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Insaniyat N° 63-64 | 2014 |  Le Hammam en Méditerranée | p.07-10 |  Texte intégral


Ce numéro d’Insaniyat est consacré au bain communément appelé « hammam » ou « bain-maure ». En l’abordant aujourd’hui, nous mettons au cœur de nos préoccupations la question du patrimoine matériel et immatériel des soins du corps. Microcosme et héritage séculaire de la culture en méditerranée, le hammam n’en est pas moins aussi un vecteur de la mémoire collective.

Cette livraison bénéficie, en grande partie, des recherches sur le hammam menées dans le cadre d’un partenariat euro-méditerranéen, piloté par l’Institut viennois du développement durable (Oikodrom). Ce projet « HAMMAM »**, auquel ont pris part plusieurs partenaires dont le CRASC, visait l’étude de ce lieu controversé dans les deux régions du Maghreb et du Machreq. Il a réuni des chercheurs d’horizons disciplinaires divers, avec comme perspective une analyse du hammam dans son environnement, pour développer des programmes de réhabilitation comme ce fut le cas des hammams : Seffarine (fes), Amounah (Damas) et Tanbali (Le Caire).

Les contributions portent sur cet espace de sociabilité dans différents contextes géographiques et sociologiques. Au-delà de la question de l’hygiène et de la relation au corps, évoquée par Abdelwahab Bouhdiba[1], le hammam révèle une certaine conception du monde et des relations sociales.

La période prospère de ce type d’établissement est celle qui va du XIe au XIIIe siècle, marquant ainsi densification des hammams comme un des indicateurs du statut socio-économique de la ville. Lorsque le khalife Walid ibn’ Abd al-Malik décide de construire la mosquée omeyyade de Damas (705-715 ap. J.-C), il s’adressa à ses habitants en leur disant: « Quatre qualités font votre fierté: votre eau, votre air, vos fruits et vos bains. Je voudrais que la mosquée omeyyade soit la cinquième qualité ». Inséré dans le quartier, le hammam, avec ses normes et valeurs, exprime toute la charge culturelle et anthropologique des sociétés qui l’ont adopté ; ce dont essaieront de rendre compte les textes proposés.

Le premier article de Heidi Dumreicher et Bettina Kolb, se basant sur l’étude de quelques cas dans le bassin méditerranéen, cible l’usage social et l’importance du hammam décrit comme un espace caractérisé par sa dimension architecturale et culturelle. L’originalité de ce travail réside dans l’utilisation de la méthode des photos interviews ou photo elicitation interview utilisée auprès des habitants des quartiers pour appréhender le hammam et les paysages environnants. Ce matériau permet de comprendre et d’expliciter le rapport de la société à son espace.

Le texte de Bettina Prokop développe, à partir d’une approche genre, les discours et les pratiques relatifs au hammam et à sa constitution en tant qu’espace des usages sociaux.

La pérennité du hammam est au centre de la contribution d’Ilse Marschalek. L’auteure considère que la présentation publique des résultats des travaux autour du hammam, de la part des chercheurs du Consortium, constitue une opportunité pour les acteurs-usagers, sollicités à interagir avec les chercheurs.

En s’appuyant sur de nombreuses observations de terrain et d’enquêtes, menées dans le quartier El Toudjar de Constantine, abritant le hammam Souk El Ghezal, datant du XIVe siècle, Khedidja Adel et Nouria Benghabrit-Remaoun décrivent les espaces et les usages actuels de ce lieu de convivialité. Les données recueillies renforcent l’idée d’un espace marqué par sa transformation fonctionnelle affectant les pratiques des populations et leur attachement au hammam.

Nadjiba Drioueche-Djaalali soulève la question de la préservation d’un bain à coupoles dans une demeure algéroise de l’époque ottomane : « le Palais Dar Aziza ». L’auteure rappelle que la présence de ce bain, révélant la richesse du patrimoine architectural de la ville d’Alger, n’est pas un cas unique de cette période.

