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La rencontre entre la science et le public : l’interaction des résidents locaux et les décideurs autour du hammam

Insaniyat N°63-64 | 2014 | Le hammam en méditerranée | p. 45-57 | Texte intégral


The encounter between science and the public: local dwellers and policy- makers interaction around the hammam

Abstract: The hammam survey adheres to the transdisciplinary research approach which allows employing scientists and non-scientists; this fact leads to the transfer of firsthand results, provided by individuals with whom we are working, in view of a practical application (praxis). The major aspect of non-scientists’ participation was to engage them at work of which they possess some knowledge. We assume that they are specialists of their own 'Lebenswelt' and they have the required knowledge to make their proper decision. We bestowed some tools so to merge the scientific research group external knowledge with the internal knowledge of those concerned at local site. Regarding the case study hammams and their surroundings, we conducted community participatory processes for several reasons: to set the knowledge of the concerned people in the collection of common projects, to consider their wishes, interests and constraint perceptions in order to set in execution these strong processes in view of obtaining, in each hammam surrounding community, a self-organization.

Keywords: scientist, non-scientist, local, process, participatory, policy, maker dwellers


Ilse MARSCHALEK: Oikodrom, The Vienna Institute for Urban Sustainability.


Le Projet HAMMAM s’est fait selon une approche de recherche inter et transdisciplinaire. L’interdisciplinarité implique que différentes disciplines travaillent ensemble alors que la transdisciplinarité est plus difficile à expliquer, car il y a plusieurs définitions de celle-ci ; mais, les deux exemples suivants montrent que l’implication de personnes non scientifiques est cruciale dans cette approche, Lawrence R.-J. (2004) parle d’une fusion de savoirs disciplinaires avec le savoir-faire des non scientifiques ; quant à Kotter R. et Balsiger P.-W. (1999), ils affirment qu’un problème survenant en dehors d’un contexte scientifique doit être résolu par une collaboration entre des scientifiques et des non-scientifiques. Cela veut dire qu’une recherche transdisciplinaire implique toujours la participation des gens concernés. Ainsi, un aspect majeur de la recherche transdisciplinaire est par conséquent la participation de non-scientifiques qui veulent s’engager dans les actions dont ils possèdent un certain savoir personnel. D’après la théorie de Habermas J. (1981), théorie de la communication active, nous parlons de leur ‘Lebenswelt’ (leur petit monde et le « monde vécu ») dans lequel ils trouvent un consensus, partagent des fonctions et des convictions communes et ont également une communication intersubjective partagée. Cette approche est fondée sur la supposition qu’« inviter le public à faire partie du processus de la prise de décision rendrait celle-ci comme un résultat plus acceptable par ce public » (Renn et al., 1995). La participation à la prise de décision donne une sorte de pouvoir car cela veut dire que les intervenants jouent un rôle actif en définissant leurs intérêts et leurs potentialités. Ils sont plus conscients des conditions locales et de leurs capacités plus fortes du ‘compter sur soi-même’ (Ondrusek et al., 2003).

Les principes essentiels d’une recherche transdisciplinaire à notre sens, sont : i) la réduction de la complexité en déterminant les acteurs retenus et en les intégrant dans le processus (Klein J.T. et al., 2001) ; ii) la récursivité du processus qui dans le feedback cherche une validité réfléchie des méthodes et résultats ; iii) en plus de cela, la recherche de l’intégration d’une perspective égalitaire en travaillant avec les participants (non-scientifiques) comme partenaires. Nous essayons d’être plus réalistes en les ancrant complètement dans leur monde quotidien. Ainsi, quand nous parlons de participation, cela veut dire travailler ensemble avec des personnes qui sont des experts de leur « Lebenswelt » dans un processus de négociation permanent.

