Sélectionnez votre langue

Les graffiti de la ville d’Alger : carrefour de langues, de signes et de discours. Les murs parlent…

Insaniyat N°44-45 | 2009 | Alger : une Métropole en devenir | p. 159-174 | Texte intégral


Algiers graffito, between language and discourse. Walls which speak...

Firstly what interests us in this research, is the mixture of languages, cultures, discourse and identities expressed through graffito in the city of Algiers. We want to know how this mixing is experienced in a milieu which shows at the same time, after J Calvert’s terms, a unification and coexistence tendency, and a linguistic conflict, of which the graffito are a symbolic expression adding to the other language practises carried out.

In this article, we insist on the discursive context of the Algiers graffito, which “speaks” and which “says” things. We are interested by the putting into words and signs of this Algiers urban ethnological sociolinguistic dynamics, which make up the melting point of a plural linguistic Algerian and everything it, carries like identity specificities, social cultural, regional or other specificities.  Understanding the discourse conveyed through these practices would help enormously to think of the town as a social system by identifying the population categories which live there. There is an interdependence between the town and the strong relationships of force which clearly govern Algiers at the neighbourhood level of the “Houma”. It’s from this interdependence between the city of Algiers and its social components that the urban problematic is formulated in this article.

The town walls, on which we see a plural dimensional dynamism, are in some ways a gallery for expression and a stage on which the authors’ graffito represent themselves. They appropriate this urban space which is fundamentally public, developing discourse about their daily lives, using different languages (French, Algerian Arabic, Classical Arabic, Tamazight, English and others….) and an arsenal of graphic representations following the horizontal structure of the districts and also the vertical structure of social strata.

The questions that we can ask are numerous concerning this language phenomenon characterising Algiers as elsewhere. The ethnological sociolinguistics of Algeria is represented in a crude way through these markings of this visible space which can be seen on the walls, which talk. What does Algerian graffito reveal about Algerian society in general and its populations in particular? How does this relationship between Self and the Other link us in this particular language practice? Is there a correlation between the discourse held and graffito practices and the languages chosen for expression?

A socio ethnological linguistic, semiotic and discursive graffito analyses in the Algiers milieu would enable us to understand to analyse and to visualise even slightly, the complexity of Algiers and the populations living there. This could lead us to suggesting a study of linguistic policies, worthy of such a name, which would take into account the degrees of use and language recognition, in vivo, taking equally into account the diversity of Algerian society in all its dimensions.

Keywords: Graffito - Algiers - plural linguistics - lived - ethnological sociolinguistic dynamics - discursive content.


Karim OUARAS : Doctorant en sciences du langage, Université d’Oran, 31 000, Oran, Algérie.
Centre de Recherche en Anthropologie Sociale et Culturelle.


En sillonnant les différentes villes d’Algérie et plus particulièrement Alger, le terrain de nos investigations, nous avons remarqué l’ubiquité des graffiti et de tous ces différents marquages qui se laissent voir un peu partout dans la ville. Cette pratique occupe les moindres interstices de la ville et prend, de plus en plus, de l’ampleur. La prolifération de ces écrits muraux peut s’expliquer par de multiples facteurs, entre autres, les conditions socio-économiques difficiles dans lesquelles vit la société algérienne. À cela s’ajoutent tous ces événements tragiques qui se sont succédés les vingt dernières années en Algérie (les événements d’octobre 1988, la Décennie noire[1], les inondations de Bab El Oued en 2001, les événements de Kabylie en 2001 (Le Printemps noir)[2], et le tremblement de terre de Boumerdès en 2003…et tous les problèmes quotidiens innombrables dont souffrent la jeunesse et la société, de manière générale). Ces conditions difficiles, en plus d’autres paramètres que nous évoquerons plus loin dans notre analyse sont, à notre avis, à l’origine de cette tendance à laisser des traces qui expriment des prises de position et qui permettent de dire « les silences » de toute une société.       

Les graffiti se donnent, de plus en plus, à voir dans l’espace public qui se caractérise par un anonymat absolu. Les graffiteurs s’approprient cet espace pour en faire leur tribune d’expression servant à mettre en valeur des discours sur tout ce qui les chagrine, en utilisant différentes langues (français, arabe algérien, tamazight (Berbère), arabe littéraire, anglais, et autres…) suivant la structure horizontale de la ville (quartiers) et aussi sa structure verticale (strates sociales).

Ce qui nous intéresse en premier lieu, dans cette recherche, c’est le brassage de langues et les discours exprimés à travers ce brassage. Nous voulons, donc, savoir comment est vécu le brassage de langues, de cultures, de discours et d’identités dans un milieu qui affiche à la fois, reprenant les termes de L-J. Calvet, une tendance à l’unification, à la coexistence et au conflit linguistique, dont les graffiti sont l’expression symbolique qui s’ajoute aux autres pratiques langagières effectives.

