont leurs parcours migratoires, parfois leur isolement, et ici leur absence d’expérience de l’école. C’est donc par le canal du linguistique que sont révélées certaines problématiques aux enseignants et à l’école face à ces enfants appelés « allophones », mais cette nomination ne doit pas occulter la dimension politique de la question de la pluralité et de l’hétérogénéité dans la société et à l’école française.

Derrière la nomination à la fois euphémistique (Razafi, Traisnel, 2017, p. 120) et distanciatrice d’ « allophone », c’est aussi le désintérêt total ou la négation des caractéristiques, notamment linguistiques, des enfants désignés, qui sont regroupés sous la catégorie floue d’ « autre ». Si cette désignation de l’autre est floue, l’aspect dialectique (Siblot, 2001, p. 14) de l’acte de nomination nous offre, en revanche, à voir clairement ce qui est entendu ici par le même et l’unique, évident au point qu’il n’a plus à être mentionné[7] : le français. Les problématiques impliquant le linguistique à l’école française sont révélées de manière centrale par les élèves « allophones », puisqu’ils sont sous la responsabilité des enseignants et de l’école, mais elles impliquent aussi des familles qui, parfois, n’ont pas accès aux contenus ou discussions impliquant leur enfant. Ainsi, cette psychologue de l’Education nationale nous assure :  

« Le problème linguistique c’est vraiment un des problèmes / je dirais que presque c’est le problème numéro un / en tout cas moi dans les parents que j’ai pu rencontrer ou / en tout cas il se pose très souvent / il créé des malentendus il créé des / donc oui je pense que ce serait vraiment intéressant d’envisager des solutions […] c’est un des freins aux entretiens quoi / c’est vraiment / avec les jeunes et les parents » (F8, 2017, p. 152-172).

Ces différents extraits d’entretiens avec des enseignants et personnels éducatifs français montrent à quel point les problématiques linguistiques sont centrales dans l’espace et le temps de l’école. Si ces problématiques sont exposées comme incontournables par les enfants « allophones » « NSA », triplement étrangers à l’éducation « nationale » et à sa langue, puisqu’ils sont « néo-francophones », « néoarrivés » en France et « néoscolarisés », et face auxquels plusieurs enseignants « ordinaires » se trouvent démunis, il semble important de ne pas reléguer ce surgissement de la réflexion sur la diversité et l’hétérogénéité scolaires à des dimensions linguistiques purement techniques sous peine de la dépolitiser (Sayad, 1999, p. 316), car elle relève bien d’un rappel du rôle politique de l’école (Laval, 2012, p. 278) par le biais de l’aspect lui aussi éminemment politique de l’émigration‑immigration (Sayad, 1999, p. 135).

En observant attentivement les discours des acteurs, leurs difficultés et leurs ressentis face à ces enfants « allophones », leurs possibilités et leurs impossibilités de prendre en compte la singularité des élèves (Marchadour, 2018), n’est-ce pas avant tout de l’institution et de ses normes, de son ordre, de son fonctionnement actuel et peut-être historique, qu’il s’agit ? Abdelmalek Sayad, dans un ouvrage posthume,  récemment édité, dans lequel sont regroupés certains de ses travaux portant sur l’école française et les enfants de l’immigration, analyse justement : « alors qu’on croit parler de l’immigration et des immigrés, ne parle-t-on pas, au fond, sous ce qui n’est qu’un simple prétexte, de l’école française, de son fonctionnement, de ses différentes fonctions […] et, plus que cela, d’une chose qu’on nie habituellement, l’hétérogénéité fondamentale de ses publics ? » (2014, p. 141-142).

Enseignants algériens et plurilinguisme « ordinaire » : une source d’inspiration possible pour l’enseignement français ?

Des entretiens avec les enseignants algériens[8] se dégagent deux constantes, en termes de rapports aux langues et au plurilinguisme. Si certains enseignants déclarent utiliser toutes les langues ou variétés linguistiques qui peuvent leur être utiles pour « faire passer le message »[9] à leurs élèves, d’autres, en revanche, semblent afficher une certaine hostilité à l’égard de tout « mélange » de langues sur le temps de l’école, et au sein d’un cours. Nous nous concentrerons ici sur les témoignages d’enseignants qui donnent une vision « favorable » à ce qui peut être identifié comme une utilisation plurielle de langues au sein d’un même cours.