La méthodologie

L’institut Oikodrom a développé un processus de négociation durable afin de combiner le savoir externe et le savoir interne sous le régime de la durabilité. (Dumreicher H. et Kolb B., 2003). En utilisant des méthodes, des critères d’autoévaluation et le retour des feedback entre les membres du Consortium du Projet HAMMAM et les résidents locaux. L’objectif est d’aboutir à un résultat incluant les idées proposées par les acteurs locaux eux-mêmes. Nous sommes arrivés à cette méthode consécutivement aux leçons apprises dans des recherches menées précédemment en Chine (Marshalek, I., 2005) et ce, en accord avec les principes de la recherche transdisciplinaire.

Nous avons identifié six problèmes principaux pouvant mener à l’initiation de rôles adéquats et de tâches afin de réussir le processus :

  1. Nommer des personnes responsables, familières au voisinage,
  2. Trouver des personnes sur le site, désirant collaborer pendant une longue période.
  3. Installer un bureau sur le site ayant un contact permanent avec le voisinage, par l’organisation d’ateliers, de réunions régulières, d’événements et d’activités communes.
  4. Identifier les groupes de décideurs, le travail se fait d’une façon séparée et unifiée.
  5. Les scientifiques du Projet HAMMAM sont les « personnes contact » dans les études de cas.
  6. Prévoir une position intermédiaire entre les décideurs et les populations concernées.

Pour organiser un processus participatif avec les partenaires locaux et établir des liens de communication entre les différentes disciplines, nous avons précisé les différents rôles des acteurs du Projet HAMMAM[1], et des « personnes contact ». Ils ont mené le processus de leur étude de cas dans leur quartier respectif et ont échangé leurs expériences de groupe lors de chaque réunion de coordination du Consortium. Pendant ces réunions, trouver un consensus sur la définition de la participation, de son impact, de ses possibilités et de ses limites, constituait un but important. Il est clair que non seulement les « personnes contact » étaient responsables du processus participatif, mais que tous les chercheurs dépendaient de la collaboration des habitants et des décideurs locaux. Afin de rendre effectifs ces mécanismes, nous avons assigné des rôles différenciés aux différents membres à l’intérieur du Projet HAMMAM :

  • Les « personnes contacts »
  • Les équipes communautaires…

Les « personnes contact » dans le cas d’étude

A l’intérieur du Consortium, nous avons constitué un groupe de six personnes ayant une double fonction clairement définie, à la fois comme scientifiques apportant leur savoir théorique et comme habitants de la ville étudiée, ayant un bon contact avec la communauté afin de nous fournir des informations locales. Ces personnes font le lien entre le Consortium scientifique et la population locale, et sont responsables de l’établissement d’un échange réciproque d’informations. Elles ont démarré le processus de participation dans les voisinages des différents cas d’étude en informant les résidents locaux et les autorités, en constituant des équipes communautaires (des managers communautaires et des groupes de référence critiques mentionnés plus loin) et en préparant les visites sur les terrains retenus.

Les activités régulières dans le quartier et les réunions des équipes communautaires permettent de continuer le processus de négociation pendant toute la durée du Projet HAMMAM, menant à une meilleure compréhension à la fois des conditions théoriques et pratiques, des possibilités d’un développement durable et d’un développement d’une conscience élevée des résidents et des autorités. Ces petits projets offriront, à des personnes engagées, l’expérience d’une participation réussie afin de soutenir elles-mêmes les stratégies futures d’organisation.

Les équipes communautaires

Les coordinateurs résidents

Afin de mener le processus participatif, chaque cas d’étude a besoin d’au moins deux personnes partenaires sur le site. Les coordinateurs résidents, chargés de faciliter les rapports entre les résidents et les personnes chargées du cas d’étude, doivent garder un contact permanent avec les personnes responsables de l’étude. En général, ils sont bien acceptés dans la communauté locale dont ils sont originaires. Ils sont, aussi, responsables de la transparence du processus participatif dans la communauté et de la préparation documentaire des réunions.