Le choix de travailler sur cette ville est loin d’être anodin. Il est motivé par deux raisons principales. Tout d’abord, mon attachement à cette ville, à ses ruelles, à ses « houma »[3] à son paysage urbain de manière globale. Un attachement qui me permet d’avoir un regard presque permanent sur les moindres marquages et les moindres modifications sur le plan scriptural et graphique. Ensuite, la ville d’Alger présente des spécificités bien significatives et bien représentatives du point de vue ethno sociolinguistique et du point de vue discursif. Elle draine des populations de toutes les régions du pays et constitue un point de convergence des migrations, des différentes langues et variétés de langues. K. Taleb Ibrahimi considère, dans une recherche consacrée aux Algériens et leur(s) langue(s), que « La ville d’Alger connaît (…) sur le plan sociolinguistique, une évolution remarquable due au brassage d’Algériens venus de toutes les régions du pays (position centrale d’Alger, capitale économique, administrative et culturelle du pays, première Université) avec leurs parlers respectifs et contribuant, par là, à la cosmopolitisation de la ville qui sera peut-être dans le futur, à la base de la naissance d’une nouvelle variété (par koinisation) ».[4]

Dans ce papier, j’insisterai sur la teneur discursive des graffiti de la ville d’Alger, des graffiti qui « parlent » et qui « disent » des choses. Je m’intéresserai à la mise en mots et à la mise en signes des dynamiques ethno sociolinguistiques et urbaines d’Alger qui constitue le creuset du plurilinguisme algérien et tout ce qu’il représente comme spécificités identitaires, sociales, politiques, culturelles, régionales et autres. Comprendre les discours véhiculés à travers cette pratique aiderait énormément à penser la ville comme un système social en identifiant les catégories de populations qui y vivent. Il y a une interdépendance entre la ville et les rapports de force qui la régissent, visible concrètement au niveau de la Houma. C’est à partir de cette interdépendance entre la ville d’Alger et sa composante sociale que la question urbaine doit être formulée. «Cette approche de l'urbanité repose sur la saisie des relations qui se tissent entre l'urbain comme structure matérielle et sa substance sociale qui se manifeste à travers l'organisation sociale, les idées et les attitudes ainsi que les imaginaires et les représentations qui légitiment les comportements individuels et collectifs, et les pratiques qui font la densité de la vie quotidienne »[5].

Le tissu urbain algérois n’est plus ce qu’il était auparavant, il y a une juxtaposition de populations venues de toutes parts. Cette multitude de tissus qui façonnent le Grand Alger, bien qu’ils paraissent hétérogènes, traduit une articulation qui se laisse voir à travers les déplacements quotidiens des populations, ce que nous appelons le nomadisme citadin, le facteur travail, la centralité du service administratif algérois. La trame urbaine est en perpétuelle recomposition. Cette recomposition n’est que le résultat des différentes mutations qu’a connues la société algérienne dans son ensemble.

La Houma matérialise l’étroite interdépendance entre l’espace et la société et renvoie à des expériences sociétales très ancrées dans l’imaginaire algérois. La Houma renvoie à la symbolique de l’enfance et du vivre ensemble. Elle constitue une grande famille, basée sur des rapports de bon voisinage et d’entraide, où les échanges entre les membres sont très intenses. La Houma, géographiquement parlant, peut aller de l’entourage immédiat d’un immeuble à une grande rue, en passant par la petite ruelle et l’impasse. Ceci dit, c’est un espace résidentiel très réduit où tout le monde se connaît et où un certain nombre de pratiques, de coutumes et de codes est d’usage. La Houma est une petite structure socio spatiale à caractère institutionnel. Elle est soumise, loin des préceptes archaïques, à des codes socioculturels intériorisés et respectés par tous les Ouled el Houma « Enfants du quartiers ». La pratique du graffiti renseigne sur cette réalité de la ville vécue, elle met en mots ce mode d’appropriation de l’espace et ce processus d’identification et de nomination toujours de mise dans Alger.

Le rapport à la Houma oscille entre la volonté de la protéger de l’Autre et la volonté de la rendre, momentanément, accessible à l’Autre. Nombreux sont les graffiti qui témoignent de ces rapports complexes. A titre d’illustration, j’analyse brièvement le graffiti de la figure ARA 09, qui démontre la position de rejet de l’Autre et son exclusion de la Houma. Ce graffiti présente une version particulière de la dissociation entre le sujet et l’image du sujet. On distingue le JE communiquant qui est sujet réel, et le JE énonciateur qui est l’image du sujet construite dans et par son énonciation. Le sujet communiquant construit également, par les formes d’interpellation et les marques de considération, une image du TU destinataire.

Ce graffiti [Amchi men homti ya …. !?], qui veut dire « Casse-toi de mon quartier, espèce de…. » est une invitation à quitter la Houma. Du point de vue linguistique, on remarque un fait original. L’énoncé est « dit » en arabe algérien dans sa forme orale brute et translittéré en caractères latins. Du point de vue énonciatif et discursif, on peut considérer que le JE énonciateur a choisi de procéder de cette manière, c’est-à-dire interpeller et avertir le passant sur un « ton » sévère, pour mieux atteindre le destinataire et pour être sûr de transmettre le message. Le JE énonciateur dans ce graffiti signifie clairement son appropriation de l’espace qui a servi de cadre à son discours et exprime son rejet de toute intrusion venant le concurrencer sur son terrain. La description interne de ces différents messages que l’on retrouve sur les murs nous renseigne sur les marques de la subjectivité dans le langage. La manière d’énoncer contient en elle-même des indices représentant le rapport du JE communiquant au monde et aux autres à travers la langue, le signe et le discours. L’auteur de ce graffiti utilise le mode impératif (Amchi) «casse-toi » pour donner un ordre au TU qui le lira. Il utilise aussi le possessif dans (Homti) « mon quartier » pour bien signifier son hégémonie sur le lieu. Le lecteur de ce graffiti peut se soumettre à cet ordre rien qu’en le lisant. C’est-à-dire, qu’il ne s’aventure pas à rester dans ce quartier qui n’est pas le sien. La compréhension de ce langage de la rue, de cette façon de limiter son espace, se l’approprier, peut contribuer à la planification des politiques de développement urbain durable. Les politiques ont, de tout temps, délégitimé la teneur de ces discours attestant d’un mode d’appropriation de l’espace urbain et d’appartenance à des groupes sociaux régis par des réseaux d’intérêt commun. La Houma, comme structure socio spatiale peut être la source de tout un programme de développement urbain accompagnateur de la logique sociétale et des dynamiques urbaines qui façonnent l’espace habité.