Alaa El Habachi examine la situation juridique de cinq hammams, mettant en exergue les procédures nécessaires à leur préservation et leur conservation. Cette question est plus que jamais à l’ordre du jour comme le montre la situation des hammams en Egypte.

Pour sa part, Dina Kamel Eldin Shehayeb s’intéresse aux défis auxquels est confrontée la pratique traditionnelle du hammam en Egypte. Il y est question de quelques aspects économiques et sociétaux tout en insistant sur l’équilibre entre « nécessité » et « bien-être » dans les cultures méditerranéennes.

Roula Aboukhater, réalisant une étude comparative dans plusieurs villes méditerranéennes, analyse la répartition géographique des bains, leur proximité des institutions religieuses, économiques ou sociales et leurs liens avec les espaces environnants.

Omar Carlier traite de l’usage du hammam au Maghreb (XIXe-XXe siècle) et des enjeux sociétaux du corps. L’auteur met l’accent sur les capacités de résistance d’un lieu et de ses usages malgré la concurrence du modèle occidental.

El Hadi Bououchma évoque l’aspect culturel du hammam à Tlemcen et son rôle comme espace socio-culturel dans l’ancrage des valeurs et des pratiques de ses habitants. Dans cette ville à forte tradition de fréquentation du hammam, un tel héritage est considéré comme un patrimoine symbolisant la relation jadis existante avec les saints protecteurs.

Le hammam, institution séculaire en Méditerranée, reste un espace qui interpelle notre quotidienneté ; Il est cependant confronté aux défis du monde moderne. Ce numéro d’Insaniyat apporte une contribution au débat autour de la question.

Nous ne manquerons pas ici de remercier les initiateurs de ce programme, Heidi Dumreicher et son équipe, qui ont sollicité Insaniyat pour une publication adaptée d’un certain nombre de contributions disponibles dans cette livraison.

Khedidja ADEL et Nouria BENGHABRIT-REMAOUN


Notes

** Le projet « Hammam Aspects and Multidisciplinary Methods of Analysis for the Mediterranean Region », inscrit dans le cadre d’un programme euro méditerranéen (2005-2008). Le concept de durabilité forte est à la base de l’approche d'étude de cas, qui prend en compte la situation locale (socio-culturelle, économique, écologique et urbanistique) de six hammams spécifiques dans six pays méditerranéens différents :

- Algérie : cas d’étude, le hammam Souk El Ghezal/Constantine ;

- Egypte : cas d’étude, le hammam Tanbali/Caire ;

- Maroc : cas d’étude, le hammam Seffarine/Fès ;

- Palestine : cas d’étude hammam Semra/Ghaza ;

- Syrie : cas d’étude hammam Amounah/ Damas ;

- Turquie : cas d’étude, le hammam Shengül/Ankara

Des équipes de recherche, composées d’experts de différents pays, ont mené des études pluridisciplinaires sur les multiples facettes de cette institution. Le travail a donné lieu à des ateliers, des rapports, des colloques, des exhibitions publiques, des expositions de photographies, d’un film documentaire/DVD (Damas) dans les différents pays des cas d’étude (à l’exception de Ghaza), ainsi qu’en Autriche (OIKODROM).

Dans le cadre d'Euromed Heritage IV, une plateforme de financement de projets de protection du patrimoine en Méditerranée, l’Union européenne a pris en charge, pour plus d'un million d'euros, le prolongement du projet HAMMAM. Le projet Hammamed (2009-2012) est dédié à la sauvegarde et à la réhabilitation, en prenant en considération les normes écologiques des hammams de trois pays : Egypte, Maroc et Syrie

Le plus ancien établissement public serait celui de Bassorah (Iraq), sous la dynastie des Omeyyades.

[1] Abdelwahab, B. (1964), « Le hammam », in Revue tunisienne des sciences sociales, 1, p. 4-14.

 

 

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