Lorsque je demande aux enseignants quelles langues ils utilisent en cours ou « laissent » utiliser par leurs élèves, j’obtiens les réponses suivantes :

« English chiefly / but sometimes i swap between english / french / arabic / sixty english / thirty french and from time to time ten percent arabic / why / because we have pupils that do not master neither English nor french / so i have to talk in their language sometimes / to deliver the message […] here i need to / let me say it’s a roleplay / i have to be flexible / a teacher who can give a variety of words / arabic or french or english / the kids will feel at ease / they loosen up » (A1, 2016, p. 79-108)[10].

«  le prof d’EPS il est très très très proche des enfants […] d’ailleurs le langage que j’utilise avec eux / c’est pas le langage ta3[11] un enseignant ta3 les maths ou ta3 la physique / je suis plus le langage ta3 la rue / et les enfants adorent ça […] ils adorent ça / ils peuvent s’exprimer mieux / ils peuvent parler mieux donc ils sont plus proches de toi et tu peux facilement transmettre le message que tu veux / à travers le jeu ou à travers le regard ou à travers / tu remets quelqu’un à sa place d’une façon / d’une façon pas comme l’autre prof d’une façon […] eh spontanée / « tu cherches quoi » / un langage pas d’un professeur / […] ils s’adaptent à ça / ils se reconnaissent » (A4, 2016, p. 50-60).

« Si je leur parle je leur parle en dardja / quand je parle de techniques c’est la majorité du temps en français / des mots disciplinaires c’est beaucoup plus en arabe / parce que ça a une relation avec le / la religion […] si par exemple tu dis à quelqu’un « ma t7echchemch » […] « a7chem » / c’est pas comme tu dis « t’as pas honte » […] ça fait rien […] « e7chem » / tu dis « e7chem » / tout de suite il se calme” (A4, 2016, p. 91-109).

« voyez des fois j’essaie même si quelquefois il y a / les débats tourne à la passion […] je leur dis écoutez chacun s’habille comme il l’entend / chacun fait ce qu’il veut / vous avez le droit de dire ce que vous voulez […] j’essaie de faire une petite culture politique quand même pour les préparer / c’est des enfants qui sont amenés à vivre ensemble / dans le même pays / parler le français l’arabe / et je leur dis toujours ça c’est mon leitmotiv / quelle que soit la langue qu’on pratique l’important c’est de savoir ce qu’on fait avec » (A5, 2016, p. 526-534).

« Je laisse / ils sont libres / l’essentiel est / d’avoir l’idée correcte » (A7, 2016, p. 69-71).

« Moi je fais même pas attention quand je passe d’une langue à l’autre / déjà je ne fais même pas attention / je parle / mon idée suit en français puis je reviens en arabe / donc pour moi c’est… / c’est une seule langue […] c’est une seule langue / voyez / et le message passe bien » (A8, 2016, p. 131-135).

«  En mathématiques / une seule langue / c’est faire passer le message du prisme droit et voilà [elle rit doucement] » (A8, 2016, p. 158-159).

Cette enseignante, comme plusieurs autres dont nous avons exposé les propos ici, semble insister sur l’importance et la priorité du fond sur la forme, que plusieurs appellent « message » (A1, 2016, p. 82 ; A4, 2016, p. 279-280 ; A8, 2016, p. 131-135), qui est aussi formulé différemment par l’enseignante de français précédemment citée, qui, elle, déclarait que l’important avec la langue était « ce que l’on faisait avec » (A5, 2016, p. 432). Dans ces différents cas exposés, il semblerait que les « grilles » et les variétés linguistiques ne semblent pas avoir raison du « message », ni devoir faire perdre l’idée d’échange, de transmission, de « passage ».