Ces graffiti témoignant de l’imaginaire collectif algérien dans la mesure où ils rendent compte de la diversité de la composante sociétale et de la crise pluridimensionnelle qui caractérise le quotidien algérien et plus particulièrement algérois. S’intéresser aux discours des graffiti pourrait faciliter l’identification des strates sociales et leurs discours sur leur vécu et leur ville. Voici en quoi l’exploitation de cette parole anonyme pourrait constituer un préalable à des politiques participatives impliquant le citoyen dans la gestion de sa ville et comblant, par là, le fossé qui sépare les autorités politiques de la société civile. Dans les ruelles de cette grande ville, il suffit juste d’ouvrir les yeux pour voir des mots, des signes, des discours qui mettent en évidence tous les maux de la société. Les murs d’Alger disent haut ce que la société pense bas.

Divers sont donc les questionnements que l’on peut se poser par rapport à ce phénomène langagier qui caractérise la ville d’Alger comme partout ailleurs. Que révèlent donc les graffiti algérois sur la société algérienne en général et sur les populations d’Alger en particulier? Comment s’articule le rapport entre Soi et l’Autre dans cette pratique langagière? Y a-t-il une corrélation entre les discours tenus à travers la pratique du graffiti et les langues choisies pour les exprimer?

De nos jours, la ville devient un destin inévitable pour toutes les sociétés du monde. Elle promet une vie meilleure, et en réponse à cette « fausse » promesse, l’exode vers les villes s’accentue de plus en plus. Le résultat en est un très fort taux de concentration des populations dans les villes, une composante socioculturelle très diverse et complexe, la ville d’Alger n’échappe pas à cette « fatalité ». L’analyse ethno sociolinguistique, sémio sociolinguistique et discursive des graffiti dans le milieu algérois permettrait de comprendre, de décortiquer et de visualiser, tant soit peu, la situation complexe de la ville d’Alger et des populations qui y résident. Ce qui pourrait amener à proposer une réflexion sur une planification linguistique qui prendrait en compte les degrés d’usage et de reconnaissance des langues en présence, in vivo, et prendrait en compte également la diversité de la société algérienne dans toutes ses dimensions.

La compréhension des discours énoncés à travers la pratique du graffiti de nos jours pourrait donc être conçue comme un préalable à la compréhension des dynamiques sociales et urbaines qui nécessitent une prise en charge sérieuse de la part des usagers de la ville en tant qu’acteurs de la vie de tous les jours et des pouvoirs publics. Elle pourrait être conçue également comme un préalable à une véritable politique d’aménagement durable ciblant la ville, son urbanité et les populations qui y vivent. Ces dynamiques sont l’apanage des diverses pratiques sociales constatées dans la ville de tous les jours, la ville vécue, la ville réelle. Et là, on est bien loin de toutes les théories réductrices de la ville et de ses usagers, théories modélisantes du vécu urbain. Saïd Belguidoum dit à ce propos que : « La ville est un objet de passion, c’est ce qui s’exprime à travers l’opposition tranchée qui est faite entre la ville modélisée ou la ville idéalisée et la ville réelle. C’est ce que l’on retrouve fréquemment dans les approches qui partent d’une modélisation initiale pour étudier la ville. Dans cette optique, la ville idéale et idéelle, la ville rêvée, la ville modélisée, s’oppose à la ville chaos, la ville désordre, la ville sans âme, la ville marchandisée. Une telle opposition empêche de voir qu’entre ces deux représentations, il y a la ville réelle, la ville des usages et des usagers, celle qui aujourd’hui est en question. Cette fascination de la ville modélisée, qui joue un rôle prépondérant dans nombre d’études urbaines portant sur l’Algérie, se constitue comme un obstacle certain à la production des connaissances »[6].

Il est plus qu’urgent de voir comment se dit la richesse multidimensionnelle de la ville et comment inscrire cette dernière dans une durée créatrice en assumant son passé, son présent et son avenir, ce qui devrait inspirer, de nombreuses initiatives tant sur le plan sociolinguistique, identitaire, culturel que politique. « L’intérêt d’une réflexion en termes de culture urbaine correspond à l’idée que le dynamisme culturel, facteur de développement de la ville, accompagne son dynamisme économique. Nous ne souhaitons pas saisir les stratégies du développement culturel de la capitale « par le haut », mais à partir de ce qui se réalise sur le terrain. Ces remarques nous conduisent à penser qu’il devient nécessaire de conduire une réflexion en termes de contenu d’une ville, d’une capitale, d’une future possible mégapole…on peut penser, que dans une telle logique, le planificateur devrait avoir pour seul objectif de s’atteler à l’offre de biens et de services, la maîtriser, restaurer et densifier le tissu en place en accompagnant les dynamiques en cours. Dans le cas de l’Algérie, cela revient à feindre d’ignorer que nous n’avons aucune connaissance des pratiques culturelles en ville. »[7].

Ce qui est remarquable dans la ville d’Alger, c’est la présence de plusieurs langues et de plusieurs alphabets aussi. Il faut rappeler qu’il y a une absence de correspondance entre ceux-ci et celles-là. Cette diversité linguistique a pour corollaire une diversité discursive et vice-versa. Notre échantillon est constitué de photos prises dans les différents quartiers de la ville d’Alger.

