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Deux colloques à Alger pour les cinquante ans de l'Algérie algérienne

Dans le cadre du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, deux colloques se sont déroulés et succédés à Alger début juillet 2012. Le Centre National de Recherches Préhistoriques Anthropologiques et Historiques (CNRPAH) en partenariat avec le quotidien national La Tribune a organisé, du 1er au 3 juillet, un colloque intitulé « Algérie 50 ans après : libérer l'histoire ». Puis, les 5, 6 et 7 juillet, le journal El Watan a été à l'initiative d'un colloque ayant pour titre « Cinquante ans après l'indépendance : quel destin pour quelle Algérie ».

La rencontre internationale[1] du CNRPAH et de La Tribune, tenue à la Bibliothèque nationale d'Algérie El-Hamma, a réuni des universitaires et chercheurs algériens et étrangers (Afrique, Amérique du Nord, Europe) de différentes disciplines. Trois jours de communications avec plus de cinquante interventions ; histoire, société, arts et lettres au programme.

Voici la liste non exhaustive des thématiques abordées par cette rencontre : l'identité algérienne, la relation entre l'Algérie en guerre et des pays africains (Maroc, Tunisie, Ghana) et européens (Suisse, Allemagne de l'Ouest et de l'Est, pays nordiques, bloc de l'Est), le rôle propagandiste de l'image en temps de guerre. Une partie des exposés concernaient la Guerre d'Algérie et ses conséquences sur les populations civiles et combattantes dont les Moudjahidates. La France a également été la thématique de plusieurs interventions : son attitude actuelle face à son passé colonial en Algérie (repentance et/ou reconnaissance), les Pieds-Noirs restés en 1962 et l'exposition « Algérie 1830-1939 » au musée de l'Armée aux Invalides à Paris.

Cette rencontre internationale a eu comme objectif, tout en commémorant le cinquantenaire anniversaire de l'indépendance de l'Algérie, se poser la question de la « libération » de l'histoire algérienne. Ainsi donc, cela signifierait que cette histoire a été emprisonnée ? Par qui, pourquoi ? À la suite de ce colloque, nous pouvons avancer la thèse selon laquelle l'histoire a le devoir de se libérer des deux côtés de la Méditerranée et qu'elle ne doit plus être l'otage de politiques nationales qui maquilleraient l'histoire à leur profit.

Deux chercheurs du Crasc, Ouanassa SIARI-TENGOUR et Fouad SOUFI, ont participé à ce colloque, et produit une communication commune sur « Les mémoires de l'histoire ». Ouanassa SIARI-TENGOUR a rappelé notamment l'importance de la « libération » des archives de la Guerre d'Algérie. Fouad SOUFI, quant à lui, est revenu sur la date du 5 juillet dans l'histoire algérienne : 1830, 1961, 1962, 2012. Ces trois journées de travail ont été suivies par la projection du film « La traversée » d'Élisabeth Leuvrey qui aborde le sujet de la migration entre Alger et Marseille. Les actes de cette rencontre internationale feront l’objet d’une publication prochaine.

Le second colloque s'est déroulé à partir du 5 juillet et sur une durée de 3 jours. Organisé par le quotidien El Watan, ce colloque a rassemblé trente-quatre universitaires et chercheurs de disciplines différentes dont l'histoire, la sociologie, la science politique et l'économie, et venant d'Algérie, de France, des États-Unis et d'Angleterre.

Les interventions ont concerné la période coloniale, la Guerre d'indépendance, mais également (et évidemment) l'Algérie indépendante. Les communications ont été regroupées autour de huit thématiques (répartition parfaite entre quatre panels sur l'Algérie pré-indépendante et quatre panels sur l'Algérie depuis 1962) : la conquête coloniale, la (re)naissance de la nation algérienne, la Guerre de libération, les conséquences du conflit, le régime politique passé et actuel, l'économie du pays, la société algérienne et la question de sa révolte. Ce colloque avait comme ambition d'établir une analyse, un état des lieux de l'histoire de l'Algérie. Le premier jour, les interventions ont traité de « l'Algérie ancienne », de la conquête française et ses conséquences, mais aussi du mouvement ouvrier, de l'UDMA et de la nation algérienne. La seconde journée a concerné la Guerre d'Algérie par des communications traitant du FLN, des Messalistes en 1956, de la France entre 1954 et 1962, de l'Aurès pendant le conflit, du refus de guerre de la part de soldats français, de l'OAS. Le dernier jour fut consacré à l'Algérie actuelle, un bilan fut dressé ainsi qu'une réflexion critique en ce qui concerne la corruption politique, les droits de l'Homme, l'économie, l'enseignement, la condition de la femme, le système de santé et la société algérienne dans sa globalité.

Lors de ce colloque, le Crasc était également représenté par la participation de Ouanassa SIARI-TENGOUR qui est intervenue sur « la mobilisation politique et la lutte armée dans l'Aurès » pendant la Guerre d'Algérie, et par Amar MOHAND-AMER qui est revenu sur « les institutions politiques et militaires du FLN en 1962 », et notamment sur l'accession au pouvoir d'Ahmed Ben Bella et du groupe de Tlemcen. La présence de chercheurs non originaires d'Algérie et de France a permis de « revisiter » cette histoire commune entre ces deux pays avec un recul plutôt bénéfique. Ainsi, Matthew Connely, professeur à l'Université de Columbia de New-York, a bien expliqué qu'il ne fallait pas négliger et minorer la diplomatie du FLN comme arme décisive contre la France. Todd Shepard de l'Université Johns Hopkins de Baltimore a insisté sur le fait que France n'a pas décidé l'indépendance de l'Algérie mais qu'elle fut forcée de l'accepter.

À la suite de ces deux rencontres universitaires, mais qui se voulaient également grand public, ouvertes à toutes et tous, nous pouvons remarquer que le temps de l'occultation ne peut plus être de mise. Il est temps que cette bulle entre la France et l'Algérie éclate afin que cette histoire commune ne soit pas une histoire tronquée, et que les historiens puissent établir les faits et reconstruire le passé. Des deux côtés de la Méditerranée, encore trop de désinformations, de falsifications et d'interprétations qui ne servent qu'à mythifier et à mystifier l'histoire de l'Algérie de 1830 à 1962. Souhaitons que les historiens, loin des pressions officielles et des lobbies mémoriels, puissent « enfin » écrire un jour prochain une histoire franco-algérienne ou algéro-française, non idéologisée, non politisée et non « étatisée ».

Philippe BOUBA


Note

[1] Terme utilisé par les organisateurs.

 

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