On voit aussi clairement dans ces différents témoignages que les enseignants semblent « jongler » avec différentes langues, ou utiliser différentes langues au sein de leur cours pour « faire passer le message », c’est-à-dire transmettre ce fond, quelle que soit la forme linguistique utilisée. Plusieurs termes utilisés laissent entendre cette primauté du fond sur la forme, qui n’est là que pour servir le fond, la « transmission ».

L’enseignant d’anglais (A1) parle de « flexibilité » que représente l’utilisation d’une « variété » de mots de différentes langues, ce qui permet aux enfants de se sentir « à l’aise ». L’enseignant d’EPS (A4) expose son usage d’un « langage » différencié de celui des « autres enseignants » (matières écrites où la langue doit être normée ?) comme lui permettant d’être plus « proche » des enfants et aux enfants de pouvoir « mieux s’exprimer », un langage dans lequel « ils se reconnaissent ». Il distingue aussi l’usage de différentes « langues »[12] en fonction des contextes, la pertinence de prononcer une phrase à tel moment en fonction de telle situation en dardja, ou de dire telle autre en français.

Ces précisions de l’enseignant relèvent d’une prise en compte des contextes, selon laquelle il est efficace et cohérent d’utiliser telle langue ou tel mot (identifié comme « appartenant » à telle langue) à un moment et dans une situation précise et pas dans telle autre. Cette expression de l’importance capitale des contextes pour dire quelque chose ou utiliser une langue est aussi ce que rappelle l’artiste algérien Fellag qui rapportait, dans une série d’entretiens avec la sociolinguiste Dominique Caubet, qu’il utilisait certaines langues pour dire certaines choses, qu’il lui aurait été impossible de dire indistinctement et sans prise en compte des contextes : « Parfois, je passe au français pour éviter que certains sujets ne choquent le public. La même chose dite en arabe ou en berbère pourrait les blesser ou provoquer des réactions négatives » (Fellag, 1995, p. 37). L’enseignant d’histoire-géo (A7) aussi expose son avis sur les langues employées par ses élèves en classe, qui sont « libres » d’utiliser celles qu’ils veulent (comprises par l’enseignant) pourvu que l’idée exprimée soit « correcte ». L’enseignante de mathématiques (A8), elle, qui dit ne pas « faire attention » quand elle « passe d’une langue à l’autre », donne à voir le recours à un plurilinguisme qui semble « ordinaire », c’est-à-dire pas calculé et réfléchi, mais fruit du sens lié là aussi au contexte. Le « passage » semble se faire de manière spontanée. D’ailleurs, ce qui peut être identifié comme deux langues différentes, l’arabe (lequel ?) et le français, sont définis par cette enseignante comme étant une seule langue, « sa langue » (A8, 2016, p. 142), ce qui était aussi défendu par Fellag, lorsqu’il déclarait que l’arabe, le français et le kabyle mélangés étaient « sa vraie langue », « sa langue » (Caubet, 2004, p. 14-15). Comme plusieurs de ses collègues, cette enseignante expose sa vision de l’importance du « message » à « transmettre », peu importe les moyens linguistiques auxquels elle doit recourir. Sa formule est d’ailleurs saisissante : « en mathématiques / une seule langue / c’est faire passer le message du prisme droit ». 

Bien loin de toute position qui consisterait à défendre la nécessité absolue de devoir utiliser impérativement telle ou telle langue pour telle ou telle matière, elle semble alors défendre ici une vision libre et centrée sur les élèves, du choix du registre linguistique. Cette vision du linguistique me semble alors pouvoir être définie comme éloignée de l’ « identitaire », immobile et inactif (Jullien, 2016, p. 38-39) et proche du politique en tant qu’ « écart entre des identités » (Rancière, 2000, p. 63). Rancière écrit d’ailleurs que « les formes de la subjectivation politique ne sont [pas] des récits d’identité. Ce sont des mises en scène d’altérité, des démonstrations de différence à soi » (2000, p. 64). Si culture et politique peuvent être définies par la mobilité et l’écart (Jullien, 2016, p. 45, Mondzain, 2017, p. 36), il semblerait que ce soient justement des positions pleinement politiques qu’adoptent ces différents enseignants face à des enfants divers, de niveaux et « préférences » linguistiques eux aussi divers. C’est d’ailleurs le terme qu’emploie cette enseignante de français (A5), qui dit « essayer » d’apporter à ses élèves une « petite culture politique », pour les préparer, par le dissensus (Rancière, 2000, p. 61) notamment linguistique, à vivre ensemble, à composer avec les oppositions que comportent nécessairement le commun et la communauté.