Nous avons remarqué qu’il y a une certaine correspondance entre les discours et les langues choisies pour exprimer ces discours. Essayons de voir comment s’accomplit ou se fait l’influence des discours, dont nous avons parlé plus haut, sur le choix des langues et comment se donne à voir cette correspondance qui lie les discours aux langues.

Tous les marquages que l’on voit sur les murs de la ville d’Alger constituent des indices de mobilité spatiale, de mobilité sociale, de mobilité linguistique, et de mobilité discursive. Ils mettent en mots et en signes des spécificités qui caractérisent le milieu urbain de la ville d’Alger. T. Bulot considère par rapport à ce point que « La mise en mots de l’urbanisation est celle des fractures, celle des dynamiques contradictoires et concomitantes posant des limites et frontières (imaginaires ou fondées sur une part observable de réel) structurant les intentions comportementales du citadin. L’altérité urbanisée est le produit de la mobilité : c’est la perception de l’autre par ces usages socio langagiers qui produit, en discours, des lieux de contacts, voire de conflits ou de stigmatisation. L’urbanisation linguistique dans une ville urbanisée est aussi un procès socio langagier d’appropriation de l’espace urbain en tant qu’espace et territoire social »[8].

La mise en mots de la dynamique discursive urbaine dans toute sa diversité s’accomplit à travers les différentes langues en présence dans le milieu urbain et à travers également un  arsenal de représentations figuratives. Nous essaierons d’examiner les caractéristiques des discours énoncés à travers les différents graffiti en s’appuyant bien évidemment sur les choix linguistiques opérés dans le but d’exprimer ces discours, ce qui permettra de repérer les différentes corrélations ou correspondances qui relient les discours et les langues. Nous avons établi une classification intrinsèque des discours exprimés à travers les graffiti, et nous avons dénombré sept différentes polarités discursives. Nous avons opté pour la notion de polarité parce qu’elle rend compte des chevauchements constatés entre les différents discours. Les lignes de démarcation ne sont pas strictes entre les différents discours. Les différentes polarités se présentent de la sorte :

  • Polarité politique
  • Polarité identitaire
  • Polarité religieuse
  • Polarité transgressive
  • Polarité sportive
  • Polarité psychologique
  • Polarité artistique

Dans ce papier, nous mettrons l’accent sur les trois premières polarités. Nous tenterons d’énumérer notre analyse en recourant aux graffiti que nous avons retenus dans l’échantillon recueilli.

Polarité politique : dans cette polarité, il y a usage des quatre langues majoritaires en présence en Algérie, à savoir ; l’arabe algérien, le tamazight, le français et l’arabe littéraire. Nous remarquons sur la figure ARA 03 sur laquelle est inscrit le slogan suivant en arabe algérien [smaħ makɛʃ] « Pas de pardon ». Ce graffiti réalisé en 2002 se situe, à notre avis, dans le contexte de deux événements politiques majeurs qui ont eu lieu en Algérie. Les événements de Kabylie qui ont pour conséquence la mort d’environs 126 personnes. Ce slogan a beaucoup circulé, sa finalité est de s’opposer à l’impunité affichée par les autorités algériennes vis-à-vis des responsables desdits événements. L’autre événement concerne le projet de la Réconciliation nationale qui a pour but de réintégrer les terroristes dans la vie sociale en leur pardonnant les crimes qu’ils avaient commis pendant la décennie noire. L’auteur de ce graffiti prend position par rapport à l’un ou à l’autre des deux événements en question. Cette lecture n’est pas fortuite, elle est déterminée par le contexte politique qui prévalait en 2002.

Nous pouvons également citer, par rapport aux discours politiques, l’exemple de la figure FR 19 sur laquelle est inscrit ce graffiti en français qui résume en peu de mots la situation politique du pays [tous les coups sons permies, l’Algérie marche ou creuve] (sic) «  Tous les coups sont permis, l’Algérie marche ou crève ». Ce  graffiti est l’expression d’un désespoir politique très prononcé. L’auteur mêle le positif et le négatif. Mais le sens connoté de cet énoncé est très chargé vu qu’il remet en question, à travers ce cri de désespoir,  la situation socio politique et économique du pays et affiche également l’indifférence de l’auteur aux conséquences qui peuvent en résulter. L’auteur de ce graffiti se libère de toute responsabilité et ne se considère guère comme citoyen devant penser au devenir de son pays.

D’autres graffiti expriment le fossé qui sépare les gouvernants des gouvernés, l’Etat du Peuple. Nous citons, à titre d’illustration, quelques-uns de ces graffiti. Examinons le graffiti de la figure FR 26 sur laquelle est inscrit le slogan suivant [pas d’Etat, pas de vote]. Ce slogan signifie l’absence totale de confiance vis-à-vis de l’Etat, de ses institutions et de ses pratiques institutionnelles. Les six mots suffisent pour exprimer ce divorce Etat - Peuple qui caractérise la vie politique algérienne, le slogan est très chargé politiquement. Un autre graffiti qui va dans le même sens, voire plus. C’est le graffiti de la figure FR 01 [ni Mafia, ni Gia, pas de vote]. C’est un slogan qui a marqué la chronique politique algérienne de ces vingt dernières années. Le slogan peut être interprété de la sorte « Nous n’appartenons ni à la Mafia (milieux corrompus), ni aux Groupes Islamiques Armés et nous n’avons pas confiance en la légitimité de l’Etat, nous rejetons ses pratiques électorales frauduleuses ». L’anti-corruption, l’anti-intégrisme et l’anti-Etat dans un sens bien restreint s’expriment nettement à travers ce graffiti virulent.

