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Appartenance culturelle et flexibilité cognitive : effet de l’interaction sur la dépendance du champ. Etude comparative entre jeunes algériens et jeunes français d’origine algérienne

Insaniyat N°55-56| 2012 |Jeunes, quotidienneté et quête d’identité | p.p. 25-42 | Texte intégral


Cultural belonging and cognitive flexibility: the interactional effect of on the field dependence. A comparative study between young Algerians and French youth of Algerian origin

Abstract: This research is a social cultural perspective of cognitive development among young Algerians and French youth of Algerian origin. We have tried to pinpoint the international effect of cultural belonging and cognitive flexibility for the development of dependence/independence with reference to the field of action, besides the flexibility function. Flexibility cognitive scores are high among young people living in France, however the interaction effect ”Cultural belonging/cognitive flexibility” on dependence/ independence with reference to the field remains insignificant. Directions for this research and applications are recommended.
Keywords: dependence/independence, cognitive flexibility, cultural belonging, Algerian youth, French adolescents of Algerian origin


Linda YAHIA BEY: Université Hadj Lakhdar, Batna, 5000, Algérie.
Laboratoire PUR « Psychologie des usagers de la route », Associé, Université de Batna, Algérie.
Slimane DJARALLAH :
Université Hadj Lakhdar, Batna, 5000, Algérie.
Laboratoire PUR « Psychologie des usagers de la route », Associé, Université de Batna, Algérie.


Introduction

Les philosophes britanniques du XVIIIe et XIXe siècle, comme Locke et Hume, traitaient les processus mentaux comme s’ils étaient identiques chez tous les individus, tandis que ces processus se façonnent à travers les activités pratiques et contextuelles dans lesquelles ils sont mis en œuvre. L’approche socioculturelle se propose d’explorer le rapport entre les processus mentaux et les activités en tant que processus sociaux locaux contingents par rapport à des institutions et des valeurs socioculturelles (Wertsch, 1985). De son côté, Vigotsky spécule, en refusant toute forme de réductionnisme (behaviorisme) et préformisme, qu’en psychologie les processus mentaux supérieurs doivent être étudiés dans leur spécificité (Deleau, 2006). Depuis, la psychologie assiste à une réelle remise en cause de la notion de l’universalité de ces processus, on peut trouver des illustrations dans les vérifications interculturelles de certains de ces processus comme celles dédiées à l’intelligence spatiale, à la notion de conservation de Piaget, voire même celle du complexe d’Œdipe.

Nous essayons à travers cet article d’étudier une notion particulièrement importante en psychologie cognitive, celle des styles cognitifs à travers la comparaison que nous faisons entre des jeunes en Algérie et des jeunes Français mais d’origine algérienne, tout en s’inspirant de ce courant de pensée.

a) Problématique

Le style cognitif « Dépendance/indépendance à l’égard du champ » (DIC) peut être défini comme un variant personnel permettant de comprendre les différences interindividuelles dans le fonctionnement de la personnalité dans son versant cognitif (Tourrette, 1991), mais aussi social et affectif (Huteau, 1985).Les dépendants du champ (DC) et les indépendants du champ (IC), qui représentent les deux pôles de ce style, sont orientés différemment dans divers secteurs d’activités. Nous trouvons une description détaillée de leurs modes d’approche dans le tableau n° 1 ci-dessous. 

La DIC a fait l’objet d’une importante investigation interculturelle, des travaux montrent que plus les sociétés tendent vers l’occidentalisation, plus elles s’approchent de l’IC (Berry, 1976, Witkin et Berry, 1975), par exemple, Gozé (1994) à travers son étude en Afrique de l’Ouest affirme que la sévérité des pratiques éducatives renforce des conduites conformistes et favorise en effet la DC.

Cette hypothèse semble être confirmée même pour les groupes contrastés au sein d’une même culture, sur les villages traditionnels et modernes, quant à l’intensité des demandes d’adhésion aux conventions familiales, religieuses, et politiques (Witkin et al.,1974). La même tendance est observée au sein de groupes peu contrastés. En effet, les études faites sur les communautés de Juifs installées au Moyen Orient, aux Communautés fermées d’Europe Orientale et au Maroc et les Juifs installés aux Etats-Unis et aux pays occidentaux montrent une plus grande tendance vers l’IC chez les premiers (Dershowitz, 1971, Preal et al., 1970, Rand 1975).