Il paraît alors possible de concevoir ces discours d’enseignants sur leurs pratiques comme relevant de l’aspect politique que comporte aussi la traduction en tant qu’écart et plurivocité face à l’immobile du même et à l’évidence de tout monolinguisme. Certaines des valeurs que l’on peut prêter à la traduction et à une certaine conception du plurilinguisme en tant que résistance à l’univoque que mettent en actes ces enseignants algériens de manière, semble-t-il, « ordinaire » apparaissent comme une des sources d’inspiration possible pour les acteurs français de l’éducation, dans une société qui semble souvent « penser le commun par réduction au semblable, autrement dit, par assimilation » (Jullien, 2016, p. 12), dans laquelle les « allophones » semblent invités à devenir « idiophones » en devenant francophones exclusifs, donc en abandonnant toute possibilité d’écart. Or, le plurilinguisme, la traduction et l’ « autre » ne relèvent pas d’une option ou d’une offrande, mais sont à la fois moyens et nécessités pour concevoir la dimension politique de toute vie « en commun » et en société. Comme le résume si clairement la philosophe Marie‑José Mondzain, « la diversité des langues fait de la traduction la ressource fondamentale dans la construction d’une communauté politique. La culture est polyglotte, la dictature n’a qu’une langue » (2017, p. 37).

Perspectives conclusives

Les entretiens avec les enseignants en France ont montré les problèmes que soulevaient, au sein d’une école « normale » et normalisatrice qui fait de la « maîtrise » de la langue l’objectif central de son éducation (Blanchet, 2016,p. 62), l’existence d’enfants dont les singularités, au premier rang desquelles la singularité linguistique, posait des défis et des difficultés à la réalisation d’un projet « assimilassionniste » (Van Zanten, 2006 : 195), pourtant voué à l’échec dans la perspective de ce que comprend politique (Tassin, 2003, p. 272) et éducation (Meirieu, 2011 [1996], p. 64).

Plusieurs enseignants français insistent sur la nécessité d’expliciter les « codes » éducatifs et scolaires, notamment face aux élèves « allophones » : n’est-ce pas déjà là le signal d’un changement de perspective, du « normal » qui ne s’explique pas mais s’apprend, vers le « normé », situé et re-situable ? Donc, de remettre dans une perspective d’ « action », définitoire du politique et de la citoyenneté (Tassin, 2003, p. 286), les normes et leur établissement ? N’est-ce pas aussi la mobilité vécue par ces enfants qui « arrivent » en France, nouveaux à de nombreux contextes, qui rend, de nouveau, mobile et mobilisable l’idée de culture ? Une autre demande émane de quelques enseignants : celle de l’aide à comprendre les enfants « allophones », leurs parcours et ce qu’ils impliquent, éclairés par des professionnels extérieurs à l’institution scolaire (Marchadour, 2018). Cette demande ne semble pas relever, là non plus, du récréatif ou de l’optionnel, mais bien d’une exigence de certains professionnels à vouloir enseigner à des sujets, en concevant leur position comme politique, puisque face à des individus pluriels. Une question de taille se pose alors : cette pluralité et cette dimension politique sont-elles solubles dans les exigences de l’éducation « nationale » ?