Un dernier exemple concerne l’usage de l’arabe littéraire. Le discours officiel a une influence considérable quant à l’usage de cette langue. La figure ARL 01 le démontre bien [intaǩibu lilǯabha elwataneja elǯazaiяja] «Votez pour le Front National Algérien ». Ce registre est utilisé dans le langage officiel et institutionnel. Et l’acte de voter constitue une pratique institutionnelle, c’est pourquoi l’appel est fait en arabe littéraire. Il y a donc corrélation entre discours officiel et le choix de l’arabe littéraire qui est une langue officielle également.

Nous constatons qu’il y a une étroite corrélation entre les discours politiques et les langues majoritaires en présence. Ce sont toutes les franges de la société, toutes tendances politiques confondues, qui s’expriment et qui prennent position par rapport aux événements et aux questions politiques qui les touchent de près ou de loin. Les discours politiques s’expriment à travers toutes les langues en présence en Algérie. Les graffiteurs inscrivent des slogans dans différentes langues et en fonction de leurs tendances politiques. Mais les correspondances entre les différentes langues et les différents discours ne sont pas fixes. Les langues peuvent servir à exprimer toutes les tendances politiques, c’est une manière de convaincre une grande partie de la société à épouser telle ou telle tendance politique.

Polarité identitaire : la ville d’Alger se caractérise par sa pluralité linguistique, culturelle et identitaire. Nous l’avons déjà signalé, plus haut, cette ville draine les différences de toutes les régions du pays, elle constitue un point de convergence des migrations, des différentes langues et variétés de langues. Cette pluralité incite à considérer la spécificité qui s’en dégage, du point de vue discursif. La ville peut constituer, comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, un facteur d’unification linguistique, un lieu de conflit de langues ou un lieu de coexistence et de métissage linguistique. Les langues en présence dans ce milieu sont constamment travaillées, selon Calvet, par deux tendances. L’une à la véhicularité et l’autre à l’identité. Nous nous intéresserons plus particulièrement ici à l’aspect identitaire de ces langues. Les habitants de la ville d’Alger ont plus ou moins conscience de leur appartenance à des entités différentes dans la mesure où les discours véhiculés par les langues qu’ils utilisent montrent une constante construction / déconstruction identitaire. Cette identité à laquelle nous pourrions ajouter l’adjectif  « urbaine », à la fois reconnaissable et évanescente, se définit, selon T. Bulot, par rapport à un processus quasi-dialectique entre conjonction, c’est-à-dire, le rapport à la communauté et disjonction, c’est-à-dire, le rapport à l’altérité. T. Bulot propose le terme de : « fractures urbaines pour rendre compte de l’action de ce processus sur une réalité nécessairement multiforme où se mêlent les dimensions géographiques, linguistiques, sociales, politiques, etc. »[9].

Nous essaierons donc de voir comment les auteurs des graffiti se représentent cette tension entre appartenance et différenciation identitaires à partir de leurs marquages, leurs mises en mots et leurs mises en signes. La mobilité spatiale, toujours selon T. Bulot, tend à recomposer les liens sociaux en ville autour notamment des représentations que l’on s’accorde sur autrui et sur soi-même. «Plus l’espace est urbanisé, plus l’épaisseur identitaire est mise en rupture : c’est le rapport à l’autre, le rapport à sa façon de parler qui fonde les limites et frontières, mais c’est aussi le rapport à l’absent, là où le discours sur autrui, sur la langue ou la pratique de langue d’autrui devient par défaut autrui »[10].

Les discours identitaires véhiculés par les différents graffiti retenus sont représentatifs des dynamiques du terrain. Il y a une double tendance, l’une, à la mise en valeur de Soi ou de l’Autre, de l’ensemble en un mot. L’autre, est plutôt souvent stéréotypée, ce qui génère une certaine mise en rupture très négative entre les identités en présence. Cette mise en rupture est exprimée essentiellement dans les trois langues fortement parlées dans ce milieu, l’arabe algérien, le tamazight et le français. Et aussi à travers un arsenal de signes.

Considérons, par exemple, le cas du graffiti de la figure FR 16, écrit en français, [Merde les Arab] (sic) « Merde les Arabes ». L’auteur de ce graffiti s’inscrit dans une logique de rejet de l’Autre. Le rapport conflictuel Soi - Autre est très prononcé dans cet exemple, vu que le graffiteur se singularise et se différencie de l’Arabe à qui il adresse cette injure. Ce scénario se reproduit d’une façon plus accentuée sur un autre graffiti vu qu’il exprime le rejet de deux identités différentes desquelles l’auteur se distingue en tant que personne appartenant à une autre identité. Nous devons signaler que le graffiti en question se reproduit tout au long de la rue Abane Ramdane et une partie de la rue Didouche Mourad à Alger - centre. Voici ce qui est écrit en français, figure FR 27 [Kabyles =  Juifs]. Si ce graffiti a réussi à avoir une place au centre ville et dans l’une des rues les plus animés, c’est parce qu’il est court et, par là, facile à réaliser, ou bien l’auteur a dû le réaliser durant la nuit, loin des regards et des contrôles. Le discours exprimé à travers ce graffiti est fortement stéréotypé, il assimile le Kabyle et le Juif implicitement au Mal. Et en dénigrant ces deux identités, il met en évidence une différence identitaire qui réfère implicitement au Bien. Ce sens connoté dépend du contexte sociopolitique et culturel qui caractérise l’actualité nationale (Événements de Kabylie en 2001) et internationale (Guerre d’Irak, 2003). L’auteur s’exprime à travers ce graffiti et dit ses pensées par rapport à son identité propre et par rapport aux autres identités qu’il rejette. Ce genre de discours, très présent aussi à l’oral, met à nu la complexité de la crise identitaire dont souffre la société algérienne dans son ensemble. Comprendre cette complexité et pouvoir la décortiquer contribueraient à prendre connaissance de l’importance qui s’en dégage.