Contrairement à la DIC, la question de l’incidence de l’appartenance culturelle sur le développement de la flexibilité cognitive n’a pas été envisagée à notre connaissance. Toutefois, nous pouvons nous inspirer des études très récentes sur le bilinguisme qui mettent en évidence son effet positif sur le développement de la flexibilité cognitive chez les enfants de familles bilingues (Bialystok et al., 2010, Poulin-Dubois et al., 2011, Troadec et al., 2008), et les enfants des migrants (Rezzoug et al., 2007)

D’autre part, le style DIC est corrélé à la créativité, dont la flexibilité cognitive en fait part (Huteau, 1987), et à l’intelligence fluide (Huteau, 2006), qui est en partie favorisée par le milieu, et qui se réfère à la capacité de résoudre des problèmes dont l’expérience antérieure est très peu employée (Johnson et al., 2005). Ainsi, être doté d’une intelligence fluide implique de bonnes habilités flexibles.

Soulignons enfin que d’un point de vue développemental, la DIC et la flexibilité cognitive se manifestent relativement tôt, bien que leur mise en place soit progressive jusqu’à la fin de l’adolescence (Witkin et al., 1967). La flexibilité cognitive atteint une bonne progression à l’âge adulte (Georsdottir, 2004), raison pour laquelle nous avons choisi cette tranche d’âge comme population de recherche.

Ce bref rappel sur les travaux antérieurs nous mène à nous interroger sur le cas des jeunes en Algérie et leurs homologues issus de familles algériennes installées en France. Ces jeunes sont-ils plutôt DC ou IC ? En d’autres termes, quel impact pourrait avoir l’appartenance culturelle sur le développement de ce style chez les deux catégories de jeunes ? Peut-on dire qu’il existe des différences significatives en DIC en fonction de l’appartenance culturelle ? Et si la culture occidentale favorise le développement de l’IC, et que la flexibilité cognitive se développe mieux dans un contexte de biculturalisme, peut-on dire que l’effet de l’interaction : appartenance culturelle/flexibilité cognitive sur le développement de la DIC est plus important chez les jeunes en France que chez les jeunes en Algérie ?

b) Hypothèses

  • Nous pensons qu’il existe des différences significatives en DIC en fonction de l’appartenance culturelle.
  • Nous pensons aussi qu’il existe des différences significatives en DIC en fonction de la flexibilité cognitive.
  • Nous pensons enfin que l’effet de l’interaction : « appartenance culturelle/flexibilité cognitive » sur le développement de la DIC, soit plus marqué chez les jeunes Français d’origine algérienne que chez les jeunes algériens du pays.

c) Méthodologie 

- Méthode

Afin de décrire et d’analyser des liens entre appartenance culturelle et styles cognitifs, la méthode qui nous parait bien appropriée est la méthode descriptive, elle l’est aussi pour les études dont les populations de recherches sont assez étendues.

- Participants

L’échantillon se compose de 218 jeunes volontaires, 105 femmes et 113 hommes, âgés de 18 à 27 ans (m = 21.14 ans, ET= 2.22), répartis en deux groupes : celui des jeunes algériens, composé de 118 participants, qui ont vécu et grandi en Algérie dans la région de Batna. Le deuxième groupe est composé de 100 participants, des jeunes Français dont les parents sont des migrants d’origine algérienne et ils sont nés et ont grandi en France dans la région parisienne. Les caractéristiques démographiques et les moyennes d’âge relatives aux deux groupes sont rapportées au tableau n° 2 ci-dessous.

- Instruments

Dépendance/indépendance à l’égard du champ 

Le Test des figures encastrées GEFT (Group Embedded Figures Test), forme collective (Witkin et al, 1985), désigné à déterminer le degré de DIC, était administré. Le GEFT est une épreuve qui s’adresse aux adultes quels que soient leurs âges et leurs niveaux socioculturels. Étant non verbal, ce test peut être utilisé dans des études transculturelles. Il est composé de 18 figures complexes au sein desquelles le sujet doit reconnaître une figure simple cachée dans une figure plus compliquée (figure1).A chaque figure correspond un score de 1 ou 0 selon la validation correcte ou non, le total de points obtenus permet de déterminer le degré de DIC du sujet, plus le score est élevé plus le sujet tend vers l’IC.