Nombreux sont les observateurs à noter que le terme « allophone » pose question (Armagnague-Roucher, Rigoni, 2016, Ebersold, Armagnague-Roucher, 2017, Razafi, Traisnel, 2017), et cette nomination d’un « autre » au prétexte de sa non-francophonie invite à rester vigilants sur la définition du « même » ou du commun, dans des contextes scolaires français dans lesquels les actes et discours glottophobes semblent aussi fréquents que violents (Blanchet, 2016). Nos entretiens, comme d’autres observations récentes (Lebon‑Eyquem, Robert, 2012, p. 120 ; Champalle, Galligani, 2015 ; Goi, 2015, Armagnague, Bruneaud, 2016, p. 19 ; Rigoni, 2017, p. 48 ; Vadot, 2018), montrent aussi l’expression d’un besoin de formation et d’accompagnement des enseignants et formateurs français aux problématiques du plurilinguisme, comme aux conséquences de l’émigration-immigration sur les individus. Une reconsidération des réflexions sur le même et l’autre semble alors nécessaire à l’école française, dont la dimension politique doit être réaffirmée (Laval, 2012, p. 278), possiblement grâce à la présence des élèves peu ou pas francophones, immigrés et plurilingues, qui pourraient bien susciter des doutes créateurs et des questionnements féconds au sein de l’ordre scolaire et de ses évidences.

Les discours que tiennent les enseignants algériens interrogés sur ce que nous avons appelé un « plurilinguisme ordinaire », qui insistent sur la primauté du fond sur la forme comme sur la primauté de la compréhension par l’élève sur le monolinguisme strict de l’enseignant, peuvent être interprétés comme une source d’inspiration d’actions et positions possibles vis-à-vis de la diversité et de l’hétérogénéité linguistique. Ces pratiques plurilingues d’enseignants face à des enfants algériens de niveaux de langues (au pluriel) divers pourraient constituer un exemple parmi d’autres de ce qu’il est possible de faire en tant qu’acteurs éducatifs face aux enfants pluriels d’une société multilingue. En ce sens, elles rejoignent une certaine conception de la traduction en tant que « savoir-faire avec les différences » (Cassin, 2017, p. 9), qui représenterait « non seulement un modèle intellectuel qui peut servir de paradigme contemporain pour les sciences humaines, mais [aussi] un apprentissage de la citoyenneté » (2017, p. 9). Ces positions, nous l’avons dit, paraissent relever d’une considération toute politique de l’éducation, comme d’une connaissance de ce qu’implique l’état de sujet, rappelant bien que « la subjectivation politique s’oppose à l’identification culturelle » (Tassin, 1997, p. 142).

Les doutes et questionnements que posent, au sein de l’éducation nationale français, l’arrivée et la présence d’enfants désignés comme « allophones », convoquent et révèlent les dimensions politiques des contextes dans lesquels ils sont « accueillis », tout comme ils révèlent la dimension politique de l’éducation dans les discours des enseignants interrogés. Cette « altérité » (« allophone ») ou cette « étrangeté » qui est soulevée en contextes éducatifs sous un prétexte linguistique[13] ne devrait pas être reléguée à une problématique « technique », sous peine d’en ôter toute la dimension politique (Sayad, 1999, p. 316).

Triple dimension politique : de l’émigration-immigration, du plurilinguisme ou de l’alterlinguisme (par rapport à la langue nationale) et enfin de l’école en tant que lieu non-neutre (Sayad, 2014, p. 160), c’est-à-dire lieu non seulement de formation, mais aussi et peut-être surtout lieu de conformité et de conformisation (2014, p. 162) à des normes, notamment linguistiques, exigées par la « nation ». Ces questions ne sont donc pas à prendre sous leur seul aspect « culturel », sous peine d’être complètement dépolitisées, neutralisées, moralisées et technicisées, puisque c’est bien de la légitimité politique et de l’existence citoyenne des individus plurilingues, auquel s’ajoute, pour certains, le statut d’immigrés, qu’il s’agit. Sous ces questionnements de l’éducation et du plurilinguisme, c’est la problématique de la possibilité d’être sujet et d’être sujet politique au sein d’un Etat-nation qui semble se poser. Peut-on être non-francophone ou peu francophone, et citoyen français ? Comme le pose si bien Françoise Vergès, attaquant l’ordinaire de la langue quotidienne, dévoilant le politique révélé par le linguistique : « comment se fait-il qu’Aimé Césaire soit un citoyen « français », mais un écrivain « francophone » ? » (2006, p. 13).