Arrêtons-nous sur un autre graffiti, figure TA 13, qui fait référence à cette crise identitaire, évacuée des discours officiels. Ce graffiti, photographié en 2002, dans une petite rue peu piétonne à El Biar en dehors du centre-ville, écrit en tamazight et translittéré en caractères tifinagh, exprime un discours politico identitaire, [imaziɣen, anerez wala aneƙnu] (sic) « Les Amazighs, on se casse mais on se plie pas », ce qui signifie ; ne jamais renoncer à son appartenance identitaire berbère, au combat identitaire quel que soit le prix à payer et ne jamais obéir aux politiques qui visent à l’instrumentaliser et à l’anéantir. Ce slogan politique tire son origine d’un vieux poème du poète kabyle Si Mohand U M’hend (1845–1905) que les politiciens trouvent adéquat à la revendication identitaire berbère. Ce vers poétique symbolise la résistance et le militantisme. Les militants de la cause berbère l’inscrivent comme slogan et l’utilisent fréquemment dans toutes les manifestations politiques ayant pour revendication la reconnaissance de la langue et de l’identité amazighe depuis le Printemps berbère 1980[11]. Cette revendication identitaire passe par la revendication de la langue qui est évidemment l’expression par excellence de la berbérité. Nous voyons bien l’étroite corrélation qui lie cette revendication à l’instrument choisi pour son expression ; le tifinagh.

Ce graffiti présente un énonciateur qui réclame son appartenance à l’identité amazighe et qui s’adresse, en premier lieu, à un public bien défini, un public initié au système d’écriture tifinagh. Il faut signaler que ce système, de par sa mise à l’écart par l’institution scolaire algérienne, reste un système qui s’apprend individuellement et en dehors de l’école. Le nombre de personnes qui savent se servir de ce système est très réduit, y compris chez les berbérophones. En second lieu, il s’adresse, en se singularisant par ce système d’écriture ésotérique, à tous les passants qui fréquentent cette rue et, dans un objectif intentionnellement bien visé, à tous ceux qui s’opposent d’une manière ou d’une autre à cette identité et à cette langue auxquelles il revendique fortement son attachement. Du point de vue de l’énonciation, le but et l’intention de l’énonciateur de ce message est, tout d’abord, de mettre en évidence sa singularité vis-à-vis de son lectorat, de mettre, ensuite, en mots cette revendication identitaire. Cependant, du point de vue de la réception, l’effet visé par l’énonciateur peut aboutir si le destinataire est initié à ce système d’écriture, comme il peut ne pas aboutir si le destinataire n’a aucune connaissance de ce système. Et dans ce cas là, il n’y a pas de communication à moins que le récepteur ne fasse recours à une personne initiée qui lui lirait et traduirait ce qui est écrit et dit dans ce graffiti.

Ce graffiti constitue un acte de langage qui instaure un jugement sur une réalité du terrain algérois. Son contenu est éminemment identitaire, sa forme est représentée symboliquement par le choix des caractères tifinagh. Le choix d’écrire en tifinagh n’est pas anodin, il est fortement motivé par l’attachement du JE énonciateur à son identité et à sa langue. L’auteur du graffiti, voulant mettre en évidence son identité, privilégie le recours à l’alphabet Tifinagh qui constitue un We Code, selon la terminologie de J. Gumperz. Le choix de ce We Code sous-entend le rejet des They Code (l’arabe et le français) ou la préférence et la mise en valeur du We Code. Ce JE énonciateur préfère s’inscrire dans une logique, que l’on peut qualifier d’ésotérique, au risque de ne pas être lu et compris par ses éventuels lecteurs, la graphie choisie est plus importante que le message à transmettre. On retrouve exactement le même attachement à ce système d’écriture dans l’antiquité. « Dans l'Antiquité, cette écriture a eu certainement aussi une fonction identitaire ("berbère") puisque des inscriptions en libyque sont consacrées à des rois berbères (Massinissa), à des dignitaires de rang divers et que de nombreux "indigènes" ont éprouvé le besoin de rédiger les épitaphes de leurs proches en libyque – alors qu'ils avaient, bien entendu, l'écriture punique ou latine à leur disposition. L'existence de bilingues latin/libyque, qui semblent avoir été les épitaphes de Berbères ayant servi dans l'armée romaine, confirme la persistance de cette fonction identitaire de l'écriture libyque, y compris pendant la période romaine »[12]

L’appartenance identitaire s’exprime à travers une sémiotique de l’inscription qui renvoie les mots et les signes à un statut de marques linguistiques et de marques discursives. Ces marques rendent « vi-lisible(s) » l’identité ou les identités des graffiteurs qui investissent les lieux de la ville en faisant d’eux des espaces de « vi-lisibilité ». La mise en mots et la mise en signes qui se donnent à lire et à voir dans le milieu urbain permettent de rendre compte d’une diversité multidimensionnelle en tendant à sa mise en valeur ou même à son rejet.