Des groupes de référence critiques

Chaque communauté a établi un groupe de référence dit « critique », formé de résidents intéressés qui veulent s’engager dans un processus participatif. L’installation de ces groupes mène à une identification et à une participation active des individus concernés. Elle met en valeur l’efficacité et la créativité des actions nouvellement décidées et le dévouement pour la recherche future. De cette façon, les conclusions des disciplines des divers groupes de travail peuvent être intégrées dans le processus communautaire. Ces groupes de référence critiques aident aussi le processus de recherche en assistant aux réunions de consultation et en fournissant un feedback utile. Ils ont des rencontres régulières avec la communauté, décident de la durabilité des processus dans leur voisinage et de l’implantation des projets mineurs.

Les projets communautaires mineurs

En vue d’obtenir un processus continu, la question principale peut être formulée de la manière suivante : comment entretenir les motivations des acteurs pendant une longue période? Les participants devraient percevoir les avantages de leur engagement. Il faut des actions concrètes et visibles  qui persisteront après la fin du Projet HAMMAM. De telles réalisations pourraient être des activités d’amélioration ou de réhabilitation, des activités d’information (une brochure), des innovations locales pour améliorer la qualité de la vie... Les idées seront négociées par les groupes de référence critiques et le Consortium. Le travail de documentation, les  expositions des spécialités locales, la mise en image des célébrations ou des activités de promotion (santé, aspects socioculturels) sont également considérés comme des actions appropriées pour continuer le processus.

Les méthodes participatives des relevés de données

L’implication des intervenants concernés nécessite aussi des méthodes de recherche adaptées en vue de leur application dans le Projet HAMMAM. Les méthodes de sondages, comme tourner des films vidéos, qui constituent déjà une partie du processus de participation à l’étude,  concernent toutes les tâches et toutes les disciplines (cf. : entretiens autour d’une photographie comme technique utilisée par Dumreicher, H. et Kolb, B., 2003).

Pour obtenir des données, nous avons appliqué plusieurs méthodes d’évaluation comme :

- « Mettre son nez partout » (Nosing around), pratiquer l’observation participative, faire des promenades de terrain, gérer le temps, tenir compte du passé, établir des cartes de mobilité (Jones, C., 1996).

- Organiser des activités communautaires : réunions d’hommes et de femmes, ateliers, expositions, documentation.

- Organiser des activités artistiques : la collaboration avec les artistes, les scientifiques et les habitants ont abouti à la réalisation de films vidéo participatifs, à la tenue d’ateliers de création picturale, etc.

La présentation publique des travaux

Un processus de négociation permanente entre les personnes de l’extérieur et celles de l’intérieur devrait se poursuivre durant toute la période du projet. Une partie de la recherche transdisciplinaire est de  cibler un groupe et de présenter des résultats préliminaires, aux personnes invitées et au public, à la fin de chaque visite de terrain. En ce sens, la présentation publique est devenue le point culminant pour le hammam Consortium. Les invitations personnalisées, les annonces médiatiques et les posters affichés dans le voisinage ont attiré un grand nombre de visiteurs sur tous les sites. Des posters, des graphiques, des photos, des films vidéo étaient exposés et commentés avec les spectateurs. Nous avons utilisé le feedback et les commentaires pour les étudier après coup avec le groupe de recherche. Cette étape est accueillie positivement à la fois par les résidents, les autorités locales et par les chercheurs, même si cela prend un peu de temps pour l’analyse des résultats ; à cela, il faut ajouter les séances de discussions irrégulières. En général, en rendant visible la présentation publique, perçue comme une vue de la situation actuelle, cela permet de déceler les différentes perspectives du projet. Ce point culminant est aussi une amorce du processus de continuation devant être mené par les personnes locales de contact et les équipes communautaires déjà définies. Le travail de terrain, les efforts et les résultats obtenus ont permis de développer des projets secondaires qui ont été présentés au Consortium, à Vienne.

