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Insaniyat N°53| 2011 | La Montagne : populations et cultures | p.07-09 | Texte intégral 


Hosni BOUKERZAZA: Université Mentouri de Constantine, 25000, Constantine, Algérie.
Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, 31 000, Oran, Algérie.

Nadia MESSACI: Université Mentouri de Constantine, 25000, Constantine, Algérie.

Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle, 31 000, Oran, Algérie.


En montagne, la distribution spatiale est inégale et non conforme aux ressources du milieu et aux charges démographiques. Certains facteurs ont joué dans le choix d’établissement sur des sites longtemps présentés comme étant essentiellement de refuge. Les populations ont mis en place des formes d’occupation spatiale dans lesquelles les mobilités migratoires ont été un élément moteur. La montagne a su survivre parce qu’elle a été acteur actif dans l’économie nationale et elle a su aussi tirer profit de l’« exil » en important des modèles d’habitat qu’elle a adaptés à la culture locale. Le regard que nous portons à la montagne maghrébine est ambivalent. Elle suscite à la fois de l’admiration pour la pérennité de son caractère de cadre de vie et de l’inquiétude en raison des pressions lourdes exercées sur elle. Les articles contenus dans ce numéro traduisent cette ambivalence.

Marc Côte rappelle que les rapports de l’homme à la montagne comportent des formes diverses, exprimant ainsi la richesse des types d’occupation, d’aménagement ou de mise en valeur. Il fait remarquer que ce qui définit la montagne, notamment au Maghreb, c’est moins l’altitude que la pente, valorisée ou pas par les sociétés locales sur laquelle elles plantent des arbres ou construisent des terrasses, privilégient la culture ou l’élevage, organisent leur habitat en gros villages ou en maisons éparses. Il constate, en outre, qu’il n’y a pas un modèle unique de montagne maghrébine mais trois. Par ailleurs, il relève qu’aujourd’hui, l’enclavement ou la marginalisation, parmi d’autres facteurs, font que la montagne est devenue un espace secondaire. Dans le même temps, il souligne que nombre de ces montagnes sont le lieu d’une dynamique souvent remarquable.

En traitant de la moyenne montagne européenne, Lucie Bettinger et Serge Ormaux rappellent comment est posée la question des espaces montagnards en constatant que la spécificité des territoires de montagne n’est pas reconnue comme telle dans les politiques européennes. Ce dernier type de montagne souffre d’un a priori négatif alors même qu’il peut renvoyer à des espaces présentant un potentiel de développement important, porteur d’une identité territoriale. C’est pourquoi la situation de déclin, présentée comme inexorable, doit être nuancée. Selon les auteurs, la moyenne montagne est un objet d’étude géographique qui n’a que peu polarisé l’attention des chercheurs et pour lequel un vaste champ d’étude reste à mettre en place. Toute la difficulté résiderait dans la définition de l’objet et dans la prépondérance des questions de représentation. La formation de la moyenne montagne est donc, selon cette vision des choses, intimement liée au discours et à l’action politique; l’objectif est de favoriser son intégration territoriale.

Hosni Boukerzaza et Sabrina Acherard inscrivent leur objet d’études dans cette réalité géographique actuelle qui considère les espaces-temps comme plus importants que les territoires vécus par les citoyens. L’analyse des transports leur permet de déceler une polarisation forte autour des villes reflétée par la population mobile, dont le niveau d’instruction est élevé. Les auteurs distinguent différents niveaux de mobilité traduisant la primauté du territoire du quotidien, elle-même favorisée par la disponibilité du transport collectif léger. Les contributeurs relèvent une nouvelle forme de disparités, celle de l’inégalité d’accès au transport, notamment à cause de son coût élevé.

A partir de la notion des « trois âges de l’émigration » développée par Abdelmalek Sayad, Nadia Messaci émet l’hypothèse d’une stratification spatiale à partir des modèles de construction de la maison. En effet, l’espace des Ath-Waghlis est structuré sous forme de répertoire architectural inédit, en rupture formelle avec le modèle traditionnel. Il nous livre, sous forme d’un répertoire architectural nouveau, trois modèles de maisons différentes sur le plan du volume architectural et de la structuration de l’espace intérieur. L’auteure emprunte la terminologie à Sayad et les appelle la maison du « premier âge », la maison du « deuxième âge » et la maison du « troisième âge ». Ainsi les trois modèles de maison existants correspondent aux trois âges de l’émigration et semblent être la projection architecturale de ce processus de mutations sociales vécue par les Ath Waghlis ; la maison étant la vitrine de cette négociation à l’évolution de la société, structurellement marquée par le départ de ses forces vives.

A propos de l’histoire antique du Massif des Aurès, Abdelouahab Bouchareb parle du sillon des convictions anthropologiques, idéologiques ou politiques divergentes. Il décrit la stratégie d’encadrement de ce Massif ainsi que l’attention particulière accordée aux propriétés du territoire. La civitas en est un des fondements qui illustre l’élaboration d’une politique territoriale et administrative rigoureuse pour l’encadrement des tribus et de leur espace de mobilité. Les aménagements urbains, ruraux et hydrauliques ont donné l’occasion aux agriculteurs et aux éleveurs de procéder à des échanges. Les modèles romains de construction sont nombreux en Afrique du Nord, note l’auteur. Il constate également que la thèse de la marginalisation et de l’isolement de cette unité géographique et humaine n’est plus plausible. L’Aurès n’est pas une masse muette et fascinante par sa primitivité, mais un territoire où le maillage par des voies traversant les vallées a renforcé les relations du Massif avec les plaines du Nord et les oasis du Sud.

Jacques/Jawhar Vignet-Zunz présente l’Afrique du Nord comme une société marquée par quatre milieux : la ville, la montagne, la steppe et le désert ainsi que l’oasis et un même fond de populations, Imazighen ou Arabes. Il pose la question de savoir comment la montagne a pu constituer un milieu attractif et note qu’elle est très peuplée, peu élevée, de climat peu rigoureux, mieux arrosée que la plaine et offrant une réelle sécurité alimentaire malgré la rareté des sols. Partant d’une problématique centrée sur les sociétés de montagne, l’auteur, montre la multiplicité et l’importance des savoirs dans les massifs montagneux maghrébins à l’exemple du Rif occidental, de la Kabylie et de Jabal Nafûsa tripolitain. L’auteur conclut qu’en Afrique du Nord, la montagne, dans un grand nombre de cas, apparaît comme un milieu privilégié et le lieu d’une dynamique indéniable.

Les zaouias qui essaiment dans le territoire montagneux, notamment en Kabylie, ont eu un triple rôle : religieux, cognitif et social. Dans son article, Fatima Iberraken nous livre un aspect très peu connu de la vie de la zaouia Chellata, fief de la famille Ben Ali Cherif qui a pu continuer, dans un moment difficile de son histoire, à faire assumer ses fonctions par les femmes qu’on croyait confinées dans un statut bien moins valorisant que celui du maître. Elles jouissent d’un ilm qui les autorise à occuper ces fonctions et jouent sur un double registre, celui de la femme détentrice du savoir et de l’affection pour « asservir ». A partir de discours d’acteurs-serviteurs décrivant l’institution de l’intérieur, l’auteure met en évidence la coexistence du religieux avec l’asservissement des sujets.

En définitive, les articles contenus dans ce dossier pourront incontestablement ouvrir de nouvelles perspectives de recherche sur cette thématique importante.

 

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