Pour les participants en France, la version française traduite par Witkin et ses collaborateurs (1985) était employée, elle présente de bonnes propriétés psychométriques, et une version adaptée à la culture arabe (الشرقاوي والخضري،1988) présentant également des qualités psychométriques acceptables était employée pour les jeunes algériens.

Figure 01 : Exemple d’item du GEFT

 

Il faut découvrir dans la figure complexe à droite, l’élément simple indiqué à gauche

Flexibilité cognitive 

La flexibilité cognitive est mesurée à l’aide de l’épreuve de Jarres de Luchins (1942), Clément (2006) la considère comme paradigme bien adapté pour observer au cours d’une même tâche la flexibilité spontanée, la flexibilité réactive et la rigidité du comportement. Il s’agit d’une épreuve papier-crayon composée d’une série de problèmes, dans chaque problème il y a trois jarres d’eau de capacité différente et une quantité limitée d’eau, le but est d’obtenir des quantités d’eau précises en manipulant ces jarres. Dans les premiers problèmes, une première stratégie est efficace pour trouver la bonne solution, B- A- 2C. Au bout des six premiers problèmes, cette stratégie s’installe comme routine, elle est efficace pour le quatrième et le sixième problème mais il existe aussi des moyens plus simples pour les résoudre (A et C). Le huitième problème est dit « critique » puisque la stratégie routinière amène à un échec ; pour le réussir, il faut appliquer une stratégie simplifiée (A – C). La flexibilité dans la résolution de cette tâche est reflétée dans la capacité de se dégager de la routine et d’appliquer une stratégie alternative.

La version française était employée pour les participants d’origine algérienne ; pour les Algériens, l’instruction était traduite par des enseignants bilingues. L’épreuve étant appréhensible, les participants n’ont éprouvé aucune difficulté à la passer (voir annexes 1 et 2).

a) Cadre théorique

Le style cognitif DIC 

Ce concept est avant tout de nature cognitive relative à la perception (de la verticale notamment) et au traitement de l’information. Dans nombreuses situations, il est nécessaire d’adopter une attitude analytique afin d’isoler un élément de son contexte, certains individus déstructurent facilement, ils sont dits les « analytiques » ou « indépendants du champ » (IC), d’autres éprouvent des difficultés à briser la structure très prégnante, ils sont dits « globaux » ou « dépendants du champ » (DC). (Huteau, 1987, 2006). Les études sur ce style ont permis d’élargir ses applications aux aspects sociaux, socio-affectifs et aux comportements interpersonnels. Ainsi, aux deux pôles de la dimension, les sujets manifestent des capacités plus au moins bonnes de déstructuration/restructuration, en plus d’autres capacités sociales et affectives spécifiques. Les caractéristiques relatives à chaque pôle sont illustrées dans le tableau n° 1 ci-dessous.

Tableau 1 : Principales caractéristiques des sujets IC et DC dans divers secteurs d’activité (synthèse de différents ouvrages sur la DIC)

Domaines D’application de la DIC

Caractéristiques des sujets IC

Caractéristiques des sujets DC

Sphère cognitive : 

 

 

Traitement de l’information

Orientés vers l’intérieur et traitent l’information par leurs propres structures

 

Traitement analytique de l’information

Orientés vers l’extérieur, facilement influençables par les traits saillants

 

 

Traitement global de l’information

Résolution de problèmes

Plus performants en situations de résolution de problèmes  économie en travail mental

 

Procédant par tâtonnement « essais-erreurs »

 

Sphère sociale :

 

 

 

Influence sociale

 

 

Moindre sensibilité à l’influence sociale, renforcement matériel.

 

Sensibles à l’influence sociale en situation sociales crédibles.

Sensibilité aux informations    d’origine sociale

Peu influencés par l’extérieur.

 

 

Bonne représentation de métiers aux aspects techniques valorisés.

 

Faible intérêt pour les visages humains.

Cherche l’information sociale extérieure.

 

Bonne représentation de métiers aux aspects sociaux valorisés

 

Intérêt pour les visages humains.

 

 

 

Relations interpersonnelles

Autonomie affective.

Peu sensibles aux réactions d’autrui

Dépendance affective.

Sensibilité/ Besoin de feed-back sociaux.

Orientation sociale

Orientés vers soi

Distance physique et psychologique.