Les activités principales

Chaque équipe locale pouvait former un groupe d’au moins dix personnes intéressées qui participeraient aux activités et pour collaborer avec les chercheurs. Sur le site, c’était facile pour les équipes d’avoir accès aux populations locales, de leur rendre visite, de les interviewer, de les inviter aux réunions, aux ateliers, de photographier et de tourner des films, des vidéos,… Bien avant les visites de terrain et les activités entreprises sur les sites, les autorités locales étaient informées ainsi que le personnel du hammam qui n’était pas toujours prêt à coopérer comme c’était le cas à Damas et à Constantine. A partir des rencontres d’Ankara, les réunions faites sur le terrain se tenaient séparément avec les hommes et avec les femmes. Menées par les « personnes contact », ces réunions se tenaient parfois dans une ambiance tendue à cause de la présence exagérée des autorités locales (le cas de Damas) ou de la sous représentation des autorités, (le cas d’Ankara où un très mauvais rapport existe entre les résidents et la municipalité). Parfois, les participants manquent de diversité, surtout les jeunes et les personnes marginalisées, plus difficiles à intéresser. Plusieurs activités participatives ont eu lieu respectant les conditions locales avec le soutien des « personnes contact » pour les cas d’études qui étaient mieux placées pour appliquer la méthode la plus adaptée à la conjoncture locale. En général, les visites de terrain et le travail sur le site de ces équipes ont été médiatisés.

A travers une sorte de nostalgie, le hammam et sa tradition, toujours présents dans la vie sociale, sont devenus un sujet de conversation dans chaque voisinage. Le travail de terrain d’un important groupe de chercheurs étrangers a revalorisé les hammams, consolidé leur sens et les  espaces avoisinants, même quand le voisinage bâti était délabré. Les populations ont apprécié cet intérêt porté par la recherche étrangère et par voie de conséquence, elles ont commencé elles-mêmes à apprécier les hammams. Un effet majeur du projet était le fait de réunir tous les acteurs. Un autre visait à faire prendre conscience de ce phénomène, de montrer le rôle des activités multiples du hammam, parfois oubliées comme à Damas ou au Caire, et comme dans la plupart des quartiers étudiés. Les « personnes contact » ont perçu un processus d’implication et d’intérêt pour considérer les hammams existants comme un atout culturel pouvant contribuer à leur revitalisation. La curiosité et la volonté de participation à la prise de décision peuvent constituer un potentiel au sein des quartiers de hammams. Aussi, les Services des antiquités du Caire et les programmes étrangers comme MCC[2] à Fès ont commencé à soutenir des activités de cet héritage culturel. Des opérations d’aménagement urbain plus consistantes, telles que la rue Malek Fayçal, à Damas, ou des actions de reconstruction de voisinage, ont été influencées par le Projet HAMMAM ; aujourd’hui, elles doivent tenir compte de la valeur historique des hammams.

Les Résultats

Dans la plupart des cas d’études, le hammam était détaché de son voisinage et était souvent perçu comme déconnecté de son quartier. Les résidents ne l’utilisent plus ; les hammams historiques ont une mauvaise réputation concernant la propreté ou la clientèle, et les jeunes n’incluent plus la visite du hammam dans leur vie quotidienne. A Fès, le hammam est encore utilisé par des artisans avant de rentrer chez eux ; mais à Damas, le hammam était totalement rejeté par le voisinage à cause de son gestionnaire remplacé depuis. Le hammam a encore un sens culturel et traditionnel et quelques rituels sont encore pratiqués dont la plupart relèvent de la nostalgie. Les gens attachent de l’importance au sens socioculturel du hammam comme ancrage social et à son impact positif sur la santé ; malheureusement, ils ne l’utilisent plus. Bien que voulant garder le hammam traditionnel, ils cherchent des hammams nouveaux avec plus de services et de meilleures conditions d’hygiène. L’usage d’un hammam historique nécessite une conviction car cela exprime, soit la pauvreté et donc le besoin de le fréquenter, soit des valeurs historiques et culturelles, soit la valeur sanitaire.