Nous constatons qu’il y a un fort usage du tamazight, de l’arabe algérien et du français pour exprimer des discours identitaires. Ces langues permettent, comme nous l’avons vu au niveau des discours politiques, de transmettre le message à une large partie de la société et permettent également de dire son identité de manière naturelle. Elles remplissent une fonction essentiellement véhiculaire servant à exprimer des discours identitaires.

Nous pouvons considérer, après cette brève analyse, que l’identité du sujet du discours est en constante construction suivant deux manières à la fois différentes et complémentaires. La première, en fonction de Soi, la seconde, en  fonction de l’Autre. Les discours identitaires sont exprimés par le recours aux langues en présence et à un certain nombre de signes graphiques. La langue, selon B. Lamizet, constitue par rapport aux représentations identitaires : «une médiation linguistique de l’appartenance : c’est par la langue que l’on représente l’identité dont on est porteur au cours de ses pratiques de communication et au cours de son activité symbolique. L’existence d’une langue signifie, par conséquent, l’existence d’une sociabilité d’appartenance et d’un statut identitaire de cette appartenance. La langue est, en ce sens, une institution puisqu’elle structure symboliquement une appartenance et une forme de sociabilité »[13]

Polarité religieuse : L’environnement « graffique » de la ville d’Alger n’affiche pas de diversité sur le plan religieux. La tendance est plutôt à l’unicité religieuse. Tout au long de l’enquête que nous avons menée, nous n’avons rencontré aucun signe représentant d’autres religions à part l’Islam. Tous les graffiti que nous avons pu recueillir appartiennent au vocabulaire de l’Islam et ils sont exclusivement écrits en arabe littéraire, la langue du Coran ou la langue que certains considèrent comme étant « sacrée ».

Cette « sacralité » accolée à la langue arabe fait que les discours religieux ne peuvent s’exprimer que dans cette langue et jamais dans une autre. Les inscriptions linguistiques se rapportant à l’Islam se limitent généralement à quelques mots courants du vocabulaire coranique ou parfois même à quelques versets du Coran. Voici quelques inscriptions relevées dans les quartiers d’Alger. La figure ARL 04 qui laisse voir l’inscription en arabe littéraire et en caractères arabes [alahu akbaя] « Dieu est grand »  entouré du nom du quartier écrit, quant à lui, à deux reprises en caractères latins [Cadix]. La figure ARL 07 montre la même inscription [alahu akbaя] suivie de [filastin] « La Palestine ». Ce graffiti a un double sens. Il est, à la fois, une inscription religieuse et une adhésion à un combat politique qui est celui de la Palestine. Le discours exprimé a un double cachet ; politique et religieux. Les discours religieux ont dans la plupart des cas une empreinte idéologique, comme c’est le cas pour la figure ARL 03, [elǯihad] « Le Jihad » qui résume toute l’idéologie islamiste de nos jours. Ce graffiti écrit en arabe littéraire est suivi d’un élément chronologique (2005) qui situe le sens du mot dans un contexte politique international bien précis.

Ce qui est remarquable par rapport aux discours religieux, c’est qu’ils sont écrits exclusivement en arabe littéraire. Il y a une corrélation entre les discours religieux - relevant de l’Islam - et la langue arabe.

Après avoir observé et analysé plusieurs graffiti retenus dans le corpus recueilli, nous constatons que la corrélation entre langues et discours s’affirme et se vérifie. Nous avons remarqué, à titre d’exemple, que les discours politiques qui sont d’essence à convaincre un grand public, imposent l’usage de toutes les langues parlées sans tenir compte de leurs différences. Les discours identitaires qui touchent essentiellement à la personnalité et à l’intimité des citoyens, sont exprimés en tamazight, en arabe algérien et en français Les discours religieux, par contre, opèrent un seul choix, c’est l’arabe littéraire empreint de sacralité.

Conclusion

Pour conclure, nous pourrons dire que les graffiti constituent un système d’énonciation et de communication assez original dans le milieu urbain. Ce système permet aux graffiteurs de tenir des discours bien divers et permet à ceux-ci, à leur tour, de se dire à travers diverses langues et divers signes. Les discours, les langues et les signes qui se donnent à lire et à voir sur les murs de la ville d’Alger sont régis par une influence réciproque. Le JE énonciateur, malgré son anonymat, s’affiche dans toute sa subjectivité qui se lit à travers la multitude de discours qu’il est amené à exprimer et à faire valoir aux yeux des récepteurs et à travers les langues et les signes utilisés. Les graffiti dans le milieu urbain constituent une pratique langagière à part entière mettant en évidence une corrélation entre les discours et les langues qui servent à les exprimer. L’étude de cette pratique langagière effective et de toutes les autres pratiques en présence sur le terrain devrait mener à reconstruire et à repenser le champ de la sociolinguistique algérienne en prenant en considération les aspects sociohistoriques, anthropologiques et ethnologiques des langues en présence en Algérie.

Il faudrait maintenant lire et déchiffrer tous ces messages linguistiques et sémiologiques inscrits dans des réseaux de relations humaines complexes et fortement socialisées afin de pouvoir envisager des politiques qui prendraient en compte ce que présente la réalité urbaine des villes comme anomalies et comme spécificités. Ces signes servent de mode de communication et mettent en évidence des indices de singularisation, d’appartenance, de démarcation, de ségrégation et d’identification. Les graffiteurs, en réalisant leurs écrits et leurs dessins, accomplissent consciemment ou inconsciemment des rôles signifiants dans l’espace qui est le leur. La « vi-lisibilité » des graffiti dans les différents coins de la ville permet de comprendre cette insistance et cette persistance à vouloir dire et transmettre des discours en marquant et en nommant les espaces de la ville.