Orientation vers autrui.

Recherche de proximité physique et psychologique.

 

 


Sphère affective :

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonne maitrise émotionnelle

Niveau d’éveil variant en fonction des exigences de la situation.

Vigilance accompagnée de meilleures capacités discriminatives.

Réflexibilité

Agressivité dirigée vers les autres.

Anxiété.

Niveau d’éveil non variant.

 

Vigilance.

 

Impulsivité

Agressivité tournée vers soi-même.

 

Mécanismes de défense

Projection, isolation, intellectualisation.

 

Déni, refoulement.

Différentiation soi/autrui :

Bonne connaissance de soi.

Bonne articulation de l’image du corps.

Faible connaissance de soi.

Image globale du corps.

 

Les auteurs précisent que la DIC est de caractère neutre, elle ne possède pas d’extrémités « haute » ou « basse » ; or, à chaque pôle, des individus sont « hauts » pour des caractéristiques et « bas » pour d’autres. Cependant, dans le domaine des études interculturelles, Witkin précise que, selon les exigences de l’environnement, il peut être préférable d’être IC ou DC et que ce ne sont que les contextes écologiques qui déterminent la valeur à attribuer à l’IC ou à la DC (Dominique, 1980).

La DIC sert énormément dans la compréhension du comportement dans divers domaines, lors de l’interaction homme-machine, dans l’apprentissage assisté par ordinateur, dans la compréhension des styles de navigation web et dans l’appréhension des environnements virtuels (Chen et Macredie, 2010). De plus, les IC et DC ne réussissent pas de la même manière dans les différentes disciplines (Witkin et al, 1985) d’où la nécessité d’adopter l’examen de ce style lors de l’orientation scolaire et professionnelle.

La flexibilité cognitive 

Dans le Dictionnaire de psychologie (1997), la flexibilité est définie comme « Terme désignant d’une manière générale et globale l’aptitude d’un organisme à réagir rapidement ou à modifier son comportement en présence de données nouvelles, elle est synonyme de l’adaptation et l’opposé de rigidité». Dans la littérature , la flexibilité se manifeste surtout par une parfaite efficience dans la résolution de problème (Clément, 2006, 2009) et deux formes de flexibilité sont distinguées (Georsdottir, 2004) : la « flexibilité spontanée » qui est définie comme la capacité à produire une grande variété de solutions à un seul problème ; et la « flexibilité adaptative », qui est la capacité d’adopter une nouvelle stratégie pour résoudre un problème lorsque les stratégies habituelles mènent à une impasse (Thurston et al. 1999 cité par Georgsdottir, 2004 ).

b) Expérimentation

Les passations des épreuves se déroulaient collectivement dans des endroits calmes, en petits groupes de dix sujets au maximum : l’épreuve GEFT est passée en premier suivie de celle des problèmes de Jarres. La durée de passation est d’environ 25 à 30 minutes. La collecte des données s’est effectuée durant le mois de septembre 2009 pour les participants algériens et au cours du premier trimestre de l’année 2010 pour les participants d’origine algérienne en France.

Présentation et analyse des résultats 

1. Analyse descriptive

Les données sont analysées avec le logiciel SPSS version 18.0. Cette analyse permet en premier lieu de fournir un aperçu général de la population de recherche.

Tableau 2 : Statistiques descriptives, moyennes et écart-types (n=218)

Appartenance culturelle

Genre

Age

Moy (sd)

DIC

Flexibilité cognitive

N° (%)

M

ET

Algériens

M

21,56

(2,05)

8,06

3,83

0

52

1

19

Total

71

F

20,47

(1,84)

8,11

 

4,57

0

27

1

20

Total

47

Total

21,13

(2,45)

8,07

4,12

0

79 (66,9%)

1

39 (33,1%)

Total

118 (100%)

Français d'origine algérienne

M

20,69

(2,12)

10,12

4,68

0

10

1

32

Total

42

F

21,48 (2,60)

8,60

4,38

0

22

1

36

Total

58

Total

21,15

(2,46)

9,24

4,55

0

32 (27,1)

1

68 (57,6)

Total

100 (100%)

Total

M

21,24

(2,11)

8,82

4,27

0

62

1

51

Total

113

F

 

21,03

(2,34)

8,38

4,45

0

49

1

56

Total

105

Total

21,14

(2,22)