La citoyenneté française, ou l’existence politique en France des individus n’est-elle acceptable que suite à une conformisation la plus totale, c’est-à-dire avant tout linguistique, aux normes qu’elle édicte, défiant la conception même du politique en tant que dissensus (Rancière, 2000, p. 56) comme du statut de sujet en tant qu’être pluriel (Fleury, 2015, p. 110) ? La « tranquillité scolaire » des enfants et leur évitement d’un « échec » sont-ils aussi à ce prix ? Les enfants « allophones », immigrés, non-francophones et le défi qu’ils constituent pour l’école française et ses acteurs est la manifestation d’une limite (Agamben, 1995, p. 33-34, Sayad, 2014, [1991] p. 45) au concept de « nation ». Si la manifestation de cette limite est préoccupante, cette inquiétude doit pouvoir être utilisée, je crois, à des fins d’action et de changement, pour « restaurer la signification politique de l’école » (Laval, 2012, p. 278), car c’est aussi et peut­‑être avant tout « par ses limites qu’une société se pense et se reproduit » (Benasayag, Del Rey, 2007, p. 211).

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Notes

[1] Extraite d’une thèse de doctorat en sciences du langage soutenue en octobre 2018 (Marchadour, 2018).

[2] Non scolarisés antérieurement.

[3] Puisque les « allophones » sont désignés comme « autres » à cause de leurs langues « autres » que le français. Dans certaines académies françaises, l’allophone est défini comme « tout élève parlant une autre langue que le français », http://www.ia29.ac-rennes.fr/jahia/Jahia/Accueil/circonscription/pid/21004.

[4] La politique d’ « éducation prioritaire » a pour objectif de « corriger l’impact des inégalités sociales et économiques sur la réussite scolaire par un renforcement de l’action pédagogique et éducative dans les écoles et établissements des territoires qui rencontrent les plus grandes difficultés sociales », http://www.education.gouv.fr/cid187/l-education-prioritaire.html.

[5] Non scolarisés antérieurement.

[6] Dans les extraits d’entretiens utilisés, F2 fait référence à un enseignant en France, le n°2. A2, un enseignant en Algérie, le n°2, et 2016 correspond à l’année durant laquelle a été enregistré l’entretien, et les chiffres correspondent aux lignes de l’entretien retranscrit, que l’on trouve en intégralité dans les annexes du travail de thèse.

[7] Avant 2012 et l’introduction officielle du terme « allophone », c’était le terme de « non‑francophone » qui était utilisé, nomination qui, certes désignait un manque, mais qui mentionnait clairement la spécificité de ce manque, le français. Circulaires n° 2012-141, 2012-142 et 2012-143 du 2 octobre 2012, parues au Bulletin officiel n° 37 du 11 octobre 2012, http://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html? pid_bo=26821

[8] Dix entretiens semi-directifs ont été menés avec des enseignants en Algérie, à Alger.

[9] Un terme qui revient souvent dans les entretiens.

[10] Anglais principalement / mais parfois je jongle entre anglais / français / arabe / soixante (pour cent) anglais trente français et de temps en temps dix pour cent arabe / pourquoi / parce qu’on a des élèves qui ne maîtrisent ni l’anglais ni le français / donc je dois parler dans leur langue parfois / pour transmettre le message […] ici [en Algérie] je dois / j’ai envie de dire que c’est un jeu de rôles / je dois être flexible / un enseignant qui peut donner une variété de mots / arabe français ou anglais / les enfants vont se sentir à l’aise / et se détendre (je traduis).

[11] Ta3 = de (possessif).

[12] Cette problématique soulève la question de l’identification des langues au sein d’une langue. Lorsque l’on parle en dardja, ou arabe algérien, qui contient « du » français, doit-on identifier les mots « en français » comme étant du français ou comme étant simplement de la dardja ? Pour donner un exemple courant en contextes francophones, lorsque l’on souhaite « bon week-end » à un proche, en français, a-t-on l’impression d’avoir recours à « de l’anglais » ? Ce terme-là, s’il n’est pas du français, n’existe-t-il pas en français ? C’est-à-dire dans la bouche et l’esprit de ses locuteurs ?

[13] « Allophones », ils sont désignés « autres » par la ou les langues qu’ils parlent, et par celle qu’il ne parle pas, ou pas comme elle « doit » être parlée, le français.

 

 

 

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