Bibliographie

Barthes, Roland, L’aventure sémiologique, Paris, éditions Seuil, 1985.

Belguidoum, Saïd, « Recompositions sociales et nouvelles formes urbaines : la réappropriation du champ urbain à Sétif », in Gallissot, René/Moulin, Brigitte (éds.) : Les quartiers de la ségrégation – Tiers monde ou quart monde ?, Paris, Karthala, Institut Maghreb – Europe, 1995.

Belguidoum, Saïd, « Une société bloquée, la crise des idéologies en Algérie », in Recherches Internationales, n° 67– 68, Paris, 2003.

Belguidoum, Saïd, « La ville en question – analyse des dynamiques urbaines en Algérie”, in Penser la ville - approches comparatives, Khenchela-Algérie (Colloque 2008) (à paraître), 2008.

Benveniste, Emile, Problèmes de linguistique générale, 1 et 2, Paris, Gallimard – Tel, 1997.

Bulot, Thierry, Langue urbaine et identité, Paris, L’Harmattan, 1999. 

Calvet, Louis Jean, Les voix de la ville : Introduction à la sociolinguistique urbaine, Paris, Payot, 1994.

Chaker, Salem, « L’écriture libyco berbère. Etat des lieux, déchiffrement et perspectives linguistiques et sociolinguistiques » in Colloque annuel de la SHESL, Lyon-ENS http://www.inalco.fr/crb/pages_html/webdoc/ libyque.pdf  [15.07.2009], 2002.

Charaudeau, Patrick et Maingueneau, Dominique, Dictionnaire d’analyse de discours, Paris, Seuil, 2002.

Lakjaa, Abdelkader, « La ville en question – analyse des dynamiques urbaines en Algérie”, in      Penser la ville - approches comparatives, Khenchela : Algérie (Colloque 2008) (à    paraître).

Lamizet, Bernard « Y a-t-il un ″parler jeune″ ? » in cahiers de sociolinguistique, n° 09, Rennes, P.U.R., 2004.

Oussedik, Fatma (dir), Raconte-moi ta ville, essai sur l’appropriation culturelle de la ville d’Alger, Alger, ENAG éditions, 2008

Taleb Ibrahimi, Khaoula, Les Algériens et leur(s) langue(s), Alger, Editions El Hikma, 1997.

notes

* Doctorant en sciences du langage, Université d’Oran, Chercheur associé au CRASC.

[1] La Décennie noire est une expression utilisée pour désigner les années du terrorisme qu’a connues l’Algérie dans les années 1990 après l’annulation, par le gouvernement algérien, des résultats du premier tour des élections législatives de décembre 1991, anticipant la victoire du Front Islamique du Salut.

[2] Le Printemps noir désigne les événements sanglants de Kabylie survenus en avril 2001, suite à l’assassinat de Massinissa Guermah, un jeune lycéen, dans les locaux de la Gendarmerie Nationale de Ath Douala, Tizi Ouzou.

[3] « Houma », terme en arabe algérien, désigne une petite unité spatiale qui constitue le noyau d’un étroit rapport de voisinage déterminant le comportement des résidents face à leur environnement socio spatial.

[4] Taleb Ibrahimi, Khaoula,  Les Algériens et leur(s) langue(s), Alger, Editions El Hikma, 1997, p. 27.

[5] Lakjaa, Abdelkader, « La ville en question – analyse des dynamiques urbaines en Algérie”, in Penser la ville - approches comparatives, Khenchela-Algérie (Colloque 2008) (à paraître), p. 3.

[6] Belguidoum, Saïd, « La ville en question – analyse des dynamiques urbaines en Algérie”, in Penser la ville - approches comparatives, Khenchela - Algérie (Colloque 2008) (à paraître). p.4.

[7] Oussedik, Fatma (dir), Raconte-moi ta ville, essai sur l’appropriation culturelle de la ville d’Alger, Alger, ENAG Éditions, 2008, p.8.

[8] Bulot, Thierry, Langue urbaine et identité, Paris, L’Harmattan, 1999, p. 43.

[9] Op. cit, p. 21.

[10] Op. cit, p. 31.

[11] Le Printemps berbère (20 avril 1980), (en berbère : Tafsut Imazighen) désigne le mouvement citoyen revendiquant l'officialisation de la langue tamazight et la reconnaissance de l'identité et de la langue berbère en Algérie à partir de 1980 en Kabylie et à Alger.

[12] Chaker, Salem, « L’écriture libyco-berbère. Etat des lieux, déchiffrement et perspectives linguistiques et sociolinguistiques » in Colloque annuel de la SHESL, 2002, Lyon-ENS http://www.inalco.fr/crb/pages_html/webdoc/libyque.pdf, p. 4.

[13] Lamizet, Bernard, « Y a-t-il un « parler jeune » ? in cahiers de sociolinguistique, n° 09, Rennes, P.U.R, 2004, p. 81.

Appels à contribution

logo du crasc
insaniyat@ crasc.dz
C.R.A.S.C. B.P. 1955 El-M'Naouer Technopôle de l'USTO Bir El Djir 31000 Oran
+ 213 41 62 06 95
+ 213 41 62 07 03
+ 213 41 62 07 05
+ 213 41 62 07 11
+ 213 41 62 06 98
+ 213 41 62 07 04

Recherche