8,61

4,35

0

111 (50,9)

1

107 (49,1)

Total

218b (100%)

D’après le tableau N° 2, la moyenne de DIC chez les Algériens (8.07) est inférieure à celle des Français (9.24), et elle est estimée à 8.61 pour tous les participants, ceci traduit une tendance plutôt DC. Le pourcentage des sujets rigides chez les algériens (66.9%) est plus élevé que celui des participants français d’origine algérienne (27.1%), inversement celui de flexibilité est élevé pour les participants français d’origine algérienne (57.6%), et bas pour les participants algériens (33.1%), ceci décèle de réelles disparités en matière de fonctionnement cognitif entre les deux catégories de participants.

2. Variation en DIC en fonction de l’appartenance culturelle 

Afin d’étudier les différences en DIC suivant l’appartenance culturelle, un T-test a été réalisé sur les scores de la DIC chez les deux groupes de participants.

Tableau 3: Variation en DIC en fonction de l’appartenance culturelle

Appartenance culturelle

Mean

Std. Deviation

Std. ErrorMean

t

Sig. (2-tailed)

Algériens

8,0763

4,12032

,37931

-1,982

0,049*

Français d'origine algérienne

9,2400

4,54633

,45463

* p <0,05, Sig. (2-tailed)

Selon le tableau n° 3, il existe des différences entre les jeunes algériens et jeunes français d’origine algérienne en DIC (t = 1.98, p < 0.05) en faveur de ces derniers, l’appartenance à la culture occidentale mène à une plus grande indépendance du champ, ceci recoupe avec les études de Dershowitz, Preal et Rand sur les juifs installés dans la culture occidentale.

3. Variation en DIC en fonction de la flexibilité cognitive 

Afin d’étudier les différences en DIC en fonction de la flexibilité cognitive, un T-test était réalisé sur les scores de la DIC chez les deux groupes de participants ainsi qu’à tout l’échantillon.

Tableau 4 : Variation en DIC en fonction de la flexibilité cognitive

Appartenance culturelle

Flexibilité

Mean

Std. Deviation

t

Sig. (2-tailed)

Algériens

Flexibles

8,3333

4,14433

0,475

0,636

Rigides

7,9494

4,12901

Français d’origine algérienne

Flexibles

9,8676

4,34313

2,045

0,044*

Rigides

7,9063

4,74756

Total

Flexibles

9,3084

4,31629

2,351

0,020*

Rigides

7,9369

4,29435

* p <0,05, Sig. (2-tailed)

Pour les participants algériens, on remarque une supériorité de moyenne chez les sujets flexibles, toutefois il n’existe pas de différences significatives entre les sujets flexibles et rigides en DIC, (t = 0.475,          p > .05). En revanche chez les Français et chez la totalité des participants, elles sont significatives en faveur des sujets flexibles (t = 2.04, p < 0,5),  (t =2.35, p < 0,05), ceci confirme que plus les sujets sont flexible plus ils tendent vers l’IC, l’intelligence fluide évoquée ci-dessus semble allier les deux habilités.

4. Effet de l’interaction «appartenance culturelle/flexibilité cognitive» sur le développement de la DIC.

Une analyse selon un modèle linéaire général a été réalisée en utilisant la méthode Univariat afin d’étudier l’effet de l’interaction de l’appartenance culturelle/flexibilité cognitive (variables indépendantes) sur la DIC (variable dépendante).

Pour déterminer si l’interaction de ces variables prédit un degré de variation de la DIC, les statistiques descriptives effectuées sont résumées au tableau n° 5 ci-dessous.

Tableau 5 : Résultats des statistiques descriptives de l’interaction des facteurs « appartenance culturelle/flexibilité cognitive » sur les scores de la DIC

Appartenance culturelle

Score en flexibilité

DIC

N° (%)

Mean

Std. Error

Algériens

0 (rigides)

7,9494

4,12901

79 (66,9%)

1 (flexibles)

8,3333

4,14433

39 (33,1%)

Français d’origine algérienne

0 (rigides)

7,9063

4,74756

32 (27,1)

1 (flexibles)

9,8676

4,34313

68 (57,6)

Les résultats montrent que l’effet de l’interaction « appartenance culturelle/flexibilité cognitive » chez les Français (9.868) est plus important que celui des Algériens (8.333), tandis que le degré de DIC résultant de cette interaction est plus élevé en rigidité chez les algériens, autrement dit l’effet de ces interactions semble engendrer une tendance IC en France et une tendance DC en Algérie. Les résultats de l’analyse statistique de la variance résultante de l’effet de l’interaction appartenance culturelle/flexibilité sur la DIC sont récapitulés au tableau n° 6.

