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Sepideh PARSAPAJOUH and Mathieu TERRIER (dir.), (2019), Cimetières et tombes dans les mondes musulmans. À la croisée des enjeux religieux, politiques et mémoriels. Revue des mondes musulmans et de la Méditerranée, Remmm, 146 (2-2019), avril 2020, 271 p.

Le projet de ce numéro est né de l’atelier sur « Le cimetière à la croisée des politiques : espace, État, religion », présenté au premier congrès du GIS « Moyen-Orient et Mondes Musulmans », le 7 juillet 2015 à l’Institut National des Langues et Civilisations Orientales de Paris. Certaines communications présentées à cet atelier ont donné lieu à des articles publiés dans ce dossier, rejointes par d’autres contributions. (p. 19).

En guise d’introduction, il est important de rappeler que les contributions de ce numéro convergent pour dire que les cimetières ont été conçus comme jardins des morts et comme mémorial. Toutefois, l'inscription sur les monuments commémoratifs, la conception des monuments, le choix des pierres, l'architecture et l'aménagement paysager éclairent les coutumes et événements sociaux passés et se combinent pour faire du cimetière une ressource historique irremplaçable. En tant que document important de l'histoire sociale, chaque cimetière est également la biographie de sa communauté et certains cimetières sont dédiés à une religion et/ou communauté particulière. Un cimetière est un lieu où sont enterrés les cadavres, c'est un lieu mis de côté, soit par une autorité gouvernementale, soit par une entreprise privée aux enterrements. Les cérémonies ou rites diffèrent selon les pratiques culturelles et les croyances religieuses. Les rituels ont la capacité de se transmettre à travers les générations, ils sont des structures qui favorisent un sentiment de continuité de l'expérience du passé vers le futur. Aussi, ils sont capables de rappeler des souvenirs qui aident les individus à maintenir à la fois leurs valeurs et normes des groupes sociaux et  par leur aspect symbolique, ils possèdent la capacité de communiquer à un niveau plus profond que les mots. Brièvement, le rituel est un récipient dans le temps par lequel nous nous souvenons de ce qui est important pour nous.

Cependant et afin de cerner les enjeux religieux, politiques et mémoriels des espaces funéraires dans les mondes musulmans, ce numéro thématique s’étale sur quatre parties. La première partie est consacrée aux « croyances et pratiques funéraires entre orthodoxie et hétérodoxie » avec deux contributions traitant de la question de la tombe. La première s’intitule : « la tombe comme isthme (barzakh) entre les vivants et les morts : points de vue croisés du soufisme et du shī‘isme imāmite (al-Ghazālī et al-Fayḍ al-Kāshānī) » et la deuxième : « la tombe, miroir de la destinée des morts ? Analyse de différents espaces funéraires dans une ville de pèlerinage pakistanaise  (Sehwan Sharīf, Sindh) ». La deuxième partie porte sur les « croyances, pouvoir et mémoire en tension : L'islam en contexte socialiste ». Deux contributions viennent discuter cette problématique. La première est intitulée : « les jeux de l’ombre et de la lumière : ce que nous disent des tombeaux de saints musulmans sur une forme contemporaine de sainteté (Chine, Gansu, 1968-2018) ». La deuxième s’intitule : « honorer ses morts en socialisme, une économie de l’islam kazakh (1960-1980) ». À travers les deux articles, il est montré que « dans des régimes [socialistes] dont l’attitude à l’égard du religieux, et de l’islam en particulier, a oscillé entre l’hostilité, l’indifférence et la volonté de récupération, les espaces et les pratiques funéraires s’avèrent des lieux de résistance et de résilience de l’identité. » (p. 16). La troisième partie s’intéresse aux pratiques funéraires en terre (s) d’émigration. Elle est intitulée : « reterritorialiser la mort, cimetières musulmans en terre d'émigration ». Le premier texte aborde « l’islam tropical face à la mort : Une ethnographie du cimetière musulman de Guarulhos (São Paulo) ». Dans la même perspective, le deuxième se penche sur les « transformations des lieux d’inhumation des musulmans dans le Grand Londres ». Dans les deux contextes, le choix d’une inhumation sur place est un processus décisif et complexe. La quatrième partie est dédiée aux « croyances, pouvoir et mémoire en tension : Des cimetières du monde chiite ». Le premier texte s’intéresse aux pratiques dans le monde rural, il s’agit du texte traitant de la question des « morts invisibles versus morts mis en scène ? Enjeux mémoriels dans les cimetières villageois du Liban-Sud ». En revanche, le deuxième texte est axé sur les pratiques dans la ville, il est intitulé « "le Paradis de Zahra" : le grand cimetière de Téhéran entre pratiques populaires et rationalité étatique ». Malgré cette divergence, les deux textes montrent comment les conflits des dernières décennies ont placé la notion de martyre dans un rang très élevé. Par conséquence, cela impacte fortement la réappropriation des espaces funéraires et les pratiques rituelles. 

Les études traitant des cimetières au sein de la culture, de la société et de l'histoire intellectuelle et religieuse de l'Islam, visent à combler une lacune dans un domaine jusque-là peu étudié. Ces études contribueront à une meilleure compréhension des attitudes islamiques envers la mort, l'au-delà, l'inhumation, le culte mortuaire, la mémoire et les relations entre les mondes des vivants et des morts. Elles montrent que nous sommes confrontés à des sociétés religieuses, qui incluent les traditions judéo-chrétiennes où Dieu est l'axe principal de tout mais avec des contributions originales par rapport aux autres religions monothéistes. La vie d'un musulman est conditionnée, tout ce qu'il fait et dit aura sa récompense ou sa punition dans l'au-delà. Les hadiths et les œuvres eschatologiques régulent tous les aspects de la vie quotidienne et spécifiquement les funéraires. Dans tous les traités d'eschatologie, la mort occupe une place prépondérante. Dans le Coran, l'arrivée du Jugement dernier est un thème récurrent. Par conséquence, le croyant doit mener une vie ordonnée et pieuse toujours consciente de sa propre mort qui le rend digne du Paradis.

In fine, les textes de ce numéro affirment la survivance des traditions et des pratiques très anciennes «  […] à l’époque où dans les sociétés occidentales, la gestion de la mort est largement passée entre les mains d’États modernes et sécularisés (Lauwers, 2005 ; Ariès 1977 ; Thomas, 1975). Il en va autrement dans les mondes musulmans. Dans toutes ces sociétés, que l’islam soit ou non religion officielle, et même en situation minoritaire, les mêmes pratiques, les mêmes rites et les mêmes croyances restent omniprésents dans les espaces dédiés aux morts, quels que soient leur taille, leur situation matérielle et leur mode de gestion. » (p. 18).

Mohamed HIRRECHE BAGHDAD

 

 

 

 

 

 

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