Il y a aussi le problème des petits secteurs isolés qui n’ont pas assez d’importance et qui sont souvent négligés. Même à Seffarine, ancien centre de la Médina de Fès, il n’existe pas d’association se préoccupant des questions communautaires. Ainsi, pour la plupart de nos cas d’études de « petits secteurs » montrent que ces derniers sont négligés par les plus grands projets d’aménagement urbain et sont, parfois, en ruine ou bien ils ont besoin d’une revitalisation dans un contexte plus vaste. Aussi longtemps que les résidents peuvent y vivre et ne sont pas obligés de quitter leur quartier, ils gardent un fort sentiment d’attachement communautaire. En ce sens, cet amour de la Médina peut se traduire chez ses habitants par le désir de redynamiser leur quartier et leur identification avec le voisinage et son hammam pourrait constituer une forte motivation. L’importance du rapport du hammam avec son voisinage est devenue évidente pendant le travail participatif. Pendant les études de cas, toutes les « personnes contact » ont collecté des idées et des propositions pour l’élaboration de petits projets sur chaque site. Dans toutes les propositions, le hammam est considéré comme partie intégrante de son voisinage proche. En plus, les hammams font partie d’un réseau de repères dans leur paysage urbain respectif. Une amélioration du voisinage était une préoccupation récurrente. Les propositions faites ont inclut un concours de dessin pour les enfants et un concours de photographies. A Damas par exemple, des propositions ont inséré des projets d’embellissement de l’environnement physique du hammam « Ammuna » avec un nouveau plan des espaces publics et d’autres actions de mise en valeur, telles la restauration du bâti et la peinture par des motifs traditionnels des murs externes. Au Caire, elles portent sur la réhabilitation de l’habitat traditionnel et la mise à niveau des façades de boutiques afin d’améliorer le quartier. L’amélioration des hammams va de pair avec la promotion des quartiers. Toutes les propositions ont intégré un mini projet autour du thème « Mon quartier propre » qui devrait au moins contribuer à rendre l’espace bâti plus agréable.

Elles contenaient aussi des aspects communautaires, mettant en valeur l’impact social du hammam sur sa société et sa culture, des idées comme celle par exemple, d’une « cellule culturelle » à Damas comme germe de la maison communautaire (beit al hara) devrait aider à diffuser les informations de toutes sortes, soutenir la vie publique dans les secteurs ouverts devant le hammam et organiser des activités de plein-air dans les espaces publics, ou comme celle de Constantine qui propose d’ouvrir un bureau de renseignements devant l’entrée du hammam.

Par ailleurs, promouvoir le hammam lui-même (éditer une brochure sur l’utilisation du hammam…) et relever les bienfaits de son usage étaient soulignés lors des études de cas. Ainsi, à Fès par exemple, on voulait mener une campagne au sein du hammam Seffarine afin d’améliorer l’hygiène et l’environnement par une formation du personnel du hammam, encourager la clientèle à utiliser des tabourets, produire des notices concernant une bonne utilisation du hammam et les afficher. Une autre proposition était de fabriquer des billets prépayés, gratuits à distribuer comme des cadeaux aux personnes participants aux activités du projet, surtout celles qui n’utilisaient pas les services du hammam. Une activité du type « Connaissez votre quartier » destinée aux étudiants et aux enfants était suggérée dans le but de revaloriser le savoir-faire des hammams et leur sens.

Des activités à l’intérieur du hammam pourraient être réalisées pour contribuer à en donner une meilleure image et obtenir une plus grande satisfaction des clients. Des idées telles un code de conduite ‘A faire et à ne pas faire’ comme au Caire (illustré par Dina Shehayeb), ou un tract sur « l’hygiène » comme à Constantine peuvent sensibiliser la clientèle. Une autre idée, proposée en Syrie, était de publier un code de conduite pour le hammam, d’après un vieux manuscrit écrit en langue arabe. Il y avait des propositions concrètes portant sur une amélioration optimale des services, comme par exemple réhabiliter et moderniser les toilettes. En outre, d’autres propositions visant à intégrer de nouvelles activités ont été faites à Constantine comme ailleurs, à savoir commerce, exposition, espace café, service de massage, etc. Cependant, les deux idées majeures se rapportent à l’amélioration de l’hygiène et aux activités existantes.