Tableau 6 : l’effet de l’interaction « appartenance culturelle/flexibilité cognitive » sur la DIC

Source

Type III Sum of Squares

df

Mean Square

F

Sig.

Corrected Model

160,866a

3

53,622

2,909

0,036

Intercept

13765,948

1

13765,948

746,748

0,000

Appartenance culturelle

26,392

1

26,392

1,432

0,233

flexibilité cognitive

65,287

1

65,287

3,542

0,061

Appartenance/flexibilité

29,533

1

29,533

1,602

0,207

Le facteur appartenance culturelle (f = 1,432, p= 0,233) et flexibilité cognitive (f = 3,542, p= 0,061) ainsi que l’interaction de ces deux facteurs (f= 1,602, p=0,207)  n’indiquent aucune différence significative (p > 0,05) sur le degré de la DIC. Le Graphe 2 ci-dessous en donne plus de précisions.

Figure 2 : Effet de l’interaction « appartenance culturelle/flexibilité cognitive » sur la DIC

Bien que les différences de l’effet de l’interaction « appartenance culturelle/flexibilité cognitive » ne soient pas significatives comme l’indique le tableau n° 6, il est important de souligner que, d’après le graphe 2, la flexibilité des sujets français d’origine algérienne s’accroit en interagissant avec l’appartenance culturelle contrairement chez les sujets algériens. L’effet de cette interaction sur le développement de la DIC est loin d’être négligeable.

5. Discussion générale 

Les hypothèses émises sont quasiment confirmées. Nous constatons, d’abord, une tendance de tous les participants vers une plus ou moins dépendance du champ (8,61= en dessous de la moyenne). Ceci s’explique, à notre avis, et comme l’a illustré Gozé (1994) sur les sociétés africaines, par l’impact des familles qui insistent sur l’instauration des valeurs relatives à la culture d’origine et/ou celles des parents (conformisme au groupe), n’encourageant pas, ainsi, l’indépendance à travers ses pratiques éducatives. Cette importante institution de socialisation prive les enfants d’aller à la rencontre de l’autre, considéré souvent comme différent et menaçant.

Malgré cela, les différences en DIC et en flexibilité cognitive sont en faveur des jeunes en France, et c’est là exactement qu’apparait le rôle de l’école où se favorise en premier lieu la distinction « Soi/Autrui » comme caractéristique essentielle des IC, et sans doute grâce au bilinguisme voire au biculturalisme, autrement dit la double appartenance culturelle dont ces jeunes sont conscients à partir du moment de la fréquentation de l’école va désormais permettre le développement de stratégies cognitives adéquates à envisager deux modes complètement différents et contradictoires. En revanche, les jeunes en Algérie qui jadis vivaient dans un milieu assez homogène où il existe une unanimité de valeurs transmises par famille, école, mosquée et rue… se retrouvent aujourd’hui « cognitivement » moins efficients, et peu armés car ces institutions chargées de la transmission du patrimoine culturel restent insouciantes voire inconscientes des « mises à jour » obligatoires et urgentes à l’égard des nouvelles cultures envahissantes en maintenant des modes de socialisation non appropriés.   

Enfin, les différences de l’effet de l’interaction « appartenance culturelle/flexibilité cognitive » demeurent insignifiantes, mais la tendance illustrée implique vraisemblablement ces deux variables dans le développement de la DIC, une fois de plus, les jeunes en France ont de bonnes performances cognitives.

a) Directions de recherche et applications des résultats

À l’ombre de cette contribution, il est recommandé :

  • d’opter pour des études comparatives multiples et avec des échantillons plus étendus, en prenant par exemple en considération ce style cognitif chez les Français de souche où règne une authentique culture occidentale pour mieux cerner l’effet de la culture sur la DIC, ainsi qu’à des comparaisons inter-sexes car la socialisation des filles et des garçons emprunte souvent des voies distinctes.
  • d’opter pour des recherches plus approfondies en adoptant des méthodes d’investigation rigoureuses au lieu de simples corrélations qui parfois ne démontrent pas la présence du vrai lien de cause à effet ; l’appartenance culturelle, bien qu’importante, n’est pas la simple source déterminante de la DIC.