Il y avait d’autres projets secondaires comme « La graine de la chance » pour replâtrer et restaurer les motifs originels du hammam al Tanbali, ou même des projets plus importants ayant besoin de fonds externes, mais qui peuvent être poursuivis par des équipes locales après la fin du Projet HAMMAM ; c’est le cas, par exemple de l’aménagement du terrain avoisinant le hammam à Gaza, visant à faire revivre l’artisanat traditionnel.

Conclusion

Les visites, les activités sur le site et le travail communautaire ajoutent de la valeur au hammam en général.

L’approche participative du projet a été considérée comme une expérience exemplaire pour d’autres projets et d’autres activités de recherche des équipes « Méditerranées ».

La présentation publique est une étape clef dans le processus participatif sur chaque site des cas d’études. Certes, c’est une réunion et une occasion de discussion, mais c’est aussi un point de départ pour une plus profonde collaboration et pour un travail continu. En général, la présentation est un point d’initiation car les équipes locales resteront et continueront le processus. Les résultats devraient être commentés plus  profondément par la suite avec les équipes locales ou dans des réunions particulières, si nécessaire ; dans ce cas, l’équipe de recherche devrait faire part de ses conclusions aux équipes locales d’une façon claire et détaillée. Des panneaux explicatifs devraient être gardés sur les sites afin d’être montrés si nécessaire. Les films vidéos, points forts des présentations, devraient être vus par le public et expliqués en détail car  les effets de la visite de terrain et la présentation publique ne restent pas dans les mémoires ; dans ce cas précis, l’équipe doit réagir vite pour garder la motivation, l’énergie et l’esprit de chaque visite.

La présentation publique offre une étape novatrice dans le voisinage ; elle regroupe des gens qui normalement ne se rencontrent pas et expose une situation existante telle que perçue. La présentation offre également une scène aux acteurs locaux afin d’exposer leur travail, comme l’exposition des ustensiles du hammam organisée par l’Association les ‘ Amis du Musée Cirta’ de Constantine. Venir et visiter la présentation publique pourrait être aussi le premier pas d’une activité visant à encourager une participation durable. Partout, les présentations ont suscité un grand intérêt médiatique ; les « personnes contact » des cas d’études et les équipes locales ont contribué à attirer l’attention du public pour le Projet HAMMAM et pour les hammams en général. En vue de garder l’intérêt des médias, des contacts réguliers avec la presse seraient nécessaires pour fournir des informations concernant la progression du projet.

Parfois, la communauté s’attendait à ce que les « personnes contact » de l’équipe la représentent devant les médias ou les officiels, mais ceux-ci refusaient. Les habitants devraient régler leurs propres problèmes de la vie quotidienne. Les activités de nature politique devraient être évitées par les équipes du projet et les « personnes contact » et ceci pour ne pas favoriser une partie au détriment de l’autre.

Établir et maintenir le contact nécessite un personnel formé pour le travail communautaire. Une participation continue des décideurs locaux en vue de réussir l’action est étroitement liée aux « personnes contact » et aux coordinateurs résidents. Dans le cas d’étude portant sur les Pays musulmans, il était préférable que le personnel de terrain soit féminin, qualifié et hautement motivé, ce qui n’était pas toujours le cas surtout quand règne une ambiance d’insécurité et un manque de confiance dans l’avenir comme pour le site d’Ankara ; là, le processus avait besoin de plus de professionnalisme que ne pouvait offrir notre équipe du projet local. Quand tout un voisinage est en danger, cela ne veut pas dire que les gens sont paralysés, mais cela pourrait renforcer la motivation pour mettre en commun les efforts visant l’amélioration de la vie quotidienne ; l’approche de la situation doit être différente. Le processus de participation devrait avoir un caractère de médiation qui nécessite des intervenants professionnels. L’installation de groupes référentiels critiques a facilité localement la collaboration des différents acteurs. Un petit noyau pourrait être le point de contact pour d’autres personnes intéressées et faciliter la poursuite du processus et l’accessibilité du terrain pour les chercheurs. La composition des groupes était une opération délicate. A partir de la seconde visite d’étude, les hommes et les femmes se sont séparés en deux groupes. Le genre n’était pas la seule différence ; les autorités, les organisations non gouvernementales, les associations, les individus aisés, les personnes marginalisées, les  résidents et les nouveaux arrivants sont des preneurs de décision qui devraient être entendus séparément. Les « personnes contact » des cas d’études avaient tendance à organiser des réunions par petits groupes et par la suite, ils arrivaient à tenir des réunions plus larges avec les preneurs de décision.