Et d’un point de vue pratique :

  • Sensibiliser les familles et les écoles de leurs rôles très importants dans le développement des facultés cognitives à travers leurs processus de socialisation.
  • Soulignons que ces processus sont éducables selon la littérature, la jeunesse reste toujours une période propice pour l’apprentissage et l’amélioration des diverses aptitudes, suite à de sérieuses prises en charge, les jeunes en Algérie sont aptes à faire preuve de progrès considérables pour s’adapter aux nouvelles exigences de vie.
  • La formation et surtout l’activation d’équipe pluridisciplinaire dans les établissements scolaires, de formation professionnelle et surtout auprès à des familles.

Conclusion 

Il a été évoqué dans le cadre théorique que, pour Witkin, ce sont les exigences de l’environnement qui déterminent la valeur à attribuer à l’IC ou à la DC. Nous nous permettons de postuler ici qu’aujourd’hui, dans une société en pleines mutations comme la nôtre, il est fortement préconisé d’être plutôt IC, de le développer chez nos enfants à travers nos pratiques éducatives. Opter pour un tel choix n’est en aucun cas une forme de rejet de la culture ancestrale, bien au contraire, la meilleure adaptation offerte par le biais du développement d’un bon patrimoine cognitif donnera accès à la connaissance et l’acceptation de l’autre, le différent, le paradoxal et ouvre la voie à la connaissance du propre et éventuellement à sa sauvegarde et son enrichissement. Ceci nait et se développe dans une culture de tolérance, car c’est la culture qui donne forme à l’esprit.

Annexe1 : Problèmes de Jarres de Luchins version française

Il s’agit dans cette épreuve de résoudre des problèmes dans lesquels il faut obtenir une certaine quantité en manipulant des Jarres de capacités différentes. Imaginez que vous êtes près d’une source d’eau comme le robinet de la cuisine ou près d’un puits. On vous donne une jarre vide qui a une contenance de 29 quarts, et une autre de capacité de 3 quarts ; vous devez obtenir 20 quarts d’eau. Souvenez-vous que les jarres ne sont pas graduées. La seule chose que vous sachiez est que si vous remplissez jusqu’au bord la première, vous obtenez une 29 quarts et la seconde 3 quarts. Maintenant, essayez de résoudre les onze problèmes suivants, pour obtenir le volume désiré, utilisez certaines ou toutes les jarres disponibles, vous avez deux minutes et demi pour chaque problème, si vous ne arrivez pas à résoudre un problème, au bout de deux minutes et demi, passez au problème suivant.

Solution à obtenir

Les jarres et leurs contenances

Problèmes

C

B  

A

100

3

127

21

  1.  

99

25

163

14

  1.  

5

10

43

18

  1.  

21

6

42

9

  1.  

31

4

59

20

  1.  

20

3

49

23

  1.  

18

3

39

15

  1.  

25

3

76

28

  1.  

22

4

48

18

  1.  

6

8

36

14

  1.  

Annexe 2 problèmes de jarres version Arabe

مشكلات جرات الماء للوشنز

تخيل نفسك أمام منبع للماء، لنقل بئر أو حنفية المطبخ، نعطيك جرة ماء سعتها 29 وحدة وأخرى سعتها 3 وحدات، طلب منك أن تحصل على 20 لترا باستعمال هاتين الجرتين. نعلمك أن الجرات ليست مؤشرة، الشيء الوحيد الذي تعلمه أن  هو أنك إذا ملأت الجرة الأولى إلى الفم تحصلت على 29 وحدة، وإذا  ملأت الجرة الثانية إلى الفم تحصلت  على 3 وحدات.

الآن حاول أن تحل باقي المشكلات للحصول على الكمية المرغوب فيها. يمكنك استعمال كل الجرات المتاحة أو البعض منها. لديك دقيقتان ونصف لكل مشكلة، إذا لم تتمكن من الحل في ظرف دقيقتين ونصف، مر إلى المشكلة الموالية.

رقم المشكلة

محتــوى الجـــرات

الكمية المطلوب إيجادها

الجــرة   A

الجــرة  B

الجــرة C

 

 

 

 

Bibliographie

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