Comment garder la motivation des habitants pour un processus continu pendant une longue phase temporelle ? Tel est le défi de tels projets. Les coordinateurs résidents pouvaient, certes, apporter leur aide au projet, mais les personnes spécialisées dans la médiation étaient difficiles à trouver.

Des réunions régulières des groupes de référence critiques, des « personnes contact » et aussi de petits noyaux de décideurs centrés sur certaines actions devraient avoir lieu dans les bureaux de quartiers, comme au Sabel au Caire. Il est préférable, parfois, de tenir des réunions dans des maisons privées au lieu d’endroits officiels et ce, pour ne pas intimider les participants. Etre présent sur le site prouve aux résidents que le projet continue et que les « personnes contact » sont toujours disponibles. Les activités d’information, les formations concernant la promotion de la santé et les expositions devraient également avoir lieu. C’est l’endroit où le feedback du Consortium peut être présenté et donner lieu à des débats. La visibilité des actions dans l’espace public augmente la prise de conscience.

Inciter la participation des résidents locaux à s’engager dans le travail communautaire doit se faire selon les conditions culturelles locales (envoi d’invitations officielles personnalisées, acceptation des retardataires…) qui peuvent paraître sans importance pour les l’observateurs extérieurs, mais qui ont leur importance et sont bien appréciées par les populations locales. Les activités de terrain doivent être expliquées à des personnes qui ont parfois peur d’être filmées. Il a été conseillé au Consortium de respecter les particularités des relations sociales, ceci en vue de garder la confiance que les équipes locales ont gagnées au prix de beaucoup d’efforts.

Après le départ des scientifiques, il est important que le Consortium émette des recommandations. Les « personnes contact » des cas d’études chargées de l’échange d’information ont besoin de la transmission de données et des apports des autres disciplines pour assurer le feedback à la communauté.

Des changements sur site ne peuvent être réalisés que progressivement ; ainsi, sans une amélioration des conditions d’hygiène, on ne peut pas promouvoir un hammam. Les « personnes contact » pensent qu’après quelques changements apportés, de nouveaux clients ou des gens intéressés sauront promouvoir le hammam tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du quartier.

Les « personnes contact » sont perçues comme « les initiateurs du jeu » : quand elles amènent les gens à imaginer l’avenir du hammam comme s’il s’agissait de leur propre chez soi, elles ont remarqué que les participants étaient parfois plus réalistes lorsqu’ils jouaient à imaginer. De cette façon, ils pouvaient minimiser le rôle de la bureaucratie, le plus grand obstacle. Différentes méthodes de participation, ateliers, films vidéos, jeux… étaient pratiqués et commentés. A la fin du Projet Hammam, tous ces outils seront disponibles dans un catalogue.

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 Notes

 [1] Nous remercions les équipes locales, les personnes qui ont travaillé sur les sites, toutes celles qui ont préparé les visites de terrain pour les études de cas et les présentations  publiques ainsi que tous ceux et celles qui ont mené le processus de participation. Un grand remerciement est également adressé aux « personnes contact », et sans oublier les décideurs de chaque cas d’étude.

[2] Le Millenium Challenge Corporation, agence américaine pour la valorisation et le développement du secteur de l’artisanat de la ville de Fès.

 

 

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